Jazz live
Publié le 16 Oct 2016

Nancy Jazz Pulsations : Red Star Orchestra,Thomas de Pourquery, Julien Lourau & The Groove Retrievers

Énième découverte festivalière pour la néophyte que je suis. Direction Nancy cette fois pour les derniers jours de son Jazz Pulsations où l’occasion m’est donnée d’écouter (enfin !) le Groove Retrievers de Julien Lourau, de découvrir le Red Star Orchestra avec Thomas de Pourquery et de serrer la main au géant Kenny Barron. Récit.

D’emblée, il me faut parler de Thomas de Pourquery et du Red Star Orchestra. Impossible de faire l’impasse sur un show aussi ovniesque. Je découvrirai en live le quartette du batteur Mark Guiliana, qui se produit au Théâtre de la Manufacture, une prochaine fois. J’opte donc pour le Chapiteau dressé au cœur d’un décor aux allures de fête foraine lui-même situé au beau milieu d’un paysage pittoresque (il s’agit du parc de la Pépinière). Pour le cœur et le milieu, je ne suis pas vraiment sûre. Le sens de l’orientation, ce n’est définitivement pas mon truc. L’orientation, ça n’a pas l’air d’être son truc non plus à Thomas de Pourquery. Pour être honnête, je n’avais pas prêté grande attention à ce projet, “Broadways”, du Red Star Orchestra. Et je crois avoir bien fait dans la mesure où le découvrir sur scène s’avère plutôt captivant. Avec le Red Star, dirigé par le saxophoniste Johan Myran, Pourquery, chanteur, revisite des standards. Johan Myran lance la partie avec un solo épuré. La classe quoi. Tout le monde est en costard, posé. Classique quoi. Puis débarque Thomas de Pourquery avec son allure mi-sérieuse, mi-nonchalante. Il est vêtu de noir. Sa veste dissimule, pour l’instant, un simple t-shirt bleu. Il porte aussi des bottines vernies rouge vif. Clin d’œil au “red star” du big band? Sûrement. Car Thomas de Pourquery a le sens du style tant dans la démarche que dans la voix. Speak Low, Night And Day ou encore My Way – sur lequel on a bien cru qu’il allait se mettre à twerker -, il se lance dans une exploration qui, visiblement, l’éclate. C’est décoiffant. Rester assis au fond du chapiteau ? Impossible.

THOMAS DE POURQUERY.

THOMAS DE POURQUERY ET SES BOTTINES ROUGES.

Fantastique folie

Au sein de l’orchestre, il y a ce tromboniste, Stéphane Montigny. Lui, il ne fait pas dans la dentelle non plus. Il semble vivre le moment à fond et, somme toute, c’est communicatif. Il chantonne, gigote sur sa chaise, claque des doigts. Thomas de Pourquery force l’admiration. Celle du public, galvanisé comme pas permis, mais aussi des musiciens qui l’accompagnent. Il alterne posture de crooner, de rocker et se met en scène avec panache. “Mais il est où son sax ?”, chuchote un spectateur à son ami. “Il ne joue pas là”. On aurait bien aimé. On aime bien quand il alterne. Vivement le retour du Supersonic ! La jungle soudain. Des rugissements. Il rugit et fait rugir son “public chéri”. Il chante You don’t know what love is. C’est louche. Thomas de Pourquery est louche. Et fantastique aussi. Si bien que l’on a failli perdre l’orchestre. On pouffe ci et là. Plutôt plaisant ce lâcher prise. Puis, il sort cette voix hypnotique qui scande les paroles d’un Summertime plein d’une gravité démesurée. Un “bisoooouuu” au public, entres autres dernières loufoqueries parfois évacuées par des instants de pur grâce comme le solo éclatant du pianiste Mathieu Jérôme, et l’orchestre disparaît. Puis, sur scène, des congas débarquent. Julien Lourau et son Groove Retrievers vont bientôt faire leur arrivée.

 

Julien Loureau & The Groove Retrievers : l’ailleurs ici

JULIEN LOURAU & THE GROOVE RETRIEVERS.

JULIEN LOURAU & THE GROOVE RETRIEVERS.

