Jazz live
Publié le 7 Sep 2015

Steve Coleman inattendu ?

Voici deux jours, vendredi 4 septembre, je fendillais l’unanimité autour du concert de la Mystic Rhythm Society de Steve Coleman au Trabendo. Et puis, samedi 5, il y a eu The Council of  Balance du même Coleman. Enfin, hier après-midi dimanche 6, Natal Eclipse, et nous voici tout ébranlé.

 

Grande Halle de la Villette, Jazz à La Villette, Paris (75), le 5 septembre 2015.
Magic Malik Orchestra : Malik Mezzadri (flûte), Denis Guivarch’ (sax alto), Vincent Lafont (claviers), Jean-Luc Lehr (guitare basse électrique), Maxime Zampieri (batterie)
Steve Coleman & The Council of Balance : Steve Coleman (sax alto, compositinos), Jonathan Finlayson (trompette), Jen Shyu (chant), Jeffrey Missal, Mike Lormand (trombone), Barry J. Crawford (flûtes), Rane Moore (clarinettes), Maria Grand (sax ténor), Kristin Lee (violon), Elisabeth Weisser (violon alto), Jay Campbell (violoncelle), David Bryant (piano), Miles Okazaki (guitare électrique), Anthony Tidd (guitare basse électrique), Greg Chudzik (contrebasse), Sean Rickman (batterie), Alex Lipowski (percussions).

Philharmonie 2, Jazz à La Villette, Paris (75), le 6 septembre 2015.
Fonction {MA} : Pascal Mabit (sax alto), Bastien Weeger (sax ténor), Gabriel Gosse (guitare électrique), Yesai Karapetian (claviers), Léo Jassef (piano), Philippe Maniez (batterie).
Steve Coleman’s Natal Eclipse : Steve Coleman (sax alto, compositions), Jonathan Finlayson (trompette), Rane Moore (clarinettes), Maria Grand (sax ténor), Kristin Lee (chant), David Bryant (piano), Greg Chudzik (contrebasse).

Après une soirée de doutes le 4, d’autant plus grands qu’ils étaient isolés, doutes peut-être occasionnés par l’attente de quelque chose qui eut lieu voici vingt ans et qui n’a plus lieu d’être (à quoi il faut ajouter une grande fatigue confirmée par l’intéressé dans ses salutations de fin de concert hier soir), voici la musique que Steve Coleman joue aujourd’hui, avec des ambitions orchestrales élargies qui avait pris naissance dans la première version de Council Of Balance sur un double album à double titre “Genesis & The Opening Of The Way” (1997), le CD “The Opening Of The Way” étant confié au noyau dur des Five Elements, “Genesis” donnant effectivement naissance à une nouvelle direction sous la forme d’un imposant big band, un peu trop vite passé sous silence. Depuis les effectifs ont évolué vers ceux de la musique de chambre bien qu’Anthony Tidd et Sean Rickman y ait encore leur place, pour se réduire hier soir avec la création mondiale de Natal Eclipse qui aura été à mes oreilles le véritable aboutissement de ces trois jours, aboutissement en forme d’apothéose. Comme si ce séjour parisien avait été une espèce de bilan précédent un nouveau départ.

Balance of Council nous a d’abord fait très peur : début de concert très maladroit, tout le monde la tête plongée dans les partitions, sur des mises en place incertaines et une succession de solos où chacun semblait ramer, notamment le pianiste David Bryant qui m’avait tant impressionné la veille et que, tout à coup, l’on découvrait se débattant soit avec la lecture d’une partition entièrement écrite, soit d’une grille harmonique insoluble (dans la salle, dans ma rangée, les paris étaient ouverts). Puis est apparue un pièce, que mes voisins et moi avons aussitôt qualifiée de “coréenne” dans nos commentaires d’après concert, assez atypique dans l’univers de Steve Coleman, plus ouverte, plus narrative, quelque chose de plus “ethnique”, comme si c’était Jen Shyu qui prenait l’initiative, peut-être plus anecdotique, en tout cas plus charmeur, qui semble en tout cas avoir détendu l’orchestre. Après quoi, selon une progression inégale (en un schéma finalement assez typique des concerts de Coleman depuis des lustres), le concert a gagné en intensité et en motricité jusqu’à la pièce finale où je reprendrai ma métaphore de la locomotive (voir le précédent compte rendu), le tout servi par une qualité de sonorisation que je n’aurais jamais espéré de cette salle (et qui, rétrospectivement, rendait assez ridicule la disproportion de la basse électrique de Jean-Luc Lehr au sein du Magic Malik Orchestra en première partie).

Entre temps, des hauts et des bas. Parmi les hauts : le saxophone Coleman, que nous attentions en vain le premier soir, constamment à la manœuvre, avec un son d’une plénitude qu’il n’avait pas au Trabendo, et plus enveloppé que du temps de ses jeunes années, quoique toujours aussi vif, toujours d’un même lyrisme porté par cette plastique de l’articulation, ces phrases à angles vifs, ces motifs qui se répètent, se développent, se déforment, se répondent et s’évanouissent en torsades infinies de l’élan harmonique. Finlayson, plus convaincant que la veille (ou mieux écouté), avec une maîtrise de la trompette ahurissante, à laquelle faisait écho les qualités discrètes de Jeffrey Missal s’effaçant au sein d’un pupitre cuivres et bois exceptionnel (en gros le personnel du récent album “Synovial Joints”). S’en détacha soudain, et je cherchais d’abord du côté de Coleman avant que mon voisin de gauche ne me désigne le pupitre sax-cuivres, une réplique déroutante au jeu de ce dernier émanant de la saxophoniste Maria Grand, une sorte de “ténor en Mi bémol” (ainsi qualifiait-on celui de Warne Marsh qui tendait à sonner comme un alto et pourrait-on qualifier aujourd’hui celui de Mark Turner) improvisant dans le sillage du leader en un esprit de continuité déconcertant.

