Jazz live
Publié le 15 Nov 2017

D'JAZZ NEVERS 4 : FEDERICO CASAGRANDE, JOURNAL INTIME , JOSEPH NADJ /JOËLLE LÉANDRE, ANDY EMLER

L’ami Bergerot est reparti vers l’intense activité de bouclage du numéro de décembre-janvier de Jazz Magazine, et il m’échoit de rendre compte, au fil des prochains jours, de la toujours prolifique diversité du festival.

Federico Casgrande©Maxim François       pendant la balance, le guitariste est seul au monde        Photo©Maxim François

FEDERICO CASAGRANDE (guitare solo)

Palais Ducal, salle Henriette de Clèves, 14 novembre 2017, 12h15

C’est pour moi une découverte : j’ai déjà écouté ce guitariste, sur scène et sur disques, en leader ou en sideman, mais je ne lui connaissais pas ce talent de guitariste acoustique, en solo. Le premier titre me replonge dans le souvenir de duos de guitares des années 70, ceux qui associaient Philip Catherine et Larry Coryell, et aussi le plus confidentiel «Guitares Dérive» : mêmes arpèges harmoniquement ouverts, même mélancolie rêveuse. Le guitariste annonce ensuite une composition qu’il a enregistrée mais qui n’a pas été conservée pour le disque auquel elle était destinée ; mais ce sera finalement surtout une improvisation. Vient alors un discours plus explicitement jazz, mais avec un soubassement de guitare classique latino-américaine. Puis ce sera une pièce inspirée par un instrument traditionnel marocain, qui induit d’accorder la guitare avec des intervalles particuliers : une musique qui oscille entre l’atonalité et le polytonal, ponctuée de basses profondes et d’accords très ouverts.Et après un thème inspiré par le folklore des Dolomites, le guitariste va se lancer dans une improvisation staccato, d’une grande liberté harmonique, qui croisera en cours d’inspiration un standard du jazz, Nardis. Et le concert se poursuivra encore, dans une atmosphère recueillie (l’artiste remercie chaleureusement le public pour le silence si favorable à la qualité d’écoute), jusqu’à un rappel qui flirte avec l’esprit de la bossa nova. Belle découverte, vraiment, que cette facette acoustique de Federico Casagrande.

Journal Intime©Maxim François      Photo©Maxim François

JOURNAL INTIME «Standards»

Sylvain Bardiau (trompette), Frédéric Gastard (saxophone basse), Matthias Mahler (trombone)

Espace Stéphane Hessel, 14 novembre 2017, 18h30

En coproduction avec les festivals EuropaJazz du Mans et Jazzdor de Stasbourg, c’est une nouvelle aventure pour ce trio singulier, qui rassemble des instrumentistes-improvisateurs de haut vol. Après avoir tutoyé l’univers de la musique dite contemporaine, les voici dans un véritable défi : aborder les standards (ceux de Broadway, mais aussi des compositions de jazzmen qui sont devenues de véritables standards). Après avoir interprété avec déférence stylistique Give Me The Simple Life, ils organisent une collision entre Lady Bird (Tadd Dameron) et Lazy Bird (Coltrane). L’invention et la vitalité sont constantes, la jubilation aussi. Suivra une longue variation autour de Chelsea Bridge, qui finalement accostera au thème après que chacun aura rappelé son talent de soliste. Ce sera ensuite un cache-cache sinueux autour des harmonies de What Is This Thing Called Love, thème finalement dévoilé, avec aussi de brillants chorus bebop, et l’inclusion souterraine de Hot House, démarquage d’époque (Tadd Dameron, encore). Un mélange des phrases de Miles Davis, Don Byas et Chuck Mangione sur Old Folks précèdera une version diabolique de On Green Dolphin Street, joué pour l’essentiel à l’envers ! Et pour finir, encore une poignée de standards, parmi lesquels All The Things You Are, mais sans détour par Bird of Paradise. C’est brillant, plein d’humour, et surtout 100% musical : bien plus qu’un exercice de style, une réappropriation totale, comme nous l’a enseigné l’histoire du jazz, qu’il soit classique ou moderne. Un pur régal….

