Jazz live
Publié le 26 Avr 2012

Doodlin' au Sunside

 

Préambule

Voilà plus d’un mois que je n’avais pas mis les pieds dans un club. Entre temps, j’ai bouclé le numéro des festivals. Depuis vingt ans que je fais ce métier chaque année la même épreuve si l’on veut livrer un véritable guide des festivals de l’été. Puis j’ai été m’effondrer au frais soleil de Bretagne qui se montrait enfin. Les asperges sont arrivées, puis reparties, mais les fraises sont toujours là, j’ai regardé les vaches paître, j’ai éternué en regardant notre chatte dormir sous la haie, elle a fui vers un buisson d’où s’est envolé une bande de verdiers, j’ai demandé à mon voisin s’il allait pleuvoir, je me suis mordu la langue vingt fois, au concours de sonneurs biniou-bombarde et de gavotte pourlet du Trophée Pierre Bédard je n’ai pas osé danser mais j’ai été à la ville voir le film Moonrise Kingdom (ce que je vous recommande même si ça n’a aucun rapport avec le jazz), j’ai lu La Route des Flandres (ce que vous auriez dû me recommander plus tôt), je suis rentré à Paris (et notre chatte nous a fait la gueule pendant trois jours) et j’ai trouvé suffisamment de travail sur mon bureau pour ne plus sortir à nouveau pendant un nouveau mois… ce qui n’est pas une vie de jazz critic. J’ai quand même pris le temps d’aller voir Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais en avant-première au Balzac et j’ai pensé au jazz et à ses standards en voyant ces acteurs reprendre les mêmes répliques et tirades comme on s’échange exposés et chorus d’un même morceau au cours d’une jam. J’ai pensé aussi à Paul Motian qui signait Lost in a Dream un an avant sa mort, comme Resnais a tourné son nouveau film, dans un état de jeunesse et d’impertinence qui réjouit l’âme.

 

Sunside, Paris (75), le 14 juin.

Doodlin’ : Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay, Vérène Fay (chant), Michel Barrot (trompette), André Villéger (sax ténor), Patrice Galas (piano), Pierre-Yves Sorin (contrebasse), François Laudet (batterie).


À cinq jours du bouclage du numéro de juillet, le téléphone a sonné. C’était la voix rocailleuse du trompettiste Michel Barrot, fondateur de l’école de jazz de Salon-de-Provence, IFMP. Il m’invitait à aller écouter ses protégées du trio vocal Doodlin’ qu’il parraine depuis une demie douzaine d’années (le groupe en a une demie de plus). À l’absence de doute qu’il y avait dans cette voix, j’ai vu le signe qu’il était temps d’y retourner.

 

Michel Barrot était là, hélas affecté d’une hernie qui l’obligeait à jouer sur la pointe des pieds ce qui n’est pas son genre et ce qui l’a amené à faire venir André Villéger. Qui s’en plaindrait ? Avec Patrice Galas, Pierre-Yves Sorin et François Laudet, nos trois chanteuses étaient en terrain de confiance. Dans jazz vocal, il y jazz… et c’est souvent un problème. Pas chez Doodlin’. Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay et Vérène Fay connaissent le jazz, son histoire ancienne, ses figures et bien sûr Duke Ellington auquel elles rendent hommage sur leur nouvel album In a Mellow Tone. C’est justement pour célébrer sa sortie qu’elles sont montées au Sunside.


Chroniquant ce concert avec plus d’une semaine de retard – et oui, nouveau bouclage, celui du numéro de juillet, et rebouclage en vue, celui d’août, et le soir en rentrant du journal travaux d’écriture pour ces numéros –, il me semble me souvenir qu’elles ont commencé leur programme comme sur leur disque. Et je crois bien retrouver dans le Cotton Tail qui fait l’ouverture du disque cette mauvaise impression initiale que me fit leur premier morceau au Sunside. Quelque chose de précipité dans le phrasé d’ensemble et peut-être la prononciation anglaise qui m’a déplu, d’ailleurs essentiellement dans les phrases A.


C’est dommage, car je ne retrouve pas cette impression sur les autres titres et je m’explique mal qu’elles aient choisi d’entrer sur ce moment de faiblesse (à moins que je ne soit même victime d’une allergie d’un type nouveau). Dans l’ensemble, notres trois chanteuses sont portées non seulement pas la musique d’Ellington, mais aussi par les adaptations qu’en a fait leur contrebassiste habituel, Gérard Maurin (figure que les connaisseurs ont déjà su remarquer dans l’ombre de Virginie Teychené). Ses mises en forme et ses aménagements harmoniques plein d’esprit vont comme un gant à leurs trois voix admirablement complémentaires. Et chacune son tour, chacune dans son genre, elles savent s’affranchir du concours de leurs consœurs pour un petit tour en solo… Mais on ne va pas tout vous dire ici. Laissons en pour celui qui sera chargé de la chronique de ce disque dans Jazz Magazine à la rentrée.


