Jazz live
Publié le 27 Sep 2018

Stéphane Payen fait jouer la sérénade

Les Sérénades d’Hans Werner Henze… vous connaissez ? Des pièces de soliste pour contrebasse (ou violoncelle) d’un compositeur allemand revisitées par le Workshop de Stéphane Payen et la contrebassiste Charlotte Testu. C’était hier au festival Les Émouvantes programmé par Claude Tchamitchian au Théâtre des Bernardines de Marseille.

Illustration: Prémisses du Mesnil-Villeman (13e) © X.Deher (Fictional Cover)

The Henze Workshop : Olivier Laisney (trompette), Stéphane Payen (saxe alto, arrangements), Guillaume Ruelland (guitare basse électrique), Vincent Sauve (batterie) + Charlotte Testu (contrebasse).

Les Emouvantes, Théâtre des Bernardines, Marseille (13), le 27 septembre 2018.

Hans Werner Henze… Voici un nom qui ne dit pas grand-chose au jazzfan, sauf si… Né en 1926 (mort en 2012), il a traversé (contribué à) la grande épopée post-sérielle de l’après-guerre et sut dépasser le dogmatisme qui ne fut pas sans affecter une partie de l’avant-garde occidentale, mais sans tomber dans les facilités d’une certaine “réaction” post-moderne. Stéphane Payen est tombé là-dedans par le plus grand des hasards… (on dit ça, mais en fait…), en tout cas dans les Sérénades que le compositeur consacra au violoncelle et à la contrebasse. Les ayant pratiquées avec sa compagne qui s’ennuyait de les jouer seule, y ajoutant une seconde voix, puis les aménageant à sa façon, il en a amené ses arrangements à l’orchestre – l’atelier, son Workshop – fondé au début des années 2000, et les a soumis à la contrebassiste classique de Charlotte Testu, l’embarquant dans son aventure. C’est ainsi que nous les avons écoutés hier aux Emouvantes, sur ce répertoire dont Payen nous explique à la sortie de son concert qu’on y a entendu constamment du Henzer, alors que je m’imaginais avant le concert, un programme d’alternance entre l’original joué par Tetsu et des variations imaginée par Payen, et après le concert, un exercice d’incrustation de la partition de Henze dans une partition originale. En fait, c’est un peu des deux qui s’est produit, l’exposé solo de l’original étant rare et l’archet de Charlotte Tetsu ne manifestant la lettre de l’original dans le “texte” de Payen qu’ici et là.

Une présence de la contrebasse à l’archet qui n’est pas exogène tant Payen et ses compagnons ont su l’accueillir dans leur projet, notamment sur le plan acoustique, en dépit d’une rythmique basse électrique / batterie qui a su ramener son volume sonore au niveau de leur hôte, tâche qui n’était pas gagnée, et dont ils s’acquitte avec une décontraction certaine, mais que, malgré un enchainement bienvenu entre le Périscope de Lyon ce 26 septembre et Les Emouvantes le lendemain, il reste un lâcher prise à acquérir (ah ! quand les clubs parisiens accueilleront ce type de projet à la semaine ou au mois, comme on accueillait autrefois des groupes se consacrant aux seuls standards)… Reste l’ébouriffante dextérité de la plume de Payen et de ses comparses dans le domaine rythmique-métrique, ce jeu permanent sur les couches de vitesse superposées et sur les glissements de l’une à l’autre, l’écriture et la densité de l’’espace d’improvisation qui en résulte pour les deux vents (avec de séduisantes combinaisons de timbres entre l’alto et notamment la sourdine)… et la découverte (en tout cas pour moi) de Charlott Tetsu qui joue ces partitions – les originaux de Henze et leurs intégrations au projet de Payen – avec une aisance, une facilité, une musicalité, une précision, une poésie du geste et des timbres qui nous ont laissé pantois et s’inscrivaient dans la continuité de l’interview à laquelle j’assistais le matin-même, entre Claude Tchamitchian et Barre Phillips (sous la conduite de Stéphane Ollivier). Barre Phillips au sortir du concert partageait notre enchantement. •  Franck Bergerot