Léandre Nadj©Maxim François      Photo©Maxim François

JOSEF NADJ & JOËLLE LÉANDRE «Penzum»

Josef Nadj (chorégraphie, danse, dessin), Joëlle Léandre (contrebasse, percussion, voix)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 14 novembre 2017, 20h30

Ce n’est pas une surprise que de voir ici accueilli ce spectacle-performance. Le danseur-chorégraphe-plasticien et la contrebassiste-compositrice s’étaient par le passé plusieurs fois produits dans le festival. Les revoici, donc, avec une évocation du poète hongrois Attila József. Le spectacle est inclassable : danse, mimodrame, intervention plastique, théâtre musical et chorégraphique ? Qu’importe, c’est une performance au sens où l’entend l’art contemporain. Joëlle Léandre, portant un masque d’aluminium, occupe le côté jardin. Tout près, à cour, un grand carré blanc d’environ 2 mètres sur 2, devant lequel surgira Josef Nadj, après n’avoir laissé voir que sa main agitant un éventail. Il est là, complètement là, massif, musculature en évidence, habillé en femme et portant lui aussi un masque, lequel est sombre. Entre mille gestes et volutes, il trace au charbon, avec une baguette d’abord, puis à pleine main, des dessins d’où surgissent, fantasmatiques, une sorte d’insecte mystérieux, un cerf paisible broutant la prairie, et d’autres détails qui vont nous conter l’histoire, en forme d’hommage, de ce poète opprimé qui mourut écrasé par un train. Au fil de la performance, des indices visuels en témoignent de manière allusive. La contrebassiste construit une musique fondée sur le bourdon de la corde grave, tandis que plus haut prolifèrent des harmoniques. Elle joue aussi en percussionniste, une mailloche dans chaque main, l’une sur la corde grave de la basse, l’autre sur une espèce de table percussive au timbre riche, et elle nous fait entendre la sonorité troublante de sa voix de contralto. La tension monte, attisée par les textes du poète, violemment proférés par Josef Nadj dans leur langue d’origine. Puis au terme de ce crescendo dramatique, après que la fin tragique du poète a été suggérée par quelques signes graphiques, le danseur disparaît derrière le support de son très grand dessin, pour réapparaître au sommet du carré, coiffé de la tête d’un cerf et de ses bois. Puis il revient près de la contrebassiste, tandis que la musique, apaisée, poursuit son decrescendo jusqu’au silence. C’est fascinant, d’une forme de beauté étrange et captivante à quoi il est difficile d’échapper.

Josef Nadj est également photographe. On peut voir son exposition « Les Jours », sur le thème de sa région natale en Serbie, jusqu’au 9 décembre à la Médiathèque de Nevers

A Emler Running Backwards©Maxim François   Photo©Maxim François

ANDY EMLER «Running Backwards»

Andy Emler (piano, composition), Marc Ducret (guitare), Claude Tchamitchian (contrebasse), Éric Échampard (batterie)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 14 novembre 2017, 22h15

Changement radical de registre, et d’univers, avec le groupe dans lequel Andy Emler, et son trio régulier, accueillent Marc Ducret, complice de longue date du pianiste, et aussi du batteur. Depuis sa création en juin 2016 à Radio France pour les concerts ‘Jazz sur le Vif’ d’Arnaud Merlin, la musique s’est étoffée. Un disque éponyme a paru au printemps dernier, et la musique continue de s’épanouir, au gré des concerts. À Marc Ducret revient l’honneur d’ouvrir le concert par un solo, comme toujours d’une intense beauté. Et la machine se met en branle. Les unissons vertigineux débouchent sur des envolées frénétiques, et quand la transe paraît définitive, une rupture brutale, descente du quadruple forte au pianississimo, annonce la couleur : on n’est pas ici dans le confort ronronnant mais dans l’urgence. Le caractère éminemment collectif va prévaloir tout au long du concert, et la plus belle preuve de ce bel esprit, c’est que d’étape en étape, une séquence ouvre un espace privilégié d’expression, pour un solo ou un échange en forme de duo, à tous les membres du quartette. Tous les territoires de la musique sont abordés, voire explorés : de la contemporaine à la fusion ambitieuse, du jazz aux rythmes du Monde. La force de cette musique, plus encore que dans sa richesse musicale et instrumentale, repose sur son éthique : un sens du collectif qui milite sereinement pour un monde à refaire, en dépit de la marche à reculons que laissent entrevoir les désastres humanitaires, sociaux, politiques, écologiques et économiques. Le public est conquis, votre serviteur est aux anges, et un rappel insistant autant que chaleureux nous vaudra un impromptu en Mi total : une spécialité maison.

