Jazz live
Publié le 24 Juil 2013

P-funk express: George Clinton & Parliament-Funkadelic – Festival de Carcassonne, 21 juillet 2013

La cité médiévale du pays Cathare accueillait le Dr. Funkenstein au terme d’une tournée européenne très concentrée (Londres, Moscou, Amsterdam, Lyon, Biarritz, Paris et Carcassonne dans la même semaine). Bon pied bon œil, le charismatique bandleader opta pour un rapide égrenage de quelques classiques ayant émaillé son étonnante carrière.
George Clinton, Steve Boyd, Michael « Clip » Payne, Mary Griffin, Paul Hill, Kendra Foster, Robert « P-nut » Johnson (v), Jerome Rodgers, Danny Bedrosian (k), Lige Curry (b), Greg Thomas (as, v), Bennie Cowan (tp), Benjamin « Benzel Baltimore » Cowan, Foley McCreary (d), Ricky Rouse, Michael Hampton, Garrett Shider (g), Kim Manning & Carlos McMurray (danse)

Le rock énergique de Standing on the verge of gettin’ it on, extrait de l’album de Funkadelic du même nom et incontournable des live du groupe, ouvre le bal. On n’aura pas droit à l’un de ces délicieux hymnes introductifs,  précédant l’arrivée de George Clinton : Cosmic Slop, Butt-to-Butt-Resuscitation… A Carcassonne, comme l’an passé à Rio Loco, il s’agit d’enchaîner les plateaux – les Blues Brothers jouent en deuxième partie de soirée – et de ne pas traîner. Quand on sait que la tradition de la troupe P-funk est de jouer plusieurs heures d’affilée (d’où le slogan « There’s no party like a P-funk party, ‘cause a P-funk party don’t stop ! ») comme ils le firent d’ailleurs l’avant-veille, cette brièveté relative a tout du contresens. La durée généreuse des shows P-Funk fait partie de l’expérience funkadélique, permettant au groupe d’équilibrer la part de hits et celle de morceaux moins célèbres, propices à des envolées non chronométrées. Mais, ainsi vont les gigs et il faut bien s’adapter !

Clinton entre donc en scène sans délai, arborant chapeau de paille et costume-cravate. Deux soufflants, c’est mieux qu’un seul, mais pas assez pour parler de section: les arrangements luxuriants de Fred Wesley sur les albums de Parliament ne sont qu’un lointain souvenir… Elégant et tout sourire, Clinton est toujours cabotin et provocateur… Sa voix est plus audible que ces derniers temps – même si les nombreux chanteurs du groupe sont le plus souvent au centre du jeu – et sa joie à l’arpentage de la scène est réelle, même après toutes ces années. Il fêtera d’ailleurs ses 72 ans le lendemain; pour rappel, son premier enregistrement remonte à 1958…

Le fils du trompettiste Bennie Cowan (le P-funk reste une family affair) alterne à la batterie avec Foley McCreary (ex-bassiste de Miles Davis dans les années 80). Les deux claviéristes sont flanqués d’une impressionnante galerie de synthés… que l’on n’entend presque pas, la faute à un déluge ininterrompu de décibels (le groupe a son propre ingénieur du son, me dit-on). Puis les choses se calment un moment, sur des morceaux de soul mid-tempo, plus mesurés. Sont enchaînés Pumpin’it up, Flashlight, Mothership Connection, (Not Just) Knee Deep, les guitares alternant sans discontinuer un rôle rythmique et de nombreux solos électriques.

Le groupe est parfois à la limite du hors-jeu, ne se risquant guère à reproduire les breaks les plus complexes des versions studio. Ceci dit, comparés aux concerts de la période 1995-2005, les arrangements ont été revus à la hausse, la direction musicale est plus soignée – l’influence de Foley. A signaler aussi une dimension « tremplin », chaque chanteur et musicien se succédant sous les projecteurs pour quelques minutes en vedette. Clinton danse, dirige le groupe dos au public, et s’assoie parfois au beau milieu de la scène pour savourer l’abattage de ses disciples – l’un des privilèges de l’âge – et pourquoi pas ? On a l’impression d’assister à une fête qui n’a pas de fin, entr’aperçue à un instant T de son déroulement, les musiciens aussi à l’aise sur scène que dans leur salon, vaquant à leurs occupations quand ils ne jouent pas… Le public est tout à fait bigarré – néophytes et fans, vacanciers qui passaient par là, enfants et retraités… La participation des spectateurs est souvent requise, exhortés à frapper dans les mains et à reprendre en chœur des riffs depuis longtemps entrés dans l’inconscient collectif.