 

Si le son n’était pas optimal, force est de constater que Julien Lourau est un as du foisonnement organique. Pléthore d’influences et de folklores (représentés avec brio) se sont fondues en une seule vibration. La dernière fois qu’il a joué au NJP, c’était en 1997, déclare-t-il sur scène. Avec son “Groove Gang” cette fois. Il est entouré de musiciens d’exception, tous très expressifs. Le chant empreint d’une soul rugueuse de Mélissa Laveaux et le violon de Jaffer Youssef rehaussent encore des compositions hybrides et majestueuses (que l’on aimerait bien pourvoir réécouter quand ça nous chante alors vivement le disque !). Ils sont dix sur scène à jouer de leur singularité. Et pourtant, l’équilibre est parfait. Paradoxalement, les percussions confèrent une dimension aérienne à l’ensemble. La musique est sans surenchère. Il y a des instants funky, de petites explosions harmoniques, quelque chose de presque sensuel parfois. LE GROOVE EST TOTALE. La posture de Julien Lourau est admirable. C’est avec sagesse qu’il égrène ses morceaux aux multiples racines. Il donne à entendre une véritable justesse quand il embouche son sax aux côtés du trompettiste Antoine Berjeaut et de la saxophoniste Céline Bonacina, toujours aussi renversante au baryton. Aux percussions, Sébastien Quezada et Javer Campos Martinez conversent, font trembler les peaux, sans trop de zèle. On tombe à la renverse quand Melissa Laveaux prend sa guitare. Derrière elle, une autre guitariste très intrigante : Mathilda Haynes qu’elle se nomme. On ne l’oubliera pas. Pas plus que le plaisir d’être témoin d’une telle transcendance chez des musiciens qui observent et étudient l’ailleurs pour mieux jouer ensemble et ici.

JULIEN LOURAU.

JULIEN LOURAU.

 

Kenny Barron Trio : la majesté en action

KENNY BARRON.

KENNY BARRON.

 

Le lendemain, vendredi, direction le Théâtre de la Manufacture pour écouter le Kenny Barron Trio. Peu avant, c’est la chanteuse Ala.ni qui occupait la scène. Après son passage, le public a presque changé de visage (enfin, il a soudainement vieilli d’une ou deux décennies !). Les connaisseurs déblatèrent leur savoir sur l’intéressé : “Tu vois ce type, il n’improvise pas à profusion, il ne fait pas étalage de sa technique !”. Le point d’exclamation est de rigueur. Dans la salle pleine à craquer, on hurle tout ce que l’on sait sur la galaxie Kenny Barron, de ses aventures avec Stan Getz au fabuleux “Night and the City” avec Charlie Haden, en passant par la chronique en direct live de “Prayer”, disque du contrebassiste du trio, Kiyoshi Kitagawa. Il n’y a pas à faire les gros yeux, l’événement s’y prêterait apparemment. Patrick Kader, directeur du Nancy Jazz Pulsations confie : “Je suis très fière d’avoir réussi à faire venir Kenny Barron pour cette édition. C’était un souhait depuis la naissance du festival”. Ce soir-là, le pianiste joue l’excellence et ne prend pas la peine de nous démontrer qu’il n’a rien à prouver. I Hear A Rhapsody, Magic Dance, New York Attitude, le saisissant Night Fall ou encore le fulgurant Bud Like.

JOHNATHAN BLAKE.

JOHNATHAN BLAKE.

 

Compositions originales, standards, touches de calypso et de bossa. Johnathan Blake nous en bouche un coin. Ce batteur est un magicien. Voilà qu’il perd sa baguette droite en plein solo. En une demi-seconde, il se retrouve avec une nouvelle baguette à la main. Comme si rien ne s’était passé. Kenny Barron a juste cassé ses lunettes et failli voir le couvercle du clavier lui tomber sur les doigts (à deux reprises même !). Autrement dit, les seules fausses notes de ce concert ne sont pas à chercher dans la musique. Il y avait quelque chose d’absolu dans toute cette excellence. Dans quelques décennies, gageons que nous serons en mesure de pouvoir dire : “C’est aussi ça le jazz en live, la perfection absolue ! La parfaite plénitude ! ”.

