Jazz live
Publié le 11 Oct 2013

Cole Porter tout nu

Ce mercredi 9 octobre, Cole porter s’est montré tout nu devant une dizaine de personnes. Les responsables de cet effeuillage ont pour nom Mathilde (chanteuse), et Vladimir Médail (guitariste).

 

 

Cole Porter Project

Mercredi 09 octobre 2013, Carré parisien, Paris (75015), 20h00

Mathilde (vx), Vladimir Médail (g).

 

La scène se passait dans une petite cave de la rue du général Beuret, XVe arrondissement de Paris. Le projet de ces deux jeunes musiciens (ils n’ont pas trente ans) est d’une témérité un peu folle : restituer aux chansons de Cole Porter leur fraîcheur native. Faire comme si les Night and Day et I Love Paris n’avaient pas été chantées douze millions de fois. Débarrasser ces chansons immortelles de leur patine bleu-nuit, où l’on discerne au microscope des marques de bière et de rouge à lèvres, des traces de vernis écaillé et de rayons de lune, de la cendre de nuits blanches et des miettes de festins oubliés, et bien sûr des autographes en lettres de feu :  Ella , Sarah, Shirley, Anita.

Pour retrouver l’innocence, Mathilde et Vladimir Médail ont choisi la formule exposée du duo guitare-voix. Pendant deux sets de trois quarts d’heure ils ont tenté de rafraîchir le dessus du panier des standards  (Night and Day, I Love Paris, I‘ve Got You Under my Skin, I Get a Kick out of You) mais aussi quelques-uns moins connus, comme Why Don’t You Behave, ou Don’t Fence Me in (« ne m’enferme pas ») que Paul Desmond avait l’habitude de citer lorsque Dave Brubeck plaquait des accords saturés qui lui coupaient les ailes.
Mathilde et Vladimir Mérail ont chanté Cole Porter dans un premier degré assumé, sans  gloses ni commentaires, sans relectures ni boursouflures. Ils ont joué Cole Porter ni au-dessus (au 36e degré, genre « je suis tellement plus malin que tout ça ») ni à côté (genre Cole Porter en reggae). Avec tendresse, ils l’ont débarbouillé et déshabillé. Et c’est Cole Porter tout nu qui est apparu dans cette petite cave du XVe arrondissement, devant une dizaine de personnes qui en croyaient à peine leurs oreilles.

Mathilde, 29 ans, est passée par le chant lyrique avant d’étudier dans une école de gospel à Londres, la British Gospel Arts. Sa tessiture et sa puissance lui permettraient aisément de faire de sa voix un article de démonstration. Elle s’en garde bien, et tient la bride serrée à sa technique, attentive à faire sentir chaque miroitement du texte. Son amour du gospel et de la musique religieuse transparaît dans l’intensité qu’elle donne à ses interprétations. Par exemple dans  Easy to Love, chanson bouleversante mais difficile, qui passe par des changements de registre incessants, du grave à l’aigu, obligeant le ou la vocaliste, d’une mesure à l’autre, à aller et venir des combles à la cave, et de la cave aux combles. Mathilde, sans s’essouffler, monte et descend les escaliers sur un nuage, insufflant même à la chanson une sorte de dimension sacrée.
Dans les tempo plus rapides, elle montre une exubérance contagieuse. La voilà qui éclate de rire devant les surprises que lui prépare son guitariste sur I Got You Under my Skin, où il découpe des phrases volontairement abruptes. Sa bonne humeur est irrésistible. Quand elle chante, elle semble s’illuminer de l’intérieur.
Le guitariste Vladimir Médail, 23 ans, étudiant au CNSMDP, se révèle bien plus qu’un accompagnateur. Il est la deuxième moitié du duo. Il donne des répliques spirituelles et humoristiques qui stimulent Mathilde. Il sait aussi prolonger l’émotion créé par la chanteuse. Sur un I Love Paris chanté comme une marche funèbre par Mathilde, il prend un solo poignant. Parmi la dizaine de personnes présentes, plusieurs se découvrent subitement des poussières dans l’œil. Sur You Do Something to Me, son solo se développe en volutes si lyriques que Mathilde, gorge nouée, a du mal à enchaîner. On n’entend plus dans la salle que l’entrechoquement des boules du billard situé plus haut. « Ah Je suis toute retournée » dit Mathilde. « Y a pas que toi ! » fait un gars dans la salle. Au milieu de Night and Day, on sent que les deux amis ont partie gagnée.

