Jazz live
Publié le 27 Nov 2013

Nicolas Dary fait le Sunside

Hier, Nicolas Dary fêtait la sortie de son disque « L’Autre Rive » chez Gaya Productions. Jazz Magazine, qui lui décerne un Choc dans son numéro de décembre,  était là.


Sunside, Paris (75), le 27 novembre 2013


Nicolas Dary Septet : Fabien Mary (trompette), Jean-Christophe Vilain (trombone), Luigi Grasso (sax alto), Nicolas Dary (sax ténor), Yves Brouqui (guitare), Gilles Naturel (contrebasse), Philippe Soirat (batterie)


Il y a des affaires qui se traitent dans le quartier des Halles et lorsque l’on a trouvé un compromis, on s’en va arroser ça rue des Lombards… À moins que l’on ait déjà tellement arrosé pour trouver un compromis que l’on évite les pompes bière. Ce soir, j’avais évité de regarder les programmes, impatient de me lever dès pontro-minet pour me coller devant Albert, mon ordinateur, à qui je dois des comptes. Et puis, la satisfaction d’un bon compromis aidant, je me suis retrouvé au Sunside. Ça tombait plutôt bien. Au programme : Nicolas Dary auquel Guy Chauvier, de passage à Jazz Magazine, a collé un Choc que vous trouverez argumenté dans votre boîte aux lettres dès demain si vous êtes abonnés, d’ici au plus tard lundi chez votre kiosquier. Un Choc que nous étions quelques uns à lui souhaiter. Pour ma part, je l’ai suivi de loin en loin et plutôt de très loin, depuis un beau soir où je l’ai vu débarquer au Petit-Journal Saint-Michel avec Luigi Grasso, aussitôt tous deux invités à se joindre à Nicolas Montier, Stéphane Laferrière et Pierre Maingourd. Je me suis sorti de cette soudaine fournaise musicale grâce à ma combinaison ignifugée. Ensuite… on a chacun ses quartiers et, tout comme je me suis fait la réputation de ne pas aimer les chanteurs (voir les réactions à ma chronique du concert de création du Wanderer Septet d’Yves Rousseau il y a quelques jours sur ce blog), je me suis fait probablement celle de n’aimer que la nouveauté. Reconnaissons que la nouveauté a l’avantage d’être la nouveauté et donc d’enfumer plus facilement ou tout du moins de séduire sur le seul argument de la nouveauté. C’est nouveau, c’est déjà ça. Lendemain, ce n’est plus nouveau et les affaires sérieuses commencent. Avec les swingsters et les boppers se réclamant de de traditions vieilles de cinquante à soixante-dix ans, elles ont commencé depuis longtemps. Mais on n’a pas plus ou moins de raison de ménager ceux qui jouent le bop comme des machines à coudre que ménager  les pianistes qui jouent comme s’ils avaient des moufles au nom d’une certaine tradition free vieille de quarante ans ou  les interprètes de Mozart qui jouent des choses bientôt tricentenaires avec de la confiture sur les doigts.


J’entre au Sunside et  je découvre, devant un public compact, jeune et captivé, cette chose qui ne me renvoie ni aux critères de l’après Tim Berne ni à ceux de la troisième génération de l’AACM ni aux grooves de l’après Hancok. Je règle mes curseurs en fonction… Et j’entends de superbes arrangements en sextette qui pourraient avoir été écrits du temps de Tadd Dameron et Gigi Gryce, avec un petit quelque chose que l’on ne sait dater, tout celà joué avec une ferveur et une efficacité plus que convaincante. Luigi Grasso envoie la purée… C’est comme ça qu’on dit au bar du Sunside lorsque l’enthousiasme fait monter la température et vous fait perdre votre vocabulaire. Mais, outre qu’il l’envoie vraiment, il a des nuances, des accélérations, des apesanteurs, des volte-face et des chandelles qui réinventent au jour le jour l’héritage de la zébrure parkéirenne et qui vous font oublier le présent et le passé, pour vous transporter au-delà du temps. Nicolas Dary, lui, est royal. Royal… ça pourrait vouloir dire qu’il est lisse et parfait. J’en connais… des tas, qui jouent bop, post-bop, free ou post-free, jazz-rock et fusion, voire néo-éthiopien à la perfection (et parfois même lisse et sans couleur sans même avoir l’excuse de la perfection, qui a toujours forcé, bon an mal an, mon respect). Non, il est royal, comme Sigmund le Chat lorsqu’il était là pour me regarder taper mes papiers autrefois (et parfois les terminer) du haut de mes étagères à disques. Royal, comme Dexter (Gordon) et (Benny) Golson dont il combine les influences, tantôt Dexter Golson, tantôt Benny Gordon, ou plutôt Bexter Songor et Nygol Beldon, avec ici et là une pointe de Stan Rouse et de Charlie Getz, soit une décontraction, une élégance mélodique, une longueur des idées, une économie du motif rythmique, des citations tellement assimilées qu’elles n’ont que le temps de nous tenir en éveil sans nous laisser le loisir de les identifier. Tout ça porté par une paire indéfectible et palpitante : Gilles Naturel et Philippe Soirat. Il se fait tard et Sigmund n’étant pas là pour finir mon papier, je parlerai des autres une autre fois, mais je m’endors ravi de ma soirée, même si j’ai quitté précipitamment le Sunside alors qu’annonçant la pause, Dary prévenait d’un deuxième set avec des invités venus du monde entier… Le monde entier ! « Moi qui n’ai fait sur mon vélo qu’le tour de Suresnes et Puteaux. » (1) Franck Bergerot