Xavier Prévost

La performance de Jozef Nadj & Joëlle Léandre, ainsi que le concert d’Andy Emler, seront diffusés prochainement sur Culture Box|L’ami Bergerot est reparti vers l’intense activité de bouclage du numéro de décembre-janvier de Jazz Magazine, et il m’échoit de rendre compte, au fil des prochains jours, de la toujours prolifique diversité du festival.

Federico Casgrande©Maxim François       pendant la balance, le guitariste est seul au monde        Photo©Maxim François

FEDERICO CASAGRANDE (guitare solo)

Palais Ducal, salle Henriette de Clèves, 14 novembre 2017, 12h15

C’est pour moi une découverte : j’ai déjà écouté ce guitariste, sur scène et sur disques, en leader ou en sideman, mais je ne lui connaissais pas ce talent de guitariste acoustique, en solo. Le premier titre me replonge dans le souvenir de duos de guitares des années 70, ceux qui associaient Philip Catherine et Larry Coryell, et aussi le plus confidentiel «Guitares Dérive» : mêmes arpèges harmoniquement ouverts, même mélancolie rêveuse. Le guitariste annonce ensuite une composition qu’il a enregistrée mais qui n’a pas été conservée pour le disque auquel elle était destinée ; mais ce sera finalement surtout une improvisation. Vient alors un discours plus explicitement jazz, mais avec un soubassement de guitare classique latino-américaine. Puis ce sera une pièce inspirée par un instrument traditionnel marocain, qui induit d’accorder la guitare avec des intervalles particuliers : une musique qui oscille entre l’atonalité et le polytonal, ponctuée de basses profondes et d’accords très ouverts.Et après un thème inspiré par le folklore des Dolomites, le guitariste va se lancer dans une improvisation staccato, d’une grande liberté harmonique, qui croisera en cours d’inspiration un standard du jazz, Nardis. Et le concert se poursuivra encore, dans une atmosphère recueillie (l’artiste remercie chaleureusement le public pour le silence si favorable à la qualité d’écoute), jusqu’à un rappel qui flirte avec l’esprit de la bossa nova. Belle découverte, vraiment, que cette facette acoustique de Federico Casagrande.

Journal Intime©Maxim François      Photo©Maxim François

JOURNAL INTIME «Standards»

Sylvain Bardiau (trompette), Frédéric Gastard (saxophone basse), Matthias Mahler (trombone)

Espace Stéphane Hessel, 14 novembre 2017, 18h30

En coproduction avec les festivals EuropaJazz du Mans et Jazzdor de Stasbourg, c’est une nouvelle aventure pour ce trio singulier, qui rassemble des instrumentistes-improvisateurs de haut vol. Après avoir tutoyé l’univers de la musique dite contemporaine, les voici dans un véritable défi : aborder les standards (ceux de Broadway, mais aussi des compositions de jazzmen qui sont devenues de véritables standards). Après avoir interprété avec déférence stylistique Give Me The Simple Life, ils organisent une collision entre Lady Bird (Tadd Dameron) et Lazy Bird (Coltrane). L’invention et la vitalité sont constantes, la jubilation aussi. Suivra une longue variation autour de Chelsea Bridge, qui finalement accostera au thème après que chacun aura rappelé son talent de soliste. Ce sera ensuite un cache-cache sinueux autour des harmonies de What Is This Thing Called Love, thème finalement dévoilé, avec aussi de brillants chorus bebop, et l’inclusion souterraine de Hot House, démarquage d’époque (Tadd Dameron, encore). Un mélange des phrases de Miles Davis, Don Byas et Chuck Mangione sur Old Folks précèdera une version diabolique de On Green Dolphin Street, joué pour l’essentiel à l’envers ! Et pour finir, encore une poignée de standards, parmi lesquels All The Things You Are, mais sans détour par Bird of Paradise. C’est brillant, plein d’humour, et surtout 100% musical : bien plus qu’un exercice de style, une réappropriation totale, comme nous l’a enseigné l’histoire du jazz, qu’il soit classique ou moderne. Un pur régal….