Franck Bergerot

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Après quelques semaines loin des clubs, Franck Bergerot s’est autorisé une première et timide sortie au Sunside pour écouter le groupe vocal Doodlin’ parrainé par le trompettiste Michel Barrot. Doodlin’, c’était l’un des plus grands tubes d’Horace Silver, l’un des plus beaux arrangements des Double Six et le nom de l’un des deux chattes de Mimi Perrin. Depuis une douzaine d’année, c’est le nom d’un trio vocal venu de Provence qui rend aujourd’hui un hommage à Duke Ellington arrangé par le contrebassiste Gérard Maurin.


Préambule

Voilà plus d’un mois que je n’avais pas mis les pieds dans un club. Entre temps, j’ai bouclé le numéro des festivals. Depuis vingt ans que je fais ce métier chaque année la même épreuve si l’on veut livrer un véritable guide des festivals de l’été. Puis j’ai été m’effondrer au frais soleil de Bretagne qui se montrait enfin. Les asperges sont arrivées, puis reparties, mais les fraises sont toujours là, j’ai regardé les vaches paître, j’ai éternué en regardant notre chatte dormir sous la haie, elle a fui vers un buisson d’où s’est envolé une bande de verdiers, j’ai demandé à mon voisin s’il allait pleuvoir, je me suis mordu la langue vingt fois, au concours de sonneurs biniou-bombarde et de gavotte pourlet du Trophée Pierre Bédard je n’ai pas osé danser mais j’ai été à la ville voir le film Moonrise Kingdom (ce que je vous recommande même si ça n’a aucun rapport avec le jazz), j’ai lu La Route des Flandres (ce que vous auriez dû me recommander plus tôt), je suis rentré à Paris (et notre chatte nous a fait la gueule pendant trois jours) et j’ai trouvé suffisamment de travail sur mon bureau pour ne plus sortir à nouveau pendant un nouveau mois… ce qui n’est pas une vie de jazz critic. J’ai quand même pris le temps d’aller voir Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais en avant-première au Balzac et j’ai pensé au jazz et à ses standards en voyant ces acteurs reprendre les mêmes répliques et tirades comme on s’échange exposés et chorus d’un même morceau au cours d’une jam. J’ai pensé aussi à Paul Motian qui signait Lost in a Dream un an avant sa mort, comme Resnais a tourné son nouveau film, dans un état de jeunesse et d’impertinence qui réjouit l’âme.

Sunside, Paris (75), le 14 juin.

Doodlin’ : Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay, Vérène Fay (chant), Michel Barrot (trompette), André Villéger (sax ténor), Patrice Galas (piano), Pierre-Yves Sorin (contrebasse), François Laudet (batterie).


À cinq jours du bouclage du numéro de juillet, le téléphone a sonné. C’était la voix rocailleuse du trompettiste Michel Barrot, fondateur de l’école de jazz de Salon-de-Provence, IFMP. Il m’invitait à aller écouter ses protégées du trio vocal Doodlin’ qu’il parraine depuis une demie douzaine d’années (le groupe en a une demie de plus). À l’absence de doute qu’il y avait dans cette voix, j’ai vu le signe qu’il était temps d’y retourner.

Michel Barrot était là, hélas affecté d’une hernie qui l’obligeait à jouer sur la pointe des pieds ce qui n’est pas son genre et ce qui l’a amené à faire venir André Villéger. Qui s’en plaindrait ? Avec Patrice Galas, Pierre-Yves Sorin et François Laudet, nos trois chanteuses étaient en terrain de confiance. Dans jazz vocal, il y jazz… et c’est souvent un problème. Pas chez Doodlin’. Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay et Vérène Fay connaissent le jazz, son histoire ancienne, ses figures et bien sûr Duke Ellington auquel elles rendent hommage sur leur nouvel album In a Mellow Tone. C’est justement pour célébrer sa sortie qu’elles sont montées au Sunside.


Chroniquant ce concert avec plus d’une semaine de retard – et oui, nouveau bouclage, celui du numéro de juillet, et rebouclage en vue, celui d’août, et le soir en rentrant du journal travaux d’écriture pour ces numéros –, il me semble me souvenir qu’elles ont commencé leur programme comme sur leur disque. Et je crois bien retrouver dans le Cotton Tail qui fait l’ouverture du disque cette mauvaise impression initiale que me fit leur premier morceau au Sunside. Quelque chose de précipité dans le phrasé d’ensemble et peut-être la prononciation anglaise qui m’a déplu, d’ailleurs essentiellement dans les phrases A.


C’est dommage, car je ne retrouve pas cette impression sur les autres titres et je m’explique mal qu’elles aient choisi d’entrer sur ce moment de faiblesse (à moins que je ne soit même victime d’une allergie d’un type nouveau). Dans l’ensemble, notres trois chanteuses sont portées non seulement pas la musique d’Ellington, mais aussi par les adaptations qu’en a fait leur contrebassiste habituel, Gérard Maurin (figure que les connaisseurs ont déjà su remarquer dans l’ombre de Virginie Teychené). Ses mises en forme et ses aménagements harmoniques plein d’esprit vont comme un gant à leurs trois voix admirablement complémentaires. Et chacune son tour, chacune dans son genre, elles savent s’affranchir du concours de leurs consœurs pour un petit tour en solo… Mais on ne va pas tout vous dire ici. Laissons en pour celui qui sera chargé de la chronique de ce disque dans Jazz Magazine à la rentrée.


