Jazz live
Publié le 10 Nov 2016

D'JAZZ NEVERS : Busking, Michel Benita, J'ai horreur du printemps et Kassap/Drake/Duboc

9 novembre 2016 : quatrième journée du festival, avec encore l’absolue diversité qui reflète la scène d’aujourd’hui : duo Hélène Labarrière/Hasse Poulsen autour des chansons pop et autres ; quintette « Ethics » de Michel Benita ; concert spectacle autour d’un imaginaire du cirque en BD ; et trio Sylvain Kassap/Hamid Drake/Benjamin Duboc pour une passerelle franco-américaine du côté de l’improvisation.

Kassap Drake Duboc     Sylvain Kassap, Hamid Drake, Benjamin Duboc

« Busking » : Hélène Labarrière (contrebasse), Hasse Poulsen (guitare, effets électroniques). Maison de la Culture, salle Lauberty, 12h15

Busking, c’est le fait de chanter dans la rue les mélodies que l’on a en tête, en toute liberté. Et la liberté est la grande affaire d’Hélène Labarrière et Hasse Poulsen. Ils ont donc choisi de traiter des chansons pop, avec l’ouverture d’esprit qui les caractérise. Climat folky, aussitôt fracturé par une impro radicale ; douce mélodie ressassée transformée en terrain d’une improvisation périlleuse pour l’un des deux tandis que l’autre assure un accompagnement conforme à l’original : tout se joue dans la liberté de l’instant. Reprenant quelques titres joués dans leur CD « Busking » (Innacor / L’Autre distribution), et après un premier thème original, et très mélancolique, ils vont d’une chanson extraite de Phantom of the Paradise à une autre de Starmania, en passant par Formidable de Stromae ou une chanson danoise chère à la mémoire du guitariste. Et dans Lucy In The Sky With Diamonds, Hasse Poulsen nous gratifie d’une impro qui fait penser à une version sous acide avec descente difficile… qui débouche sur la réexposition sereine du thème par Hélène Labarrière. On est ici encore dans le plein esprit du jazz : prendre un matériau musical existant, souvent très connu, pour en faire le tour du côté de l’inconnu. Un régal.

Michel Benita & Ethics : N’Guyên Lê (guitare, effets électroniques), Mieko Miyazaki (koto, voix), Matthieu Michel (bugle), Philippe Garcia (batterie, effets électroniques), Michel Benita (contrebasse). Auditorium Jean-Jaurès, 18h30

C’est la seconde fois que j’entends le groupe sur scène, et la sensation est la même : je préfère l’urgence du concert « sur le vif » au disque en studio (« River Silver », ECM), que j’avais trouvé un peu monochrome. Comme l’été dernier au festival de Radio France et Montpellier, je suis captivé par l’intensité mélodique et les nuances de Matthieu Michel ; et aussi par la richesse de ses improvisations. Je suis épaté par le jeu de Mieko Miyazaki au koto, dans les unissons acrobatiques, avec le bugle notamment, dans l’expressivité qu’elle confère à son instrument, et par les improvisations qu’elle déploie dans un contexte qui n’est pas précisément celui du koto. J’apprécie également sa voix, dans une mélopée qui fait écho à son jeu instrumental comme dans des emballements façon rock progressif, qui me rappellent un certain disque de Jacques Thollot en 1978 (« Cinq Hops »). Je suis impressionné par la pertinence du Philippe Garcia, dans son jeu de batterie comme dans les séquences électroniques qu’il distille avec justesse tout au long du concert. Je suis ravi d’entendre dans ce groupe, après d’autres guitaristes, N’Guyên Lê, qui se coule magnifiquement dans cet univers singulier sans rien abdiquer de sa personnalité. Et je suis admiratif de la manière dont Michel Benita, force tranquille, pose la base rythmique et harmonique de chaque séquence, guidant le groupe sur le chemin qu’il a lui-même tracé tout en laissant à ses partenaires un espace personnel d’expression.