Léandre Nadj©Maxim François      Photo©Maxim François

JOSEF NADJ & JOËLLE LÉANDRE «Penzum»

Josef Nadj (chorégraphie, danse, dessin), Joëlle Léandre (contrebasse, percussion, voix)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 14 novembre 2017, 20h30

Ce n’est pas une surprise que de voir ici accueilli ce spectacle-performance. Le danseur-chorégraphe-plasticien et la contrebassiste-compositrice s’étaient par le passé plusieurs fois produits dans le festival. Les revoici, donc, avec une évocation du poète hongrois Attila József. Le spectacle est inclassable : danse, mimodrame, intervention plastique, théâtre musical et chorégraphique ? Qu’importe, c’est une performance au sens où l’entend l’art contemporain. Joëlle Léandre, portant un masque d’aluminium, occupe le côté jardin. Tout près, à cour, un grand carré blanc d’environ 2 mètres sur 2, devant lequel surgira Josef Nadj, après n’avoir laissé voir que sa main agitant un éventail. Il est là, complètement là, massif, musculature en évidence, habillé en femme et portant lui aussi un masque, lequel est sombre. Entre mille gestes et volutes, il trace au charbon, avec une baguette d’abord, puis à pleine main, des dessins d’où surgissent, fantasmatiques, une sorte d’insecte mystérieux, un cerf paisible broutant la prairie, et d’autres détails qui vont nous conter l’histoire, en forme d’hommage, de ce poète opprimé qui mourut écrasé par un train. Au fil de la performance, des indices visuels en témoignent de manière allusive. La contrebassiste construit une musique fondée sur le bourdon de la corde grave, tandis que plus haut prolifèrent des harmoniques. Elle joue aussi en percussionniste, une mailloche dans chaque main, l’une sur la corde grave de la basse, l’autre sur une espèce de table percussive au timbre riche, et elle nous fait entendre la sonorité troublante de sa voix de contralto. La tension monte, attisée par les textes du poète, violemment proférés par Josef Nadj dans leur langue d’origine. Puis au terme de ce crescendo dramatique, après que la fin tragique du poète a été suggérée par quelques signes graphiques, le danseur disparaît derrière le support de son très grand dessin, pour réapparaître au sommet du carré, coiffé de la tête d’un cerf et de ses bois. Puis il revient près de la contrebassiste, tandis que la musique, apaisée, poursuit son decrescendo jusqu’au silence. C’est fascinant, d’une forme de beauté étrange et captivante à quoi il est difficile d’échapper.

Josef Nadj est également photographe. On peut voir son exposition « Les Jours », sur le thème de sa région natale en Serbie, jusqu’au 9 décembre à la Médiathèque de Nevers

A Emler Running Backwards©Maxim François   Photo©Maxim François

ANDY EMLER «Running Backwards»

Andy Emler (piano, composition), Marc Ducret (guitare), Claude Tchamitchian (contrebasse), Éric Échampard (batterie)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 14 novembre 2017, 22h15

Changement radical de registre, et d’univers, avec le groupe dans lequel Andy Emler, et son trio régulier, accueillent Marc Ducret, complice de longue date du pianiste, et aussi du batteur. Depuis sa création en juin 2016 à Radio France pour les concerts ‘Jazz sur le Vif’ d’Arnaud Merlin, la musique s’est étoffée. Un disque éponyme a paru au printemps dernier, et la musique continue de s’épanouir, au gré des concerts. À Marc Ducret revient l’honneur d’ouvrir le concert par un solo, comme toujours d’une intense beauté. Et la machine se met en branle. Les unissons vertigineux débouchent sur des envolées frénétiques, et quand la transe paraît définitive, une rupture brutale, descente du quadruple forte au pianississimo, annonce la couleur : on n’est pas ici dans le confort ronronnant mais dans l’urgence. Le caractère éminemment collectif va prévaloir tout au long du concert, et la plus belle preuve de ce bel esprit, c’est que d’étape en étape, une séquence ouvre un espace privilégié d’expression, pour un solo ou un échange en forme de duo, à tous les membres du quartette. Tous les territoires de la musique sont abordés, voire explorés : de la contemporaine à la fusion ambitieuse, du jazz aux rythmes du Monde. La force de cette musique, plus encore que dans sa richesse musicale et instrumentale, repose sur son éthique : un sens du collectif qui milite sereinement pour un monde à refaire, en dépit de la marche à reculons que laissent entrevoir les désastres humanitaires, sociaux, politiques, écologiques et économiques. Le public est conquis, votre serviteur est aux anges, et un rappel insistant autant que chaleureux nous vaudra un impromptu en Mi total : une spécialité maison.