Katia Touré 

 

 

 

 

 |Énième découverte festivalière pour la néophyte que je suis. Direction Nancy cette fois pour les derniers jours de son Jazz Pulsations où l’occasion m’est donnée d’écouter (enfin !) le Groove Retrievers de Julien Lourau, de découvrir le Red Star Orchestra avec Thomas de Pourquery et de serrer la main au géant Kenny Barron. Récit.

D’emblée, il me faut parler de Thomas de Pourquery et du Red Star Orchestra. Impossible de faire l’impasse sur un show aussi ovniesque. Je découvrirai en live le quartette du batteur Mark Guiliana, qui se produit au Théâtre de la Manufacture, une prochaine fois. J’opte donc pour le Chapiteau dressé au cœur d’un décor aux allures de fête foraine lui-même situé au beau milieu d’un paysage pittoresque (il s’agit du parc de la Pépinière). Pour le cœur et le milieu, je ne suis pas vraiment sûre. Le sens de l’orientation, ce n’est définitivement pas mon truc. L’orientation, ça n’a pas l’air d’être son truc non plus à Thomas de Pourquery. Pour être honnête, je n’avais pas prêté grande attention à ce projet, “Broadways”, du Red Star Orchestra. Et je crois avoir bien fait dans la mesure où le découvrir sur scène s’avère plutôt captivant. Avec le Red Star, dirigé par le saxophoniste Johan Myran, Pourquery, chanteur, revisite des standards. Johan Myran lance la partie avec un solo épuré. La classe quoi. Tout le monde est en costard, posé. Classique quoi. Puis débarque Thomas de Pourquery avec son allure mi-sérieuse, mi-nonchalante. Il est vêtu de noir. Sa veste dissimule, pour l’instant, un simple t-shirt bleu. Il porte aussi des bottines vernies rouge vif. Clin d’œil au “red star” du big band? Sûrement. Car Thomas de Pourquery a le sens du style tant dans la démarche que dans la voix. Speak Low, Night And Day ou encore My Way – sur lequel on a bien cru qu’il allait se mettre à twerker -, il se lance dans une exploration qui, visiblement, l’éclate. C’est décoiffant. Rester assis au fond du chapiteau ? Impossible.

THOMAS DE POURQUERY.

THOMAS DE POURQUERY ET SES BOTTINES ROUGES.

Fantastique folie

Au sein de l’orchestre, il y a ce tromboniste, Stéphane Montigny. Lui, il ne fait pas dans la dentelle non plus. Il semble vivre le moment à fond et, somme toute, c’est communicatif. Il chantonne, gigote sur sa chaise, claque des doigts. Thomas de Pourquery force l’admiration. Celle du public, galvanisé comme pas permis, mais aussi des musiciens qui l’accompagnent. Il alterne posture de crooner, de rocker et se met en scène avec panache. “Mais il est où son sax ?”, chuchote un spectateur à son ami. “Il ne joue pas là”. On aurait bien aimé. On aime bien quand il alterne. Vivement le retour du Supersonic ! La jungle soudain. Des rugissements. Il rugit et fait rugir son “public chéri”. Il chante You don’t know what love is. C’est louche. Thomas de Pourquery est louche. Et fantastique aussi. Si bien que l’on a failli perdre l’orchestre. On pouffe ci et là. Plutôt plaisant ce lâcher prise. Puis, il sort cette voix hypnotique qui scande les paroles d’un Summertime plein d’une gravité démesurée. Un “bisoooouuu” au public, entres autres dernières loufoqueries parfois évacuées par des instants de pur grâce comme le solo éclatant du pianiste Mathieu Jérôme, et l’orchestre disparaît. Puis, sur scène, des congas débarquent. Julien Lourau et son Groove Retrievers vont bientôt faire leur arrivée.

 

Julien Loureau & The Groove Retrievers : l’ailleurs ici

JULIEN LOURAU & THE GROOVE RETRIEVERS.

JULIEN LOURAU & THE GROOVE RETRIEVERS.