Greg Thomas y va de son scat habituel, puis Kendra Foster entonne Sentimental Journey, inséré à Knee Deep. Vient le tour de chant de Mary Griffin, qui a plus ou moins endossé le rôle de la regrettée Belita Woods, mais s’en démarquant aussi. Etonnante reprise, très gospel-soul, de Crazy, le tube des Gnarls Barkley – on entend enfin le travail des claviers, les arrangements bien conçus. Le morceau est chargé d’émotion – la chanteuse toutefois prompte à l’hypertrophie vocale. Mary Griffin descend de scène et avance au beau milieu de l’assistance, sans interrompre sa chanson, ce qui nécessite que quelqu’un fasse suivre le fil du micro en le tenant au-dessus de la tête des spectateurs des quinze premiers rangs ! Griffin est possédée, déploie une énergie phénoménale. On se demande comment cette déflagration peut être reconduite ainsi soir après soir, dans tant de villes, tant de pays. Bounce to this, dont la version album lorgnait trop du côté du célèbre Atomic Dog pour être honnête, écope ici d’une version adoucie, avec ce Fender Rhodes chaud et scintillant et ces spirales de guitares seventies. Cette version est  plus convaincante que l’originale, même si l’on se passerait sans mal de ces approximatives flèches de trompette…

Quant à la rollerskateuse Kim Manning, sa souplesse physique n’est plus à démontrer, mais j’ai connu des casseroles qui chantaient mieux ; ce qui ne l’a pas empêchée d’enregistrer des disques. Le concert s’achève sur Night of the Thumpasorus peoples, excellent quasi-instrumental tiré de « Mothership Connection » de Parliament (1975, chroniqué dans le dossier « Great Black Music » du Jazz Magazine en mai dernier), couronné d’un solo fiévreux de Ricky Rouse, guitariste typiquement P-Funk par le look comme le jeu. C’est toujours un plaisir de revoir George Clinton et les siens. Ce concert n’est pas le plus mémorable de ceux qu’il a pu donner, mais la balance penche tout de même du bon côté avec de nombreux bons moments. Il conviendra seulement de ramener le volume à des niveaux raisonnables pour l’oreille humaine: la musique et le monde n’en seront que meilleurs.

David Cristol|La cité médiévale du pays Cathare accueillait le Dr. Funkenstein au terme d’une tournée européenne très concentrée (Londres, Moscou, Amsterdam, Lyon, Biarritz, Paris et Carcassonne dans la même semaine). Bon pied bon œil, le charismatique bandleader opta pour un rapide égrenage de quelques classiques ayant émaillé son étonnante carrière.
George Clinton, Steve Boyd, Michael « Clip » Payne, Mary Griffin, Paul Hill, Kendra Foster, Robert « P-nut » Johnson (v), Jerome Rodgers, Danny Bedrosian (k), Lige Curry (b), Greg Thomas (as, v), Bennie Cowan (tp), Benjamin « Benzel Baltimore » Cowan, Foley McCreary (d), Ricky Rouse, Michael Hampton, Garrett Shider (g), Kim Manning & Carlos McMurray (danse)

Le rock énergique de Standing on the verge of gettin’ it on, extrait de l’album de Funkadelic du même nom et incontournable des live du groupe, ouvre le bal. On n’aura pas droit à l’un de ces délicieux hymnes introductifs,  précédant l’arrivée de George Clinton : Cosmic Slop, Butt-to-Butt-Resuscitation… A Carcassonne, comme l’an passé à Rio Loco, il s’agit d’enchaîner les plateaux – les Blues Brothers jouent en deuxième partie de soirée – et de ne pas traîner. Quand on sait que la tradition de la troupe P-funk est de jouer plusieurs heures d’affilée (d’où le slogan « There’s no party like a P-funk party, ‘cause a P-funk party don’t stop ! ») comme ils le firent d’ailleurs l’avant-veille, cette brièveté relative a tout du contresens. La durée généreuse des shows P-Funk fait partie de l’expérience funkadélique, permettant au groupe d’équilibrer la part de hits et celle de morceaux moins célèbres, propices à des envolées non chronométrées. Mais, ainsi vont les gigs et il faut bien s’adapter !