Franck Bergerot

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Préambule

Voilà plus d’un mois que je n’avais pas mis les pieds dans un club. Entre temps, j’ai bouclé le numéro des festivals. Depuis vingt ans que je fais ce métier chaque année la même épreuve si l’on veut livrer un véritable guide des festivals de l’été. Puis j’ai été m’effondrer au frais soleil de Bretagne qui se montrait enfin. Les asperges sont arrivées, puis reparties, mais les fraises sont toujours là, j’ai regardé les vaches paître, j’ai éternué en regardant notre chatte dormir sous la haie, elle a fui vers un buisson d’où s’est envolé une bande de verdiers, j’ai demandé à mon voisin s’il allait pleuvoir, je me suis mordu la langue vingt fois, au concours de sonneurs biniou-bombarde et de gavotte pourlet du Trophée Pierre Bédard je n’ai pas osé danser mais j’ai été à la ville voir le film Moonrise Kingdom (ce que je vous recommande même si ça n’a aucun rapport avec le jazz), j’ai lu La Route des Flandres (ce que vous auriez dû me recommander plus tôt), je suis rentré à Paris (et notre chatte nous a fait la gueule pendant trois jours) et j’ai trouvé suffisamment de travail sur mon bureau pour ne plus sortir à nouveau pendant un nouveau mois… ce qui n’est pas une vie de jazz critic. J’ai quand même pris le temps d’aller voir Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais en avant-première au Balzac et j’ai pensé au jazz et à ses standards en voyant ces acteurs reprendre les mêmes répliques et tirades comme on s’échange exposés et chorus d’un même morceau au cours d’une jam. J’ai pensé aussi à Paul Motian qui signait Lost in a Dream un an avant sa mort, comme Resnais a tourné son nouveau film, dans un état de jeunesse et d’impertinence qui réjouit l’âme.

 

Sunside, Paris (75), le 14 juin.

Doodlin’ : Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay, Vérène Fay (chant), Michel Barrot (trompette), André Villéger (sax ténor), Patrice Galas (piano), Pierre-Yves Sorin (contrebasse), François Laudet (batterie).


À cinq jours du bouclage du numéro de juillet, le téléphone a sonné. C’était la voix rocailleuse du trompettiste Michel Barrot, fondateur de l’école de jazz de Salon-de-Provence, IFMP. Il m’invitait à aller écouter ses protégées du trio vocal Doodlin’ qu’il parraine depuis une demie douzaine d’années (le groupe en a une demie de plus). À l’absence de doute qu’il y avait dans cette voix, j’ai vu le signe qu’il était temps d’y retourner.

 

Michel Barrot était là, hélas affecté d’une hernie qui l’obligeait à jouer sur la pointe des pieds ce qui n’est pas son genre et ce qui l’a amené à faire venir André Villéger. Qui s’en plaindrait ? Avec Patrice Galas, Pierre-Yves Sorin et François Laudet, nos trois chanteuses étaient en terrain de confiance. Dans jazz vocal, il y jazz… et c’est souvent un problème. Pas chez Doodlin’. Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay et Vérène Fay connaissent le jazz, son histoire ancienne, ses figures et bien sûr Duke Ellington auquel elles rendent hommage sur leur nouvel album In a Mellow Tone. C’est justement pour célébrer sa sortie qu’elles sont montées au Sunside.


Chroniquant ce concert avec plus d’une semaine de retard – et oui, nouveau bouclage, celui du numéro de juillet, et rebouclage en vue, celui d’août, et le soir en rentrant du journal travaux d’écriture pour ces numéros –, il me semble me souvenir qu’elles ont commencé leur programme comme sur leur disque. Et je crois bien retrouver dans le Cotton Tail qui fait l’ouverture du disque cette mauvaise impression initiale que me fit leur premier morceau au Sunside. Quelque chose de précipité dans le phrasé d’ensemble et peut-être la prononciation anglaise qui m’a déplu, d’ailleurs essentiellement dans les phrases A.


C’est dommage, car je ne retrouve pas cette impression sur les autres titres et je m’explique mal qu’elles aient choisi d’entrer sur ce moment de faiblesse (à moins que je ne soit même victime d’une allergie d’un type nouveau). Dans l’ensemble, notres trois chanteuses sont portées non seulement pas la musique d’Ellington, mais aussi par les adaptations qu’en a fait leur contrebassiste habituel, Gérard Maurin (figure que les connaisseurs ont déjà su remarquer dans l’ombre de Virginie Teychené). Ses mises en forme et ses aménagements harmoniques plein d’esprit vont comme un gant à leurs trois voix admirablement complémentaires. Et chacune son tour, chacune dans son genre, elles savent s’affranchir du concours de leurs consœurs pour un petit tour en solo… Mais on ne va pas tout vous dire ici. Laissons en pour celui qui sera chargé de la chronique de ce disque dans Jazz Magazine à la rentrée.