 

J'ai horreur du printemps ©Maxim François

©Maxim François

J’ai horreur du printemps, concert-spectacle

Mélissa Von Vépy (conception, interprétation), Stéphan Oliva (composition, piano), Claude Tchamitchian (contrebasse), Ramon Lopez (batterie, percussions), Christophe Monniot (saxophones baryton, alto et sopranino). Maison de la Culture, Salle Philippe-Genty, 20h30

Au départ de l’aventure, le désir conjoint, chez Mélissa Von Vépy et Stéphan Oliva, de travailler à partir d’une bande dessinée de Fred, Le Petit Cirque. Mélissa est trapéziste, performeuse, un peu gymnaste et contorsionniste ; elle-même se définit comme artiste aérienne. Stéphan est passionné par l’image, qu’elle soir de BD ou de cinéma. Ils ont élaboré un univers poétique, irréel, fait de séquences d’images de la BD (parfois animées), projetées sur un écran au faite duquel surgit Mélissa, en gymnaste araignée, intégrant l’image, puis la quittant pour évoluer sur le plateau, avant d’y revenir. La musique originale balance entre piano onirique (un rien sentimental parfois), séquences collectives orientés free jazz ou jazz de plus stricte obédience, avec des solos où chacun est orfèvre. Le dispositif scénique est d’une pertinence remarquable, toutes ses ressources sont formidablement exploitées au profit de l’Art, du rêve, et de l’expression. Bref c’est un spectacle magnifique, quel que soit l’angle sous lequel on l’envisage.

 

Trio Sylvain Kassap / Hamid Drake / Benjamin Duboc

Sylvain Kassap (clarinette, clarinette basse, chalumeau), Hamid Drake (batterie, percussions, voix), Benjamin Duboc (contrebasse). Maison de la Culture, Salle Philippe-Genty, 22h15

Un concert de musique improvisée comme celui-là, c’est presque une histoire du temps. Du temps historique, qui nous ramène à l’émergence du free jazz, puis des musiques-dites improvisées-dites européennes (j’entendais hier un jeune homme les désigner comme jazz libre européen : ça peut faire l’affaire). Du temps musical aussi, qui porte notre subjectivité sur un chemin où le métronome et la clepsydre ne sont d’aucun secours. Tout se déroule comme en un rêve. On part d’un trait nuancé de clarinette basse, sinueux, mélodiquement tendu, qui va ouvrir progressivement le chemin vers l’improvisation collective. La contrebasse s’immisce, tandis que bruissent les balais sur la batterie. L’effervescence gagne, et une clarinette se trouve bientôt démontée en deux segments séparés joués simultanément, pour un motif rythmico-mélodique qui va porter loin le jeu collectif, lequel va se conclure en l’une de ces résolutions miraculeuses dont l’impro détient le secret. Une seconde séquence va s’ouvrir avec le chalumeau à anche simple, un ancêtre de la clarinette, dont il possède le merveilleux boisé. Et l’on part dans un long mouvement rythmique, cyclique, où le 6/8 aura la part belle. C’est à ce moment, dans cette tournerie rythmique envoûtante, que le batteur va installer une polyrythmie incroyable. Je ferme les yeux et je vois le regretté Ed Blackwell, expert en ce type de sortilège. Dans une troisième séquence Hamid Drake joue d’un grand tambourin, proche du bendir d’Afrique du Nord, d’où il extrait des timbres inouïs, qu’il accompagne d’incantations vocales. La clarinette basse et la contrebasse lui font tour à tour écho, écrin, étreinte. Salves d’applaudissements, rappel enthousiaste, retour des artistes, consentants, pour une courte pièce, très vive. Je ne saurais dire combien de temps s’est écoulé depuis la première note : la musique, quand elle est bonne, ne serait donc qu’un (brève) histoire du/de temps.

Xavier Prévost|9 novembre 2016 : quatrième journée du festival, avec encore l’absolue diversité qui reflète la scène d’aujourd’hui : duo Hélène Labarrière/Hasse Poulsen autour des chansons pop et autres ; quintette « Ethics » de Michel Benita ; concert spectacle autour d’un imaginaire du cirque en BD ; et trio Sylvain Kassap/Hamid Drake/Benjamin Duboc pour une passerelle franco-américaine du côté de l’improvisation.