Les bas : cette impression de bride tenue très courte sur le cou des solistes et de la rythmique, notamment David Bryant et Sean Rickman, mais aussi Finlayson. Cette linéarité du volume et du débit qui est une constante de la musique de Coleman depuis toujours. Le tout prenant une allure d’autant plus dogmatique que de larges fragments relèvent de l’improvisation simulée, d’après transcriptions d’improvisations, et se privent de cet élan de la spontanéité sans lequel l’improvisation perd souvent une large part de sa consistance. À quoi s’ajoute une écriture pour les cordes presque bavarde, comme s’il fallait absolument leur confier quelques tenues et quelques ponctuations éparses pour les occuper. Du coup, j’en suis venu à regretter ici et là l’écriture orchestrale plus légère d’Anthony Davis dans ses disques du début des années 80, “Epistémé”, “Variations In Dreamtime” et surtout “Hemispheres”, qui constituent encore à mes yeux une sorte de prémonition idéale à ce vers quoi Steve Coleman (et, quoique de manière toute différente, Tim Berne) ont ouvert les portes. Des portes qui m’ont fait souvent considérer ceux qui s’y sont engouffrés avec autant, voire plus, d’intérêt que leurs “portiers”, parce qu’ils avaient eu la bonne idée de les ouvrir très grandes. Et il est passionnant aujourd’hui de voir l’étendue et la diversité que recouvre aujourd’hui l’héritage de Steve Coleman, souvent combiné à celui de Berne, des clones saxophonistiques (Denis Guivarch’ avec Malik, le 5 sur le même plateau) aux instrumentistes héritiers lointains (Magic Malik, époustouflant à la flute), des scènes américaines à la connexion Paris-Bruxelles, voire à cette trace laissée en Bretagne où l’on voit, entre autres, la harpiste Laura Perrudin avouer avoir mûri son art au contact direct avec Steve Coleman, ce que l’auditeur lambda aurait grand peine à imaginer. La puissance de la descendance de Steve Coleman étant probablement d’être là où on ne l’entend pas, plutôt que là où l’écoute superficielle d’un alto anguleux et de quelques rythmes impairs aime la situer (David Binney, Steve Lehmann… qu’il convient chacun à sa maniè
re de replacer sur l’échiquier d’une époque qu’ils ont contribué à définir, mais que Berne et Coleman ont sûrement plus que d’autres sérieusement débloqué).

Ces réserves exprimées plus haut, qui se dissipèrent ici et là le 5, disparurent quasiment du concert du 6. Sur une musique pourtant assez semblable, car bien qu’il s’agisse d’une création mondiale, on assista au retour de l’élan et à la propulsion plus effective de cette musique semi improvisé, en dépit, et quelque peu paradoxalement, de l’absence de batterie et de basse électrique (cette dernière en doublure de la contrebasse, assez peu utile le 5). Comme si la locomotive et les engrenages dont je parlais voici deux jours fonçait toujours, mais sans charbon, ni eau, ni vapeur, de simples fluides mus par de mystérieuses lois quantiques ayant remplacé bielles et roues dentées. Et comme si l’allègement de l’effectif rendait la bride plus lâche. Notamment, la suppression de la section de cordes, valorisait la présence de la seule Kristin Lee, impressionnante dans toutes ses interventions. Mais c’est tout l’ensemble des pupitres qui semblait s’épanouir, Maria Grand en tête, Greg Chudzik assumant seul, avec un bel d’aplomb et un sens aiguisé de l’initiative, l’assise de l’orchestre. Ce dispositif rendait plus lisible cet extraordinaire réseau de voies/voix où les avant et arrière-plans se confondent et s’échangent, où de longs cheminements à l’unisson se dissocient en simple homophonie, se dispersent en contrepoint, s’isolent, se rejoignent parfois le temps d’un simple tutti, voire d’un fugitif cluster, sans que l’on parvienne bien à comprendre où finit l’improvisation et où commence l’écriture. Jen Shyu dont l’arrivée dans l’univers de Steve Coleman il y a quelques années effraya quelque peu, apporte une profondeur de champ et de couleurs à la pâte orchestrale, ajoutant à son art de la vocalise (qui s’est assoupli au fil des années, en puisant notamment dans différentes traditions vocales extra-européennes dont elle s’est fait une spécialiste, voir son album “Sounds and Cries of the World” qui vient de paraître chez Pi Recordings) un répertoire de paroles qui donnent de l’étoffe tant à l’orchestration qu’à ses duos avec Steve Coleman (et dès le premier concert à un très beau dialogue avec Sean Rickman).

Où l’on découvre finalement Steve Coleman où l’on ne l’attendait pas. Loin du funk, du ghetto et du hip hop, et d’avancées contemporaines plus noires, entouré des instruments de la musique de chambre et de jeunes musiciens issus des académies à l’européenne, dont il démonte cependant les mécaniques rythmiques et harmoniques avec une opiniâtreté non démentie par ces concerts, assumant sa place dans le monde globalisé qu’il ensemence d’une pensée musicale extra-européenne glanée au fil de ses voyages des rues de Chicago (où il martela ses premiers rythmes sur des carrosseries des voitures stationnées à l’écoute du funk des ghetto blasters) à Cuba, au Brésil, à l’Afrique, à l’Inde, l’Extrême Orient, voyage réels (et imaginaires dans le temps et l’espace à travers ses lectures).