Clinton entre donc en scène sans délai, arborant chapeau de paille et costume-cravate. Deux soufflants, c’est mieux qu’un seul, mais pas assez pour parler de section: les arrangements luxuriants de Fred Wesley sur les albums de Parliament ne sont qu’un lointain souvenir… Elégant et tout sourire, Clinton est toujours cabotin et provocateur… Sa voix est plus audible que ces derniers temps – même si les nombreux chanteurs du groupe sont le plus souvent au centre du jeu – et sa joie à l’arpentage de la scène est réelle, même après toutes ces années. Il fêtera d’ailleurs ses 72 ans le lendemain; pour rappel, son premier enregistrement remonte à 1958…

Le fils du trompettiste Bennie Cowan (le P-funk reste une family affair) alterne à la batterie avec Foley McCreary (ex-bassiste de Miles Davis dans les années 80). Les deux claviéristes sont flanqués d’une impressionnante galerie de synthés… que l’on n’entend presque pas, la faute à un déluge ininterrompu de décibels (le groupe a son propre ingénieur du son, me dit-on). Puis les choses se calment un moment, sur des morceaux de soul mid-tempo, plus mesurés. Sont enchaînés Pumpin’it up, Flashlight, Mothership Connection, (Not Just) Knee Deep, les guitares alternant sans discontinuer un rôle rythmique et de nombreux solos électriques.

Le groupe est parfois à la limite du hors-jeu, ne se risquant guère à reproduire les breaks les plus complexes des versions studio. Ceci dit, comparés aux concerts de la période 1995-2005, les arrangements ont été revus à la hausse, la direction musicale est plus soignée – l’influence de Foley. A signaler aussi une dimension « tremplin », chaque chanteur et musicien se succédant sous les projecteurs pour quelques minutes en vedette. Clinton danse, dirige le groupe dos au public, et s’assoie parfois au beau milieu de la scène pour savourer l’abattage de ses disciples – l’un des privilèges de l’âge – et pourquoi pas ? On a l’impression d’assister à une fête qui n’a pas de fin, entr’aperçue à un instant T de son déroulement, les musiciens aussi à l’aise sur scène que dans leur salon, vaquant à leurs occupations quand ils ne jouent pas… Le public est tout à fait bigarré – néophytes et fans, vacanciers qui passaient par là, enfants et retraités… La participation des spectateurs est souvent requise, exhortés à frapper dans les mains et à reprendre en chœur des riffs depuis longtemps entrés dans l’inconscient collectif.

Greg Thomas y va de son scat habituel, puis Kendra Foster entonne Sentimental Journey, inséré à Knee Deep. Vient le tour de chant de Mary Griffin, qui a plus ou moins endossé le rôle de la regrettée Belita Woods, mais s’en démarquant aussi. Etonnante reprise, très gospel-soul, de Crazy, le tube des Gnarls Barkley – on entend enfin le travail des claviers, les arrangements bien conçus. Le morceau est chargé d’émotion – la chanteuse toutefois prompte à l’hypertrophie vocale. Mary Griffin descend de scène et avance au beau milieu de l’assistance, sans interrompre sa chanson, ce qui nécessite que quelqu’un fasse suivre le fil du micro en le tenant au-dessus de la tête des spectateurs des quinze premiers rangs ! Griffin est possédée, déploie une énergie phénoménale. On se demande comment cette déflagration peut être reconduite ainsi soir après soir, dans tant de villes, tant de pays. Bounce to this, dont la version album lorgnait trop du côté du célèbre Atomic Dog pour être honnête, écope ici d’une version adoucie, avec ce Fender Rhodes chaud et scintillant et ces spirales de guitares seventies. Cette version est  plus convaincante que l’originale, même si l’on se passerait sans mal de ces approximatives flèches de trompette…

Quant à la rollerskateuse Kim Manning, sa souplesse physique n’est plus à démontrer, mais j’ai connu des casseroles qui chantaient mieux ; ce qui ne l’a pas empêchée d’enregistrer des disques. Le concert s’achève sur Night of the Thumpasorus peoples, excellent quasi-instrumental tiré de « Mothership Connection » de Parliament (1975, chroniqué dans le dossier « Great Black Music » du Jazz Magazine en mai dernier), couronné d’un solo fiévreux de Ricky Rouse, guitariste typiquement P-Funk par le look comme le jeu. C’est toujours un plaisir de revoir George Clinton et les siens. Ce concert n’est pas le plus mémorable de ceux qu’il a pu donner, mais la balance penche tout de même du bon côté avec de nombreux bons moments. Il conviendra seulement de ramener le volume à des niveaux raisonnables pour l’oreille humaine: la musique et le monde n’en seront que meilleurs.

