Jazz live
Publié le 6 Août 2014

Jazz em Agosto : Ceramic Dog

C’est un autre trio qui fait l’actualité discographique de Marc Ribot (et quel trio, avec Chad Taylor et Henry Grimes, autour de compositions d’Albert Ayler et John Coltrane, sur « Live at the Village Vanguard », Pi Recordings), mais c’est le rock atrabilaire de Ceramic Dog que le guitariste américain amène à Lisbonne.

Dimanche 3 août 2014, Amphithéâtre du Musée Gulbenkian, Lisbonne.

Marc Ribot (elg, voc), Shahzad Ismaily (elb, elg, perc, voc, elec), Ches Smith (dm, voc, elec)

Marc Ribot aime à se définir comme un rock’n roll performer – est-ce pour tenter de faire oublier qu’il est un musicien consommé, détenteur d’un bagage technique phénoménal et d’une expérience conséquente dans à peu près tous les domaines que la musique peut offrir ? Reste qu’il ne change pas son fusil d’épaule et convoque toujours la foudre à chacune de ses interventions. Rien de surprenant à ce qu’il se soit entouré d’alliés tels que Ches Smith, incarnation de la transversalité musicale, ayant banni toute notion de répétition de sa palette, et pas hostile au bruit et à la fureur (il a notamment servi les opéras épiques de la formation Secret Chiefs 3) et Shahzad Ismaily, savant fou multicartes de la scène downtown. Tout n’est pas que clameur, mais c’est surtout lorsque les choses se corsent et que le volume enfle que les trois zèbres s’animent et se jettent des regards réjouis. Des passages d’improvisation bruitiste servent de transition entre les morceaux, errements abstraits qui propulsent le public au cœur de la voûte céleste – perte de repères assurée, vertige garanti.

Voici Take 5, dans une version frisant le crime de lèse-majesté, sur une rythmique canaille. Dave Brubeck n’aurait peut-être pas approuvé ce traitement du titre qui fit beaucoup pour sa célébrité, ici développé au-delà de sa version album (« Your Turn ») et se terminant volontairement en eau de boudin, bistre et vasouillarde, par la « grâce » d’effets suscités par les complices du leader au Moog et dispositifs électroniques dont une boîte à rythme d’un autre âge. Une chanson irritée, aux paroles trash à écouter à l’heure où les enfants sont couchés, surgit, bras d’honneur à la bienséance. Masters of the Internet, critique cinglante du téléchargement sauvage, irresponsable et déshumanisé, persiste dans le côté va-t-en-guerre. Comme de bien entendu, la guitare, déjà revêche, s’y hérisse de piquants plus pointus encore. Un fan de hard-rock, cheveux longs, teint pâle et t-shirt noir, se trémousse comme un beau diable d’avant en arrière au grand dam de ses voisins de banc, que cette esthétique du défoulement laisse de marbre. Cette conduite indocile, effrontée, est une constante chez l’élégant punk. Logique qu’il retrouve alors cet autre provocateur consommé, Serge Gainsbourg, dont il avait déjà repris Black Trombone sur un album en hommage au chanteur et compositeur. Il jette ici son dévolu sur l’une des chansons les plus romantiques du maître, La Noyée, dont il livre une version émouvante, totalement remaniée, aux paroles traduites dans la langue d’Ernest Hemingway. Autre reprise, méconnaissable: The Wind Cries Mary de Jimi Hendrix. Le parti-pris du jet de bile n’est pas du goût de tous les spectateurs. Le guitariste lisboète Luis Lopes, pour sa part, exulte, tout sourire, savourant l’abattage de son aîné d’outre-Atlantique. Il faut dire que, sous l’agressivité de surface, les arrangements libertaires exhibés par le trio ne manquent pas de saveur. Comme deux béliers accrochés par les cornes, Smith et Ismaily ne se quittent guère des yeux ; l’émulation est palpable, les deux font la paire. Smith, comme à son habitude enveloppé dans la musique, impressionne par son dynamisme, tandis qu’Ismaily semble s’amuser comme un gamin avec ses jouets, et change fréquemment d’instrument. Ribot semble enfin évoquer la mémoire de Jimmy Nolen, sorcier de la guitare rythmique afro-américaine, via une tournerie digne des J.B.’S cuisinée à la sauce no wave, et dont la fin cite verbatim le riff de Givin’up Food for Funk paru sous tutelle Brownienne. Ceramic Dog cultive l’agacement, pousse dans leurs derniers retranchements structures et riffs simplistes. Les solos combustibles, presque autodestructeurs, s’attachent à fuir l’évidence. Mais l’acrimonie et le muscle cèdent parfois la place à des passages sensibles, tempérés ou vagabondant qui constituent, pour ce chroniqueur, les meilleurs moments de cette prestation.