Me pose encore problème cette linéarité de l’expression, comme une sorte de rejet du récit, de la dramaturgie. Cet exigence du développement qui s’est souvent interposée entre le jazz et la musicologie blanche, au sein de laquelle celle-ci, Gunther Schuller en tête (lorsqu’il commente, non sans raison, l’œuvre des orchestres swing à la lumière du contrepoint baroque ou de la forme sonate, où lorsqu’il analyse l’improvisation rollinsienne sous l’angle du développement thématique au grand dam de l’intéressé), a toujours cherché à justifier les errances de l’improvisation par un hypothétique souci de la forme. Mais après tout, les pianistes de stride n’étaient-ils pas nourris de littérature classique (cette littérature dont sut s’emparer le bop), tout comme les arrangeurs des grands orchestres ? Et les improvisateurs noirs ne sont-ils pas souvent présentés comme des conteurs ayant le sens du récit ? On se souvient en revanche, comment après avoir sanctifié les petites formes de Duke Ellington pour la qualité de leur architecture, les musicologues ont boudé les suites ellingtoniennes pour la faiblesse de leur cohérence, la juxtaposition y remplaçant l’art du développement (précisons que les mêmes critiques frappèrent la Rhapsody In Blue). Est-ce moi qui n’ait pas su entendre cet art dans les longues partitions de Steve Coleman ? Il m’a manqué en tout cas à l’écoute du Council of Balance dont j’ai trouvé les œuvres au pire sans direction, au mieux unidirectionnelle, comme un grapillement d’idées s’engendrant l’une l’autre sans passion, sans nœud si dénouement, et c’est là que j’ai le plus regretté les œuvres citées plus haut d’Anthony Davis. Je l’ai presque oublié le 6 avec la Natal Eclipse, embarqué, comme c’est souvent le cas dans l’improvisation jazz, par le flux des idées s’agençant spontanément, et cet élan que j’évoquais plus haut et qui ont toujours fait mon bonheur de jazz. Et je ne fus pas étonné lorsque, commentant le concert qui venait de se terminer, Coleman expliqua que la musique que nous venions d’entendre était inspirée par l’art de la boxe dont il partage le goût avec Jonathan Finlayson.

Quittant les lieux ravis, mais rempli d’interrogations, j’ouvrais La Musique de l’ineffable de Vladimir Jankélévitch acheté à la librairie de la Cité (avec une biographie de Michel Warlop par Pierre Guimgamp dont l’existence m’avait échappé). Y trouverai-je réponse à mes questions ? J’y trouverai au moins le plaisir du verbe (imaginant les bondissements de la petite voix du philosophe dont la diffusion des cours sur France Culture m’a toujours enchanté). Franck Bergerot

PS : Je n’ai ici rien dit du concert des jeunes étudiants du CNSM réunis au sein du groupe Fonction {MA} et qui fut bien accueilli par le public de Natal Eclipse. Une belle écriture pour deux saxes, deux claviers, une guitare et un piano, une belle assurance scénique… On comprendra que ruminant la diarrhée que je viens de délivrer en regardant l’heure tournée alors que les bureaux de Jazzmag m’attendent, mon attention était ailleurs. Nous aurons sûrement l’occasion de les réentendre. En attendant, demain 8 septembre à La Villette, Archie Shepp et Melvin Van Peebles, mais aussi à l’Atelier du Plateau, l’Acoustic Lousadzak à l’Atelier du Plateau.

 

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Voici deux jours, vendredi 4 septembre, je fendillais l’unanimité autour du concert de la Mystic Rhythm Society de Steve Coleman au Trabendo. Et puis, samedi 5, il y a eu The Council of  Balance du même Coleman. Enfin, hier après-midi dimanche 6, Natal Eclipse, et nous voici tout ébranlé.

 

Grande Halle de la Villette, Jazz à La Villette, Paris (75), le 5 septembre 2015.
Magic Malik Orchestra : Malik Mezzadri (flûte), Denis Guivarch’ (sax alto), Vincent Lafont (claviers), Jean-Luc Lehr (guitare basse électrique), Maxime Zampieri (batterie)
Steve Coleman & The Council of Balance : Steve Coleman (sax alto, compositinos), Jonathan Finlayson (trompette), Jen Shyu (chant), Jeffrey Missal, Mike Lormand (trombone), Barry J. Crawford (flûtes), Rane Moore (clarinettes), Maria Grand (sax ténor), Kristin Lee (violon), Elisabeth Weisser (violon alto), Jay Campbell (violoncelle), David Bryant (piano), Miles Okazaki (guitare électrique), Anthony Tidd (guitare basse électrique), Greg Chudzik (contrebasse), Sean Rickman (batterie), Alex Lipowski (percussions).

Philharmonie 2, Jazz à La Villette, Paris (75), le 6 septembre 2015.
Fonction {MA} : Pascal Mabit (sax alto), Bastien Weeger (sax ténor), Gabriel Gosse (guitare électrique), Yesai Karapetian (claviers), Léo Jassef (piano), Philippe Maniez (batterie).
Steve Coleman’s Natal Eclipse : Steve Coleman (sax alto, compositions), Jonathan Finlayson (trompette), Rane Moore (clarinettes), Maria Grand (sax ténor), Kristin Lee (chant), David Bryant (piano), Greg Chudzik (contrebasse).

Après une soirée de doutes le 4, d’autant plus grands qu’ils étaient isolés, doutes peut-être occasionnés par l’attente de quelque chose qui eut lieu voici vingt ans et qui n’a plus lieu d’être (à quoi il faut ajouter une grande fatigue confirmée par l’intéressé dans ses salutations de fin de concert hier soir), voici la musique que Steve Coleman joue aujourd’hui, avec des ambitions orchestrales élargies qui avait pris naissance dans la première version de Council Of Balance sur un double album à double titre “Genesis & The Opening Of The Way” (1997), le CD “The Opening Of The Way” étant confié au noyau dur des Five Elements, “Genesis” donnant effectivement naissance à une nouvelle direction sous la forme d’un imposant big band, un peu trop vite passé sous silence. Depuis les effectifs ont évolué vers ceux de la musique de chambre bien qu’Anthony Tidd et Sean Rickman y ait encore leur place, pour se réduire hier soir avec la création mondiale de Natal Eclipse qui aura été à mes oreilles le véritable aboutissement de ces trois jours, aboutissement en forme d’apothéose. Comme si ce séjour parisien avait été une espèce de bilan précédent un nouveau départ.

