Jazz live
Publié le 12 Mai 2012

Boni, Golino, Lasserre, Concerts Secrets # 8, Bordeaux

Secrets et nomades, les concerts initiés par Yan Beigbeder et « Einstein On The Beach » avaient trouvé leur point de chute hier soir le long des murs très bétonnés du Palais des Sports de Bordeaux. Restait à chercher l’arbre et l’oiseau, qui devaient se trouver non loin de là sur le cours Victor Hugo, face au Lycée Montaigne, ou, mieux encore, dans la musique proposée à l’écoute des cinquante personnes qui avaient accepté le rendez-vous, au soir d’une chaude journée d’été.


Raymond Boni a construit son solo en quatre temps, trois d’entre eux voués à la guitare et le quatrième réservé à l’harmonica. Marquée par une exceptionnelle technicité, ne se refusant aucune audace sonore, sa musique est essentiellement voyageuse quant à ses espaces, et striée de multiples nervures quant à son tempo. D’abord rêveur, n’utilisant aucun effet de pédale, de boucles ou d’échos, Raymond Boni a ensuite développé un propos tour à tour violemment urbain, puis maritime, voire désertique. Stridences, souffles, vents marins, échos de structures métalliques et autres résonances ont envahi l’espace et le temps, sans jamais que nous ne perdions le fil imaginaire qui relie cette musique à nos affects.

 

Le deuxième concert réunissait pour la troisième fois deux musiciens bordelais, dont le premier (Didier Lasserre, batterie) a déjà laissé son nom attaché à de nombreuses séances enregistrées, entre autres le superbe « Ballades » publié chez Ayler Records sous le nom du « Free Unfold Trio », et dont le second reste délibérément l’un des secrets les mieux gardés (par lui-même) de la scène bordelaise : il se nomme Alex Golino et joue du saxophone ténor. Habituellement, il se fait entendre à Bordeaux dans des contextes plutôt mainstream, par exemple avec le contrebassiste Pierre-Yves Sorin, le guitariste Dave Blenkhorn et le batteur Guillaume Nouaux. La rencontre du drumming très libre du premier et de la musique habitée mais contenue du second tenait donc – et pour une fois l’expression est justifiée – de la plus stricte improbabilité. « Work In Progress » ? Il faut le croire, car pour qu’advienne entre eux une musique originale, chacun doit ne pas céder sur lui-même et son désir, tout en acceptant l’inévitable brouillage de l’autre. A ce jeu tout à fait risqué – et là encore ce mot galvaudé résonnait juste – ils ont parfois donné le sentiment de se chercher encore dans des espaces pas tout à fait balisés, et ne se sont trouvés (à mon sens) que lorsque le recours à une thématique connue (« I Can’t Get Started » par exemple) forçait un chemin qu’on pourrait croire de traverse, alors qu’en réalité il est parfaitement assumé par chacun, dans ses contraintes et ses espaces de création. A suivre donc, mais aussi à donner en exemple.

 

Puisqu’on en est à parler d’exemple, il serait bien que les partenaires institutionnels de la chose culturelle et musicale à Bordeaux, en Gironde et dans la région Aquitaine se soucient un peu plus et un peu mieux de ce qui se trame, contre vents et marées, sur les scènes de la région. Car si l’on excepte l’OARA (« Office Artistique Régional Aquitain ») qui soutient au moins une fois par an des projets originaux par des résidences de travail souvent très productives (voir Leila Martial par exemple, qui en a bénéficié juste avant son actuelle éclosion), l’intervention des collectivités dans la diffusion du jazz se ramène à un soutien (légitime) de la scène de cultures du monde appelée « Rocher de Palmer », dont ce n’est pas la vocation d’aller chercher à tout prix les talents émergents (en région mais aussi bien en France ou à l’étranger) dans la mesure où pèse sur elle une obligation de résultats assez lourde. On pourrait donc concevoir qu’à terme, l’Aquitaine, la Gironde, et surtout la ville de Bordeaux, donnent une autre image en terme de diffusion du jazz et des musiques affines que celle d’un parfait désert. Ce qui n’empêche pas, reconnaissons-le, les musiciens d’ici de jouer là où ils peuvent, quand ils peuvent, et dans les conditions que l’on sait ou que l’on devine. Mais à l’ère du changement, il serait bienvenu de penser à faire mieux.