 

Si le son n’était pas optimal, force est de constater que Julien Lourau est un as du foisonnement organique. Pléthore d’influences et de folklores (représentés avec brio) se sont fondues en une seule vibration. La dernière fois qu’il a joué au NJP, c’était en 1997, déclare-t-il sur scène. Avec son “Groove Gang” cette fois. Il est entouré de musiciens d’exception, tous très expressifs. Le chant empreint d’une soul rugueuse de Mélissa Laveaux et le violon de Jaffer Youssef rehaussent encore des compositions hybrides et majestueuses (que l’on aimerait bien pourvoir réécouter quand ça nous chante alors vivement le disque !). Ils sont dix sur scène à jouer de leur singularité. Et pourtant, l’équilibre est parfait. Paradoxalement, les percussions confèrent une dimension aérienne à l’ensemble. La musique est sans surenchère. Il y a des instants funky, de petites explosions harmoniques, quelque chose de presque sensuel parfois. LE GROOVE EST TOTALE. La posture de Julien Lourau est admirable. C’est avec sagesse qu’il égrène ses morceaux aux multiples racines. Il donne à entendre une véritable justesse quand il embouche son sax aux côtés du trompettiste Antoine Berjeaut et de la saxophoniste Céline Bonacina, toujours aussi renversante au baryton. Aux percussions, Sébastien Quezada et Javer Campos Martinez conversent, font trembler les peaux, sans trop de zèle. On tombe à la renverse quand Melissa Laveaux prend sa guitare. Derrière elle, une autre guitariste très intrigante : Mathilda Haynes qu’elle se nomme. On ne l’oubliera pas. Pas plus que le plaisir d’être témoin d’une telle transcendance chez des musiciens qui observent et étudient l’ailleurs pour mieux jouer ensemble et ici.

JULIEN LOURAU.

JULIEN LOURAU.

 

Kenny Barron Trio : la majesté en action

KENNY BARRON.

KENNY BARRON.

 

Le lendemain, vendredi, direction le Théâtre de la Manufacture pour écouter le Kenny Barron Trio. Peu avant, c’est la chanteuse Ala.ni qui occupait la scène. Après son passage, le public a presque changé de visage (enfin, il a soudainement vieilli d’une ou deux décennies !). Les connaisseurs déblatèrent leur savoir sur l’intéressé : “Tu vois ce type, il n’improvise pas à profusion, il ne fait pas étalage de sa technique !”. Le point d’exclamation est de rigueur. Dans la salle pleine à craquer, on hurle tout ce que l’on sait sur la galaxie Kenny Barron, de ses aventures avec Stan Getz au fabuleux “Night and the City” avec Charlie Haden, en passant par la chronique en direct live de “Prayer”, disque du contrebassiste du trio, Kiyoshi Kitagawa. Il n’y a pas à faire les gros yeux, l’événement s’y prêterait apparemment. Patrick Kader, directeur du Nancy Jazz Pulsations confie : “Je suis très fière d’avoir réussi à faire venir Kenny Barron pour cette édition. C’était un souhait depuis la naissance du festival”. Ce soir-là, le pianiste joue l’excellence et ne prend pas la peine de nous démontrer qu’il n’a rien à prouver. I Hear A Rhapsody, Magic Dance, New York Attitude, le saisissant Night Fall ou encore le fulgurant Bud Like.

JOHNATHAN BLAKE.

JOHNATHAN BLAKE.

 

Compositions originales, standards, touches de calypso et de bossa. Johnathan Blake nous en bouche un coin. Ce batteur est un magicien. Voilà qu’il perd sa baguette droite en plein solo. En une demi-seconde, il se retrouve avec une nouvelle baguette à la main. Comme si rien ne s’était passé. Kenny Barron a juste cassé ses lunettes et failli voir le couvercle du clavier lui tomber sur les doigts (à deux reprises même !). Autrement dit, les seules fausses notes de ce concert ne sont pas à chercher dans la musique. Il y avait quelque chose d’absolu dans toute cette excellence. Dans quelques décennies, gageons que nous serons en mesure de pouvoir dire : “C’est aussi ça le jazz en live, la perfection absolue ! La parfaite plénitude ! ”.