Balance of Council nous a d’abord fait très peur : début de concert très maladroit, tout le monde la tête plongée dans les partitions, sur des mises en place incertaines et une succession de solos où chacun semblait ramer, notamment le pianiste David Bryant qui m’avait tant impressionné la veille et que, tout à coup, l’on découvrait se débattant soit avec la lecture d’une partition entièrement écrite, soit d’une grille harmonique insoluble (dans la salle, dans ma rangée, les paris étaient ouverts). Puis est apparue un pièce, que mes voisins et moi avons aussitôt qualifiée de “coréenne” dans nos commentaires d’après concert, assez atypique dans l’univers de Steve Coleman, plus ouverte, plus narrative, quelque chose de plus “ethnique”, comme si c’était Jen Shyu qui prenait l’initiative, peut-être plus anecdotique, en tout cas plus charmeur, qui semble en tout cas avoir détendu l’orchestre. Après quoi, selon une progression inégale (en un schéma finalement assez typique des concerts de Coleman depuis des lustres), le concert a gagné en intensité et en motricité jusqu’à la pièce finale où je reprendrai ma métaphore de la locomotive (voir le précédent compte rendu), le tout servi par une qualité de sonorisation que je n’aurais jamais espéré de cette salle (et qui, rétrospectivement, rendait assez ridicule la disproportion de la basse électrique de Jean-Luc Lehr au sein du Magic Malik Orchestra en première partie).

Entre temps, des hauts et des bas. Parmi les hauts : le saxophone Coleman, que nous attentions en vain le premier soir, constamment à la manœuvre, avec un son d’une plénitude qu’il n’avait pas au Trabendo, et plus enveloppé que du temps de ses jeunes années, quoique toujours aussi vif, toujours d’un même lyrisme porté par cette plastique de l’articulation, ces phrases à angles vifs, ces motifs qui se répètent, se développent, se déforment, se répondent et s’évanouissent en torsades infinies de l’élan harmonique. Finlayson, plus convaincant que la veille (ou mieux écouté), avec une maîtrise de la trompette ahurissante, à laquelle faisait écho les qualités discrètes de Jeffrey Missal s’effaçant au sein d’un pupitre cuivres et bois exceptionnel (en gros le personnel du récent album “Synovial Joints”). S’en détacha soudain, et je cherchais d’abord du côté de Coleman avant que mon voisin de gauche ne me désigne le pupitre sax-cuivres, une réplique déroutante au jeu de ce dernier émanant de la saxophoniste Maria Grand, une sorte de “ténor en Mi bémol” (ainsi qualifiait-on celui de Warne Marsh qui tendait à sonner comme un alto et pourrait-on qualifier aujourd’hui celui de Mark Turner) improvisant dans le sillage du leader en un esprit de continuité déconcertant.

Les bas : cette impression de bride tenue très courte sur le cou des solistes et de la rythmique, notamment David Bryant et Sean Rickman, mais aussi Finlayson. Cette linéarité du volume et du débit qui est une constante de la musique de Coleman depuis toujours. Le tout prenant une allure d’autant plus dogmatique que de larges fragments relèvent de l’improvisation simulée, d’après transcriptions d’improvisations, et se privent de cet élan de la spontanéité sans lequel l’improvisation perd souvent une large part de sa consistance. À quoi s’ajoute une écriture pour les cordes presque bavarde, comme s’il fallait absolument leur confier quelques tenues et quelques ponctuations éparses pour les occuper. Du coup, j’en suis venu à regretter ici et là l’écriture orchestrale plus légère d’Anthony Davis dans ses disques du début des années 80, “Epistémé”, “Variations In Dreamtime” et surtout “Hemispheres”, qui constituent encore à mes yeux une sorte de prémonition idéale à ce vers quoi Steve Coleman (et, quoique de manière toute différente, Tim Berne) ont ouvert les portes. Des portes qui m’ont fait souvent considérer ceux qui s’y sont engouffrés avec autant, voire plus, d’intérêt que leurs “portiers”, parce qu’ils avaient eu la bonne idée de les ouvrir très grandes. Et il est passionnant aujourd’hui de voir l’étendue et la diversité que recouvre aujourd’hui l’héritage de Steve Coleman, souvent combiné à celui de Berne, des clones saxophonistiques (Denis Guivarch’ avec Malik, le 5 sur le même plateau) aux instrumentistes héritiers lointains (Magic Malik, époustouflant à la flute), des scènes américaines à la connexion Paris-Bruxelles, voire à cette trace laissée en Bretagne où l’on voit, entre autres, la harpiste Laura Perrudin avouer avoir mûri son art au contact direct avec Steve Coleman, ce que l’auditeur lambda aurait grand peine à imaginer. La puissance de la descendance de Steve Coleman étant probablement d’être là où on ne l’entend pas, plutôt que là où l’écoute superficielle d’un alto anguleux et de quelques rythmes impairs aime la situer (David Binney, Steve Lehmann… qu’il convient chacun à sa maniè
re de replacer sur l’échiquier d’une époque qu’ils ont contribué à définir, mais que Berne et Coleman ont sûrement plus que d’autres sérieusement débloqué).