David Cristol

Post Scriptum. Depuis le début du festival, Marc Ribot est le premier artiste à rouscailler publiquement au sujet des nombreux avions survolant la scène toutes les cinq minutes, un couloir aérien très fréquenté et à basse altitude se situant effectivement juste au-dessus du site. Il est amusant de constater la variété de réactions à cet élément perturbateur parmi les musiciens invités, certains s’en emparant pour l’intégrer à la musique de manière ludique (Marc Ducret, Shahzad Ismaily), d’autres l’ignorant complètement (James Blood Ulmer, Evan Parker & Matthew Shipp)… De quoi guetter avec curiosité les réflexes de Joëlle Léandre, Fred Frith et Keiji Haino, pénétrés des concepts de John Cage, face à ce remue-ménage azuré…|C’est un autre trio qui fait l’actualité discographique de Marc Ribot (et quel trio, avec Chad Taylor et Henry Grimes, autour de compositions d’Albert Ayler et John Coltrane, sur « Live at the Village Vanguard », Pi Recordings), mais c’est le rock atrabilaire de Ceramic Dog que le guitariste américain amène à Lisbonne.

Dimanche 3 août 2014, Amphithéâtre du Musée Gulbenkian, Lisbonne.

Marc Ribot (elg, voc), Shahzad Ismaily (elb, elg, perc, voc, elec), Ches Smith (dm, voc, elec)

Marc Ribot aime à se définir comme un rock’n roll performer – est-ce pour tenter de faire oublier qu’il est un musicien consommé, détenteur d’un bagage technique phénoménal et d’une expérience conséquente dans à peu près tous les domaines que la musique peut offrir ? Reste qu’il ne change pas son fusil d’épaule et convoque toujours la foudre à chacune de ses interventions. Rien de surprenant à ce qu’il se soit entouré d’alliés tels que Ches Smith, incarnation de la transversalité musicale, ayant banni toute notion de répétition de sa palette, et pas hostile au bruit et à la fureur (il a notamment servi les opéras épiques de la formation Secret Chiefs 3) et Shahzad Ismaily, savant fou multicartes de la scène downtown. Tout n’est pas que clameur, mais c’est surtout lorsque les choses se corsent et que le volume enfle que les trois zèbres s’animent et se jettent des regards réjouis. Des passages d’improvisation bruitiste servent de transition entre les morceaux, errements abstraits qui propulsent le public au cœur de la voûte céleste – perte de repères assurée, vertige garanti.

Voici Take 5, dans une version frisant le crime de lèse-majesté, sur une rythmique canaille. Dave Brubeck n’aurait peut-être pas approuvé ce traitement du titre qui fit beaucoup pour sa célébrité, ici développé au-delà de sa version album (« Your Turn ») et se terminant volontairement en eau de boudin, bistre et vasouillarde, par la « grâce » d’effets suscités par les complices du leader au Moog et dispositifs électroniques dont une boîte à rythme d’un autre âge. Une chanson irritée, aux paroles trash à écouter à l’heure où les enfants sont couchés, surgit, bras d’honneur à la bienséance. Masters of the Internet, critique cinglante du téléchargement sauvage, irresponsable et déshumanisé, persiste dans le côté va-t-en-guerre. Comme de bien entendu, la guitare, déjà revêche, s’y hérisse de piquants plus pointus encore. Un fan de hard-rock, cheveux longs, teint pâle et t-shirt noir, se trémousse comme un beau diable d’avant en arrière au grand dam de ses voisins de banc, que cette esthétique du défoulement laisse de marbre. Cette conduite indocile, effrontée, est une constante chez l’élégant punk. Logique qu’il retrouve alors cet autre provocateur consommé, Serge Gainsbourg, dont il avait déjà repris Black Trombone sur un album en hommage au chanteur et compositeur. Il jette ici son dévolu sur l’une des chansons les plus romantiques du maître, La Noyée, dont il livre une version émouvante, totalement remaniée, aux paroles traduites dans la langue d’Ernest Hemingway. Autre reprise, méconnaissable: The Wind Cries Mary de Jimi Hendrix. Le parti-pris du jet de bile n’est pas du goût de tous les spectateurs. Le guitariste lisboète Luis Lopes, pour sa part, exulte, tout sourire, savourant l’abattage de son aîné d’outre-Atlantique. Il faut dire que, sous l’agressivité de surface, les arrangements libertaires exhibés par le trio ne manquent pas de saveur. Comme deux béliers accrochés par les cornes, Smith et Ismaily ne se quittent guère des yeux ; l’émulation est palpable, les deux font la paire. Smith, comme à son habitude enveloppé dans la musique, impressionne par son dynamisme, tandis qu’Ismaily semble s’amuser comme un gamin avec ses jouets, et change fréquemment d’instrument. Ribot semble enfin évoquer la mémoire de Jimmy Nolen, sorcier de la guitare rythmique afro-américaine, via une tournerie digne des J.B.’S cuisinée à la sauce no wave, et dont la fin cite verbatim le riff de Givin’up Food for Funk paru sous tutelle Brownienne. Ceramic Dog cultive l’agacement, pousse dans leurs derniers retranchements structures et riffs simplistes. Les solos combustibles, presque autodestructeurs, s’attachent à fuir l’évidence. Mais l’acrimonie et le muscle cèdent parfois la place à des passages sensibles, tempérés ou vagabondant qui constituent, pour ce chroniqueur, les meilleurs moments de cette prestation.