 

ColePorterProject

 

Night and Day… Un passage presque obligé des jams sessions. Souvent prise à cent à l’heure, la ballade sert de prétexte à des joutes harmoniques. La chanson d’amour s’est progressivement desséchée, réduite à l’état de formule harmonique. Avec lenteur et solennité, Vladimir et Mathilde écartent les barreaux de la grille et ressuscitent la chanson, dont la magnifique introduction est trop souvent éludée : “Like the beat beat beat of the tom tom / When the jungle shadows fall / Like the tick tick tock of the stately clock / As it stands against the wall / Like the drip drip drip of the raindrops / When the summer shower is through” . Et voilà Night and Day qui retrouve des couleurs…

Après le concert les deux amis débriefent tranquillement leur performance. « Sur It’s too Darn Hot, il faut faire gaffe, on est passés d’un tempo medium à un semi up beat » fait remarquer Mathilde en croquant dans une tranche de saucisson. Vladimir hoche la tête. La chanteuse explique ensuite comment l’ interprétation naît d’une attention soutenue portée au texte: « Tu vois, au début de It’s too Darn Hot, dans le premier couplet, « I’d like to sup with my baby tonight / And fill the cup with my baby tonight », les consonnes sont plutôt dures, ça suggère l’énergie, alors que dans le deuxième, « I’d like to coo with my baby tonight / And pitch some woo with my baby tonight » c’est beaucoup plus doux, il faut chanter avec plus de sensualité ».
Mathilde évoque les nombreux projets à venir. Vladimir Médail est dans tous les coups. (« Quand on rencontre quelqu’un comme lui, on ne le lâche pas » rigole Mathilde, en faisant le geste d’attraper quelqu’un par les épaules). Ils préparent un alléchant projet autour de West Side Story avec cinq chanteurs et cinq instrumentistes qui aura lieu le 1er novembre dans le cadre des soirées à thème de la cave du 38 riv (38 rue de Rivoli). Une relecture des musiques de Walt Disney avec le Bare Necessities Quintet, constitué, outre Mathilde et Vladimir Médail, d’Alexandre Perrot à la basse, de Timothée Quost à la trompette, de Philippe Maniez à la batterie aura lieu le 18 octobre à l’Harmonie Café. Ce jour-là, vous verrez, il y aura des princes charmants au pays des merveilles.

|

Ce mercredi 9 octobre, Cole porter s’est montré tout nu devant une dizaine de personnes. Les responsables de cet effeuillage ont pour nom Mathilde (chanteuse), et Vladimir Médail (guitariste).

 

 

Cole Porter Project

Mercredi 09 octobre 2013, Carré parisien, Paris (75015), 20h00

Mathilde (vx), Vladimir Médail (g).

 

La scène se passait dans une petite cave de la rue du général Beuret, XVe arrondissement de Paris. Le projet de ces deux jeunes musiciens (ils n’ont pas trente ans) est d’une témérité un peu folle : restituer aux chansons de Cole Porter leur fraîcheur native. Faire comme si les Night and Day et I Love Paris n’avaient pas été chantées douze millions de fois. Débarrasser ces chansons immortelles de leur patine bleu-nuit, où l’on discerne au microscope des marques de bière et de rouge à lèvres, des traces de vernis écaillé et de rayons de lune, de la cendre de nuits blanches et des miettes de festins oubliés, et bien sûr des autographes en lettres de feu :  Ella , Sarah, Shirley, Anita.

Pour retrouver l’innocence, Mathilde et Vladimir Médail ont choisi la formule exposée du duo guitare-voix. Pendant deux sets de trois quarts d’heure ils ont tenté de rafraîchir le dessus du panier des standards  (Night and Day, I Love Paris, I‘ve Got You Under my Skin, I Get a Kick out of You) mais aussi quelques-uns moins connus, comme Why Don’t You Behave, ou Don’t Fence Me in (« ne m’enferme pas ») que Paul Desmond avait l’habitude de citer lorsque Dave Brubeck plaquait des accords saturés qui lui coupaient les ailes.
Mathilde et Vladimir Mérail ont chanté Cole Porter dans un premier degré assumé, sans  gloses ni commentaires, sans relectures ni boursouflures. Ils ont joué Cole Porter ni au-dessus (au 36e degré, genre « je suis tellement plus malin que tout ça ») ni à côté (genre Cole Porter en reggae). Avec tendresse, ils l’ont débarbouillé et déshabillé. Et c’est Cole Porter tout nu qui est apparu dans cette petite cave du XVe arrondissement, devant une dizaine de personnes qui en croyaient à peine leurs oreilles.