Kassap Drake Duboc     Sylvain Kassap, Hamid Drake, Benjamin Duboc

« Busking » : Hélène Labarrière (contrebasse), Hasse Poulsen (guitare, effets électroniques). Maison de la Culture, salle Lauberty, 12h15

Busking, c’est le fait de chanter dans la rue les mélodies que l’on a en tête, en toute liberté. Et la liberté est la grande affaire d’Hélène Labarrière et Hasse Poulsen. Ils ont donc choisi de traiter des chansons pop, avec l’ouverture d’esprit qui les caractérise. Climat folky, aussitôt fracturé par une impro radicale ; douce mélodie ressassée transformée en terrain d’une improvisation périlleuse pour l’un des deux tandis que l’autre assure un accompagnement conforme à l’original : tout se joue dans la liberté de l’instant. Reprenant quelques titres joués dans leur CD « Busking » (Innacor / L’Autre distribution), et après un premier thème original, et très mélancolique, ils vont d’une chanson extraite de Phantom of the Paradise à une autre de Starmania, en passant par Formidable de Stromae ou une chanson danoise chère à la mémoire du guitariste. Et dans Lucy In The Sky With Diamonds, Hasse Poulsen nous gratifie d’une impro qui fait penser à une version sous acide avec descente difficile… qui débouche sur la réexposition sereine du thème par Hélène Labarrière. On est ici encore dans le plein esprit du jazz : prendre un matériau musical existant, souvent très connu, pour en faire le tour du côté de l’inconnu. Un régal.

Michel Benita & Ethics : N’Guyên Lê (guitare, effets électroniques), Mieko Miyazaki (koto, voix), Matthieu Michel (bugle), Philippe Garcia (batterie, effets électroniques), Michel Benita (contrebasse). Auditorium Jean-Jaurès, 18h30

C’est la seconde fois que j’entends le groupe sur scène, et la sensation est la même : je préfère l’urgence du concert « sur le vif » au disque en studio (« River Silver », ECM), que j’avais trouvé un peu monochrome. Comme l’été dernier au festival de Radio France et Montpellier, je suis captivé par l’intensité mélodique et les nuances de Matthieu Michel ; et aussi par la richesse de ses improvisations. Je suis épaté par le jeu de Mieko Miyazaki au koto, dans les unissons acrobatiques, avec le bugle notamment, dans l’expressivité qu’elle confère à son instrument, et par les improvisations qu’elle déploie dans un contexte qui n’est pas précisément celui du koto. J’apprécie également sa voix, dans une mélopée qui fait écho à son jeu instrumental comme dans des emballements façon rock progressif, qui me rappellent un certain disque de Jacques Thollot en 1978 (« Cinq Hops »). Je suis impressionné par la pertinence du Philippe Garcia, dans son jeu de batterie comme dans les séquences électroniques qu’il distille avec justesse tout au long du concert. Je suis ravi d’entendre dans ce groupe, après d’autres guitaristes, N’Guyên Lê, qui se coule magnifiquement dans cet univers singulier sans rien abdiquer de sa personnalité. Et je suis admiratif de la manière dont Michel Benita, force tranquille, pose la base rythmique et harmonique de chaque séquence, guidant le groupe sur le chemin qu’il a lui-même tracé tout en laissant à ses partenaires un espace personnel d’expression.

 

J'ai horreur du printemps ©Maxim François

©Maxim François

J’ai horreur du printemps, concert-spectacle

Mélissa Von Vépy (conception, interprétation), Stéphan Oliva (composition, piano), Claude Tchamitchian (contrebasse), Ramon Lopez (batterie, percussions), Christophe Monniot (saxophones baryton, alto et sopranino). Maison de la Culture, Salle Philippe-Genty, 20h30

Au départ de l’aventure, le désir conjoint, chez Mélissa Von Vépy et Stéphan Oliva, de travailler à partir d’une bande dessinée de Fred, Le Petit Cirque. Mélissa est trapéziste, performeuse, un peu gymnaste et contorsionniste ; elle-même se définit comme artiste aérienne. Stéphan est passionné par l’image, qu’elle soir de BD ou de cinéma. Ils ont élaboré un univers poétique, irréel, fait de séquences d’images de la BD (parfois animées), projetées sur un écran au faite duquel surgit Mélissa, en gymnaste araignée, intégrant l’image, puis la quittant pour évoluer sur le plateau, avant d’y revenir. La musique originale balance entre piano onirique (un rien sentimental parfois), séquences collectives orientés free jazz ou jazz de plus stricte obédience, avec des solos où chacun est orfèvre. Le dispositif scénique est d’une pertinence remarquable, toutes ses ressources sont formidablement exploitées au profit de l’Art, du rêve, et de l’expression. Bref c’est un spectacle magnifique, quel que soit l’angle sous lequel on l’envisage.

