Jazz live
Publié le 23 Avr 2014

Ce soir on paroxyse

Manière de pèlerinage et de retrouvailles presque inespérées, une soirée aux Instants Chavirés particulièrement et subjectivement bien nommés, entre anamnèse et promesses ou fantasmes de lendemains qui changent. 

Peter Brözmann (saxophone ténor, clarinette, taragot), Steve Noble (batterie).

Mardi 22 avril, Les Instants Chavirés, Montreuil (93)

Comme une explosive efflorescence du grain post-scriptum lancé il n’y a guère sur ce site et qui ici, ce soir-là, retrouvait un terreau convenable et révélateur. (D’autant que rarement le subjectivisme aura opéré aussi explicitement qu’en ce moment donné.) D’emblée, le volume, l’intensité, la puissance, la vitesse déboulent impitoyablement et chaleureusement sous le souffle et les doigts du saxophoniste et du batteur, comme en un rêve hébreu devant les murailles de Jéricho ou, plus personnellement, comme si Peter Brötzmann, le flux de son ténor catapulté par l’acharnée tambourinade de Steve Noble, était en train de donner matière et sens à l’intitulé de ses désormais mémorables “Conversations with Gérard Rouy” (ed. Wolke Verlag Hofheim): We thought we could change the world, le temps de ces instants chavirants, quelque chose de notre monde étant en train de changer (nous renvoyant presque à ce silence d’après Mozart dont nous parlait Guitry). A cette suite diluvienne dont l’énergie respiratoire et musculaire ne laisse pas de stupéfier (même pour qui a fréquenté longtemps les climats brötzmanniens), le souffleur, à la fois pour ménager sa capacité pulmonaire et varier la couleur des passions, offrit un prolongement pas moins torrentueux mais différemment et littéralement canalisé par le diamètre des tuyaux, le matériau, l’embouchure… Bref, il nous rappela qu’en d’autres occasions aucun engin de la famille des anches et des bois ne lui était étranger, alternant son énergique taragot et une plus fluente clarinette (occasion pour quelques obsessionnels de notre acabit de ne pas oublier son récent hommage au Iranic rarement cité de Jimmy Giuffre) au gré d’autres vifs méandres jalonnés-balisés constamment et irrésistiblement (voire autoritairement) par la virtuosité très battante, quels que soient les idiophones et outils sollicités (maracas en guise de baguettes, mailloches, mains nues…),de Noble dans sa fonction de frappeur presque robotique, digne des joueurs chargés d’alimenter-entretenir la transe des “Maîtres fous” de Jean Rouch. Car c’est bien de cet ordre-là que venait de participer l’expérience collective proposée, sorte de rituel où chacun avait toute (?) liberté d’entrer, selon les constituants de sa biographie et de ce qu’on résumera-englobera sous la vague étiquette “humeur”, voire état physiologique, du moment. A quoi, je ne résiste pas à l’envie de préciser que, ridicule détail spéculaire, Peter Brötzmann est, à trois jours près, mon exact contemporain. Philippe Carles

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Manière de pèlerinage et de retrouvailles presque inespérées, une soirée aux Instants Chavirés particulièrement et subjectivement bien nommés, entre anamnèse et promesses ou fantasmes de lendemains qui changent. 

Peter Brözmann (saxophone ténor, clarinette, taragot), Steve Noble (batterie).

Mardi 22 avril, Les Instants Chavirés, Montreuil (93)