Ces réserves exprimées plus haut, qui se dissipèrent ici et là le 5, disparurent quasiment du concert du 6. Sur une musique pourtant assez semblable, car bien qu’il s’agisse d’une création mondiale, on assista au retour de l’élan et à la propulsion plus effective de cette musique semi improvisé, en dépit, et quelque peu paradoxalement, de l’absence de batterie et de basse électrique (cette dernière en doublure de la contrebasse, assez peu utile le 5). Comme si la locomotive et les engrenages dont je parlais voici deux jours fonçait toujours, mais sans charbon, ni eau, ni vapeur, de simples fluides mus par de mystérieuses lois quantiques ayant remplacé bielles et roues dentées. Et comme si l’allègement de l’effectif rendait la bride plus lâche. Notamment, la suppression de la section de cordes, valorisait la présence de la seule Kristin Lee, impressionnante dans toutes ses interventions. Mais c’est tout l’ensemble des pupitres qui semblait s’épanouir, Maria Grand en tête, Greg Chudzik assumant seul, avec un bel d’aplomb et un sens aiguisé de l’initiative, l’assise de l’orchestre. Ce dispositif rendait plus lisible cet extraordinaire réseau de voies/voix où les avant et arrière-plans se confondent et s’échangent, où de longs cheminements à l’unisson se dissocient en simple homophonie, se dispersent en contrepoint, s’isolent, se rejoignent parfois le temps d’un simple tutti, voire d’un fugitif cluster, sans que l’on parvienne bien à comprendre où finit l’improvisation et où commence l’écriture. Jen Shyu dont l’arrivée dans l’univers de Steve Coleman il y a quelques années effraya quelque peu, apporte une profondeur de champ et de couleurs à la pâte orchestrale, ajoutant à son art de la vocalise (qui s’est assoupli au fil des années, en puisant notamment dans différentes traditions vocales extra-européennes dont elle s’est fait une spécialiste, voir son album “Sounds and Cries of the World” qui vient de paraître chez Pi Recordings) un répertoire de paroles qui donnent de l’étoffe tant à l’orchestration qu’à ses duos avec Steve Coleman (et dès le premier concert à un très beau dialogue avec Sean Rickman).

Où l’on découvre finalement Steve Coleman où l’on ne l’attendait pas. Loin du funk, du ghetto et du hip hop, et d’avancées contemporaines plus noires, entouré des instruments de la musique de chambre et de jeunes musiciens issus des académies à l’européenne, dont il démonte cependant les mécaniques rythmiques et harmoniques avec une opiniâtreté non démentie par ces concerts, assumant sa place dans le monde globalisé qu’il ensemence d’une pensée musicale extra-européenne glanée au fil de ses voyages des rues de Chicago (où il martela ses premiers rythmes sur des carrosseries des voitures stationnées à l’écoute du funk des ghetto blasters) à Cuba, au Brésil, à l’Afrique, à l’Inde, l’Extrême Orient, voyage réels (et imaginaires dans le temps et l’espace à travers ses lectures).

Me pose encore problème cette linéarité de l’expression, comme une sorte de rejet du récit, de la dramaturgie. Cet exigence du développement qui s’est souvent interposée entre le jazz et la musicologie blanche, au sein de laquelle celle-ci, Gunther Schuller en tête (lorsqu’il commente, non sans raison, l’œuvre des orchestres swing à la lumière du contrepoint baroque ou de la forme sonate, où lorsqu’il analyse l’improvisation rollinsienne sous l’angle du développement thématique au grand dam de l’intéressé), a toujours cherché à justifier les errances de l’improvisation par un hypothétique souci de la forme. Mais après tout, les pianistes de stride n’étaient-ils pas nourris de littérature classique (cette littérature dont sut s’emparer le bop), tout comme les arrangeurs des grands orchestres ? Et les improvisateurs noirs ne sont-ils pas souvent présentés comme des conteurs ayant le sens du récit ? On se souvient en revanche, comment après avoir sanctifié les petites formes de Duke Ellington pour la qualité de leur architecture, les musicologues ont boudé les suites ellingtoniennes pour la faiblesse de leur cohérence, la juxtaposition y remplaçant l’art du développement (précisons que les mêmes critiques frappèrent la Rhapsody In Blue). Est-ce moi qui n’ait pas su entendre cet art dans les longues partitions de Steve Coleman ? Il m’a manqué en tout cas à l’écoute du Council of Balance dont j’ai trouvé les œuvres au pire sans direction, au mieux unidirectionnelle, comme un grapillement d’idées s’engendrant l’une l’autre sans passion, sans nœud si dénouement, et c’est là que j’ai le plus regretté les œuvres citées plus haut d’Anthony Davis. Je l’ai presque oublié le 6 avec la Natal Eclipse, embarqué, comme c’est souvent le cas dans l’improvisation jazz, par le flux des idées s’agençant spontanément, et cet élan que j’évoquais plus haut et qui ont toujours fait mon bonheur de jazz. Et je ne fus pas étonné lorsque, commentant le concert qui venait de se terminer, Coleman expliqua que la musique que nous venions d’entendre était inspirée par l’art de la boxe dont il partage le goût avec Jonathan Finlayson.

Quittant les lieux ravis, mais rempli d’interrogations, j’ouvrais La Musique de l’ineffable de Vladimir Jankélévitch acheté à la librairie de la Cité (avec une biographie de Michel Warlop par Pierre Guimgamp dont l’existence m’avait échappé). Y trouverai-je réponse à mes questions ? J’y trouverai au moins le plaisir du verbe (imaginant les bondissements de la petite voix du philosophe dont la diffusion des cours sur France Culture m’a toujours enchanté). Franck Bergerot

PS : Je n’ai ici rien dit du concert des jeunes étudiants du CNSM réunis au sein du groupe Fonction {MA} et qui fut bien accueilli par le public de Natal Eclipse. Une belle écriture pour deux saxes, deux claviers, une guitare et un piano, une belle assurance scénique… On comprendra que ruminant la diarrhée que je viens de délivrer en regardant l’heure tournée alors que les bureaux de Jazzmag m’attendent, mon attention était ailleurs. Nous aurons sûrement l’occasion de les réentendre. En attendant, demain 8 septembre à La Villette, Archie Shepp et Melvin Van Peebles, mais aussi à l’Atelier du Plateau, l’Acoustic Lousadzak à l’Atelier du Plateau.