Katia Touré 

 

 

 

 

 |Énième découverte festivalière pour la néophyte que je suis. Direction Nancy cette fois pour les derniers jours de son Jazz Pulsations où l’occasion m’est donnée d’écouter (enfin !) le Groove Retrievers de Julien Lourau, de découvrir le Red Star Orchestra avec Thomas de Pourquery et de serrer la main au géant Kenny Barron. Récit.

D’emblée, il me faut parler de Thomas de Pourquery et du Red Star Orchestra. Impossible de faire l’impasse sur un show aussi ovniesque. Je découvrirai en live le quartette du batteur Mark Guiliana, qui se produit au Théâtre de la Manufacture, une prochaine fois. J’opte donc pour le Chapiteau dressé au cœur d’un décor aux allures de fête foraine lui-même situé au beau milieu d’un paysage pittoresque (il s’agit du parc de la Pépinière). Pour le cœur et le milieu, je ne suis pas vraiment sûre. Le sens de l’orientation, ce n’est définitivement pas mon truc. L’orientation, ça n’a pas l’air d’être son truc non plus à Thomas de Pourquery. Pour être honnête, je n’avais pas prêté grande attention à ce projet, “Broadways”, du Red Star Orchestra. Et je crois avoir bien fait dans la mesure où le découvrir sur scène s’avère plutôt captivant. Avec le Red Star, dirigé par le saxophoniste Johan Myran, Pourquery, chanteur, revisite des standards. Johan Myran lance la partie avec un solo épuré. La classe quoi. Tout le monde est en costard, posé. Classique quoi. Puis débarque Thomas de Pourquery avec son allure mi-sérieuse, mi-nonchalante. Il est vêtu de noir. Sa veste dissimule, pour l’instant, un simple t-shirt bleu. Il porte aussi des bottines vernies rouge vif. Clin d’œil au “red star” du big band? Sûrement. Car Thomas de Pourquery a le sens du style tant dans la démarche que dans la voix. Speak Low, Night And Day ou encore My Way – sur lequel on a bien cru qu’il allait se mettre à twerker -, il se lance dans une exploration qui, visiblement, l’éclate. C’est décoiffant. Rester assis au fond du chapiteau ? Impossible.

THOMAS DE POURQUERY.

THOMAS DE POURQUERY ET SES BOTTINES ROUGES.

Fantastique folie

Au sein de l’orchestre, il y a ce tromboniste, Stéphane Montigny. Lui, il ne fait pas dans la dentelle non plus. Il semble vivre le moment à fond et, somme toute, c’est communicatif. Il chantonne, gigote sur sa chaise, claque des doigts. Thomas de Pourquery force l’admiration. Celle du public, galvanisé comme pas permis, mais aussi des musiciens qui l’accompagnent. Il alterne posture de crooner, de rocker et se met en scène avec panache. “Mais il est où son sax ?”, chuchote un spectateur à son ami. “Il ne joue pas là”. On aurait bien aimé. On aime bien quand il alterne. Vivement le retour du Supersonic ! La jungle soudain. Des rugissements. Il rugit et fait rugir son “public chéri”. Il chante You don’t know what love is. C’est louche. Thomas de Pourquery est louche. Et fantastique aussi. Si bien que l’on a failli perdre l’orchestre. On pouffe ci et là. Plutôt plaisant ce lâcher prise. Puis, il sort cette voix hypnotique qui scande les paroles d’un Summertime plein d’une gravité démesurée. Un “bisoooouuu” au public, entres autres dernières loufoqueries parfois évacuées par des instants de pur grâce comme le solo éclatant du pianiste Mathieu Jérôme, et l’orchestre disparaît. Puis, sur scène, des congas débarquent. Julien Lourau et son Groove Retrievers vont bientôt faire leur arrivée.

 

Julien Loureau & The Groove Retrievers : l’ailleurs ici

JULIEN LOURAU & THE GROOVE RETRIEVERS.

JULIEN LOURAU & THE GROOVE RETRIEVERS.