Xavier Prévost

La performance de Jozef Nadj & Joëlle Léandre, ainsi que le concert d’Andy Emler, seront diffusés prochainement sur Culture Box|L’ami Bergerot est reparti vers l’intense activité de bouclage du numéro de décembre-janvier de Jazz Magazine, et il m’échoit de rendre compte, au fil des prochains jours, de la toujours prolifique diversité du festival.

Federico Casgrande©Maxim François       pendant la balance, le guitariste est seul au monde        Photo©Maxim François

FEDERICO CASAGRANDE (guitare solo)

Palais Ducal, salle Henriette de Clèves, 14 novembre 2017, 12h15

C’est pour moi une découverte : j’ai déjà écouté ce guitariste, sur scène et sur disques, en leader ou en sideman, mais je ne lui connaissais pas ce talent de guitariste acoustique, en solo. Le premier titre me replonge dans le souvenir de duos de guitares des années 70, ceux qui associaient Philip Catherine et Larry Coryell, et aussi le plus confidentiel «Guitares Dérive» : mêmes arpèges harmoniquement ouverts, même mélancolie rêveuse. Le guitariste annonce ensuite une composition qu’il a enregistrée mais qui n’a pas été conservée pour le disque auquel elle était destinée ; mais ce sera finalement surtout une improvisation. Vient alors un discours plus explicitement jazz, mais avec un soubassement de guitare classique latino-américaine. Puis ce sera une pièce inspirée par un instrument traditionnel marocain, qui induit d’accorder la guitare avec des intervalles particuliers : une musique qui oscille entre l’atonalité et le polytonal, ponctuée de basses profondes et d’accords très ouverts.Et après un thème inspiré par le folklore des Dolomites, le guitariste va se lancer dans une improvisation staccato, d’une grande liberté harmonique, qui croisera en cours d’inspiration un standard du jazz, Nardis. Et le concert se poursuivra encore, dans une atmosphère recueillie (l’artiste remercie chaleureusement le public pour le silence si favorable à la qualité d’écoute), jusqu’à un rappel qui flirte avec l’esprit de la bossa nova. Belle découverte, vraiment, que cette facette acoustique de Federico Casagrande.

Journal Intime©Maxim François      Photo©Maxim François

JOURNAL INTIME «Standards»

Sylvain Bardiau (trompette), Frédéric Gastard (saxophone basse), Matthias Mahler (trombone)

Espace Stéphane Hessel, 14 novembre 2017, 18h30

En coproduction avec les festivals EuropaJazz du Mans et Jazzdor de Stasbourg, c’est une nouvelle aventure pour ce trio singulier, qui rassemble des instrumentistes-improvisateurs de haut vol. Après avoir tutoyé l’univers de la musique dite contemporaine, les voici dans un véritable défi : aborder les standards (ceux de Broadway, mais aussi des compositions de jazzmen qui sont devenues de véritables standards). Après avoir interprété avec déférence stylistique Give Me The Simple Life, ils organisent une collision entre Lady Bird (Tadd Dameron) et Lazy Bird (Coltrane). L’invention et la vitalité sont constantes, la jubilation aussi. Suivra une longue variation autour de Chelsea Bridge, qui finalement accostera au thème après que chacun aura rappelé son talent de soliste. Ce sera ensuite un cache-cache sinueux autour des harmonies de What Is This Thing Called Love, thème finalement dévoilé, avec aussi de brillants chorus bebop, et l’inclusion souterraine de Hot House, démarquage d’époque (Tadd Dameron, encore). Un mélange des phrases de Miles Davis, Don Byas et Chuck Mangione sur Old Folks précèdera une version diabolique de On Green Dolphin Street, joué pour l’essentiel à l’envers ! Et pour finir, encore une poignée de standards, parmi lesquels All The Things You Are, mais sans détour par Bird of Paradise. C’est brillant, plein d’humour, et surtout 100% musical : bien plus qu’un exercice de style, une réappropriation totale, comme nous l’a enseigné l’histoire du jazz, qu’il soit classique ou moderne. Un pur régal….