(1) Roger Rifard, l’auteur compositeur de Mon copain qui revenait d’Espagne terminait cette phrase d’un « Olé ! » dont je salue Nicolas Dary et ses artissses.

 

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Hier, Nicolas Dary fêtait la sortie de son disque « L’Autre Rive » chez Gaya Productions. Jazz Magazine, qui lui décerne un Choc dans son numéro de décembre,  était là.


Sunside, Paris (75), le 27 novembre 2013


Nicolas Dary Septet : Fabien Mary (trompette), Jean-Christophe Vilain (trombone), Luigi Grasso (sax alto), Nicolas Dary (sax ténor), Yves Brouqui (guitare), Gilles Naturel (contrebasse), Philippe Soirat (batterie)


Il y a des affaires qui se traitent dans le quartier des Halles et lorsque l’on a trouvé un compromis, on s’en va arroser ça rue des Lombards… À moins que l’on ait déjà tellement arrosé pour trouver un compromis que l’on évite les pompes bière. Ce soir, j’avais évité de regarder les programmes, impatient de me lever dès pontro-minet pour me coller devant Albert, mon ordinateur, à qui je dois des comptes. Et puis, la satisfaction d’un bon compromis aidant, je me suis retrouvé au Sunside. Ça tombait plutôt bien. Au programme : Nicolas Dary auquel Guy Chauvier, de passage à Jazz Magazine, a collé un Choc que vous trouverez argumenté dans votre boîte aux lettres dès demain si vous êtes abonnés, d’ici au plus tard lundi chez votre kiosquier. Un Choc que nous étions quelques uns à lui souhaiter. Pour ma part, je l’ai suivi de loin en loin et plutôt de très loin, depuis un beau soir où je l’ai vu débarquer au Petit-Journal Saint-Michel avec Luigi Grasso, aussitôt tous deux invités à se joindre à Nicolas Montier, Stéphane Laferrière et Pierre Maingourd. Je me suis sorti de cette soudaine fournaise musicale grâce à ma combinaison ignifugée. Ensuite… on a chacun ses quartiers et, tout comme je me suis fait la réputation de ne pas aimer les chanteurs (voir les réactions à ma chronique du concert de création du Wanderer Septet d’Yves Rousseau il y a quelques jours sur ce blog), je me suis fait probablement celle de n’aimer que la nouveauté. Reconnaissons que la nouveauté a l’avantage d’être la nouveauté et donc d’enfumer plus facilement ou tout du moins de séduire sur le seul argument de la nouveauté. C’est nouveau, c’est déjà ça. Lendemain, ce n’est plus nouveau et les affaires sérieuses commencent. Avec les swingsters et les boppers se réclamant de de traditions vieilles de cinquante à soixante-dix ans, elles ont commencé depuis longtemps. Mais on n’a pas plus ou moins de raison de ménager ceux qui jouent le bop comme des machines à coudre que ménager  les pianistes qui jouent comme s’ils avaient des moufles au nom d’une certaine tradition free vieille de quarante ans ou  les interprètes de Mozart qui jouent des choses bientôt tricentenaires avec de la confiture sur les doigts.