Mathilde, 29 ans, est passée par le chant lyrique avant d’étudier dans une école de gospel à Londres, la British Gospel Arts. Sa tessiture et sa puissance lui permettraient aisément de faire de sa voix un article de démonstration. Elle s’en garde bien, et tient la bride serrée à sa technique, attentive à faire sentir chaque miroitement du texte. Son amour du gospel et de la musique religieuse transparaît dans l’intensité qu’elle donne à ses interprétations. Par exemple dans  Easy to Love, chanson bouleversante mais difficile, qui passe par des changements de registre incessants, du grave à l’aigu, obligeant le ou la vocaliste, d’une mesure à l’autre, à aller et venir des combles à la cave, et de la cave aux combles. Mathilde, sans s’essouffler, monte et descend les escaliers sur un nuage, insufflant même à la chanson une sorte de dimension sacrée.
Dans les tempo plus rapides, elle montre une exubérance contagieuse. La voilà qui éclate de rire devant les surprises que lui prépare son guitariste sur I Got You Under my Skin, où il découpe des phrases volontairement abruptes. Sa bonne humeur est irrésistible. Quand elle chante, elle semble s’illuminer de l’intérieur.
Le guitariste Vladimir Médail, 23 ans, étudiant au CNSMDP, se révèle bien plus qu’un accompagnateur. Il est la deuxième moitié du duo. Il donne des répliques spirituelles et humoristiques qui stimulent Mathilde. Il sait aussi prolonger l’émotion créé par la chanteuse. Sur un I Love Paris chanté comme une marche funèbre par Mathilde, il prend un solo poignant. Parmi la dizaine de personnes présentes, plusieurs se découvrent subitement des poussières dans l’œil. Sur You Do Something to Me, son solo se développe en volutes si lyriques que Mathilde, gorge nouée, a du mal à enchaîner. On n’entend plus dans la salle que l’entrechoquement des boules du billard situé plus haut. « Ah Je suis toute retournée » dit Mathilde. « Y a pas que toi ! » fait un gars dans la salle. Au milieu de Night and Day, on sent que les deux amis ont partie gagnée.

 

ColePorterProject

 

Night and Day… Un passage presque obligé des jams sessions. Souvent prise à cent à l’heure, la ballade sert de prétexte à des joutes harmoniques. La chanson d’amour s’est progressivement desséchée, réduite à l’état de formule harmonique. Avec lenteur et solennité, Vladimir et Mathilde écartent les barreaux de la grille et ressuscitent la chanson, dont la magnifique introduction est trop souvent éludée : “Like the beat beat beat of the tom tom / When the jungle shadows fall / Like the tick tick tock of the stately clock / As it stands against the wall / Like the drip drip drip of the raindrops / When the summer shower is through” . Et voilà Night and Day qui retrouve des couleurs…

Après le concert les deux amis débriefent tranquillement leur performance. « Sur It’s too Darn Hot, il faut faire gaffe, on est passés d’un tempo medium à un semi up beat » fait remarquer Mathilde en croquant dans une tranche de saucisson. Vladimir hoche la tête. La chanteuse explique ensuite comment l’ interprétation naît d’une attention soutenue portée au texte: « Tu vois, au début de It’s too Darn Hot, dans le premier couplet, « I’d like to sup with my baby tonight / And fill the cup with my baby tonight », les consonnes sont plutôt dures, ça suggère l’énergie, alors que dans le deuxième, « I’d like to coo with my baby tonight / And pitch some woo with my baby tonight » c’est beaucoup plus doux, il faut chanter avec plus de sensualité ».
Mathilde évoque les nombreux projets à venir. Vladimir Médail est dans tous les coups. (« Quand on rencontre quelqu’un comme lui, on ne le lâche pas » rigole Mathilde, en faisant le geste d’attraper quelqu’un par les épaules). Ils préparent un alléchant projet autour de West Side Story avec cinq chanteurs et cinq instrumentistes qui aura lieu le 1er novembre dans le cadre des soirées à thème de la cave du 38 riv (38 rue de Rivoli). Une relecture des musiques de Walt Disney avec le Bare Necessities Quintet, constitué, outre Mathilde et Vladimir Médail, d’Alexandre Perrot à la basse, de Timothée Quost à la trompette, de Philippe Maniez à la batterie aura lieu le 18 octobre à l’Harmonie Café. Ce jour-là, vous verrez, il y aura des princes charmants au pays des merveilles.

|

Ce mercredi 9 octobre, Cole porter s’est montré tout nu devant une dizaine de personnes. Les responsables de cet effeuillage ont pour nom Mathilde (chanteuse), et Vladimir Médail (guitariste).