 

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Voici deux jours, vendredi 4 septembre, je fendillais l’unanimité autour du concert de la Mystic Rhythm Society de Steve Coleman au Trabendo. Et puis, samedi 5, il y a eu The Council of  Balance du même Coleman. Enfin, hier après-midi dimanche 6, Natal Eclipse, et nous voici tout ébranlé.

 

Grande Halle de la Villette, Jazz à La Villette, Paris (75), le 5 septembre 2015.
Magic Malik Orchestra : Malik Mezzadri (flûte), Denis Guivarch’ (sax alto), Vincent Lafont (claviers), Jean-Luc Lehr (guitare basse électrique), Maxime Zampieri (batterie)
Steve Coleman & The Council of Balance : Steve Coleman (sax alto, compositinos), Jonathan Finlayson (trompette), Jen Shyu (chant), Jeffrey Missal, Mike Lormand (trombone), Barry J. Crawford (flûtes), Rane Moore (clarinettes), Maria Grand (sax ténor), Kristin Lee (violon), Elisabeth Weisser (violon alto), Jay Campbell (violoncelle), David Bryant (piano), Miles Okazaki (guitare électrique), Anthony Tidd (guitare basse électrique), Greg Chudzik (contrebasse), Sean Rickman (batterie), Alex Lipowski (percussions).

Philharmonie 2, Jazz à La Villette, Paris (75), le 6 septembre 2015.
Fonction {MA} : Pascal Mabit (sax alto), Bastien Weeger (sax ténor), Gabriel Gosse (guitare électrique), Yesai Karapetian (claviers), Léo Jassef (piano), Philippe Maniez (batterie).
Steve Coleman’s Natal Eclipse : Steve Coleman (sax alto, compositions), Jonathan Finlayson (trompette), Rane Moore (clarinettes), Maria Grand (sax ténor), Kristin Lee (chant), David Bryant (piano), Greg Chudzik (contrebasse).

Après une soirée de doutes le 4, d’autant plus grands qu’ils étaient isolés, doutes peut-être occasionnés par l’attente de quelque chose qui eut lieu voici vingt ans et qui n’a plus lieu d’être (à quoi il faut ajouter une grande fatigue confirmée par l’intéressé dans ses salutations de fin de concert hier soir), voici la musique que Steve Coleman joue aujourd’hui, avec des ambitions orchestrales élargies qui avait pris naissance dans la première version de Council Of Balance sur un double album à double titre “Genesis & The Opening Of The Way” (1997), le CD “The Opening Of The Way” étant confié au noyau dur des Five Elements, “Genesis” donnant effectivement naissance à une nouvelle direction sous la forme d’un imposant big band, un peu trop vite passé sous silence. Depuis les effectifs ont évolué vers ceux de la musique de chambre bien qu’Anthony Tidd et Sean Rickman y ait encore leur place, pour se réduire hier soir avec la création mondiale de Natal Eclipse qui aura été à mes oreilles le véritable aboutissement de ces trois jours, aboutissement en forme d’apothéose. Comme si ce séjour parisien avait été une espèce de bilan précédent un nouveau départ.

Balance of Council nous a d’abord fait très peur : début de concert très maladroit, tout le monde la tête plongée dans les partitions, sur des mises en place incertaines et une succession de solos où chacun semblait ramer, notamment le pianiste David Bryant qui m’avait tant impressionné la veille et que, tout à coup, l’on découvrait se débattant soit avec la lecture d’une partition entièrement écrite, soit d’une grille harmonique insoluble (dans la salle, dans ma rangée, les paris étaient ouverts). Puis est apparue un pièce, que mes voisins et moi avons aussitôt qualifiée de “coréenne” dans nos commentaires d’après concert, assez atypique dans l’univers de Steve Coleman, plus ouverte, plus narrative, quelque chose de plus “ethnique”, comme si c’était Jen Shyu qui prenait l’initiative, peut-être plus anecdotique, en tout cas plus charmeur, qui semble en tout cas avoir détendu l’orchestre. Après quoi, selon une progression inégale (en un schéma finalement assez typique des concerts de Coleman depuis des lustres), le concert a gagné en intensité et en motricité jusqu’à la pièce finale où je reprendrai ma métaphore de la locomotive (voir le précédent compte rendu), le tout servi par une qualité de sonorisation que je n’aurais jamais espéré de cette salle (et qui, rétrospectivement, rendait assez ridicule la disproportion de la basse électrique de Jean-Luc Lehr au sein du Magic Malik Orchestra en première partie).

Entre temps, des hauts et des bas. Parmi les hauts : le saxophone Coleman, que nous attentions en vain le premier soir, constamment à la manœuvre, avec un son d’une plénitude qu’il n’avait pas au Trabendo, et plus enveloppé que du temps de ses jeunes années, quoique toujours aussi vif, toujours d’un même lyrisme porté par cette plastique de l’articulation, ces phrases à angles vifs, ces motifs qui se répètent, se développent, se déforment, se répondent et s’évanouissent en torsades infinies de l’élan harmonique. Finlayson, plus convaincant que la veille (ou mieux écouté), avec une maîtrise de la trompette ahurissante, à laquelle faisait écho les qualités discrètes de Jeffrey Missal s’effaçant au sein d’un pupitre cuivres et bois exceptionnel (en gros le personnel du récent album “Synovial Joints”). S’en détacha soudain, et je cherchais d’abord du côté de Coleman avant que mon voisin de gauche ne me désigne le pupitre sax-cuivres, une réplique déroutante au jeu de ce dernier émanant de la saxophoniste Maria Grand, une sorte de “ténor en Mi bémol” (ainsi qualifiait-on celui de Warne Marsh qui tendait à sonner comme un alto et pourrait-on qualifier aujourd’hui celui de Mark Turner) improvisant dans le sillage du leader en un esprit de continuité déconcertant.