J’entre au Sunside et  je découvre, devant un public compact, jeune et captivé, cette chose qui ne me renvoie ni aux critères de l’après Tim Berne ni à ceux de la troisième génération de l’AACM ni aux grooves de l’après Hancok. Je règle mes curseurs en fonction… Et j’entends de superbes arrangements en sextette qui pourraient avoir été écrits du temps de Tadd Dameron et Gigi Gryce, avec un petit quelque chose que l’on ne sait dater, tout celà joué avec une ferveur et une efficacité plus que convaincante. Luigi Grasso envoie la purée… C’est comme ça qu’on dit au bar du Sunside lorsque l’enthousiasme fait monter la température et vous fait perdre votre vocabulaire. Mais, outre qu’il l’envoie vraiment, il a des nuances, des accélérations, des apesanteurs, des volte-face et des chandelles qui réinventent au jour le jour l’héritage de la zébrure parkéirenne et qui vous font oublier le présent et le passé, pour vous transporter au-delà du temps. Nicolas Dary, lui, est royal. Royal… ça pourrait vouloir dire qu’il est lisse et parfait. J’en connais… des tas, qui jouent bop, post-bop, free ou post-free, jazz-rock et fusion, voire néo-éthiopien à la perfection (et parfois même lisse et sans couleur sans même avoir l’excuse de la perfection, qui a toujours forcé, bon an mal an, mon respect). Non, il est royal, comme Sigmund le Chat lorsqu’il était là pour me regarder taper mes papiers autrefois (et parfois les terminer) du haut de mes étagères à disques. Royal, comme Dexter (Gordon) et (Benny) Golson dont il combine les influences, tantôt Dexter Golson, tantôt Benny Gordon, ou plutôt Bexter Songor et Nygol Beldon, avec ici et là une pointe de Stan Rouse et de Charlie Getz, soit une décontraction, une élégance mélodique, une longueur des idées, une économie du motif rythmique, des citations tellement assimilées qu’elles n’ont que le temps de nous tenir en éveil sans nous laisser le loisir de les identifier. Tout ça porté par une paire indéfectible et palpitante : Gilles Naturel et Philippe Soirat. Il se fait tard et Sigmund n’étant pas là pour finir mon papier, je parlerai des autres une autre fois, mais je m’endors ravi de ma soirée, même si j’ai quitté précipitamment le Sunside alors qu’annonçant la pause, Dary prévenait d’un deuxième set avec des invités venus du monde entier… Le monde entier ! « Moi qui n’ai fait sur mon vélo qu’le tour de Suresnes et Puteaux. » (1) Franck Bergerot


(1) Roger Rifard, l’auteur compositeur de Mon copain qui revenait d’Espagne terminait cette phrase d’un « Olé ! » dont je salue Nicolas Dary et ses artissses.

 

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Hier, Nicolas Dary fêtait la sortie de son disque « L’Autre Rive » chez Gaya Productions. Jazz Magazine, qui lui décerne un Choc dans son numéro de décembre,  était là.


Sunside, Paris (75), le 27 novembre 2013


Nicolas Dary Septet : Fabien Mary (trompette), Jean-Christophe Vilain (trombone), Luigi Grasso (sax alto), Nicolas Dary (sax ténor), Yves Brouqui (guitare), Gilles Naturel (contrebasse), Philippe Soirat (batterie)


Il y a des affaires qui se traitent dans le quartier des Halles et lorsque l’on a trouvé un compromis, on s’en va arroser ça rue des Lombards… À moins que l’on ait déjà tellement arrosé pour trouver un compromis que l’on évite les pompes bière. Ce soir, j’avais évité de regarder les programmes, impatient de me lever dès pontro-minet pour me coller devant Albert, mon ordinateur, à qui je dois des comptes. Et puis, la satisfaction d’un bon compromis aidant, je me suis retrouvé au Sunside. Ça tombait plutôt bien. Au programme : Nicolas Dary auquel Guy Chauvier, de passage à Jazz Magazine, a collé un Choc que vous trouverez argumenté dans votre boîte aux lettres dès demain si vous êtes abonnés, d’ici au plus tard lundi chez votre kiosquier. Un Choc que nous étions quelques uns à lui souhaiter. Pour ma part, je l’ai suivi de loin en loin et plutôt de très loin, depuis un beau soir où je l’ai vu débarquer au Petit-Journal Saint-Michel avec Luigi Grasso, aussitôt tous deux invités à se joindre à Nicolas Montier, Stéphane Laferrière et Pierre Maingourd. Je me suis sorti de cette soudaine fournaise musicale grâce à ma combinaison ignifugée. Ensuite… on a chacun ses quartiers et, tout comme je me suis fait la réputation de ne pas aimer les chanteurs (voir les réactions à ma chronique du concert de création du Wanderer Septet d’Yves Rousseau il y a quelques jours sur ce blog), je me suis fait probablement celle de n’aimer que la nouveauté. Reconnaissons que la nouveauté a l’avantage d’être la nouveauté et donc d’enfumer plus facilement ou tout du moins de séduire sur le seul argument de la nouveauté. C’est nouveau, c’est déjà ça. Lendemain, ce n’est plus nouveau et les affaires sérieuses commencent. Avec les swingsters et les boppers se réclamant de de traditions vieilles de cinquante à soixante-dix ans, elles ont commencé depuis longtemps. Mais on n’a pas plus ou moins de raison de ménager ceux qui jouent le bop comme des machines à coudre que ménager  les pianistes qui jouent comme s’ils avaient des moufles au nom d’une certaine tradition free vieille de quarante ans ou  les interprètes de Mozart qui jouent des choses bientôt tricentenaires avec de la confiture sur les doigts.