Franck Bergerot

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Après quelques semaines loin des clubs, Franck Bergerot s’est autorisé une première et timide sortie au Sunside pour écouter le groupe vocal Doodlin’ parrainé par le trompettiste Michel Barrot. Doodlin’, c’était l’un des plus grands tubes d’Horace Silver, l’un des plus beaux arrangements des Double Six et le nom de l’un des deux chattes de Mimi Perrin. Depuis une douzaine d’année, c’est le nom d’un trio vocal venu de Provence qui rend aujourd’hui un hommage à Duke Ellington arrangé par le contrebassiste Gérard Maurin.


Préambule

Voilà plus d’un mois que je n’avais pas mis les pieds dans un club. Entre temps, j’ai bouclé le numéro des festivals. Depuis vingt ans que je fais ce métier chaque année la même épreuve si l’on veut livrer un véritable guide des festivals de l’été. Puis j’ai été m’effondrer au frais soleil de Bretagne qui se montrait enfin. Les asperges sont arrivées, puis reparties, mais les fraises sont toujours là, j’ai regardé les vaches paître, j’ai éternué en regardant notre chatte dormir sous la haie, elle a fui vers un buisson d’où s’est envolé une bande de verdiers, j’ai demandé à mon voisin s’il allait pleuvoir, je me suis mordu la langue vingt fois, au concours de sonneurs biniou-bombarde et de gavotte pourlet du Trophée Pierre Bédard je n’ai pas osé danser mais j’ai été à la ville voir le film Moonrise Kingdom (ce que je vous recommande même si ça n’a aucun rapport avec le jazz), j’ai lu La Route des Flandres (ce que vous auriez dû me recommander plus tôt), je suis rentré à Paris (et notre chatte nous a fait la gueule pendant trois jours) et j’ai trouvé suffisamment de travail sur mon bureau pour ne plus sortir à nouveau pendant un nouveau mois… ce qui n’est pas une vie de jazz critic. J’ai quand même pris le temps d’aller voir Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais en avant-première au Balzac et j’ai pensé au jazz et à ses standards en voyant ces acteurs reprendre les mêmes répliques et tirades comme on s’échange exposés et chorus d’un même morceau au cours d’une jam. J’ai pensé aussi à Paul Motian qui signait Lost in a Dream un an avant sa mort, comme Resnais a tourné son nouveau film, dans un état de jeunesse et d’impertinence qui réjouit l’âme.

Sunside, Paris (75), le 14 juin.

Doodlin’ : Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay, Vérène Fay (chant), Michel Barrot (trompette), André Villéger (sax ténor), Patrice Galas (piano), Pierre-Yves Sorin (contrebasse), François Laudet (batterie).


À cinq jours du bouclage du numéro de juillet, le téléphone a sonné. C’était la voix rocailleuse du trompettiste Michel Barrot, fondateur de l’école de jazz de Salon-de-Provence, IFMP. Il m’invitait à aller écouter ses protégées du trio vocal Doodlin’ qu’il parraine depuis une demie douzaine d’années (le groupe en a une demie de plus). À l’absence de doute qu’il y avait dans cette voix, j’ai vu le signe qu’il était temps d’y retourner.

Michel Barrot était là, hélas affecté d’une hernie qui l’obligeait à jouer sur la pointe des pieds ce qui n’est pas son genre et ce qui l’a amené à faire venir André Villéger. Qui s’en plaindrait ? Avec Patrice Galas, Pierre-Yves Sorin et François Laudet, nos trois chanteuses étaient en terrain de confiance. Dans jazz vocal, il y jazz… et c’est souvent un problème. Pas chez Doodlin’. Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay et Vérène Fay connaissent le jazz, son histoire ancienne, ses figures et bien sûr Duke Ellington auquel elles rendent hommage sur leur nouvel album In a Mellow Tone. C’est justement pour célébrer sa sortie qu’elles sont montées au Sunside.


Chroniquant ce concert avec plus d’une semaine de retard – et oui, nouveau bouclage, celui du numéro de juillet, et rebouclage en vue, celui d’août, et le soir en rentrant du journal travaux d’écriture pour ces numéros –, il me semble me souvenir qu’elles ont commencé leur programme comme sur leur disque. Et je crois bien retrouver dans le Cotton Tail qui fait l’ouverture du disque cette mauvaise impression initiale que me fit leur premier morceau au Sunside. Quelque chose de précipité dans le phrasé d’ensemble et peut-être la prononciation anglaise qui m’a déplu, d’ailleurs essentiellement dans les phrases A.


C’est dommage, car je ne retrouve pas cette impression sur les autres titres et je m’explique mal qu’elles aient choisi d’entrer sur ce moment de faiblesse (à moins que je ne soit même victime d’une allergie d’un type nouveau). Dans l’ensemble, notres trois chanteuses sont portées non seulement pas la musique d’Ellington, mais aussi par les adaptations qu’en a fait leur contrebassiste habituel, Gérard Maurin (figure que les connaisseurs ont déjà su remarquer dans l’ombre de Virginie Teychené). Ses mises en forme et ses aménagements harmoniques plein d’esprit vont comme un gant à leurs trois voix admirablement complémentaires. Et chacune son tour, chacune dans son genre, elles savent s’affranchir du concours de leurs consœurs pour un petit tour en solo… Mais on ne va pas tout vous dire ici. Laissons en pour celui qui sera chargé de la chronique de ce disque dans Jazz Magazine à la rentrée.