 

Trio Sylvain Kassap / Hamid Drake / Benjamin Duboc

Sylvain Kassap (clarinette, clarinette basse, chalumeau), Hamid Drake (batterie, percussions, voix), Benjamin Duboc (contrebasse). Maison de la Culture, Salle Philippe-Genty, 22h15

Un concert de musique improvisée comme celui-là, c’est presque une histoire du temps. Du temps historique, qui nous ramène à l’émergence du free jazz, puis des musiques-dites improvisées-dites européennes (j’entendais hier un jeune homme les désigner comme jazz libre européen : ça peut faire l’affaire). Du temps musical aussi, qui porte notre subjectivité sur un chemin où le métronome et la clepsydre ne sont d’aucun secours. Tout se déroule comme en un rêve. On part d’un trait nuancé de clarinette basse, sinueux, mélodiquement tendu, qui va ouvrir progressivement le chemin vers l’improvisation collective. La contrebasse s’immisce, tandis que bruissent les balais sur la batterie. L’effervescence gagne, et une clarinette se trouve bientôt démontée en deux segments séparés joués simultanément, pour un motif rythmico-mélodique qui va porter loin le jeu collectif, lequel va se conclure en l’une de ces résolutions miraculeuses dont l’impro détient le secret. Une seconde séquence va s’ouvrir avec le chalumeau à anche simple, un ancêtre de la clarinette, dont il possède le merveilleux boisé. Et l’on part dans un long mouvement rythmique, cyclique, où le 6/8 aura la part belle. C’est à ce moment, dans cette tournerie rythmique envoûtante, que le batteur va installer une polyrythmie incroyable. Je ferme les yeux et je vois le regretté Ed Blackwell, expert en ce type de sortilège. Dans une troisième séquence Hamid Drake joue d’un grand tambourin, proche du bendir d’Afrique du Nord, d’où il extrait des timbres inouïs, qu’il accompagne d’incantations vocales. La clarinette basse et la contrebasse lui font tour à tour écho, écrin, étreinte. Salves d’applaudissements, rappel enthousiaste, retour des artistes, consentants, pour une courte pièce, très vive. Je ne saurais dire combien de temps s’est écoulé depuis la première note : la musique, quand elle est bonne, ne serait donc qu’un (brève) histoire du/de temps.

Xavier Prévost|9 novembre 2016 : quatrième journée du festival, avec encore l’absolue diversité qui reflète la scène d’aujourd’hui : duo Hélène Labarrière/Hasse Poulsen autour des chansons pop et autres ; quintette « Ethics » de Michel Benita ; concert spectacle autour d’un imaginaire du cirque en BD ; et trio Sylvain Kassap/Hamid Drake/Benjamin Duboc pour une passerelle franco-américaine du côté de l’improvisation.

Kassap Drake Duboc     Sylvain Kassap, Hamid Drake, Benjamin Duboc

« Busking » : Hélène Labarrière (contrebasse), Hasse Poulsen (guitare, effets électroniques). Maison de la Culture, salle Lauberty, 12h15

Busking, c’est le fait de chanter dans la rue les mélodies que l’on a en tête, en toute liberté. Et la liberté est la grande affaire d’Hélène Labarrière et Hasse Poulsen. Ils ont donc choisi de traiter des chansons pop, avec l’ouverture d’esprit qui les caractérise. Climat folky, aussitôt fracturé par une impro radicale ; douce mélodie ressassée transformée en terrain d’une improvisation périlleuse pour l’un des deux tandis que l’autre assure un accompagnement conforme à l’original : tout se joue dans la liberté de l’instant. Reprenant quelques titres joués dans leur CD « Busking » (Innacor / L’Autre distribution), et après un premier thème original, et très mélancolique, ils vont d’une chanson extraite de Phantom of the Paradise à une autre de Starmania, en passant par Formidable de Stromae ou une chanson danoise chère à la mémoire du guitariste. Et dans Lucy In The Sky With Diamonds, Hasse Poulsen nous gratifie d’une impro qui fait penser à une version sous acide avec descente difficile… qui débouche sur la réexposition sereine du thème par Hélène Labarrière. On est ici encore dans le plein esprit du jazz : prendre un matériau musical existant, souvent très connu, pour en faire le tour du côté de l’inconnu. Un régal.