Philippe Méziat

 

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Secrets et nomades, les concerts initiés par Yan Beigbeder et « Einstein On The Beach » avaient trouvé leur point de chute hier soir le long des murs très bétonnés du Palais des Sports de Bordeaux. Restait à chercher l’arbre et l’oiseau, qui devaient se trouver non loin de là sur le cours Victor Hugo, face au Lycée Montaigne, ou, mieux encore, dans la musique proposée à l’écoute des cinquante personnes qui avaient accepté le rendez-vous, au soir d’une chaude journée d’été.


Raymond Boni a construit son solo en quatre temps, trois d’entre eux voués à la guitare et le quatrième réservé à l’harmonica. Marquée par une exceptionnelle technicité, ne se refusant aucune audace sonore, sa musique est essentiellement voyageuse quant à ses espaces, et striée de multiples nervures quant à son tempo. D’abord rêveur, n’utilisant aucun effet de pédale, de boucles ou d’échos, Raymond Boni a ensuite développé un propos tour à tour violemment urbain, puis maritime, voire désertique. Stridences, souffles, vents marins, échos de structures métalliques et autres résonances ont envahi l’espace et le temps, sans jamais que nous ne perdions le fil imaginaire qui relie cette musique à nos affects.

 

Le deuxième concert réunissait pour la troisième fois deux musiciens bordelais, dont le premier (Didier Lasserre, batterie) a déjà laissé son nom attaché à de nombreuses séances enregistrées, entre autres le superbe « Ballades » publié chez Ayler Records sous le nom du « Free Unfold Trio », et dont le second reste délibérément l’un des secrets les mieux gardés (par lui-même) de la scène bordelaise : il se nomme Alex Golino et joue du saxophone ténor. Habituellement, il se fait entendre à Bordeaux dans des contextes plutôt mainstream, par exemple avec le contrebassiste Pierre-Yves Sorin, le guitariste Dave Blenkhorn et le batteur Guillaume Nouaux. La rencontre du drumming très libre du premier et de la musique habitée mais contenue du second tenait donc – et pour une fois l’expression est justifiée – de la plus stricte improbabilité. « Work In Progress » ? Il faut le croire, car pour qu’advienne entre eux une musique originale, chacun doit ne pas céder sur lui-même et son désir, tout en acceptant l’inévitable brouillage de l’autre. A ce jeu tout à fait risqué – et là encore ce mot galvaudé résonnait juste – ils ont parfois donné le sentiment de se chercher encore dans des espaces pas tout à fait balisés, et ne se sont trouvés (à mon sens) que lorsque le recours à une thématique connue (« I Can’t Get Started » par exemple) forçait un chemin qu’on pourrait croire de traverse, alors qu’en réalité il est parfaitement assumé par chacun, dans ses contraintes et ses espaces de création. A suivre donc, mais aussi à donner en exemple.

 

Puisqu’on en est à parler d’exemple, il serait bien que les partenaires institutionnels de la chose culturelle et musicale à Bordeaux, en Gironde et dans la région Aquitaine se soucient un peu plus et un peu mieux de ce qui se trame, contre vents et marées, sur les scènes de la région. Car si l’on excepte l’OARA (« Office Artistique Régional Aquitain ») qui soutient au moins une fois par an des projets originaux par des résidences de travail souvent très productives (voir Leila Martial par exemple, qui en a bénéficié juste avant son actuelle éclosion), l’intervention des collectivités dans la diffusion du jazz se ramène à un soutien (légitime) de la scène de cultures du monde appelée « Rocher de Palmer », dont ce n’est pas la vocation d’aller chercher à tout prix les talents émergents (en région mais aussi bien en France ou à l’étranger) dans la mesure où pèse sur elle une obligation de résultats assez lourde. On pourrait donc concevoir qu’à terme, l’Aquitaine, la Gironde, et surtout la ville de Bordeaux, donnent une autre image en terme de diffusion du jazz et des musiques affines que celle d’un parfait désert. Ce qui n’empêche pas, reconnaissons-le, les musiciens d’ici de jouer là où ils peuvent, quand ils peuvent, et dans les conditions que l’on sait ou que l’on devine. Mais à l’ère du changement, il serait bienvenu de penser à faire mieux.