Comme une explosive efflorescence du grain post-scriptum lancé il n’y a guère sur ce site et qui ici, ce soir-là, retrouvait un terreau convenable et révélateur. (D’autant que rarement le subjectivisme aura opéré aussi explicitement qu’en ce moment donné.) D’emblée, le volume, l’intensité, la puissance, la vitesse déboulent impitoyablement et chaleureusement sous le souffle et les doigts du saxophoniste et du batteur, comme en un rêve hébreu devant les murailles de Jéricho ou, plus personnellement, comme si Peter Brötzmann, le flux de son ténor catapulté par l’acharnée tambourinade de Steve Noble, était en train de donner matière et sens à l’intitulé de ses désormais mémorables “Conversations with Gérard Rouy” (ed. Wolke Verlag Hofheim): We thought we could change the world, le temps de ces instants chavirants, quelque chose de notre monde étant en train de changer (nous renvoyant presque à ce silence d’après Mozart dont nous parlait Guitry). A cette suite diluvienne dont l’énergie respiratoire et musculaire ne laisse pas de stupéfier (même pour qui a fréquenté longtemps les climats brötzmanniens), le souffleur, à la fois pour ménager sa capacité pulmonaire et varier la couleur des passions, offrit un prolongement pas moins torrentueux mais différemment et littéralement canalisé par le diamètre des tuyaux, le matériau, l’embouchure… Bref, il nous rappela qu’en d’autres occasions aucun engin de la famille des anches et des bois ne lui était étranger, alternant son énergique taragot et une plus fluente clarinette (occasion pour quelques obsessionnels de notre acabit de ne pas oublier son récent hommage au Iranic rarement cité de Jimmy Giuffre) au gré d’autres vifs méandres jalonnés-balisés constamment et irrésistiblement (voire autoritairement) par la virtuosité très battante, quels que soient les idiophones et outils sollicités (maracas en guise de baguettes, mailloches, mains nues…),de Noble dans sa fonction de frappeur presque robotique, digne des joueurs chargés d’alimenter-entretenir la transe des “Maîtres fous” de Jean Rouch. Car c’est bien de cet ordre-là que venait de participer l’expérience collective proposée, sorte de rituel où chacun avait toute (?) liberté d’entrer, selon les constituants de sa biographie et de ce qu’on résumera-englobera sous la vague étiquette “humeur”, voire état physiologique, du moment. A quoi, je ne résiste pas à l’envie de préciser que, ridicule détail spéculaire, Peter Brötzmann est, à trois jours près, mon exact contemporain. Philippe Carles

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Manière de pèlerinage et de retrouvailles presque inespérées, une soirée aux Instants Chavirés particulièrement et subjectivement bien nommés, entre anamnèse et promesses ou fantasmes de lendemains qui changent. 

Peter Brözmann (saxophone ténor, clarinette, taragot), Steve Noble (batterie).

Mardi 22 avril, Les Instants Chavirés, Montreuil (93)

Comme une explosive efflorescence du grain post-scriptum lancé il n’y a guère sur ce site et qui ici, ce soir-là, retrouvait un terreau convenable et révélateur. (D’autant que rarement le subjectivisme aura opéré aussi explicitement qu’en ce moment donné.) D’emblée, le volume, l’intensité, la puissance, la vitesse déboulent impitoyablement et chaleureusement sous le souffle et les doigts du saxophoniste et du batteur, comme en un rêve hébreu devant les murailles de Jéricho ou, plus personnellement, comme si Peter Brötzmann, le flux de son ténor catapulté par l’acharnée tambourinade de Steve Noble, était en train de donner matière et sens à l’intitulé de ses désormais mémorables “Conversations with Gérard Rouy” (ed. Wolke Verlag Hofheim): We thought we could change the world, le temps de ces instants chavirants, quelque chose de notre monde étant en train de changer (nous renvoyant presque à ce silence d’après Mozart dont nous parlait Guitry). A cette suite diluvienne dont l’énergie respiratoire et musculaire ne laisse pas de stupéfier (même pour qui a fréquenté longtemps les climats brötzmanniens), le souffleur, à la fois pour ménager sa capacité pulmonaire et varier la couleur des passions, offrit un prolongement pas moins torrentueux mais différemment et littéralement canalisé par le diamètre des tuyaux, le matériau, l’embouchure… Bref, il nous rappela qu’en d’autres occasions aucun engin de la famille des anches et des bois ne lui était étranger, alternant son énergique taragot et une plus fluente clarinette (occasion pour quelques obsessionnels de notre acabit de ne pas oublier son récent hommage au Iranic rarement cité de Jimmy Giuffre) au gré d’autres vifs méandres jalonnés-balisés constamment et irrésistiblement (voire autoritairement) par la virtuosité très battante, quels que soient les idiophones et outils sollicités (maracas en guise de baguettes, mailloches, mains nues…),de Noble dans sa fonction de frappeur presque robotique, digne des joueurs chargés d’alimenter-entretenir la transe des “Maîtres fous” de Jean Rouch. Car c’est bien de cet ordre-là que venait de participer l’expérience collective proposée, sorte de rituel où chacun avait toute (?) liberté d’entrer, selon les constituants de sa biographie et de ce qu’on résumera-englobera sous la vague étiquette “humeur”, voire état physiologique, du moment. A quoi, je ne résiste pas à l’envie de préciser que, ridicule détail spéculaire, Peter Brötzmann est, à trois jours près, mon exact contemporain. Philippe Carles