 

 

Cole Porter Project

Mercredi 09 octobre 2013, Carré parisien, Paris (75015), 20h00

Mathilde (vx), Vladimir Médail (g).

 

La scène se passait dans une petite cave de la rue du général Beuret, XVe arrondissement de Paris. Le projet de ces deux jeunes musiciens (ils n’ont pas trente ans) est d’une témérité un peu folle : restituer aux chansons de Cole Porter leur fraîcheur native. Faire comme si les Night and Day et I Love Paris n’avaient pas été chantées douze millions de fois. Débarrasser ces chansons immortelles de leur patine bleu-nuit, où l’on discerne au microscope des marques de bière et de rouge à lèvres, des traces de vernis écaillé et de rayons de lune, de la cendre de nuits blanches et des miettes de festins oubliés, et bien sûr des autographes en lettres de feu :  Ella , Sarah, Shirley, Anita.

Pour retrouver l’innocence, Mathilde et Vladimir Médail ont choisi la formule exposée du duo guitare-voix. Pendant deux sets de trois quarts d’heure ils ont tenté de rafraîchir le dessus du panier des standards  (Night and Day, I Love Paris, I‘ve Got You Under my Skin, I Get a Kick out of You) mais aussi quelques-uns moins connus, comme Why Don’t You Behave, ou Don’t Fence Me in (« ne m’enferme pas ») que Paul Desmond avait l’habitude de citer lorsque Dave Brubeck plaquait des accords saturés qui lui coupaient les ailes.
Mathilde et Vladimir Mérail ont chanté Cole Porter dans un premier degré assumé, sans  gloses ni commentaires, sans relectures ni boursouflures. Ils ont joué Cole Porter ni au-dessus (au 36e degré, genre « je suis tellement plus malin que tout ça ») ni à côté (genre Cole Porter en reggae). Avec tendresse, ils l’ont débarbouillé et déshabillé. Et c’est Cole Porter tout nu qui est apparu dans cette petite cave du XVe arrondissement, devant une dizaine de personnes qui en croyaient à peine leurs oreilles.

Mathilde, 29 ans, est passée par le chant lyrique avant d’étudier dans une école de gospel à Londres, la British Gospel Arts. Sa tessiture et sa puissance lui permettraient aisément de faire de sa voix un article de démonstration. Elle s’en garde bien, et tient la bride serrée à sa technique, attentive à faire sentir chaque miroitement du texte. Son amour du gospel et de la musique religieuse transparaît dans l’intensité qu’elle donne à ses interprétations. Par exemple dans  Easy to Love, chanson bouleversante mais difficile, qui passe par des changements de registre incessants, du grave à l’aigu, obligeant le ou la vocaliste, d’une mesure à l’autre, à aller et venir des combles à la cave, et de la cave aux combles. Mathilde, sans s’essouffler, monte et descend les escaliers sur un nuage, insufflant même à la chanson une sorte de dimension sacrée.
Dans les tempo plus rapides, elle montre une exubérance contagieuse. La voilà qui éclate de rire devant les surprises que lui prépare son guitariste sur I Got You Under my Skin, où il découpe des phrases volontairement abruptes. Sa bonne humeur est irrésistible. Quand elle chante, elle semble s’illuminer de l’intérieur.
Le guitariste Vladimir Médail, 23 ans, étudiant au CNSMDP, se révèle bien plus qu’un accompagnateur. Il est la deuxième moitié du duo. Il donne des répliques spirituelles et humoristiques qui stimulent Mathilde. Il sait aussi prolonger l’émotion créé par la chanteuse. Sur un I Love Paris chanté comme une marche funèbre par Mathilde, il prend un solo poignant. Parmi la dizaine de personnes présentes, plusieurs se découvrent subitement des poussières dans l’œil. Sur You Do Something to Me, son solo se développe en volutes si lyriques que Mathilde, gorge nouée, a du mal à enchaîner. On n’entend plus dans la salle que l’entrechoquement des boules du billard situé plus haut. « Ah Je suis toute retournée » dit Mathilde. « Y a pas que toi ! » fait un gars dans la salle. Au milieu de Night and Day, on sent que les deux amis ont partie gagnée.