Léandre Nadj©Maxim François      Photo©Maxim François

JOSEF NADJ & JOËLLE LÉANDRE «Penzum»

Josef Nadj (chorégraphie, danse, dessin), Joëlle Léandre (contrebasse, percussion, voix)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 14 novembre 2017, 20h30

Ce n’est pas une surprise que de voir ici accueilli ce spectacle-performance. Le danseur-chorégraphe-plasticien et la contrebassiste-compositrice s’étaient par le passé plusieurs fois produits dans le festival. Les revoici, donc, avec une évocation du poète hongrois Attila József. Le spectacle est inclassable : danse, mimodrame, intervention plastique, théâtre musical et chorégraphique ? Qu’importe, c’est une performance au sens où l’entend l’art contemporain. Joëlle Léandre, portant un masque d’aluminium, occupe le côté jardin. Tout près, à cour, un grand carré blanc d’environ 2 mètres sur 2, devant lequel surgira Josef Nadj, après n’avoir laissé voir que sa main agitant un éventail. Il est là, complètement là, massif, musculature en évidence, habillé en femme et portant lui aussi un masque, lequel est sombre. Entre mille gestes et volutes, il trace au charbon, avec une baguette d’abord, puis à pleine main, des dessins d’où surgissent, fantasmatiques, une sorte d’insecte mystérieux, un cerf paisible broutant la prairie, et d’autres détails qui vont nous conter l’histoire, en forme d’hommage, de ce poète opprimé qui mourut écrasé par un train. Au fil de la performance, des indices visuels en témoignent de manière allusive. La contrebassiste construit une musique fondée sur le bourdon de la corde grave, tandis que plus haut prolifèrent des harmoniques. Elle joue aussi en percussionniste, une mailloche dans chaque main, l’une sur la corde grave de la basse, l’autre sur une espèce de table percussive au timbre riche, et elle nous fait entendre la sonorité troublante de sa voix de contralto. La tension monte, attisée par les textes du poète, violemment proférés par Josef Nadj dans leur langue d’origine. Puis au terme de ce crescendo dramatique, après que la fin tragique du poète a été suggérée par quelques signes graphiques, le danseur disparaît derrière le support de son très grand dessin, pour réapparaître au sommet du carré, coiffé de la tête d’un cerf et de ses bois. Puis il revient près de la contrebassiste, tandis que la musique, apaisée, poursuit son decrescendo jusqu’au silence. C’est fascinant, d’une forme de beauté étrange et captivante à quoi il est difficile d’échapper.

Josef Nadj est également photographe. On peut voir son exposition « Les Jours », sur le thème de sa région natale en Serbie, jusqu’au 9 décembre à la Médiathèque de Nevers

A Emler Running Backwards©Maxim François   Photo©Maxim François

ANDY EMLER «Running Backwards»

Andy Emler (piano, composition), Marc Ducret (guitare), Claude Tchamitchian (contrebasse), Éric Échampard (batterie)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 14 novembre 2017, 22h15

Changement radical de registre, et d’univers, avec le groupe dans lequel Andy Emler, et son trio régulier, accueillent Marc Ducret, complice de longue date du pianiste, et aussi du batteur. Depuis sa création en juin 2016 à Radio France pour les concerts ‘Jazz sur le Vif’ d’Arnaud Merlin, la musique s’est étoffée. Un disque éponyme a paru au printemps dernier, et la musique continue de s’épanouir, au gré des concerts. À Marc Ducret revient l’honneur d’ouvrir le concert par un solo, comme toujours d’une intense beauté. Et la machine se met en branle. Les unissons vertigineux débouchent sur des envolées frénétiques, et quand la transe paraît définitive, une rupture brutale, descente du quadruple forte au pianississimo, annonce la couleur : on n’est pas ici dans le confort ronronnant mais dans l’urgence. Le caractère éminemment collectif va prévaloir tout au long du concert, et la plus belle preuve de ce bel esprit, c’est que d’étape en étape, une séquence ouvre un espace privilégié d’expression, pour un solo ou un échange en forme de duo, à tous les membres du quartette. Tous les territoires de la musique sont abordés, voire explorés : de la contemporaine à la fusion ambitieuse, du jazz aux rythmes du Monde. La force de cette musique, plus encore que dans sa richesse musicale et instrumentale, repose sur son éthique : un sens du collectif qui milite sereinement pour un monde à refaire, en dépit de la marche à reculons que laissent entrevoir les désastres humanitaires, sociaux, politiques, écologiques et économiques. Le public est conquis, votre serviteur est aux anges, et un rappel insistant autant que chaleureux nous vaudra un impromptu en Mi total : une spécialité maison.