Franck Bergerot

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Préambule

Voilà plus d’un mois que je n’avais pas mis les pieds dans un club. Entre temps, j’ai bouclé le numéro des festivals. Depuis vingt ans que je fais ce métier chaque année la même épreuve si l’on veut livrer un véritable guide des festivals de l’été. Puis j’ai été m’effondrer au frais soleil de Bretagne qui se montrait enfin. Les asperges sont arrivées, puis reparties, mais les fraises sont toujours là, j’ai regardé les vaches paître, j’ai éternué en regardant notre chatte dormir sous la haie, elle a fui vers un buisson d’où s’est envolé une bande de verdiers, j’ai demandé à mon voisin s’il allait pleuvoir, je me suis mordu la langue vingt fois, au concours de sonneurs biniou-bombarde et de gavotte pourlet du Trophée Pierre Bédard je n’ai pas osé danser mais j’ai été à la ville voir le film Moonrise Kingdom (ce que je vous recommande même si ça n’a aucun rapport avec le jazz), j’ai lu La Route des Flandres (ce que vous auriez dû me recommander plus tôt), je suis rentré à Paris (et notre chatte nous a fait la gueule pendant trois jours) et j’ai trouvé suffisamment de travail sur mon bureau pour ne plus sortir à nouveau pendant un nouveau mois… ce qui n’est pas une vie de jazz critic. J’ai quand même pris le temps d’aller voir Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais en avant-première au Balzac et j’ai pensé au jazz et à ses standards en voyant ces acteurs reprendre les mêmes répliques et tirades comme on s’échange exposés et chorus d’un même morceau au cours d’une jam. J’ai pensé aussi à Paul Motian qui signait Lost in a Dream un an avant sa mort, comme Resnais a tourné son nouveau film, dans un état de jeunesse et d’impertinence qui réjouit l’âme.

 

Sunside, Paris (75), le 14 juin.

Doodlin’ : Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay, Vérène Fay (chant), Michel Barrot (trompette), André Villéger (sax ténor), Patrice Galas (piano), Pierre-Yves Sorin (contrebasse), François Laudet (batterie).


À cinq jours du bouclage du numéro de juillet, le téléphone a sonné. C’était la voix rocailleuse du trompettiste Michel Barrot, fondateur de l’école de jazz de Salon-de-Provence, IFMP. Il m’invitait à aller écouter ses protégées du trio vocal Doodlin’ qu’il parraine depuis une demie douzaine d’années (le groupe en a une demie de plus). À l’absence de doute qu’il y avait dans cette voix, j’ai vu le signe qu’il était temps d’y retourner.

 

Michel Barrot était là, hélas affecté d’une hernie qui l’obligeait à jouer sur la pointe des pieds ce qui n’est pas son genre et ce qui l’a amené à faire venir André Villéger. Qui s’en plaindrait ? Avec Patrice Galas, Pierre-Yves Sorin et François Laudet, nos trois chanteuses étaient en terrain de confiance. Dans jazz vocal, il y jazz… et c’est souvent un problème. Pas chez Doodlin’. Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay et Vérène Fay connaissent le jazz, son histoire ancienne, ses figures et bien sûr Duke Ellington auquel elles rendent hommage sur leur nouvel album In a Mellow Tone. C’est justement pour célébrer sa sortie qu’elles sont montées au Sunside.


Chroniquant ce concert avec plus d’une semaine de retard – et oui, nouveau bouclage, celui du numéro de juillet, et rebouclage en vue, celui d’août, et le soir en rentrant du journal travaux d’écriture pour ces numéros –, il me semble me souvenir qu’elles ont commencé leur programme comme sur leur disque. Et je crois bien retrouver dans le Cotton Tail qui fait l’ouverture du disque cette mauvaise impression initiale que me fit leur premier morceau au Sunside. Quelque chose de précipité dans le phrasé d’ensemble et peut-être la prononciation anglaise qui m’a déplu, d’ailleurs essentiellement dans les phrases A.


C’est dommage, car je ne retrouve pas cette impression sur les autres titres et je m’explique mal qu’elles aient choisi d’entrer sur ce moment de faiblesse (à moins que je ne soit même victime d’une allergie d’un type nouveau). Dans l’ensemble, notres trois chanteuses sont portées non seulement pas la musique d’Ellington, mais aussi par les adaptations qu’en a fait leur contrebassiste habituel, Gérard Maurin (figure que les connaisseurs ont déjà su remarquer dans l’ombre de Virginie Teychené). Ses mises en forme et ses aménagements harmoniques plein d’esprit vont comme un gant à leurs trois voix admirablement complémentaires. Et chacune son tour, chacune dans son genre, elles savent s’affranchir du concours de leurs consœurs pour un petit tour en solo… Mais on ne va pas tout vous dire ici. Laissons en pour celui qui sera chargé de la chronique de ce disque dans Jazz Magazine à la rentrée.


Franck Bergerot

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Après quelques semaines loin des clubs, Franck Bergerot s’est autorisé une première et timide sortie au Sunside pour écouter le groupe vocal Doodlin’ parrainé par le trompettiste Michel Barrot. Doodlin’, c’était l’un des plus grands tubes d’Horace Silver, l’un des plus beaux arrangements des Double Six et le nom de l’un des deux chattes de Mimi Perrin. Depuis une douzaine d’année, c’est le nom d’un trio vocal venu de Provence qui rend aujourd’hui un hommage à Duke Ellington arrangé par le contrebassiste Gérard Maurin.