David Cristol

Post Scriptum. Depuis le début du festival, Marc Ribot est le premier artiste à rouscailler publiquement au sujet des nombreux avions survolant la scène toutes les cinq minutes, un couloir aérien très fréquenté et à basse altitude se situant effectivement juste au-dessus du site. Il est amusant de constater la variété de réactions à cet élément perturbateur parmi les musiciens invités, certains s’en emparant pour l’intégrer à la musique de manière ludique (Marc Ducret, Shahzad Ismaily), d’autres l’ignorant complètement (James Blood Ulmer, Evan Parker & Matthew Shipp)… De quoi guetter avec curiosité les réflexes de Joëlle Léandre, Fred Frith et Keiji Haino, pénétrés des concepts de John Cage, face à ce remue-ménage azuré…|C’est un autre trio qui fait l’actualité discographique de Marc Ribot (et quel trio, avec Chad Taylor et Henry Grimes, autour de compositions d’Albert Ayler et John Coltrane, sur « Live at the Village Vanguard », Pi Recordings), mais c’est le rock atrabilaire de Ceramic Dog que le guitariste américain amène à Lisbonne.

Dimanche 3 août 2014, Amphithéâtre du Musée Gulbenkian, Lisbonne.

Marc Ribot (elg, voc), Shahzad Ismaily (elb, elg, perc, voc, elec), Ches Smith (dm, voc, elec)

Marc Ribot aime à se définir comme un rock’n roll performer – est-ce pour tenter de faire oublier qu’il est un musicien consommé, détenteur d’un bagage technique phénoménal et d’une expérience conséquente dans à peu près tous les domaines que la musique peut offrir ? Reste qu’il ne change pas son fusil d’épaule et convoque toujours la foudre à chacune de ses interventions. Rien de surprenant à ce qu’il se soit entouré d’alliés tels que Ches Smith, incarnation de la transversalité musicale, ayant banni toute notion de répétition de sa palette, et pas hostile au bruit et à la fureur (il a notamment servi les opéras épiques de la formation Secret Chiefs 3) et Shahzad Ismaily, savant fou multicartes de la scène downtown. Tout n’est pas que clameur, mais c’est surtout lorsque les choses se corsent et que le volume enfle que les trois zèbres s’animent et se jettent des regards réjouis. Des passages d’improvisation bruitiste servent de transition entre les morceaux, errements abstraits qui propulsent le public au cœur de la voûte céleste – perte de repères assurée, vertige garanti.

