Jazz live
Publié le 8 Août 2018

Fred Nardin Trio au Sunside

Invité du Festival Pianissimo, le Fred Nardin Trio jouait l’album “Opening” (Jazz Family, septembre 2017) et quelques titres d’un prochain opus à paraître dans les premiers mois de 2019.

FRED NARDIN TRIO Fred Nardin (piano), Or Bareket (contrebasse), Leon Parker (batterie). Paris, Sunside, 7 août 2019, 21h

Dans la touffeur d’un début de mois d’août irrespirable, les quelques gouttes de pluie qui viennent de s’écraser sur la rue des Lombards sont un bienfait pour les corps ralentis. L’averse me surprend à une dizaine de mètres du Sunside où je trouve le réconfort d’une fraîcheur offerte par Fred Nardin et ses camarades new-yorkais. C’est comme une musique d’éventail remué dans un mouvement de va-et-vient entre swing et ballades, brises de groove et vent coulis de flâneuses mélodies. Fred Nardin joue “Opening”, c’est-à-dire l’ouverture à des tensions et des détentes. Sa vélocité comme ses ostinatos réduits a minima servent de tremplin à une rythmique complice qui s’exprime sans fanfaronner. L’efficace pulsation de Leon Parker, au drumming économe, fusionne avec la musicalité du contrebassiste venue d’un volcan où le feu est synonyme de délicatesse. Et c’est pourquoi, merci, nous fûmes préservés de la fournaise.

Alternant sur trois sets des compositions personnelles (notamment Parisian Melodies qui sonne déjà comme un standard), des relectures de Thelonious Monk (Green Chimneys, I Mean You, ce dernier délivrant une ardeur épatante) et quelques pièces que l’on retrouvera sur un second album attendu, ce concert est une leçon de simplicité, un retour à la ritournelle que l’on fredonne comme ces grands airs que de distingués compositeurs de jazz ont mis dans nos têtes et qui n’en sortent plus. Sur les doigts de Fred Nardin, il y a les empreintes de Miles Davis (tout imprégné de folklore espagnol et de musique indienne), de Bud Powell, mais aussi les enseignements de Frédéric Chopin et de Claude Debussy dont on devine l’inspiration dans son goût de l’épure et des trouées de silences. Leon Parker est un batteur qui fait résonner ses fûts de frappés impérieux, et parfois sa cymbale comme un flot d’eaux tumultueuses. Il fait chanter son corps en le percutant adroitement (le body rhythm), en syncopant des vocalises. Il est fascinant sur Don’t Forget The Blues. Et c’est un fait que le blues n’est pas resté derrière la porte. Il est là, prégnant, qui redore l’égalité de rapports : blues + swing = jazz. En quittant le Sunside, je rejoins la nuit du Châtelet et ne sais toujours pas si la fraîcheur ressentie fut l’effet d’une averse ou la conséquence d’un coup de vent échappé de la salle où le trio de Fred Nardin s’est employé à aérer le jazz pour le bonheur commun. • Guy Darol