Philippe Méziat

 

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Secrets et nomades, les concerts initiés par Yan Beigbeder et « Einstein On The Beach » avaient trouvé leur point de chute hier soir le long des murs très bétonnés du Palais des Sports de Bordeaux. Restait à chercher l’arbre et l’oiseau, qui devaient se trouver non loin de là sur le cours Victor Hugo, face au Lycée Montaigne, ou, mieux encore, dans la musique proposée à l’écoute des cinquante personnes qui avaient accepté le rendez-vous, au soir d’une chaude journée d’été.


Raymond Boni a construit son solo en quatre temps, trois d’entre eux voués à la guitare et le quatrième réservé à l’harmonica. Marquée par une exceptionnelle technicité, ne se refusant aucune audace sonore, sa musique est essentiellement voyageuse quant à ses espaces, et striée de multiples nervures quant à son tempo. D’abord rêveur, n’utilisant aucun effet de pédale, de boucles ou d’échos, Raymond Boni a ensuite développé un propos tour à tour violemment urbain, puis maritime, voire désertique. Stridences, souffles, vents marins, échos de structures métalliques et autres résonances ont envahi l’espace et le temps, sans jamais que nous ne perdions le fil imaginaire qui relie cette musique à nos affects.

 

Le deuxième concert réunissait pour la troisième fois deux musiciens bordelais, dont le premier (Didier Lasserre, batterie) a déjà laissé son nom attaché à de nombreuses séances enregistrées, entre autres le superbe « Ballades » publié chez Ayler Records sous le nom du « Free Unfold Trio », et dont le second reste délibérément l’un des secrets les mieux gardés (par lui-même) de la scène bordelaise : il se nomme Alex Golino et joue du saxophone ténor. Habituellement, il se fait entendre à Bordeaux dans des contextes plutôt mainstream, par exemple avec le contrebassiste Pierre-Yves Sorin, le guitariste Dave Blenkhorn et le batteur Guillaume Nouaux. La rencontre du drumming très libre du premier et de la musique habitée mais contenue du second tenait donc – et pour une fois l’expression est justifiée – de la plus stricte improbabilité. « Work In Progress » ? Il faut le croire, car pour qu’advienne entre eux une musique originale, chacun doit ne pas céder sur lui-même et son désir, tout en acceptant l’inévitable brouillage de l’autre. A ce jeu tout à fait risqué – et là encore ce mot galvaudé résonnait juste – ils ont parfois donné le sentiment de se chercher encore dans des espaces pas tout à fait balisés, et ne se sont trouvés (à mon sens) que lorsque le recours à une thématique connue (« I Can’t Get Started » par exemple) forçait un chemin qu’on pourrait croire de traverse, alors qu’en réalité il est parfaitement assumé par chacun, dans ses contraintes et ses espaces de création. A suivre donc, mais aussi à donner en exemple.

 

Puisqu’on en est à parler d’exemple, il serait bien que les partenaires institutionnels de la chose culturelle et musicale à Bordeaux, en Gironde et dans la région Aquitaine se soucient un peu plus et un peu mieux de ce qui se trame, contre vents et marées, sur les scènes de la région. Car si l’on excepte l’OARA (« Office Artistique Régional Aquitain ») qui soutient au moins une fois par an des projets originaux par des résidences de travail souvent très productives (voir Leila Martial par exemple, qui en a bénéficié juste avant son actuelle éclosion), l’intervention des collectivités dans la diffusion du jazz se ramène à un soutien (légitime) de la scène de cultures du monde appelée « Rocher de Palmer », dont ce n’est pas la vocation d’aller chercher à tout prix les talents émergents (en région mais aussi bien en France ou à l’étranger) dans la mesure où pèse sur elle une obligation de résultats assez lourde. On pourrait donc concevoir qu’à terme, l’Aquitaine, la Gironde, et surtout la ville de Bordeaux, donnent une autre image en terme de diffusion du jazz et des musiques affines que celle d’un parfait désert. Ce qui n’empêche pas, reconnaissons-le, les musiciens d’ici de jouer là où ils peuvent, quand ils peuvent, et dans les conditions que l’on sait ou que l’on devine. Mais à l’ère du changement, il serait bienvenu de penser à faire mieux.