Voici Take 5, dans une version frisant le crime de lèse-majesté, sur une rythmique canaille. Dave Brubeck n’aurait peut-être pas approuvé ce traitement du titre qui fit beaucoup pour sa célébrité, ici développé au-delà de sa version album (« Your Turn ») et se terminant volontairement en eau de boudin, bistre et vasouillarde, par la « grâce » d’effets suscités par les complices du leader au Moog et dispositifs électroniques dont une boîte à rythme d’un autre âge. Une chanson irritée, aux paroles trash à écouter à l’heure où les enfants sont couchés, surgit, bras d’honneur à la bienséance. Masters of the Internet, critique cinglante du téléchargement sauvage, irresponsable et déshumanisé, persiste dans le côté va-t-en-guerre. Comme de bien entendu, la guitare, déjà revêche, s’y hérisse de piquants plus pointus encore. Un fan de hard-rock, cheveux longs, teint pâle et t-shirt noir, se trémousse comme un beau diable d’avant en arrière au grand dam de ses voisins de banc, que cette esthétique du défoulement laisse de marbre. Cette conduite indocile, effrontée, est une constante chez l’élégant punk. Logique qu’il retrouve alors cet autre provocateur consommé, Serge Gainsbourg, dont il avait déjà repris Black Trombone sur un album en hommage au chanteur et compositeur. Il jette ici son dévolu sur l’une des chansons les plus romantiques du maître, La Noyée, dont il livre une version émouvante, totalement remaniée, aux paroles traduites dans la langue d’Ernest Hemingway. Autre reprise, méconnaissable: The Wind Cries Mary de Jimi Hendrix. Le parti-pris du jet de bile n’est pas du goût de tous les spectateurs. Le guitariste lisboète Luis Lopes, pour sa part, exulte, tout sourire, savourant l’abattage de son aîné d’outre-Atlantique. Il faut dire que, sous l’agressivité de surface, les arrangements libertaires exhibés par le trio ne manquent pas de saveur. Comme deux béliers accrochés par les cornes, Smith et Ismaily ne se quittent guère des yeux ; l’émulation est palpable, les deux font la paire. Smith, comme à son habitude enveloppé dans la musique, impressionne par son dynamisme, tandis qu’Ismaily semble s’amuser comme un gamin avec ses jouets, et change fréquemment d’instrument. Ribot semble enfin évoquer la mémoire de Jimmy Nolen, sorcier de la guitare rythmique afro-américaine, via une tournerie digne des J.B.’S cuisinée à la sauce no wave, et dont la fin cite verbatim le riff de Givin’up Food for Funk paru sous tutelle Brownienne. Ceramic Dog cultive l’agacement, pousse dans leurs derniers retranchements structures et riffs simplistes. Les solos combustibles, presque autodestructeurs, s’attachent à fuir l’évidence. Mais l’acrimonie et le muscle cèdent parfois la place à des passages sensibles, tempérés ou vagabondant qui constituent, pour ce chroniqueur, les meilleurs moments de cette prestation.

David Cristol

Post Scriptum. Depuis le début du festival, Marc Ribot est le premier artiste à rouscailler publiquement au sujet des nombreux avions survolant la scène toutes les cinq minutes, un couloir aérien très fréquenté et à basse altitude se situant effectivement juste au-dessus du site. Il est amusant de constater la variété de réactions à cet élément perturbateur parmi les musiciens invités, certains s’en emparant pour l’intégrer à la musique de manière ludique (Marc Ducret, Shahzad Ismaily), d’autres l’ignorant complètement (James Blood Ulmer, Evan Parker & Matthew Shipp)… De quoi guetter avec curiosité les réflexes de Joëlle Léandre, Fred Frith et Keiji Haino, pénétrés des concepts de John Cage, face à ce remue-ménage azuré…|C’est un autre trio qui fait l’actualité discographique de Marc Ribot (et quel trio, avec Chad Taylor et Henry Grimes, autour de compositions d’Albert Ayler et John Coltrane, sur « Live at the Village Vanguard », Pi Recordings), mais c’est le rock atrabilaire de Ceramic Dog que le guitariste américain amène à Lisbonne.

Dimanche 3 août 2014, Amphithéâtre du Musée Gulbenkian, Lisbonne.

Marc Ribot (elg, voc), Shahzad Ismaily (elb, elg, perc, voc, elec), Ches Smith (dm, voc, elec)

Marc Ribot aime à se définir comme un rock’n roll performer – est-ce pour tenter de faire oublier qu’il est un musicien consommé, détenteur d’un bagage technique phénoménal et d’une expérience conséquente dans à peu près tous les domaines que la musique peut offrir ? Reste qu’il ne change pas son fusil d’épaule et convoque toujours la foudre à chacune de ses interventions. Rien de surprenant à ce qu’il se soit entouré d’alliés tels que Ches Smith, incarnation de la transversalité musicale, ayant banni toute notion de répétition de sa palette, et pas hostile au bruit et à la fureur (il a notamment servi les opéras épiques de la formation Secret Chiefs 3) et Shahzad Ismaily, savant fou multicartes de la scène downtown. Tout n’est pas que clameur, mais c’est surtout lorsque les choses se corsent et que le volume enfle que les trois zèbres s’animent et se jettent des regards réjouis. Des passages d’improvisation bruitiste servent de transition entre les morceaux, errements abstraits qui propulsent le public au cœur de la voûte céleste – perte de repères assurée, vertige garanti.