Xavier Prévost

La performance de Jozef Nadj & Joëlle Léandre, ainsi que le concert d’Andy Emler, seront diffusés prochainement sur Culture Box|L’ami Bergerot est reparti vers l’intense activité de bouclage du numéro de décembre-janvier de Jazz Magazine, et il m’échoit de rendre compte, au fil des prochains jours, de la toujours prolifique diversité du festival.

Federico Casgrande©Maxim François       pendant la balance, le guitariste est seul au monde        Photo©Maxim François

FEDERICO CASAGRANDE (guitare solo)

Palais Ducal, salle Henriette de Clèves, 14 novembre 2017, 12h15

C’est pour moi une découverte : j’ai déjà écouté ce guitariste, sur scène et sur disques, en leader ou en sideman, mais je ne lui connaissais pas ce talent de guitariste acoustique, en solo. Le premier titre me replonge dans le souvenir de duos de guitares des années 70, ceux qui associaient Philip Catherine et Larry Coryell, et aussi le plus confidentiel «Guitares Dérive» : mêmes arpèges harmoniquement ouverts, même mélancolie rêveuse. Le guitariste annonce ensuite une composition qu’il a enregistrée mais qui n’a pas été conservée pour le disque auquel elle était destinée ; mais ce sera finalement surtout une improvisation. Vient alors un discours plus explicitement jazz, mais avec un soubassement de guitare classique latino-américaine. Puis ce sera une pièce inspirée par un instrument traditionnel marocain, qui induit d’accorder la guitare avec des intervalles particuliers : une musique qui oscille entre l’atonalité et le polytonal, ponctuée de basses profondes et d’accords très ouverts.Et après un thème inspiré par le folklore des Dolomites, le guitariste va se lancer dans une improvisation staccato, d’une grande liberté harmonique, qui croisera en cours d’inspiration un standard du jazz, Nardis. Et le concert se poursuivra encore, dans une atmosphère recueillie (l’artiste remercie chaleureusement le public pour le silence si favorable à la qualité d’écoute), jusqu’à un rappel qui flirte avec l’esprit de la bossa nova. Belle découverte, vraiment, que cette facette acoustique de Federico Casagrande.

Journal Intime©Maxim François      Photo©Maxim François

JOURNAL INTIME «Standards»

Sylvain Bardiau (trompette), Frédéric Gastard (saxophone basse), Matthias Mahler (trombone)

Espace Stéphane Hessel, 14 novembre 2017, 18h30

En coproduction avec les festivals EuropaJazz du Mans et Jazzdor de Stasbourg, c’est une nouvelle aventure pour ce trio singulier, qui rassemble des instrumentistes-improvisateurs de haut vol. Après avoir tutoyé l’univers de la musique dite contemporaine, les voici dans un véritable défi : aborder les standards (ceux de Broadway, mais aussi des compositions de jazzmen qui sont devenues de véritables standards). Après avoir interprété avec déférence stylistique Give Me The Simple Life, ils organisent une collision entre Lady Bird (Tadd Dameron) et Lazy Bird (Coltrane). L’invention et la vitalité sont constantes, la jubilation aussi. Suivra une longue variation autour de Chelsea Bridge, qui finalement accostera au thème après que chacun aura rappelé son talent de soliste. Ce sera ensuite un cache-cache sinueux autour des harmonies de What Is This Thing Called Love, thème finalement dévoilé, avec aussi de brillants chorus bebop, et l’inclusion souterraine de Hot House, démarquage d’époque (Tadd Dameron, encore). Un mélange des phrases de Miles Davis, Don Byas et Chuck Mangione sur Old Folks précèdera une version diabolique de On Green Dolphin Street, joué pour l’essentiel à l’envers ! Et pour finir, encore une poignée de standards, parmi lesquels All The Things You Are, mais sans détour par Bird of Paradise. C’est brillant, plein d’humour, et surtout 100% musical : bien plus qu’un exercice de style, une réappropriation totale, comme nous l’a enseigné l’histoire du jazz, qu’il soit classique ou moderne. Un pur régal….