Michel Benita & Ethics : N’Guyên Lê (guitare, effets électroniques), Mieko Miyazaki (koto, voix), Matthieu Michel (bugle), Philippe Garcia (batterie, effets électroniques), Michel Benita (contrebasse). Auditorium Jean-Jaurès, 18h30

C’est la seconde fois que j’entends le groupe sur scène, et la sensation est la même : je préfère l’urgence du concert « sur le vif » au disque en studio (« River Silver », ECM), que j’avais trouvé un peu monochrome. Comme l’été dernier au festival de Radio France et Montpellier, je suis captivé par l’intensité mélodique et les nuances de Matthieu Michel ; et aussi par la richesse de ses improvisations. Je suis épaté par le jeu de Mieko Miyazaki au koto, dans les unissons acrobatiques, avec le bugle notamment, dans l’expressivité qu’elle confère à son instrument, et par les improvisations qu’elle déploie dans un contexte qui n’est pas précisément celui du koto. J’apprécie également sa voix, dans une mélopée qui fait écho à son jeu instrumental comme dans des emballements façon rock progressif, qui me rappellent un certain disque de Jacques Thollot en 1978 (« Cinq Hops »). Je suis impressionné par la pertinence du Philippe Garcia, dans son jeu de batterie comme dans les séquences électroniques qu’il distille avec justesse tout au long du concert. Je suis ravi d’entendre dans ce groupe, après d’autres guitaristes, N’Guyên Lê, qui se coule magnifiquement dans cet univers singulier sans rien abdiquer de sa personnalité. Et je suis admiratif de la manière dont Michel Benita, force tranquille, pose la base rythmique et harmonique de chaque séquence, guidant le groupe sur le chemin qu’il a lui-même tracé tout en laissant à ses partenaires un espace personnel d’expression.

 

J'ai horreur du printemps ©Maxim François

©Maxim François

J’ai horreur du printemps, concert-spectacle

Mélissa Von Vépy (conception, interprétation), Stéphan Oliva (composition, piano), Claude Tchamitchian (contrebasse), Ramon Lopez (batterie, percussions), Christophe Monniot (saxophones baryton, alto et sopranino). Maison de la Culture, Salle Philippe-Genty, 20h30

Au départ de l’aventure, le désir conjoint, chez Mélissa Von Vépy et Stéphan Oliva, de travailler à partir d’une bande dessinée de Fred, Le Petit Cirque. Mélissa est trapéziste, performeuse, un peu gymnaste et contorsionniste ; elle-même se définit comme artiste aérienne. Stéphan est passionné par l’image, qu’elle soir de BD ou de cinéma. Ils ont élaboré un univers poétique, irréel, fait de séquences d’images de la BD (parfois animées), projetées sur un écran au faite duquel surgit Mélissa, en gymnaste araignée, intégrant l’image, puis la quittant pour évoluer sur le plateau, avant d’y revenir. La musique originale balance entre piano onirique (un rien sentimental parfois), séquences collectives orientés free jazz ou jazz de plus stricte obédience, avec des solos où chacun est orfèvre. Le dispositif scénique est d’une pertinence remarquable, toutes ses ressources sont formidablement exploitées au profit de l’Art, du rêve, et de l’expression. Bref c’est un spectacle magnifique, quel que soit l’angle sous lequel on l’envisage.

 

Trio Sylvain Kassap / Hamid Drake / Benjamin Duboc

Sylvain Kassap (clarinette, clarinette basse, chalumeau), Hamid Drake (batterie, percussions, voix), Benjamin Duboc (contrebasse). Maison de la Culture, Salle Philippe-Genty, 22h15

