Jazz live
Publié le 18 Sep 2018

LEILA OLIVESI « TRAVEL SONGS » QUINTET avec CHLOÉ CAILLETON et MANU CODJIA

Première visite pour moi au Club Nubia, la nouvelle enseigne de Richard Bona (après le Bonafide de New York). C’est à Boulogne, sur l’ Île Seguin, au pied de la sphère qui marque le terme du bâtiment de la Seine Musicale.

Pour arriver jusque là, c’est un slalom entre des chantiers, des nouveaux immeubles de bureau ou de résidence, et quand on arrive face à l’entrée principale de la Seine Musicale, on s’aperçoit que le club est là-bas, loin sur la droite, en longeant le bâtiment par une longue plateforme aux airs de no man’s land.

Mais nous y sommes. Le lieu est assez intime, sur scène trône un piano italien de la meilleure facture : il faut dire que l’ancien importateur des plus célèbres pianos germano-américains, qui a récemment changé d’écurie et opté pour ces nouveaux instruments, est installé tout à côté du club. Plaisir de retrouver, à la table voisine de la mienne, l’ami Alex Dutilh, venu comme moi découvrir le nouveau groupe et la nouvelle musique de la pianiste-compositrice au premier concert de la soirée. Un autre suivra à 22h.

LEILA OLIVESI « TRAVEL SONGS » quintet

Leila Olivesi (piano, composition), Chloé Cailleton (voix), Manu Codjia (guitare), Yoni Zelnik (contrebasse), Donald Kontomanou (batterie)

Boulogne, Club Nubia, 14 septembre 2018, 20h

Le concert commence avec une ancienne composition de la pianiste sur un texte de sa mère, Djamila Olivesi, un répertoire auquel elle avait consacré son premier disque. Puis vient le vif du sujet, avec les nouvelles compositions, et d’abord une Suite (qui sera bientôt enregistrée par le groupe), et qui nous entraîne vers les couleurs d’une mer turquoise. D’autres compositions nous emmèneront ailleurs, mais toujours dans un univers où les images mentales sont une source d’inspiration, sans que jamais ne se rencontre l’écueil de la musique à programme. L’univers est riche de couleurs. Leila Olivesi est une compositrice de vrai talent. Mélodies sinueuses et pourtant d’une grande clarté, harmonies étoffées et tendues : on entend la passion de la musicienne pour l’univers de Billy Strayhorn, auquel elle avait consacré une belle conférence, en compagnie de Claude Carrière, dans le cadre de la Maison du Duke. Mais les sources musicales sont aussi ailleurs : un court instant j’ai la sensation qu’un chemin harmonique, pas moins sinueux, me rappelle les circonvolutions du rock progressif. La pianiste est très active dans l’accompagnement, soutenant ses solistes avec force et chaleur. Elle ne multiplie pas les solos, mais quand ils surviennent, il y a tout ce qu’il faut : force, expression, nuances…. Ses partenaires sont de haut vol : Manu Codjia mêle lyrisme et densité musicale, son legato donne parfois l’impression qu’il joue d’un saxophone, et une brusque foucade nous entraîne soudainement vers le souvenir d’Hendrix. C’est pour la pianiste un compagnon d’aventures musicales, présent depuis pas mal de temps dans ses disques et ses concerts. Il en va de même pour Yoni Zelnik à la contrebasse, totalement investi, mais toujours avec cette apparente placidité, qui fait contraste avec l’extraversion de Donald Kontomanou, dont le sourire dit sans fard le plaisir avec lequel il joue cette musique. Et la nouvelle venue dans le groupe, pivot de ce nouveau programme, c’est Chloé Cailleton, chanteuse entendue de toutes parts (Voice Messengers de Thierry Lalo, Medium Ensemble de Pierre de Bethmann, Jean-Loup Longnon Big Band, et aussi avec Stéphane Belmondo, Riccardo Del Fra, Alban Darche….). Très belle diction (en français comme en anglais), expressivité, maîtrise des intervalles périlleux, avec juste ce qu’il faut de fragilité pour convaincre. Bref un beau groupe, un beau programme et un beau concert. Au retour, nouvelle galère pour trouver son chemin, encore moins balisé, vers la salvatrice station de métro : culs-de-sac, pénombre…. J’ai survécu, et quelle belle belle soirée !

Xavier Prévost