 

Si le son n’était pas optimal, force est de constater que Julien Lourau est un as du foisonnement organique. Pléthore d’influences et de folklores (représentés avec brio) se sont fondues en une seule vibration. La dernière fois qu’il a joué au NJP, c’était en 1997, déclare-t-il sur scène. Avec son “Groove Gang” cette fois. Il est entouré de musiciens d’exception, tous très expressifs. Le chant empreint d’une soul rugueuse de Mélissa Laveaux et le violon de Jaffer Youssef rehaussent encore des compositions hybrides et majestueuses (que l’on aimerait bien pourvoir réécouter quand ça nous chante alors vivement le disque !). Ils sont dix sur scène à jouer de leur singularité. Et pourtant, l’équilibre est parfait. Paradoxalement, les percussions confèrent une dimension aérienne à l’ensemble. La musique est sans surenchère. Il y a des instants funky, de petites explosions harmoniques, quelque chose de presque sensuel parfois. LE GROOVE EST TOTALE. La posture de Julien Lourau est admirable. C’est avec sagesse qu’il égrène ses morceaux aux multiples racines. Il donne à entendre une véritable justesse quand il embouche son sax aux côtés du trompettiste Antoine Berjeaut et de la saxophoniste Céline Bonacina, toujours aussi renversante au baryton. Aux percussions, Sébastien Quezada et Javer Campos Martinez conversent, font trembler les peaux, sans trop de zèle. On tombe à la renverse quand Melissa Laveaux prend sa guitare. Derrière elle, une autre guitariste très intrigante : Mathilda Haynes qu’elle se nomme. On ne l’oubliera pas. Pas plus que le plaisir d’être témoin d’une telle transcendance chez des musiciens qui observent et étudient l’ailleurs pour mieux jouer ensemble et ici.

JULIEN LOURAU.

JULIEN LOURAU.

 

Kenny Barron Trio : la majesté en action

KENNY BARRON.

KENNY BARRON.

 

Le lendemain, vendredi, direction le Théâtre de la Manufacture pour écouter le Kenny Barron Trio. Peu avant, c’est la chanteuse Ala.ni qui occupait la scène. Après son passage, le public a presque changé de visage (enfin, il a soudainement vieilli d’une ou deux décennies !). Les connaisseurs déblatèrent leur savoir sur l’intéressé : “Tu vois ce type, il n’improvise pas à profusion, il ne fait pas étalage de sa technique !”. Le point d’exclamation est de rigueur. Dans la salle pleine à craquer, on hurle tout ce que l’on sait sur la galaxie Kenny Barron, de ses aventures avec Stan Getz au fabuleux “Night and the City” avec Charlie Haden, en passant par la chronique en direct live de “Prayer”, disque du contrebassiste du trio, Kiyoshi Kitagawa. Il n’y a pas à faire les gros yeux, l’événement s’y prêterait apparemment. Patrick Kader, directeur du Nancy Jazz Pulsations confie : “Je suis très fière d’avoir réussi à faire venir Kenny Barron pour cette édition. C’était un souhait depuis la naissance du festival”. Ce soir-là, le pianiste joue l’excellence et ne prend pas la peine de nous démontrer qu’il n’a rien à prouver. I Hear A Rhapsody, Magic Dance, New York Attitude, le saisissant Night Fall ou encore le fulgurant Bud Like.

JOHNATHAN BLAKE.

JOHNATHAN BLAKE.

 

Compositions originales, standards, touches de calypso et de bossa. Johnathan Blake nous en bouche un coin. Ce batteur est un magicien. Voilà qu’il perd sa baguette droite en plein solo. En une demi-seconde, il se retrouve avec une nouvelle baguette à la main. Comme si rien ne s’était passé. Kenny Barron a juste cassé ses lunettes et failli voir le couvercle du clavier lui tomber sur les doigts (à deux reprises même !). Autrement dit, les seules fausses notes de ce concert ne sont pas à chercher dans la musique. Il y avait quelque chose d’absolu dans toute cette excellence. Dans quelques décennies, gageons que nous serons en mesure de pouvoir dire : “C’est aussi ça le jazz en live, la perfection absolue ! La parfaite plénitude ! ”.