Un concert de musique improvisée comme celui-là, c’est presque une histoire du temps. Du temps historique, qui nous ramène à l’émergence du free jazz, puis des musiques-dites improvisées-dites européennes (j’entendais hier un jeune homme les désigner comme jazz libre européen : ça peut faire l’affaire). Du temps musical aussi, qui porte notre subjectivité sur un chemin où le métronome et la clepsydre ne sont d’aucun secours. Tout se déroule comme en un rêve. On part d’un trait nuancé de clarinette basse, sinueux, mélodiquement tendu, qui va ouvrir progressivement le chemin vers l’improvisation collective. La contrebasse s’immisce, tandis que bruissent les balais sur la batterie. L’effervescence gagne, et une clarinette se trouve bientôt démontée en deux segments séparés joués simultanément, pour un motif rythmico-mélodique qui va porter loin le jeu collectif, lequel va se conclure en l’une de ces résolutions miraculeuses dont l’impro détient le secret. Une seconde séquence va s’ouvrir avec le chalumeau à anche simple, un ancêtre de la clarinette, dont il possède le merveilleux boisé. Et l’on part dans un long mouvement rythmique, cyclique, où le 6/8 aura la part belle. C’est à ce moment, dans cette tournerie rythmique envoûtante, que le batteur va installer une polyrythmie incroyable. Je ferme les yeux et je vois le regretté Ed Blackwell, expert en ce type de sortilège. Dans une troisième séquence Hamid Drake joue d’un grand tambourin, proche du bendir d’Afrique du Nord, d’où il extrait des timbres inouïs, qu’il accompagne d’incantations vocales. La clarinette basse et la contrebasse lui font tour à tour écho, écrin, étreinte. Salves d’applaudissements, rappel enthousiaste, retour des artistes, consentants, pour une courte pièce, très vive. Je ne saurais dire combien de temps s’est écoulé depuis la première note : la musique, quand elle est bonne, ne serait donc qu’un (brève) histoire du/de temps.

Xavier Prévost|9 novembre 2016 : quatrième journée du festival, avec encore l’absolue diversité qui reflète la scène d’aujourd’hui : duo Hélène Labarrière/Hasse Poulsen autour des chansons pop et autres ; quintette « Ethics » de Michel Benita ; concert spectacle autour d’un imaginaire du cirque en BD ; et trio Sylvain Kassap/Hamid Drake/Benjamin Duboc pour une passerelle franco-américaine du côté de l’improvisation.

Kassap Drake Duboc     Sylvain Kassap, Hamid Drake, Benjamin Duboc

« Busking » : Hélène Labarrière (contrebasse), Hasse Poulsen (guitare, effets électroniques). Maison de la Culture, salle Lauberty, 12h15

Busking, c’est le fait de chanter dans la rue les mélodies que l’on a en tête, en toute liberté. Et la liberté est la grande affaire d’Hélène Labarrière et Hasse Poulsen. Ils ont donc choisi de traiter des chansons pop, avec l’ouverture d’esprit qui les caractérise. Climat folky, aussitôt fracturé par une impro radicale ; douce mélodie ressassée transformée en terrain d’une improvisation périlleuse pour l’un des deux tandis que l’autre assure un accompagnement conforme à l’original : tout se joue dans la liberté de l’instant. Reprenant quelques titres joués dans leur CD « Busking » (Innacor / L’Autre distribution), et après un premier thème original, et très mélancolique, ils vont d’une chanson extraite de Phantom of the Paradise à une autre de Starmania, en passant par Formidable de Stromae ou une chanson danoise chère à la mémoire du guitariste. Et dans Lucy In The Sky With Diamonds, Hasse Poulsen nous gratifie d’une impro qui fait penser à une version sous acide avec descente difficile… qui débouche sur la réexposition sereine du thème par Hélène Labarrière. On est ici encore dans le plein esprit du jazz : prendre un matériau musical existant, souvent très connu, pour en faire le tour du côté de l’inconnu. Un régal.

Michel Benita & Ethics : N’Guyên Lê (guitare, effets électroniques), Mieko Miyazaki (koto, voix), Matthieu Michel (bugle), Philippe Garcia (batterie, effets électroniques), Michel Benita (contrebasse). Auditorium Jean-Jaurès, 18h30

C’est la seconde fois que j’entends le groupe sur scène, et la sensation est la même : je préfère l’urgence du concert « sur le vif » au disque en studio (« River Silver », ECM), que j’avais trouvé un peu monochrome. Comme l’été dernier au festival de Radio France et Montpellier, je suis captivé par l’intensité mélodique et les nuances de Matthieu Michel ; et aussi par la richesse de ses improvisations. Je suis épaté par le jeu de Mieko Miyazaki au koto, dans les unissons acrobatiques, avec le bugle notamment, dans l’expressivité qu’elle confère à son instrument, et par les improvisations qu’elle déploie dans un contexte qui n’est pas précisément celui du koto. J’apprécie également sa voix, dans une mélopée qui fait écho à son jeu instrumental comme dans des emballements façon rock progressif, qui me rappellent un certain disque de Jacques Thollot en 1978 (« Cinq Hops »). Je suis impressionné par la pertinence du Philippe Garcia, dans son jeu de batterie comme dans les séquences électroniques qu’il distille avec justesse tout au long du concert. Je suis ravi d’entendre dans ce groupe, après d’autres guitaristes, N’Guyên Lê, qui se coule magnifiquement dans cet univers singulier sans rien abdiquer de sa personnalité. Et je suis admiratif de la manière dont Michel Benita, force tranquille, pose la base rythmique et harmonique de chaque séquence, guidant le groupe sur le chemin qu’il a lui-même tracé tout en laissant à ses partenaires un espace personnel d’expression.