Les bas : cette impression de bride tenue très courte sur le cou des solistes et de la rythmique, notamment David Bryant et Sean Rickman, mais aussi Finlayson. Cette linéarité du volume et du débit qui est une constante de la musique de Coleman depuis toujours. Le tout prenant une allure d’autant plus dogmatique que de larges fragments relèvent de l’improvisation simulée, d’après transcriptions d’improvisations, et se privent de cet élan de la spontanéité sans lequel l’improvisation perd souvent une large part de sa consistance. À quoi s’ajoute une écriture pour les cordes presque bavarde, comme s’il fallait absolument leur confier quelques tenues et quelques ponctuations éparses pour les occuper. Du coup, j’en suis venu à regretter ici et là l’écriture orchestrale plus légère d’Anthony Davis dans ses disques du début des années 80, “Epistémé”, “Variations In Dreamtime” et surtout “Hemispheres”, qui constituent encore à mes yeux une sorte de prémonition idéale à ce vers quoi Steve Coleman (et, quoique de manière toute différente, Tim Berne) ont ouvert les portes. Des portes qui m’ont fait souvent considérer ceux qui s’y sont engouffrés avec autant, voire plus, d’intérêt que leurs “portiers”, parce qu’ils avaient eu la bonne idée de les ouvrir très grandes. Et il est passionnant aujourd’hui de voir l’étendue et la diversité que recouvre aujourd’hui l’héritage de Steve Coleman, souvent combiné à celui de Berne, des clones saxophonistiques (Denis Guivarch’ avec Malik, le 5 sur le même plateau) aux instrumentistes héritiers lointains (Magic Malik, époustouflant à la flute), des scènes américaines à la connexion Paris-Bruxelles, voire à cette trace laissée en Bretagne où l’on voit, entre autres, la harpiste Laura Perrudin avouer avoir mûri son art au contact direct avec Steve Coleman, ce que l’auditeur lambda aurait grand peine à imaginer. La puissance de la descendance de Steve Coleman étant probablement d’être là où on ne l’entend pas, plutôt que là où l’écoute superficielle d’un alto anguleux et de quelques rythmes impairs aime la situer (David Binney, Steve Lehmann… qu’il convient chacun à sa maniè
re de replacer sur l’échiquier d’une époque qu’ils ont contribué à définir, mais que Berne et Coleman ont sûrement plus que d’autres sérieusement débloqué).

Ces réserves exprimées plus haut, qui se dissipèrent ici et là le 5, disparurent quasiment du concert du 6. Sur une musique pourtant assez semblable, car bien qu’il s’agisse d’une création mondiale, on assista au retour de l’élan et à la propulsion plus effective de cette musique semi improvisé, en dépit, et quelque peu paradoxalement, de l’absence de batterie et de basse électrique (cette dernière en doublure de la contrebasse, assez peu utile le 5). Comme si la locomotive et les engrenages dont je parlais voici deux jours fonçait toujours, mais sans charbon, ni eau, ni vapeur, de simples fluides mus par de mystérieuses lois quantiques ayant remplacé bielles et roues dentées. Et comme si l’allègement de l’effectif rendait la bride plus lâche. Notamment, la suppression de la section de cordes, valorisait la présence de la seule Kristin Lee, impressionnante dans toutes ses interventions. Mais c’est tout l’ensemble des pupitres qui semblait s’épanouir, Maria Grand en tête, Greg Chudzik assumant seul, avec un bel d’aplomb et un sens aiguisé de l’initiative, l’assise de l’orchestre. Ce dispositif rendait plus lisible cet extraordinaire réseau de voies/voix où les avant et arrière-plans se confondent et s’échangent, où de longs cheminements à l’unisson se dissocient en simple homophonie, se dispersent en contrepoint, s’isolent, se rejoignent parfois le temps d’un simple tutti, voire d’un fugitif cluster, sans que l’on parvienne bien à comprendre où finit l’improvisation et où commence l’écriture. Jen Shyu dont l’arrivée dans l’univers de Steve Coleman il y a quelques années effraya quelque peu, apporte une profondeur de champ et de couleurs à la pâte orchestrale, ajoutant à son art de la vocalise (qui s’est assoupli au fil des années, en puisant notamment dans différentes traditions vocales extra-européennes dont elle s’est fait une spécialiste, voir son album “Sounds and Cries of the World” qui vient de paraître chez Pi Recordings) un répertoire de paroles qui donnent de l’étoffe tant à l’orchestration qu’à ses duos avec Steve Coleman (et dès le premier concert à un très beau dialogue avec Sean Rickman).

Où l’on découvre finalement Steve Coleman où l’on ne l’attendait pas. Loin du funk, du ghetto et du hip hop, et d’avancées contemporaines plus noires, entouré des instruments de la musique de chambre et de jeunes musiciens issus des académies à l’européenne, dont il démonte cependant les mécaniques rythmiques et harmoniques avec une opiniâtreté non démentie par ces concerts, assumant sa place dans le monde globalisé qu’il ensemence d’une pensée musicale extra-européenne glanée au fil de ses voyages des rues de Chicago (où il martela ses premiers rythmes sur des carrosseries des voitures stationnées à l’écoute du funk des ghetto blasters) à Cuba, au Brésil, à l’Afrique, à l’Inde, l’Extrême Orient, voyage réels (et imaginaires dans le temps et l’espace à travers ses lectures).