J’entre au Sunside et  je découvre, devant un public compact, jeune et captivé, cette chose qui ne me renvoie ni aux critères de l’après Tim Berne ni à ceux de la troisième génération de l’AACM ni aux grooves de l’après Hancok. Je règle mes curseurs en fonction… Et j’entends de superbes arrangements en sextette qui pourraient avoir été écrits du temps de Tadd Dameron et Gigi Gryce, avec un petit quelque chose que l’on ne sait dater, tout celà joué avec une ferveur et une efficacité plus que convaincante. Luigi Grasso envoie la purée… C’est comme ça qu’on dit au bar du Sunside lorsque l’enthousiasme fait monter la température et vous fait perdre votre vocabulaire. Mais, outre qu’il l’envoie vraiment, il a des nuances, des accélérations, des apesanteurs, des volte-face et des chandelles qui réinventent au jour le jour l’héritage de la zébrure parkéirenne et qui vous font oublier le présent et le passé, pour vous transporter au-delà du temps. Nicolas Dary, lui, est royal. Royal… ça pourrait vouloir dire qu’il est lisse et parfait. J’en connais… des tas, qui jouent bop, post-bop, free ou post-free, jazz-rock et fusion, voire néo-éthiopien à la perfection (et parfois même lisse et sans couleur sans même avoir l’excuse de la perfection, qui a toujours forcé, bon an mal an, mon respect). Non, il est royal, comme Sigmund le Chat lorsqu’il était là pour me regarder taper mes papiers autrefois (et parfois les terminer) du haut de mes étagères à disques. Royal, comme Dexter (Gordon) et (Benny) Golson dont il combine les influences, tantôt Dexter Golson, tantôt Benny Gordon, ou plutôt Bexter Songor et Nygol Beldon, avec ici et là une pointe de Stan Rouse et de Charlie Getz, soit une décontraction, une élégance mélodique, une longueur des idées, une économie du motif rythmique, des citations tellement assimilées qu’elles n’ont que le temps de nous tenir en éveil sans nous laisser le loisir de les identifier. Tout ça porté par une paire indéfectible et palpitante : Gilles Naturel et Philippe Soirat. Il se fait tard et Sigmund n’étant pas là pour finir mon papier, je parlerai des autres une autre fois, mais je m’endors ravi de ma soirée, même si j’ai quitté précipitamment le Sunside alors qu’annonçant la pause, Dary prévenait d’un deuxième set avec des invités venus du monde entier… Le monde entier ! « Moi qui n’ai fait sur mon vélo qu’le tour de Suresnes et Puteaux. » (1) Franck Bergerot


(1) Roger Rifard, l’auteur compositeur de Mon copain qui revenait d’Espagne terminait cette phrase d’un « Olé ! » dont je salue Nicolas Dary et ses artissses.

 

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Hier, Nicolas Dary fêtait la sortie de son disque « L’Autre Rive » chez Gaya Productions. Jazz Magazine, qui lui décerne un Choc dans son numéro de décembre,  était là.


Sunside, Paris (75), le 27 novembre 2013


Nicolas Dary Septet : Fabien Mary (trompette), Jean-Christophe Vilain (trombone), Luigi Grasso (sax alto), Nicolas Dary (sax ténor), Yves Brouqui (guitare), Gilles Naturel (contrebasse), Philippe Soirat (batterie)