Préambule

Voilà plus d’un mois que je n’avais pas mis les pieds dans un club. Entre temps, j’ai bouclé le numéro des festivals. Depuis vingt ans que je fais ce métier chaque année la même épreuve si l’on veut livrer un véritable guide des festivals de l’été. Puis j’ai été m’effondrer au frais soleil de Bretagne qui se montrait enfin. Les asperges sont arrivées, puis reparties, mais les fraises sont toujours là, j’ai regardé les vaches paître, j’ai éternué en regardant notre chatte dormir sous la haie, elle a fui vers un buisson d’où s’est envolé une bande de verdiers, j’ai demandé à mon voisin s’il allait pleuvoir, je me suis mordu la langue vingt fois, au concours de sonneurs biniou-bombarde et de gavotte pourlet du Trophée Pierre Bédard je n’ai pas osé danser mais j’ai été à la ville voir le film Moonrise Kingdom (ce que je vous recommande même si ça n’a aucun rapport avec le jazz), j’ai lu La Route des Flandres (ce que vous auriez dû me recommander plus tôt), je suis rentré à Paris (et notre chatte nous a fait la gueule pendant trois jours) et j’ai trouvé suffisamment de travail sur mon bureau pour ne plus sortir à nouveau pendant un nouveau mois… ce qui n’est pas une vie de jazz critic. J’ai quand même pris le temps d’aller voir Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais en avant-première au Balzac et j’ai pensé au jazz et à ses standards en voyant ces acteurs reprendre les mêmes répliques et tirades comme on s’échange exposés et chorus d’un même morceau au cours d’une jam. J’ai pensé aussi à Paul Motian qui signait Lost in a Dream un an avant sa mort, comme Resnais a tourné son nouveau film, dans un état de jeunesse et d’impertinence qui réjouit l’âme.

Sunside, Paris (75), le 14 juin.

Doodlin’ : Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay, Vérène Fay (chant), Michel Barrot (trompette), André Villéger (sax ténor), Patrice Galas (piano), Pierre-Yves Sorin (contrebasse), François Laudet (batterie).


À cinq jours du bouclage du numéro de juillet, le téléphone a sonné. C’était la voix rocailleuse du trompettiste Michel Barrot, fondateur de l’école de jazz de Salon-de-Provence, IFMP. Il m’invitait à aller écouter ses protégées du trio vocal Doodlin’ qu’il parraine depuis une demie douzaine d’années (le groupe en a une demie de plus). À l’absence de doute qu’il y avait dans cette voix, j’ai vu le signe qu’il était temps d’y retourner.

Michel Barrot était là, hélas affecté d’une hernie qui l’obligeait à jouer sur la pointe des pieds ce qui n’est pas son genre et ce qui l’a amené à faire venir André Villéger. Qui s’en plaindrait ? Avec Patrice Galas, Pierre-Yves Sorin et François Laudet, nos trois chanteuses étaient en terrain de confiance. Dans jazz vocal, il y jazz… et c’est souvent un problème. Pas chez Doodlin’. Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay et Vérène Fay connaissent le jazz, son histoire ancienne, ses figures et bien sûr Duke Ellington auquel elles rendent hommage sur leur nouvel album In a Mellow Tone. C’est justement pour célébrer sa sortie qu’elles sont montées au Sunside.


Chroniquant ce concert avec plus d’une semaine de retard – et oui, nouveau bouclage, celui du numéro de juillet, et rebouclage en vue, celui d’août, et le soir en rentrant du journal travaux d’écriture pour ces numéros –, il me semble me souvenir qu’elles ont commencé leur programme comme sur leur disque. Et je crois bien retrouver dans le Cotton Tail qui fait l’ouverture du disque cette mauvaise impression initiale que me fit leur premier morceau au Sunside. Quelque chose de précipité dans le phrasé d’ensemble et peut-être la prononciation anglaise qui m’a déplu, d’ailleurs essentiellement dans les phrases A.


C’est dommage, car je ne retrouve pas cette impression sur les autres titres et je m’explique mal qu’elles aient choisi d’entrer sur ce moment de faiblesse (à moins que je ne soit même victime d’une allergie d’un type nouveau). Dans l’ensemble, notres trois chanteuses sont portées non seulement pas la musique d’Ellington, mais aussi par les adaptations qu’en a fait leur contrebassiste habituel, Gérard Maurin (figure que les connaisseurs ont déjà su remarquer dans l’ombre de Virginie Teychené). Ses mises en forme et ses aménagements harmoniques plein d’esprit vont comme un gant à leurs trois voix admirablement complémentaires. Et chacune son tour, chacune dans son genre, elles savent s’affranchir du concours de leurs consœurs pour un petit tour en solo… Mais on ne va pas tout vous dire ici. Laissons en pour celui qui sera chargé de la chronique de ce disque dans Jazz Magazine à la rentrée.