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Manière de pèlerinage et de retrouvailles presque inespérées, une soirée aux Instants Chavirés particulièrement et subjectivement bien nommés, entre anamnèse et promesses ou fantasmes de lendemains qui changent. 

Peter Brözmann (saxophone ténor, clarinette, taragot), Steve Noble (batterie).

Mardi 22 avril, Les Instants Chavirés, Montreuil (93)

Comme une explosive efflorescence du grain post-scriptum lancé il n’y a guère sur ce site et qui ici, ce soir-là, retrouvait un terreau convenable et révélateur. (D’autant que rarement le subjectivisme aura opéré aussi explicitement qu’en ce moment donné.) D’emblée, le volume, l’intensité, la puissance, la vitesse déboulent impitoyablement et chaleureusement sous le souffle et les doigts du saxophoniste et du batteur, comme en un rêve hébreu devant les murailles de Jéricho ou, plus personnellement, comme si Peter Brötzmann, le flux de son ténor catapulté par l’acharnée tambourinade de Steve Noble, était en train de donner matière et sens à l’intitulé de ses désormais mémorables “Conversations with Gérard Rouy” (ed. Wolke Verlag Hofheim): We thought we could change the world, le temps de ces instants chavirants, quelque chose de notre monde étant en train de changer (nous renvoyant presque à ce silence d’après Mozart dont nous parlait Guitry). A cette suite diluvienne dont l’énergie respiratoire et musculaire ne laisse pas de stupéfier (même pour qui a fréquenté longtemps les climats brötzmanniens), le souffleur, à la fois pour ménager sa capacité pulmonaire et varier la couleur des passions, offrit un prolongement pas moins torrentueux mais différemment et littéralement canalisé par le diamètre des tuyaux, le matériau, l’embouchure… Bref, il nous rappela qu’en d’autres occasions aucun engin de la famille des anches et des bois ne lui était étranger, alternant son énergique taragot et une plus fluente clarinette (occasion pour quelques obsessionnels de notre acabit de ne pas oublier son récent hommage au Iranic rarement cité de Jimmy Giuffre) au gré d’autres vifs méandres jalonnés-balisés constamment et irrésistiblement (voire autoritairement) par la virtuosité très battante, quels que soient les idiophones et outils sollicités (maracas en guise de baguettes, mailloches, mains nues…),de Noble dans sa fonction de frappeur presque robotique, digne des joueurs chargés d’alimenter-entretenir la transe des “Maîtres fous” de Jean Rouch. Car c’est bien de cet ordre-là que venait de participer l’expérience collective proposée, sorte de rituel où chacun avait toute (?) liberté d’entrer, selon les constituants de sa biographie et de ce qu’on résumera-englobera sous la vague étiquette “humeur”, voire état physiologique, du moment. A quoi, je ne résiste pas à l’envie de préciser que, ridicule détail spéculaire, Peter Brötzmann est, à trois jours près, mon exact contemporain. Philippe Carles