Jazz live
Publié le 16 Oct 2018

Jazz sur Seine : un soir rue des lombards

Hier, moment fort du festival Jazz sur Seine qui fédère les clubs de Paris et sa région au sein de l’association Paris Jazz Club, une foule compacte avait envahi la rue des Lombards pour la soirée “showcase”, opération portes ouvertes dans les quatre jazz clubs de la rue – plus pour l’occasion la Guinness Tavern et le Klub –, où l’on allait et venait d’un concert à l’autre, 18 en tout, chaque club accueillant trois orchestres différents toutes les heures, de 20h à 22h.

Public curieux, public badaud, public d’amateurs de musique, public de jazzfans, public de musiciens désœuvrés ou venant écouter les confrères en attendant leur set, public joyeux, public sérieux, public bruyant ou concentré… On allait et venait dans la rue et les accès aux clubs, se frayant un passage, écrasant quelques pieds, serrant des mains, embrassant à tours de bras. Pour l’équipe de Jazz Magazine, un moment de décompression entre deux journées bouclage, pour ma part épuisé mais soulagé d’avoir rendu à la maquette pages disques, agenda et notre sélection de rendez-vous.

Où donner de la tête ? Pour la première heure, j’ai opté pour le Sunside et le Trio Aïrès que je n’ai jamais entendu live et aussi pour la curiosité ravie que suscitait le remplacement – auprès du pianiste Edouard Ferlet et du contrebassiste Stéphane Kerecki – de la trompettiste Airelle Besson, pour cause de grossesse (on la salue affectueusement au passage) par son confrère nantais Geoffroy Tamisier. On l’aime depuis longtemps, mais il se fait si rare qu’on n’allait pas manquer cette occasion. Même s’il n’est pas encore tout à fait chez lui dans ce trio conçu pour Airelle Besson, il s’en montre digne, avec une élégance mélodique bien à lui, et cette sonorité comme le souffle d’un soupir sur la peau. Sonorité charpentée en soutien des architectures de Kerecki, limpidité du piano clarifiant un jeu de piano qui se refuse à la facilité. Mais il est vrai que l’ambiance festive n’est pas ce qui convient le mieux à l’écoute de ce jazz de chambre.

La paresse aidant, je me contente de descendre les escaliers du Sunset pour entendre le contrebassiste Géraud Portal et sa bande – Quentin Ghomari (trompette), César Poirier (sax alto), Luigi Grasso (sax baryton), Yonathan Avishai (piano), Yoann Serra (batterie) et sur deux titres Mario Ponce Enrile (chant) – sur le répertoire de Charles Mingus, une œuvre qu’il sait fréquenter à une juste distance, sans mimétisme stérile, mais tout près de l’original (pari difficile à gagner), et ce tant comme bassiste que comme leader. Contraste d’autant plus saisissant d’avec le concert de 20h au Sunside, que le public turbulent qui gênait la musique au rez-de-chaussée, la porte au sous-sol, peut-être parce que c’est une musique de cave, une musique de chauffe, un musique aussi savante qu’elle est de communication directe, défendue par des musiciens qui ont conscience des risques qu’ils prennent et savent saisir le tison que leur tend Charlie Mingus sans s’y brûler les mains mais dont ils embrasent leurs instruments.

Je déserte le troisième set… pour vous assurer une livraison en temps et en heure du Jazzmag de novembre. Jazz sur Seine continue pour de vrais concerts de 2 à 3 sets avec quelques recommandations pour demain 17 octobre avec le duo Mario Canonge / Michel Zenino au Baiser salé ou l’Orphicube d’Alban Darche au Studio de l’Ermitage), le 18 avec Theo Croker Au New Morning ou Pierre Bertrand et sa Caja Negra au Carré Bellefeuile de Boulogne-Billancourt, le 19 Nicolas Folmer au Pan Piper, l’Urbex d’Antone Pierre à La Petite Halle ou Tom Ibarra au Sunset, etc. jusqu’au 27… Faites vous plaisir. • Franck Bergerot