Jazz live
Publié le 11 Fév 2019

Bayonne: Portal Peirani Parisien en totale confluence

Dernier acte de Confluences, rendez-vous culturel à Bayonne consacré cette année à Michel Portal. Concert de clôture dans l'Auditorium du Conservatoire où le musicien bayonnais avait initié sa trajectoire. Trio des trois P, Portal Parisien Peirani en feu d'artifice. Et désormais, pour ne pas publier, le Théâtre de la ville porte le nom de Michel Portal...

C’était comme un match de rugby: deux mi-temps avec au milieu un retour au vestiaire. Normal au fond, la salle du Conservatoire ne se situe jamais qu’à moins d’un km à vol de ballon ovale du stade Jean Dauger. Dans le quart d’heure de pause deux joueurs se sentaient fatigués. Sauf qu’en jazz pas de remplacement possible en cours de match. Heureusement d’ailleurs, car aux dires du capitaine Portal, en seconde mi temps le jeu pratiqué fut de qualité supérieure. 

Michel Portal (cl, bcl), Emile Parisien (ss), Vincent Peirani (acc)

Confluences, Auditorium Henri Grenet, Bayonne (64100) 1à février

 

 

« Dans cette salle, la faute à l’humidité sans doute, le bois de la clarinette ne chauffe pas. Alors vu le tempo de ce morceau, ça ne pardonne pas, dur dur dans ses conditions de souffler là dedans… » Michel Portal confesse que « Blow up » (thème souvent interprété avec Richard Galliano), sa première intervention de la soirée en duo avec Vincent Peirani-en première mi temps- ne fut pas une parie de plaisir. Qu’importe: devant sa famille bayonnaise, la motivation a fait le reste. La complicité, les clins d’oeil musicaux, les petits sketchs d’humour produits en notes ou mots jouaient le rôle de feu le citron des mi-temps d’hier sur les pelouses des terres d’ovalie.. Le jeu ouvert, à l’habitude, du trio s’en trouva emballé pour ne pas dire emballant. « Valse pour MP », composition  de l’accordeoniste en donna un exemple notoire. Occasion d’un duo clarinette-accordéon détonnant. Occasion aussi de défis successifs bâtis sur autant de passes croisées, Alors, tandis que Portal pousse l’esprit musette jusqu’à la caricature savante, l’accordéon de Peirani répond par une déconstruction saisissante, harmonique autant que rythmique. Limite du vertige dans la transgression des règles. Episode d’attaques plus coulées ensuite, plus en douceur dans le déroulement répété sur « Max mon amour » -2e mi-temps- La sonorité boisée de la clarinette basse versée dans le suave sinon le moelleux donne cette fois la tonalité. Vincent Peirani répond en harmonie, puis en opposition de phase question texture sonore. La ballade à deux se fait dans des couleurs claires. Apaisées. On aura noté auparavant, en introduction de chaque mi-temps d’ailleurs, de la fougue, de la virtuosité vraie, pas gratuite sur le « Temptation Rag » de la part d’Emile Parisien avec , en soutien cette fois les vagues régulières de l’accordéon. Ou lorsque l’effet de souffle du sax soprano démarré sur un modèle de jazz danse de rue, part soudain en une sinusoïde rageuse vers un horizon d’espace très libre. Éclaté mais enjoué. Ce qui toujours, ravit le public. Et tire un sourire à Michel Portal demeuré spectateur.

 

Emile Parisien

Cinquante minutes, un peu plus un peu moins put-être par période, ce temps de jeu -à haute intensité, faut-il le préciser- laisse un champ réduit en terme de thèmes explorés. Il y aura néanmoins place chaque fois pour « Cuba si Cuba no”, drôle de séquence d’inspiration portalienne pour une musique, qui au final, en affichage comme en contenu, n’a que peu à voir avec les couleurs que l’on attendrait de ce titre. Mais qui donna lieu, en deuxième partie à des fulgurances de la part de Vincent Peirani. Lequel confère décidément à son instrument un rôle à part, unique, exploratoire, très personnel en tous cas en matière d’improvisation.

 

Vincent Peirani

Au final l’audience bayonnaise ne comptait visiblement pas lâcher Michel Portal de si tôt, ni ses complices du soir en cette dernière soirée de concert en mode d’hommage de sa ville. Dans les murs du Conservatoire de sa cité natale, là ou son itinéraire avait débuté soixante quinze années auparavant,  le musicien honoré ne faisait au fond que mettre en pratique, une fois encore, son art de la confluence en matière de musique vivante. Ce désir possessif exprimé brut de la part du  public signifiait sans doute, qu’à Bayonne, les occasions de le réaliser cet art musical singulier n’ont pas été si fréquentes.

 

 

Robert Latxague