 

J'ai horreur du printemps ©Maxim François

©Maxim François

J’ai horreur du printemps, concert-spectacle

Mélissa Von Vépy (conception, interprétation), Stéphan Oliva (composition, piano), Claude Tchamitchian (contrebasse), Ramon Lopez (batterie, percussions), Christophe Monniot (saxophones baryton, alto et sopranino). Maison de la Culture, Salle Philippe-Genty, 20h30

Au départ de l’aventure, le désir conjoint, chez Mélissa Von Vépy et Stéphan Oliva, de travailler à partir d’une bande dessinée de Fred, Le Petit Cirque. Mélissa est trapéziste, performeuse, un peu gymnaste et contorsionniste ; elle-même se définit comme artiste aérienne. Stéphan est passionné par l’image, qu’elle soir de BD ou de cinéma. Ils ont élaboré un univers poétique, irréel, fait de séquences d’images de la BD (parfois animées), projetées sur un écran au faite duquel surgit Mélissa, en gymnaste araignée, intégrant l’image, puis la quittant pour évoluer sur le plateau, avant d’y revenir. La musique originale balance entre piano onirique (un rien sentimental parfois), séquences collectives orientés free jazz ou jazz de plus stricte obédience, avec des solos où chacun est orfèvre. Le dispositif scénique est d’une pertinence remarquable, toutes ses ressources sont formidablement exploitées au profit de l’Art, du rêve, et de l’expression. Bref c’est un spectacle magnifique, quel que soit l’angle sous lequel on l’envisage.

 

Trio Sylvain Kassap / Hamid Drake / Benjamin Duboc

Sylvain Kassap (clarinette, clarinette basse, chalumeau), Hamid Drake (batterie, percussions, voix), Benjamin Duboc (contrebasse). Maison de la Culture, Salle Philippe-Genty, 22h15

Un concert de musique improvisée comme celui-là, c’est presque une histoire du temps. Du temps historique, qui nous ramène à l’émergence du free jazz, puis des musiques-dites improvisées-dites européennes (j’entendais hier un jeune homme les désigner comme jazz libre européen : ça peut faire l’affaire). Du temps musical aussi, qui porte notre subjectivité sur un chemin où le métronome et la clepsydre ne sont d’aucun secours. Tout se déroule comme en un rêve. On part d’un trait nuancé de clarinette basse, sinueux, mélodiquement tendu, qui va ouvrir progressivement le chemin vers l’improvisation collective. La contrebasse s’immisce, tandis que bruissent les balais sur la batterie. L’effervescence gagne, et une clarinette se trouve bientôt démontée en deux segments séparés joués simultanément, pour un motif rythmico-mélodique qui va porter loin le jeu collectif, lequel va se conclure en l’une de ces résolutions miraculeuses dont l’impro détient le secret. Une seconde séquence va s’ouvrir avec le chalumeau à anche simple, un ancêtre de la clarinette, dont il possède le merveilleux boisé. Et l’on part dans un long mouvement rythmique, cyclique, où le 6/8 aura la part belle. C’est à ce moment, dans cette tournerie rythmique envoûtante, que le batteur va installer une polyrythmie incroyable. Je ferme les yeux et je vois le regretté Ed Blackwell, expert en ce type de sortilège. Dans une troisième séquence Hamid Drake joue d’un grand tambourin, proche du bendir d’Afrique du Nord, d’où il extrait des timbres inouïs, qu’il accompagne d’incantations vocales. La clarinette basse et la contrebasse lui font tour à tour écho, écrin, étreinte. Salves d’applaudissements, rappel enthousiaste, retour des artistes, consentants, pour une courte pièce, très vive. Je ne saurais dire combien de temps s’est écoulé depuis la première note : la musique, quand elle est bonne, ne serait donc qu’un (brève) histoire du/de temps.

Xavier Prévost