David Cristol|La cité médiévale du pays Cathare accueillait le Dr. Funkenstein au terme d’une tournée européenne très concentrée (Londres, Moscou, Amsterdam, Lyon, Biarritz, Paris et Carcassonne dans la même semaine). Bon pied bon œil, le charismatique bandleader opta pour un rapide égrenage de quelques classiques ayant émaillé son étonnante carrière.
George Clinton, Steve Boyd, Michael « Clip » Payne, Mary Griffin, Paul Hill, Kendra Foster, Robert « P-nut » Johnson (v), Jerome Rodgers, Danny Bedrosian (k), Lige Curry (b), Greg Thomas (as, v), Bennie Cowan (tp), Benjamin « Benzel Baltimore » Cowan, Foley McCreary (d), Ricky Rouse, Michael Hampton, Garrett Shider (g), Kim Manning & Carlos McMurray (danse)

Le rock énergique de Standing on the verge of gettin’ it on, extrait de l’album de Funkadelic du même nom et incontournable des live du groupe, ouvre le bal. On n’aura pas droit à l’un de ces délicieux hymnes introductifs,  précédant l’arrivée de George Clinton : Cosmic Slop, Butt-to-Butt-Resuscitation… A Carcassonne, comme l’an passé à Rio Loco, il s’agit d’enchaîner les plateaux – les Blues Brothers jouent en deuxième partie de soirée – et de ne pas traîner. Quand on sait que la tradition de la troupe P-funk est de jouer plusieurs heures d’affilée (d’où le slogan « There’s no party like a P-funk party, ‘cause a P-funk party don’t stop ! ») comme ils le firent d’ailleurs l’avant-veille, cette brièveté relative a tout du contresens. La durée généreuse des shows P-Funk fait partie de l’expérience funkadélique, permettant au groupe d’équilibrer la part de hits et celle de morceaux moins célèbres, propices à des envolées non chronométrées. Mais, ainsi vont les gigs et il faut bien s’adapter !

Clinton entre donc en scène sans délai, arborant chapeau de paille et costume-cravate. Deux soufflants, c’est mieux qu’un seul, mais pas assez pour parler de section: les arrangements luxuriants de Fred Wesley sur les albums de Parliament ne sont qu’un lointain souvenir… Elégant et tout sourire, Clinton est toujours cabotin et provocateur… Sa voix est plus audible que ces derniers temps – même si les nombreux chanteurs du groupe sont le plus souvent au centre du jeu – et sa joie à l’arpentage de la scène est réelle, même après toutes ces années. Il fêtera d’ailleurs ses 72 ans le lendemain; pour rappel, son premier enregistrement remonte à 1958…

Le fils du trompettiste Bennie Cowan (le P-funk reste une family affair) alterne à la batterie avec Foley McCreary (ex-bassiste de Miles Davis dans les années 80). Les deux claviéristes sont flanqués d’une impressionnante galerie de synthés… que l’on n’entend presque pas, la faute à un déluge ininterrompu de décibels (le groupe a son propre ingénieur du son, me dit-on). Puis les choses se calment un moment, sur des morceaux de soul mid-tempo, plus mesurés. Sont enchaînés Pumpin’it up, Flashlight, Mothership Connection, (Not Just) Knee Deep, les guitares alternant sans discontinuer un rôle rythmique et de nombreux solos électriques.

Le groupe est parfois à la limite du hors-jeu, ne se risquant guère à reproduire les breaks les plus complexes des versions studio. Ceci dit, comparés aux concerts de la période 1995-2005, les arrangements ont été revus à la hausse, la direction musicale est plus soignée – l’influence de Foley. A signaler aussi une dimension « tremplin », chaque chanteur et musicien se succédant sous les projecteurs pour quelques minutes en vedette. Clinton danse, dirige le groupe dos au public, et s’assoie parfois au beau milieu de la scène pour savourer l’abattage de ses disciples – l’un des privilèges de l’âge – et pourquoi pas ? On a l’impression d’assister à une fête qui n’a pas de fin, entr’aperçue à un instant T de son déroulement, les musiciens aussi à l’aise sur scène que dans leur salon, vaquant à leurs occupations quand ils ne jouent pas… Le public est tout à fait bigarré – néophytes et fans, vacanciers qui passaient par là, enfants et retraités… La participation des spectateurs est souvent requise, exhortés à frapper dans les mains et à reprendre en chœur des riffs depuis longtemps entrés dans l’inconscient collectif.