Katia Touré 

 

 

 

 

 |Énième découverte festivalière pour la néophyte que je suis. Direction Nancy cette fois pour les derniers jours de son Jazz Pulsations où l’occasion m’est donnée d’écouter (enfin !) le Groove Retrievers de Julien Lourau, de découvrir le Red Star Orchestra avec Thomas de Pourquery et de serrer la main au géant Kenny Barron. Récit.

D’emblée, il me faut parler de Thomas de Pourquery et du Red Star Orchestra. Impossible de faire l’impasse sur un show aussi ovniesque. Je découvrirai en live le quartette du batteur Mark Guiliana, qui se produit au Théâtre de la Manufacture, une prochaine fois. J’opte donc pour le Chapiteau dressé au cœur d’un décor aux allures de fête foraine lui-même situé au beau milieu d’un paysage pittoresque (il s’agit du parc de la Pépinière). Pour le cœur et le milieu, je ne suis pas vraiment sûre. Le sens de l’orientation, ce n’est définitivement pas mon truc. L’orientation, ça n’a pas l’air d’être son truc non plus à Thomas de Pourquery. Pour être honnête, je n’avais pas prêté grande attention à ce projet, “Broadways”, du Red Star Orchestra. Et je crois avoir bien fait dans la mesure où le découvrir sur scène s’avère plutôt captivant. Avec le Red Star, dirigé par le saxophoniste Johan Myran, Pourquery, chanteur, revisite des standards. Johan Myran lance la partie avec un solo épuré. La classe quoi. Tout le monde est en costard, posé. Classique quoi. Puis débarque Thomas de Pourquery avec son allure mi-sérieuse, mi-nonchalante. Il est vêtu de noir. Sa veste dissimule, pour l’instant, un simple t-shirt bleu. Il porte aussi des bottines vernies rouge vif. Clin d’œil au “red star” du big band? Sûrement. Car Thomas de Pourquery a le sens du style tant dans la démarche que dans la voix. Speak Low, Night And Day ou encore My Way – sur lequel on a bien cru qu’il allait se mettre à twerker -, il se lance dans une exploration qui, visiblement, l’éclate. C’est décoiffant. Rester assis au fond du chapiteau ? Impossible.

THOMAS DE POURQUERY.

THOMAS DE POURQUERY ET SES BOTTINES ROUGES.

Fantastique folie

Au sein de l’orchestre, il y a ce tromboniste, Stéphane Montigny. Lui, il ne fait pas dans la dentelle non plus. Il semble vivre le moment à fond et, somme toute, c’est communicatif. Il chantonne, gigote sur sa chaise, claque des doigts. Thomas de Pourquery force l’admiration. Celle du public, galvanisé comme pas permis, mais aussi des musiciens qui l’accompagnent. Il alterne posture de crooner, de rocker et se met en scène avec panache. “Mais il est où son sax ?”, chuchote un spectateur à son ami. “Il ne joue pas là”. On aurait bien aimé. On aime bien quand il alterne. Vivement le retour du Supersonic ! La jungle soudain. Des rugissements. Il rugit et fait rugir son “public chéri”. Il chante You don’t know what love is. C’est louche. Thomas de Pourquery est louche. Et fantastique aussi. Si bien que l’on a failli perdre l’orchestre. On pouffe ci et là. Plutôt plaisant ce lâcher prise. Puis, il sort cette voix hypnotique qui scande les paroles d’un Summertime plein d’une gravité démesurée. Un “bisoooouuu” au public, entres autres dernières loufoqueries parfois évacuées par des instants de pur grâce comme le solo éclatant du pianiste Mathieu Jérôme, et l’orchestre disparaît. Puis, sur scène, des congas débarquent. Julien Lourau et son Groove Retrievers vont bientôt faire leur arrivée.

 

Julien Loureau & The Groove Retrievers : l’ailleurs ici

JULIEN LOURAU & THE GROOVE RETRIEVERS.

JULIEN LOURAU & THE GROOVE RETRIEVERS.