 

ColePorterProject

 

Night and Day… Un passage presque obligé des jams sessions. Souvent prise à cent à l’heure, la ballade sert de prétexte à des joutes harmoniques. La chanson d’amour s’est progressivement desséchée, réduite à l’état de formule harmonique. Avec lenteur et solennité, Vladimir et Mathilde écartent les barreaux de la grille et ressuscitent la chanson, dont la magnifique introduction est trop souvent éludée : “Like the beat beat beat of the tom tom / When the jungle shadows fall / Like the tick tick tock of the stately clock / As it stands against the wall / Like the drip drip drip of the raindrops / When the summer shower is through” . Et voilà Night and Day qui retrouve des couleurs…

Après le concert les deux amis débriefent tranquillement leur performance. « Sur It’s too Darn Hot, il faut faire gaffe, on est passés d’un tempo medium à un semi up beat » fait remarquer Mathilde en croquant dans une tranche de saucisson. Vladimir hoche la tête. La chanteuse explique ensuite comment l’ interprétation naît d’une attention soutenue portée au texte: « Tu vois, au début de It’s too Darn Hot, dans le premier couplet, « I’d like to sup with my baby tonight / And fill the cup with my baby tonight », les consonnes sont plutôt dures, ça suggère l’énergie, alors que dans le deuxième, « I’d like to coo with my baby tonight / And pitch some woo with my baby tonight » c’est beaucoup plus doux, il faut chanter avec plus de sensualité ».
Mathilde évoque les nombreux projets à venir. Vladimir Médail est dans tous les coups. (« Quand on rencontre quelqu’un comme lui, on ne le lâche pas » rigole Mathilde, en faisant le geste d’attraper quelqu’un par les épaules). Ils préparent un alléchant projet autour de West Side Story avec cinq chanteurs et cinq instrumentistes qui aura lieu le 1er novembre dans le cadre des soirées à thème de la cave du 38 riv (38 rue de Rivoli). Une relecture des musiques de Walt Disney avec le Bare Necessities Quintet, constitué, outre Mathilde et Vladimir Médail, d’Alexandre Perrot à la basse, de Timothée Quost à la trompette, de Philippe Maniez à la batterie aura lieu le 18 octobre à l’Harmonie Café. Ce jour-là, vous verrez, il y aura des princes charmants au pays des merveilles.

|

Ce mercredi 9 octobre, Cole porter s’est montré tout nu devant une dizaine de personnes. Les responsables de cet effeuillage ont pour nom Mathilde (chanteuse), et Vladimir Médail (guitariste).

 

 

Cole Porter Project

Mercredi 09 octobre 2013, Carré parisien, Paris (75015), 20h00

Mathilde (vx), Vladimir Médail (g).

 

La scène se passait dans une petite cave de la rue du général Beuret, XVe arrondissement de Paris. Le projet de ces deux jeunes musiciens (ils n’ont pas trente ans) est d’une témérité un peu folle : restituer aux chansons de Cole Porter leur fraîcheur native. Faire comme si les Night and Day et I Love Paris n’avaient pas été chantées douze millions de fois. Débarrasser ces chansons immortelles de leur patine bleu-nuit, où l’on discerne au microscope des marques de bière et de rouge à lèvres, des traces de vernis écaillé et de rayons de lune, de la cendre de nuits blanches et des miettes de festins oubliés, et bien sûr des autographes en lettres de feu :  Ella , Sarah, Shirley, Anita.

Pour retrouver l’innocence, Mathilde et Vladimir Médail ont choisi la formule exposée du duo guitare-voix. Pendant deux sets de trois quarts d’heure ils ont tenté de rafraîchir le dessus du panier des standards  (Night and Day, I Love Paris, I‘ve Got You Under my Skin, I Get a Kick out of You) mais aussi quelques-uns moins connus, comme Why Don’t You Behave, ou Don’t Fence Me in (« ne m’enferme pas ») que Paul Desmond avait l’habitude de citer lorsque Dave Brubeck plaquait des accords saturés qui lui coupaient les ailes.
Mathilde et Vladimir Mérail ont chanté Cole Porter dans un premier degré assumé, sans  gloses ni commentaires, sans relectures ni boursouflures. Ils ont joué Cole Porter ni au-dessus (au 36e degré, genre « je suis tellement plus malin que tout ça ») ni à côté (genre Cole Porter en reggae). Avec tendresse, ils l’ont débarbouillé et déshabillé. Et c’est Cole Porter tout nu qui est apparu dans cette petite cave du XVe arrondissement, devant une dizaine de personnes qui en croyaient à peine leurs oreilles.