Franck Bergerot

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Préambule

Voilà plus d’un mois que je n’avais pas mis les pieds dans un club. Entre temps, j’ai bouclé le numéro des festivals. Depuis vingt ans que je fais ce métier chaque année la même épreuve si l’on veut livrer un véritable guide des festivals de l’été. Puis j’ai été m’effondrer au frais soleil de Bretagne qui se montrait enfin. Les asperges sont arrivées, puis reparties, mais les fraises sont toujours là, j’ai regardé les vaches paître, j’ai éternué en regardant notre chatte dormir sous la haie, elle a fui vers un buisson d’où s’est envolé une bande de verdiers, j’ai demandé à mon voisin s’il allait pleuvoir, je me suis mordu la langue vingt fois, au concours de sonneurs biniou-bombarde et de gavotte pourlet du Trophée Pierre Bédard je n’ai pas osé danser mais j’ai été à la ville voir le film Moonrise Kingdom (ce que je vous recommande même si ça n’a aucun rapport avec le jazz), j’ai lu La Route des Flandres (ce que vous auriez dû me recommander plus tôt), je suis rentré à Paris (et notre chatte nous a fait la gueule pendant trois jours) et j’ai trouvé suffisamment de travail sur mon bureau pour ne plus sortir à nouveau pendant un nouveau mois… ce qui n’est pas une vie de jazz critic. J’ai quand même pris le temps d’aller voir Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais en avant-première au Balzac et j’ai pensé au jazz et à ses standards en voyant ces acteurs reprendre les mêmes répliques et tirades comme on s’échange exposés et chorus d’un même morceau au cours d’une jam. J’ai pensé aussi à Paul Motian qui signait Lost in a Dream un an avant sa mort, comme Resnais a tourné son nouveau film, dans un état de jeunesse et d’impertinence qui réjouit l’âme.

 

Sunside, Paris (75), le 14 juin.

Doodlin’ : Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay, Vérène Fay (chant), Michel Barrot (trompette), André Villéger (sax ténor), Patrice Galas (piano), Pierre-Yves Sorin (contrebasse), François Laudet (batterie).


À cinq jours du bouclage du numéro de juillet, le téléphone a sonné. C’était la voix rocailleuse du trompettiste Michel Barrot, fondateur de l’école de jazz de Salon-de-Provence, IFMP. Il m’invitait à aller écouter ses protégées du trio vocal Doodlin’ qu’il parraine depuis une demie douzaine d’années (le groupe en a une demie de plus). À l’absence de doute qu’il y avait dans cette voix, j’ai vu le signe qu’il était temps d’y retourner.

 

Michel Barrot était là, hélas affecté d’une hernie qui l’obligeait à jouer sur la pointe des pieds ce qui n’est pas son genre et ce qui l’a amené à faire venir André Villéger. Qui s’en plaindrait ? Avec Patrice Galas, Pierre-Yves Sorin et François Laudet, nos trois chanteuses étaient en terrain de confiance. Dans jazz vocal, il y jazz… et c’est souvent un problème. Pas chez Doodlin’. Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay et Vérène Fay connaissent le jazz, son histoire ancienne, ses figures et bien sûr Duke Ellington auquel elles rendent hommage sur leur nouvel album In a Mellow Tone. C’est justement pour célébrer sa sortie qu’elles sont montées au Sunside.


Chroniquant ce concert avec plus d’une semaine de retard – et oui, nouveau bouclage, celui du numéro de juillet, et rebouclage en vue, celui d’août, et le soir en rentrant du journal travaux d’écriture pour ces numéros –, il me semble me souvenir qu’elles ont commencé leur programme comme sur leur disque. Et je crois bien retrouver dans le Cotton Tail qui fait l’ouverture du disque cette mauvaise impression initiale que me fit leur premier morceau au Sunside. Quelque chose de précipité dans le phrasé d’ensemble et peut-être la prononciation anglaise qui m’a déplu, d’ailleurs essentiellement dans les phrases A.


C’est dommage, car je ne retrouve pas cette impression sur les autres titres et je m’explique mal qu’elles aient choisi d’entrer sur ce moment de faiblesse (à moins que je ne soit même victime d’une allergie d’un type nouveau). Dans l’ensemble, notres trois chanteuses sont portées non seulement pas la musique d’Ellington, mais aussi par les adaptations qu’en a fait leur contrebassiste habituel, Gérard Maurin (figure que les connaisseurs ont déjà su remarquer dans l’ombre de Virginie Teychené). Ses mises en forme et ses aménagements harmoniques plein d’esprit vont comme un gant à leurs trois voix admirablement complémentaires. Et chacune son tour, chacune dans son genre, elles savent s’affranchir du concours de leurs consœurs pour un petit tour en solo… Mais on ne va pas tout vous dire ici. Laissons en pour celui qui sera chargé de la chronique de ce disque dans Jazz Magazine à la rentrée.


Franck Bergerot

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Après quelques semaines loin des clubs, Franck Bergerot s’est autorisé une première et timide sortie au Sunside pour écouter le groupe vocal Doodlin’ parrainé par le trompettiste Michel Barrot. Doodlin’, c’était l’un des plus grands tubes d’Horace Silver, l’un des plus beaux arrangements des Double Six et le nom de l’un des deux chattes de Mimi Perrin. Depuis une douzaine d’année, c’est le nom d’un trio vocal venu de Provence qui rend aujourd’hui un hommage à Duke Ellington arrangé par le contrebassiste Gérard Maurin.