Greg Thomas y va de son scat habituel, puis Kendra Foster entonne Sentimental Journey, inséré à Knee Deep. Vient le tour de chant de Mary Griffin, qui a plus ou moins endossé le rôle de la regrettée Belita Woods, mais s’en démarquant aussi. Etonnante reprise, très gospel-soul, de Crazy, le tube des Gnarls Barkley – on entend enfin le travail des claviers, les arrangements bien conçus. Le morceau est chargé d’émotion – la chanteuse toutefois prompte à l’hypertrophie vocale. Mary Griffin descend de scène et avance au beau milieu de l’assistance, sans interrompre sa chanson, ce qui nécessite que quelqu’un fasse suivre le fil du micro en le tenant au-dessus de la tête des spectateurs des quinze premiers rangs ! Griffin est possédée, déploie une énergie phénoménale. On se demande comment cette déflagration peut être reconduite ainsi soir après soir, dans tant de villes, tant de pays. Bounce to this, dont la version album lorgnait trop du côté du célèbre Atomic Dog pour être honnête, écope ici d’une version adoucie, avec ce Fender Rhodes chaud et scintillant et ces spirales de guitares seventies. Cette version est  plus convaincante que l’originale, même si l’on se passerait sans mal de ces approximatives flèches de trompette…

Quant à la rollerskateuse Kim Manning, sa souplesse physique n’est plus à démontrer, mais j’ai connu des casseroles qui chantaient mieux ; ce qui ne l’a pas empêchée d’enregistrer des disques. Le concert s’achève sur Night of the Thumpasorus peoples, excellent quasi-instrumental tiré de « Mothership Connection » de Parliament (1975, chroniqué dans le dossier « Great Black Music » du Jazz Magazine en mai dernier), couronné d’un solo fiévreux de Ricky Rouse, guitariste typiquement P-Funk par le look comme le jeu. C’est toujours un plaisir de revoir George Clinton et les siens. Ce concert n’est pas le plus mémorable de ceux qu’il a pu donner, mais la balance penche tout de même du bon côté avec de nombreux bons moments. Il conviendra seulement de ramener le volume à des niveaux raisonnables pour l’oreille humaine: la musique et le monde n’en seront que meilleurs.

David Cristol|La cité médiévale du pays Cathare accueillait le Dr. Funkenstein au terme d’une tournée européenne très concentrée (Londres, Moscou, Amsterdam, Lyon, Biarritz, Paris et Carcassonne dans la même semaine). Bon pied bon œil, le charismatique bandleader opta pour un rapide égrenage de quelques classiques ayant émaillé son étonnante carrière.
George Clinton, Steve Boyd, Michael « Clip » Payne, Mary Griffin, Paul Hill, Kendra Foster, Robert « P-nut » Johnson (v), Jerome Rodgers, Danny Bedrosian (k), Lige Curry (b), Greg Thomas (as, v), Bennie Cowan (tp), Benjamin « Benzel Baltimore » Cowan, Foley McCreary (d), Ricky Rouse, Michael Hampton, Garrett Shider (g), Kim Manning & Carlos McMurray (danse)

Le rock énergique de Standing on the verge of gettin’ it on, extrait de l’album de Funkadelic du même nom et incontournable des live du groupe, ouvre le bal. On n’aura pas droit à l’un de ces délicieux hymnes introductifs,  précédant l’arrivée de George Clinton : Cosmic Slop, Butt-to-Butt-Resuscitation… A Carcassonne, comme l’an passé à Rio Loco, il s’agit d’enchaîner les plateaux – les Blues Brothers jouent en deuxième partie de soirée – et de ne pas traîner. Quand on sait que la tradition de la troupe P-funk est de jouer plusieurs heures d’affilée (d’où le slogan « There’s no party like a P-funk party, ‘cause a P-funk party don’t stop ! ») comme ils le firent d’ailleurs l’avant-veille, cette brièveté relative a tout du contresens. La durée généreuse des shows P-Funk fait partie de l’expérience funkadélique, permettant au groupe d’équilibrer la part de hits et celle de morceaux moins célèbres, propices à des envolées non chronométrées. Mais, ainsi vont les gigs et il faut bien s’adapter !