 

Si le son n’était pas optimal, force est de constater que Julien Lourau est un as du foisonnement organique. Pléthore d’influences et de folklores (représentés avec brio) se sont fondues en une seule vibration. La dernière fois qu’il a joué au NJP, c’était en 1997, déclare-t-il sur scène. Avec son “Groove Gang” cette fois. Il est entouré de musiciens d’exception, tous très expressifs. Le chant empreint d’une soul rugueuse de Mélissa Laveaux et le violon de Jaffer Youssef rehaussent encore des compositions hybrides et majestueuses (que l’on aimerait bien pourvoir réécouter quand ça nous chante alors vivement le disque !). Ils sont dix sur scène à jouer de leur singularité. Et pourtant, l’équilibre est parfait. Paradoxalement, les percussions confèrent une dimension aérienne à l’ensemble. La musique est sans surenchère. Il y a des instants funky, de petites explosions harmoniques, quelque chose de presque sensuel parfois. LE GROOVE EST TOTALE. La posture de Julien Lourau est admirable. C’est avec sagesse qu’il égrène ses morceaux aux multiples racines. Il donne à entendre une véritable justesse quand il embouche son sax aux côtés du trompettiste Antoine Berjeaut et de la saxophoniste Céline Bonacina, toujours aussi renversante au baryton. Aux percussions, Sébastien Quezada et Javer Campos Martinez conversent, font trembler les peaux, sans trop de zèle. On tombe à la renverse quand Melissa Laveaux prend sa guitare. Derrière elle, une autre guitariste très intrigante : Mathilda Haynes qu’elle se nomme. On ne l’oubliera pas. Pas plus que le plaisir d’être témoin d’une telle transcendance chez des musiciens qui observent et étudient l’ailleurs pour mieux jouer ensemble et ici.

JULIEN LOURAU.

JULIEN LOURAU.

 

Kenny Barron Trio : la majesté en action

KENNY BARRON.

KENNY BARRON.

 

Le lendemain, vendredi, direction le Théâtre de la Manufacture pour écouter le Kenny Barron Trio. Peu avant, c’est la chanteuse Ala.ni qui occupait la scène. Après son passage, le public a presque changé de visage (enfin, il a soudainement vieilli d’une ou deux décennies !). Les connaisseurs déblatèrent leur savoir sur l’intéressé : “Tu vois ce type, il n’improvise pas à profusion, il ne fait pas étalage de sa technique !”. Le point d’exclamation est de rigueur. Dans la salle pleine à craquer, on hurle tout ce que l’on sait sur la galaxie Kenny Barron, de ses aventures avec Stan Getz au fabuleux “Night and the City” avec Charlie Haden, en passant par la chronique en direct live de “Prayer”, disque du contrebassiste du trio, Kiyoshi Kitagawa. Il n’y a pas à faire les gros yeux, l’événement s’y prêterait apparemment. Patrick Kader, directeur du Nancy Jazz Pulsations confie : “Je suis très fière d’avoir réussi à faire venir Kenny Barron pour cette édition. C’était un souhait depuis la naissance du festival”. Ce soir-là, le pianiste joue l’excellence et ne prend pas la peine de nous démontrer qu’il n’a rien à prouver. I Hear A Rhapsody, Magic Dance, New York Attitude, le saisissant Night Fall ou encore le fulgurant Bud Like.

JOHNATHAN BLAKE.

JOHNATHAN BLAKE.

 

Compositions originales, standards, touches de calypso et de bossa. Johnathan Blake nous en bouche un coin. Ce batteur est un magicien. Voilà qu’il perd sa baguette droite en plein solo. En une demi-seconde, il se retrouve avec une nouvelle baguette à la main. Comme si rien ne s’était passé. Kenny Barron a juste cassé ses lunettes et failli voir le couvercle du clavier lui tomber sur les doigts (à deux reprises même !). Autrement dit, les seules fausses notes de ce concert ne sont pas à chercher dans la musique. Il y avait quelque chose d’absolu dans toute cette excellence. Dans quelques décennies, gageons que nous serons en mesure de pouvoir dire : “C’est aussi ça le jazz en live, la perfection absolue ! La parfaite plénitude ! ”.

Katia Touré