Il y a des affaires qui se traitent dans le quartier des Halles et lorsque l’on a trouvé un compromis, on s’en va arroser ça rue des Lombards… À moins que l’on ait déjà tellement arrosé pour trouver un compromis que l’on évite les pompes bière. Ce soir, j’avais évité de regarder les programmes, impatient de me lever dès pontro-minet pour me coller devant Albert, mon ordinateur, à qui je dois des comptes. Et puis, la satisfaction d’un bon compromis aidant, je me suis retrouvé au Sunside. Ça tombait plutôt bien. Au programme : Nicolas Dary auquel Guy Chauvier, de passage à Jazz Magazine, a collé un Choc que vous trouverez argumenté dans votre boîte aux lettres dès demain si vous êtes abonnés, d’ici au plus tard lundi chez votre kiosquier. Un Choc que nous étions quelques uns à lui souhaiter. Pour ma part, je l’ai suivi de loin en loin et plutôt de très loin, depuis un beau soir où je l’ai vu débarquer au Petit-Journal Saint-Michel avec Luigi Grasso, aussitôt tous deux invités à se joindre à Nicolas Montier, Stéphane Laferrière et Pierre Maingourd. Je me suis sorti de cette soudaine fournaise musicale grâce à ma combinaison ignifugée. Ensuite… on a chacun ses quartiers et, tout comme je me suis fait la réputation de ne pas aimer les chanteurs (voir les réactions à ma chronique du concert de création du Wanderer Septet d’Yves Rousseau il y a quelques jours sur ce blog), je me suis fait probablement celle de n’aimer que la nouveauté. Reconnaissons que la nouveauté a l’avantage d’être la nouveauté et donc d’enfumer plus facilement ou tout du moins de séduire sur le seul argument de la nouveauté. C’est nouveau, c’est déjà ça. Lendemain, ce n’est plus nouveau et les affaires sérieuses commencent. Avec les swingsters et les boppers se réclamant de de traditions vieilles de cinquante à soixante-dix ans, elles ont commencé depuis longtemps. Mais on n’a pas plus ou moins de raison de ménager ceux qui jouent le bop comme des machines à coudre que ménager  les pianistes qui jouent comme s’ils avaient des moufles au nom d’une certaine tradition free vieille de quarante ans ou  les interprètes de Mozart qui jouent des choses bientôt tricentenaires avec de la confiture sur les doigts.


J’entre au Sunside et  je découvre, devant un public compact, jeune et captivé, cette chose qui ne me renvoie ni aux critères de l’après Tim Berne ni à ceux de la troisième génération de l’AACM ni aux grooves de l’après Hancok. Je règle mes curseurs en fonction… Et j’entends de superbes arrangements en sextette qui pourraient avoir été écrits du temps de Tadd Dameron et Gigi Gryce, avec un petit quelque chose que l’on ne sait dater, tout celà joué avec une ferveur et une efficacité plus que convaincante. Luigi Grasso envoie la purée… C’est comme ça qu’on dit au bar du Sunside lorsque l’enthousiasme fait monter la température et vous fait perdre votre vocabulaire. Mais, outre qu’il l’envoie vraiment, il a des nuances, des accélérations, des apesanteurs, des volte-face et des chandelles qui réinventent au jour le jour l’héritage de la zébrure parkéirenne et qui vous font oublier le présent et le passé, pour vous transporter au-delà du temps. Nicolas Dary, lui, est royal. Royal… ça pourrait vouloir dire qu’il est lisse et parfait. J’en connais… des tas, qui jouent bop, post-bop, free ou post-free, jazz-rock et fusion, voire néo-éthiopien à la perfection (et parfois même lisse et sans couleur sans même avoir l’excuse de la perfection, qui a toujours forcé, bon an mal an, mon respect). Non, il est royal, comme Sigmund le Chat lorsqu’il était là pour me regarder taper mes papiers autrefois (et parfois les terminer) du haut de mes étagères à disques. Royal, comme Dexter (Gordon) et (Benny) Golson dont il combine les influences, tantôt Dexter Golson, tantôt Benny Gordon, ou plutôt Bexter Songor et Nygol Beldon, avec ici et là une pointe de Stan Rouse et de Charlie Getz, soit une décontraction, une élégance mélodique, une longueur des idées, une économie du motif rythmique, des citations tellement assimilées qu’elles n’ont que le temps de nous tenir en éveil sans nous laisser le loisir de les identifier. Tout ça porté par une paire indéfectible et palpitante : Gilles Naturel et Philippe Soirat. Il se fait tard et Sigmund n’étant pas là pour finir mon papier, je parlerai des autres une autre fois, mais je m’endors ravi de ma soirée, même si j’ai quitté précipitamment le Sunside alors qu’annonçant la pause, Dary prévenait d’un deuxième set avec des invités venus du monde entier… Le monde entier ! « Moi qui n’ai fait sur mon vélo qu’le tour de Suresnes et Puteaux. » (1) Franck Bergerot


(1) Roger Rifard, l’auteur compositeur de Mon copain qui revenait d’Espagne terminait cette phrase d’un « Olé ! » dont je salue Nicolas Dary et ses artissses.