Clinton entre donc en scène sans délai, arborant chapeau de paille et costume-cravate. Deux soufflants, c’est mieux qu’un seul, mais pas assez pour parler de section: les arrangements luxuriants de Fred Wesley sur les albums de Parliament ne sont qu’un lointain souvenir… Elégant et tout sourire, Clinton est toujours cabotin et provocateur… Sa voix est plus audible que ces derniers temps – même si les nombreux chanteurs du groupe sont le plus souvent au centre du jeu – et sa joie à l’arpentage de la scène est réelle, même après toutes ces années. Il fêtera d’ailleurs ses 72 ans le lendemain; pour rappel, son premier enregistrement remonte à 1958…

Le fils du trompettiste Bennie Cowan (le P-funk reste une family affair) alterne à la batterie avec Foley McCreary (ex-bassiste de Miles Davis dans les années 80). Les deux claviéristes sont flanqués d’une impressionnante galerie de synthés… que l’on n’entend presque pas, la faute à un déluge ininterrompu de décibels (le groupe a son propre ingénieur du son, me dit-on). Puis les choses se calment un moment, sur des morceaux de soul mid-tempo, plus mesurés. Sont enchaînés Pumpin’it up, Flashlight, Mothership Connection, (Not Just) Knee Deep, les guitares alternant sans discontinuer un rôle rythmique et de nombreux solos électriques.

Le groupe est parfois à la limite du hors-jeu, ne se risquant guère à reproduire les breaks les plus complexes des versions studio. Ceci dit, comparés aux concerts de la période 1995-2005, les arrangements ont été revus à la hausse, la direction musicale est plus soignée – l’influence de Foley. A signaler aussi une dimension « tremplin », chaque chanteur et musicien se succédant sous les projecteurs pour quelques minutes en vedette. Clinton danse, dirige le groupe dos au public, et s’assoie parfois au beau milieu de la scène pour savourer l’abattage de ses disciples – l’un des privilèges de l’âge – et pourquoi pas ? On a l’impression d’assister à une fête qui n’a pas de fin, entr’aperçue à un instant T de son déroulement, les musiciens aussi à l’aise sur scène que dans leur salon, vaquant à leurs occupations quand ils ne jouent pas… Le public est tout à fait bigarré – néophytes et fans, vacanciers qui passaient par là, enfants et retraités… La participation des spectateurs est souvent requise, exhortés à frapper dans les mains et à reprendre en chœur des riffs depuis longtemps entrés dans l’inconscient collectif.

Greg Thomas y va de son scat habituel, puis Kendra Foster entonne Sentimental Journey, inséré à Knee Deep. Vient le tour de chant de Mary Griffin, qui a plus ou moins endossé le rôle de la regrettée Belita Woods, mais s’en démarquant aussi. Etonnante reprise, très gospel-soul, de Crazy, le tube des Gnarls Barkley – on entend enfin le travail des claviers, les arrangements bien conçus. Le morceau est chargé d’émotion – la chanteuse toutefois prompte à l’hypertrophie vocale. Mary Griffin descend de scène et avance au beau milieu de l’assistance, sans interrompre sa chanson, ce qui nécessite que quelqu’un fasse suivre le fil du micro en le tenant au-dessus de la tête des spectateurs des quinze premiers rangs ! Griffin est possédée, déploie une énergie phénoménale. On se demande comment cette déflagration peut être reconduite ainsi soir après soir, dans tant de villes, tant de pays. Bounce to this, dont la version album lorgnait trop du côté du célèbre Atomic Dog pour être honnête, écope ici d’une version adoucie, avec ce Fender Rhodes chaud et scintillant et ces spirales de guitares seventies. Cette version est  plus convaincante que l’originale, même si l’on se passerait sans mal de ces approximatives flèches de trompette…

Quant à la rollerskateuse Kim Manning, sa souplesse physique n’est plus à démontrer, mais j’ai connu des casseroles qui chantaient mieux ; ce qui ne l’a pas empêchée d’enregistrer des disques. Le concert s’achève sur Night of the Thumpasorus peoples, excellent quasi-instrumental tiré de « Mothership Connection » de Parliament (1975, chroniqué dans le dossier « Great Black Music » du Jazz Magazine en mai dernier), couronné d’un solo fiévreux de Ricky Rouse, guitariste typiquement P-Funk par le look comme le jeu. C’est toujours un plaisir de revoir George Clinton et les siens. Ce concert n’est pas le plus mémorable de ceux qu’il a pu donner, mais la balance penche tout de même du bon côté avec de nombreux bons moments. Il conviendra seulement de ramener le volume à des niveaux raisonnables pour l’oreille humaine: la musique et le monde n’en seront que meilleurs.

David Cristol