Philippe Méziat

 

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Secrets et nomades, les concerts initiés par Yan Beigbeder et « Einstein On The Beach » avaient trouvé leur point de chute hier soir le long des murs très bétonnés du Palais des Sports de Bordeaux. Restait à chercher l’arbre et l’oiseau, qui devaient se trouver non loin de là sur le cours Victor Hugo, face au Lycée Montaigne, ou, mieux encore, dans la musique proposée à l’écoute des cinquante personnes qui avaient accepté le rendez-vous, au soir d’une chaude journée d’été.


Raymond Boni a construit son solo en quatre temps, trois d’entre eux voués à la guitare et le quatrième réservé à l’harmonica. Marquée par une exceptionnelle technicité, ne se refusant aucune audace sonore, sa musique est essentiellement voyageuse quant à ses espaces, et striée de multiples nervures quant à son tempo. D’abord rêveur, n’utilisant aucun effet de pédale, de boucles ou d’échos, Raymond Boni a ensuite développé un propos tour à tour violemment urbain, puis maritime, voire désertique. Stridences, souffles, vents marins, échos de structures métalliques et autres résonances ont envahi l’espace et le temps, sans jamais que nous ne perdions le fil imaginaire qui relie cette musique à nos affects.

 

Le deuxième concert réunissait pour la troisième fois deux musiciens bordelais, dont le premier (Didier Lasserre, batterie) a déjà laissé son nom attaché à de nombreuses séances enregistrées, entre autres le superbe « Ballades » publié chez Ayler Records sous le nom du « Free Unfold Trio », et dont le second reste délibérément l’un des secrets les mieux gardés (par lui-même) de la scène bordelaise : il se nomme Alex Golino et joue du saxophone ténor. Habituellement, il se fait entendre à Bordeaux dans des contextes plutôt mainstream, par exemple avec le contrebassiste Pierre-Yves Sorin, le guitariste Dave Blenkhorn et le batteur Guillaume Nouaux. La rencontre du drumming très libre du premier et de la musique habitée mais contenue du second tenait donc – et pour une fois l’expression est justifiée – de la plus stricte improbabilité. « Work In Progress » ? Il faut le croire, car pour qu’advienne entre eux une musique originale, chacun doit ne pas céder sur lui-même et son désir, tout en acceptant l’inévitable brouillage de l’autre. A ce jeu tout à fait risqué – et là encore ce mot galvaudé résonnait juste – ils ont parfois donné le sentiment de se chercher encore dans des espaces pas tout à fait balisés, et ne se sont trouvés (à mon sens) que lorsque le recours à une thématique connue (« I Can’t Get Started » par exemple) forçait un chemin qu’on pourrait croire de traverse, alors qu’en réalité il est parfaitement assumé par chacun, dans ses contraintes et ses espaces de création. A suivre donc, mais aussi à donner en exemple.

 

Puisqu’on en est à parler d’exemple, il serait bien que les partenaires institutionnels de la chose culturelle et musicale à Bordeaux, en Gironde et dans la région Aquitaine se soucient un peu plus et un peu mieux de ce qui se trame, contre vents et marées, sur les scènes de la région. Car si l’on excepte l’OARA (« Office Artistique Régional Aquitain ») qui soutient au moins une fois par an des projets originaux par des résidences de travail souvent très productives (voir Leila Martial par exemple, qui en a bénéficié juste avant son actuelle éclosion), l’intervention des collectivités dans la diffusion du jazz se ramène à un soutien (légitime) de la scène de cultures du monde appelée « Rocher de Palmer », dont ce n’est pas la vocation d’aller chercher à tout prix les talents émergents (en région mais aussi bien en France ou à l’étranger) dans la mesure où pèse sur elle une obligation de résultats assez lourde. On pourrait donc concevoir qu’à terme, l’Aquitaine, la Gironde, et surtout la ville de Bordeaux, donnent une autre image en terme de diffusion du jazz et des musiques affines que celle d’un parfait désert. Ce qui n’empêche pas, reconnaissons-le, les musiciens d’ici de jouer là où ils peuvent, quand ils peuvent, et dans les conditions que l’on sait ou que l’on devine. Mais à l’ère du changement, il serait bienvenu de penser à faire mieux.


Philippe Méziat