Léandre Nadj©Maxim François      Photo©Maxim François

JOSEF NADJ & JOËLLE LÉANDRE «Penzum»

Josef Nadj (chorégraphie, danse, dessin), Joëlle Léandre (contrebasse, percussion, voix)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 14 novembre 2017, 20h30

Ce n’est pas une surprise que de voir ici accueilli ce spectacle-performance. Le danseur-chorégraphe-plasticien et la contrebassiste-compositrice s’étaient par le passé plusieurs fois produits dans le festival. Les revoici, donc, avec une évocation du poète hongrois Attila József. Le spectacle est inclassable : danse, mimodrame, intervention plastique, théâtre musical et chorégraphique ? Qu’importe, c’est une performance au sens où l’entend l’art contemporain. Joëlle Léandre, portant un masque d’aluminium, occupe le côté jardin. Tout près, à cour, un grand carré blanc d’environ 2 mètres sur 2, devant lequel surgira Josef Nadj, après n’avoir laissé voir que sa main agitant un éventail. Il est là, complètement là, massif, musculature en évidence, habillé en femme et portant lui aussi un masque, lequel est sombre. Entre mille gestes et volutes, il trace au charbon, avec une baguette d’abord, puis à pleine main, des dessins d’où surgissent, fantasmatiques, une sorte d’insecte mystérieux, un cerf paisible broutant la prairie, et d’autres détails qui vont nous conter l’histoire, en forme d’hommage, de ce poète opprimé qui mourut écrasé par un train. Au fil de la performance, des indices visuels en témoignent de manière allusive. La contrebassiste construit une musique fondée sur le bourdon de la corde grave, tandis que plus haut prolifèrent des harmoniques. Elle joue aussi en percussionniste, une mailloche dans chaque main, l’une sur la corde grave de la basse, l’autre sur une espèce de table percussive au timbre riche, et elle nous fait entendre la sonorité troublante de sa voix de contralto. La tension monte, attisée par les textes du poète, violemment proférés par Josef Nadj dans leur langue d’origine. Puis au terme de ce crescendo dramatique, après que la fin tragique du poète a été suggérée par quelques signes graphiques, le danseur disparaît derrière le support de son très grand dessin, pour réapparaître au sommet du carré, coiffé de la tête d’un cerf et de ses bois. Puis il revient près de la contrebassiste, tandis que la musique, apaisée, poursuit son decrescendo jusqu’au silence. C’est fascinant, d’une forme de beauté étrange et captivante à quoi il est difficile d’échapper.

Josef Nadj est également photographe. On peut voir son exposition « Les Jours », sur le thème de sa région natale en Serbie, jusqu’au 9 décembre à la Médiathèque de Nevers

A Emler Running Backwards©Maxim François   Photo©Maxim François

ANDY EMLER «Running Backwards»

Andy Emler (piano, composition), Marc Ducret (guitare), Claude Tchamitchian (contrebasse), Éric Échampard (batterie)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 14 novembre 2017, 22h15

Changement radical de registre, et d’univers, avec le groupe dans lequel Andy Emler, et son trio régulier, accueillent Marc Ducret, complice de longue date du pianiste, et aussi du batteur. Depuis sa création en juin 2016 à Radio France pour les concerts ‘Jazz sur le Vif’ d’Arnaud Merlin, la musique s’est étoffée. Un disque éponyme a paru au printemps dernier, et la musique continue de s’épanouir, au gré des concerts. À Marc Ducret revient l’honneur d’ouvrir le concert par un solo, comme toujours d’une intense beauté. Et la machine se met en branle. Les unissons vertigineux débouchent sur des envolées frénétiques, et quand la transe paraît définitive, une rupture brutale, descente du quadruple forte au pianississimo, annonce la couleur : on n’est pas ici dans le confort ronronnant mais dans l’urgence. Le caractère éminemment collectif va prévaloir tout au long du concert, et la plus belle preuve de ce bel esprit, c’est que d’étape en étape, une séquence ouvre un espace privilégié d’expression, pour un solo ou un échange en forme de duo, à tous les membres du quartette. Tous les territoires de la musique sont abordés, voire explorés : de la contemporaine à la fusion ambitieuse, du jazz aux rythmes du Monde. La force de cette musique, plus encore que dans sa richesse musicale et instrumentale, repose sur son éthique : un sens du collectif qui milite sereinement pour un monde à refaire, en dépit de la marche à reculons que laissent entrevoir les désastres humanitaires, sociaux, politiques, écologiques et économiques. Le public est conquis, votre serviteur est aux anges, et un rappel insistant autant que chaleureux nous vaudra un impromptu en Mi total : une spécialité maison.

Xavier Prévost

La performance de Jozef Nadj & Joëlle Léandre, ainsi que le concert d’Andy Emler, seront diffusés prochainement sur Culture Box