Mathilde, 29 ans, est passée par le chant lyrique avant d’étudier dans une école de gospel à Londres, la British Gospel Arts. Sa tessiture et sa puissance lui permettraient aisément de faire de sa voix un article de démonstration. Elle s’en garde bien, et tient la bride serrée à sa technique, attentive à faire sentir chaque miroitement du texte. Son amour du gospel et de la musique religieuse transparaît dans l’intensité qu’elle donne à ses interprétations. Par exemple dans  Easy to Love, chanson bouleversante mais difficile, qui passe par des changements de registre incessants, du grave à l’aigu, obligeant le ou la vocaliste, d’une mesure à l’autre, à aller et venir des combles à la cave, et de la cave aux combles. Mathilde, sans s’essouffler, monte et descend les escaliers sur un nuage, insufflant même à la chanson une sorte de dimension sacrée.
Dans les tempo plus rapides, elle montre une exubérance contagieuse. La voilà qui éclate de rire devant les surprises que lui prépare son guitariste sur I Got You Under my Skin, où il découpe des phrases volontairement abruptes. Sa bonne humeur est irrésistible. Quand elle chante, elle semble s’illuminer de l’intérieur.
Le guitariste Vladimir Médail, 23 ans, étudiant au CNSMDP, se révèle bien plus qu’un accompagnateur. Il est la deuxième moitié du duo. Il donne des répliques spirituelles et humoristiques qui stimulent Mathilde. Il sait aussi prolonger l’émotion créé par la chanteuse. Sur un I Love Paris chanté comme une marche funèbre par Mathilde, il prend un solo poignant. Parmi la dizaine de personnes présentes, plusieurs se découvrent subitement des poussières dans l’œil. Sur You Do Something to Me, son solo se développe en volutes si lyriques que Mathilde, gorge nouée, a du mal à enchaîner. On n’entend plus dans la salle que l’entrechoquement des boules du billard situé plus haut. « Ah Je suis toute retournée » dit Mathilde. « Y a pas que toi ! » fait un gars dans la salle. Au milieu de Night and Day, on sent que les deux amis ont partie gagnée.

 

ColePorterProject

 

Night and Day… Un passage presque obligé des jams sessions. Souvent prise à cent à l’heure, la ballade sert de prétexte à des joutes harmoniques. La chanson d’amour s’est progressivement desséchée, réduite à l’état de formule harmonique. Avec lenteur et solennité, Vladimir et Mathilde écartent les barreaux de la grille et ressuscitent la chanson, dont la magnifique introduction est trop souvent éludée : “Like the beat beat beat of the tom tom / When the jungle shadows fall / Like the tick tick tock of the stately clock / As it stands against the wall / Like the drip drip drip of the raindrops / When the summer shower is through” . Et voilà Night and Day qui retrouve des couleurs…

Après le concert les deux amis débriefent tranquillement leur performance. « Sur It’s too Darn Hot, il faut faire gaffe, on est passés d’un tempo medium à un semi up beat » fait remarquer Mathilde en croquant dans une tranche de saucisson. Vladimir hoche la tête. La chanteuse explique ensuite comment l’ interprétation naît d’une attention soutenue portée au texte: « Tu vois, au début de It’s too Darn Hot, dans le premier couplet, « I’d like to sup with my baby tonight / And fill the cup with my baby tonight », les consonnes sont plutôt dures, ça suggère l’énergie, alors que dans le deuxième, « I’d like to coo with my baby tonight / And pitch some woo with my baby tonight » c’est beaucoup plus doux, il faut chanter avec plus de sensualité ».
Mathilde évoque les nombreux projets à venir. Vladimir Médail est dans tous les coups. (« Quand on rencontre quelqu’un comme lui, on ne le lâche pas » rigole Mathilde, en faisant le geste d’attraper quelqu’un par les épaules). Ils préparent un alléchant projet autour de West Side Story avec cinq chanteurs et cinq instrumentistes qui aura lieu le 1er novembre dans le cadre des soirées à thème de la cave du 38 riv (38 rue de Rivoli). Une relecture des musiques de Walt Disney avec le Bare Necessities Quintet, constitué, outre Mathilde et Vladimir Médail, d’Alexandre Perrot à la basse, de Timothée Quost à la trompette, de Philippe Maniez à la batterie aura lieu le 18 octobre à l’Harmonie Café. Ce jour-là, vous verrez, il y aura des princes charmants au pays des merveilles.