Préambule

Voilà plus d’un mois que je n’avais pas mis les pieds dans un club. Entre temps, j’ai bouclé le numéro des festivals. Depuis vingt ans que je fais ce métier chaque année la même épreuve si l’on veut livrer un véritable guide des festivals de l’été. Puis j’ai été m’effondrer au frais soleil de Bretagne qui se montrait enfin. Les asperges sont arrivées, puis reparties, mais les fraises sont toujours là, j’ai regardé les vaches paître, j’ai éternué en regardant notre chatte dormir sous la haie, elle a fui vers un buisson d’où s’est envolé une bande de verdiers, j’ai demandé à mon voisin s’il allait pleuvoir, je me suis mordu la langue vingt fois, au concours de sonneurs biniou-bombarde et de gavotte pourlet du Trophée Pierre Bédard je n’ai pas osé danser mais j’ai été à la ville voir le film Moonrise Kingdom (ce que je vous recommande même si ça n’a aucun rapport avec le jazz), j’ai lu La Route des Flandres (ce que vous auriez dû me recommander plus tôt), je suis rentré à Paris (et notre chatte nous a fait la gueule pendant trois jours) et j’ai trouvé suffisamment de travail sur mon bureau pour ne plus sortir à nouveau pendant un nouveau mois… ce qui n’est pas une vie de jazz critic. J’ai quand même pris le temps d’aller voir Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais en avant-première au Balzac et j’ai pensé au jazz et à ses standards en voyant ces acteurs reprendre les mêmes répliques et tirades comme on s’échange exposés et chorus d’un même morceau au cours d’une jam. J’ai pensé aussi à Paul Motian qui signait Lost in a Dream un an avant sa mort, comme Resnais a tourné son nouveau film, dans un état de jeunesse et d’impertinence qui réjouit l’âme.

Sunside, Paris (75), le 14 juin.

Doodlin’ : Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay, Vérène Fay (chant), Michel Barrot (trompette), André Villéger (sax ténor), Patrice Galas (piano), Pierre-Yves Sorin (contrebasse), François Laudet (batterie).


À cinq jours du bouclage du numéro de juillet, le téléphone a sonné. C’était la voix rocailleuse du trompettiste Michel Barrot, fondateur de l’école de jazz de Salon-de-Provence, IFMP. Il m’invitait à aller écouter ses protégées du trio vocal Doodlin’ qu’il parraine depuis une demie douzaine d’années (le groupe en a une demie de plus). À l’absence de doute qu’il y avait dans cette voix, j’ai vu le signe qu’il était temps d’y retourner.

Michel Barrot était là, hélas affecté d’une hernie qui l’obligeait à jouer sur la pointe des pieds ce qui n’est pas son genre et ce qui l’a amené à faire venir André Villéger. Qui s’en plaindrait ? Avec Patrice Galas, Pierre-Yves Sorin et François Laudet, nos trois chanteuses étaient en terrain de confiance. Dans jazz vocal, il y jazz… et c’est souvent un problème. Pas chez Doodlin’. Emmanuelle Rivault, Evelyne Sornay et Vérène Fay connaissent le jazz, son histoire ancienne, ses figures et bien sûr Duke Ellington auquel elles rendent hommage sur leur nouvel album In a Mellow Tone. C’est justement pour célébrer sa sortie qu’elles sont montées au Sunside.


Chroniquant ce concert avec plus d’une semaine de retard – et oui, nouveau bouclage, celui du numéro de juillet, et rebouclage en vue, celui d’août, et le soir en rentrant du journal travaux d’écriture pour ces numéros –, il me semble me souvenir qu’elles ont commencé leur programme comme sur leur disque. Et je crois bien retrouver dans le Cotton Tail qui fait l’ouverture du disque cette mauvaise impression initiale que me fit leur premier morceau au Sunside. Quelque chose de précipité dans le phrasé d’ensemble et peut-être la prononciation anglaise qui m’a déplu, d’ailleurs essentiellement dans les phrases A.


C’est dommage, car je ne retrouve pas cette impression sur les autres titres et je m’explique mal qu’elles aient choisi d’entrer sur ce moment de faiblesse (à moins que je ne soit même victime d’une allergie d’un type nouveau). Dans l’ensemble, notres trois chanteuses sont portées non seulement pas la musique d’Ellington, mais aussi par les adaptations qu’en a fait leur contrebassiste habituel, Gérard Maurin (figure que les connaisseurs ont déjà su remarquer dans l’ombre de Virginie Teychené). Ses mises en forme et ses aménagements harmoniques plein d’esprit vont comme un gant à leurs trois voix admirablement complémentaires. Et chacune son tour, chacune dans son genre, elles savent s’affranchir du concours de leurs consœurs pour un petit tour en solo… Mais on ne va pas tout vous dire ici. Laissons en pour celui qui sera chargé de la chronique de ce disque dans Jazz Magazine à la rentrée.


Franck Bergerot