Voici Take 5, dans une version frisant le crime de lèse-majesté, sur une rythmique canaille. Dave Brubeck n’aurait peut-être pas approuvé ce traitement du titre qui fit beaucoup pour sa célébrité, ici développé au-delà de sa version album (« Your Turn ») et se terminant volontairement en eau de boudin, bistre et vasouillarde, par la « grâce » d’effets suscités par les complices du leader au Moog et dispositifs électroniques dont une boîte à rythme d’un autre âge. Une chanson irritée, aux paroles trash à écouter à l’heure où les enfants sont couchés, surgit, bras d’honneur à la bienséance. Masters of the Internet, critique cinglante du téléchargement sauvage, irresponsable et déshumanisé, persiste dans le côté va-t-en-guerre. Comme de bien entendu, la guitare, déjà revêche, s’y hérisse de piquants plus pointus encore. Un fan de hard-rock, cheveux longs, teint pâle et t-shirt noir, se trémousse comme un beau diable d’avant en arrière au grand dam de ses voisins de banc, que cette esthétique du défoulement laisse de marbre. Cette conduite indocile, effrontée, est une constante chez l’élégant punk. Logique qu’il retrouve alors cet autre provocateur consommé, Serge Gainsbourg, dont il avait déjà repris Black Trombone sur un album en hommage au chanteur et compositeur. Il jette ici son dévolu sur l’une des chansons les plus romantiques du maître, La Noyée, dont il livre une version émouvante, totalement remaniée, aux paroles traduites dans la langue d’Ernest Hemingway. Autre reprise, méconnaissable: The Wind Cries Mary de Jimi Hendrix. Le parti-pris du jet de bile n’est pas du goût de tous les spectateurs. Le guitariste lisboète Luis Lopes, pour sa part, exulte, tout sourire, savourant l’abattage de son aîné d’outre-Atlantique. Il faut dire que, sous l’agressivité de surface, les arrangements libertaires exhibés par le trio ne manquent pas de saveur. Comme deux béliers accrochés par les cornes, Smith et Ismaily ne se quittent guère des yeux ; l’émulation est palpable, les deux font la paire. Smith, comme à son habitude enveloppé dans la musique, impressionne par son dynamisme, tandis qu’Ismaily semble s’amuser comme un gamin avec ses jouets, et change fréquemment d’instrument. Ribot semble enfin évoquer la mémoire de Jimmy Nolen, sorcier de la guitare rythmique afro-américaine, via une tournerie digne des J.B.’S cuisinée à la sauce no wave, et dont la fin cite verbatim le riff de Givin’up Food for Funk paru sous tutelle Brownienne. Ceramic Dog cultive l’agacement, pousse dans leurs derniers retranchements structures et riffs simplistes. Les solos combustibles, presque autodestructeurs, s’attachent à fuir l’évidence. Mais l’acrimonie et le muscle cèdent parfois la place à des passages sensibles, tempérés ou vagabondant qui constituent, pour ce chroniqueur, les meilleurs moments de cette prestation.

David Cristol

Post Scriptum. Depuis le début du festival, Marc Ribot est le premier artiste à rouscailler publiquement au sujet des nombreux avions survolant la scène toutes les cinq minutes, un couloir aérien très fréquenté et à basse altitude se situant effectivement juste au-dessus du site. Il est amusant de constater la variété de réactions à cet élément perturbateur parmi les musiciens invités, certains s’en emparant pour l’intégrer à la musique de manière ludique (Marc Ducret, Shahzad Ismaily), d’autres l’ignorant complètement (James Blood Ulmer, Evan Parker & Matthew Shipp)… De quoi guetter avec curiosité les réflexes de Joëlle Léandre, Fred Frith et Keiji Haino, pénétrés des concepts de John Cage, face à ce remue-ménage azuré…