Me pose encore problème cette linéarité de l’expression, comme une sorte de rejet du récit, de la dramaturgie. Cet exigence du développement qui s’est souvent interposée entre le jazz et la musicologie blanche, au sein de laquelle celle-ci, Gunther Schuller en tête (lorsqu’il commente, non sans raison, l’œuvre des orchestres swing à la lumière du contrepoint baroque ou de la forme sonate, où lorsqu’il analyse l’improvisation rollinsienne sous l’angle du développement thématique au grand dam de l’intéressé), a toujours cherché à justifier les errances de l’improvisation par un hypothétique souci de la forme. Mais après tout, les pianistes de stride n’étaient-ils pas nourris de littérature classique (cette littérature dont sut s’emparer le bop), tout comme les arrangeurs des grands orchestres ? Et les improvisateurs noirs ne sont-ils pas souvent présentés comme des conteurs ayant le sens du récit ? On se souvient en revanche, comment après avoir sanctifié les petites formes de Duke Ellington pour la qualité de leur architecture, les musicologues ont boudé les suites ellingtoniennes pour la faiblesse de leur cohérence, la juxtaposition y remplaçant l’art du développement (précisons que les mêmes critiques frappèrent la Rhapsody In Blue). Est-ce moi qui n’ait pas su entendre cet art dans les longues partitions de Steve Coleman ? Il m’a manqué en tout cas à l’écoute du Council of Balance dont j’ai trouvé les œuvres au pire sans direction, au mieux unidirectionnelle, comme un grapillement d’idées s’engendrant l’une l’autre sans passion, sans nœud si dénouement, et c’est là que j’ai le plus regretté les œuvres citées plus haut d’Anthony Davis. Je l’ai presque oublié le 6 avec la Natal Eclipse, embarqué, comme c’est souvent le cas dans l’improvisation jazz, par le flux des idées s’agençant spontanément, et cet élan que j’évoquais plus haut et qui ont toujours fait mon bonheur de jazz. Et je ne fus pas étonné lorsque, commentant le concert qui venait de se terminer, Coleman expliqua que la musique que nous venions d’entendre était inspirée par l’art de la boxe dont il partage le goût avec Jonathan Finlayson.

Quittant les lieux ravis, mais rempli d’interrogations, j’ouvrais La Musique de l’ineffable de Vladimir Jankélévitch acheté à la librairie de la Cité (avec une biographie de Michel Warlop par Pierre Guimgamp dont l’existence m’avait échappé). Y trouverai-je réponse à mes questions ? J’y trouverai au moins le plaisir du verbe (imaginant les bondissements de la petite voix du philosophe dont la diffusion des cours sur France Culture m’a toujours enchanté). Franck Bergerot

PS : Je n’ai ici rien dit du concert des jeunes étudiants du CNSM réunis au sein du groupe Fonction {MA} et qui fut bien accueilli par le public de Natal Eclipse. Une belle écriture pour deux saxes, deux claviers, une guitare et un piano, une belle assurance scénique… On comprendra que ruminant la diarrhée que je viens de délivrer en regardant l’heure tournée alors que les bureaux de Jazzmag m’attendent, mon attention était ailleurs. Nous aurons sûrement l’occasion de les réentendre. En attendant, demain 8 septembre à La Villette, Archie Shepp et Melvin Van Peebles, mais aussi à l’Atelier du Plateau, l’Acoustic Lousadzak à l’Atelier du Plateau.

 

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Voici deux jours, vendredi 4 septembre, je fendillais l’unanimité autour du concert de la Mystic Rhythm Society de Steve Coleman au Trabendo. Et puis, samedi 5, il y a eu The Council of  Balance du même Coleman. Enfin, hier après-midi dimanche 6, Natal Eclipse, et nous voici tout ébranlé.

 

Grande Halle de la Villette, Jazz à La Villette, Paris (75), le 5 septembre 2015.
Magic Malik Orchestra : Malik Mezzadri (flûte), Denis Guivarch’ (sax alto), Vincent Lafont (claviers), Jean-Luc Lehr (guitare basse électrique), Maxime Zampieri (batterie)
Steve Coleman & The Council of Balance : Steve Coleman (sax alto, compositinos), Jonathan Finlayson (trompette), Jen Shyu (chant), Jeffrey Missal, Mike Lormand (trombone), Barry J. Crawford (flûtes), Rane Moore (clarinettes), Maria Grand (sax ténor), Kristin Lee (violon), Elisabeth Weisser (violon alto), Jay Campbell (violoncelle), David Bryant (piano), Miles Okazaki (guitare électrique), Anthony Tidd (guitare basse électrique), Greg Chudzik (contrebasse), Sean Rickman (batterie), Alex Lipowski (percussions).

Philharmonie 2, Jazz à La Villette, Paris (75), le 6 septembre 2015.
Fonction {MA} : Pascal Mabit (sax alto), Bastien Weeger (sax ténor), Gabriel Gosse (guitare électrique), Yesai Karapetian (claviers), Léo Jassef (piano), Philippe Maniez (batterie).
Steve Coleman’s Natal Eclipse : Steve Coleman (sax alto, compositions), Jonathan Finlayson (trompette), Rane Moore (clarinettes), Maria Grand (sax ténor), Kristin Lee (chant), David Bryant (piano), Greg Chudzik (contrebasse).

Après une soirée de doutes le 4, d’autant plus grands qu’ils étaient isolés, doutes peut-être occasionnés par l’attente de quelque chose qui eut lieu voici vingt ans et qui n’a plus lieu d’être (à quoi il faut ajouter une grande fatigue confirmée par l’intéressé dans ses salutations de fin de concert hier soir), voici la musique que Steve Coleman joue aujourd’hui, avec des ambitions orchestrales élargies qui avait pris naissance dans la première version de Council Of Balance sur un double album à double titre “Genesis & The Opening Of The Way” (1997), le CD “The Opening Of The Way” étant confié au noyau dur des Five Elements, “Genesis” donnant effectivement naissance à une nouvelle direction sous la forme d’un imposant big band, un peu trop vite passé sous silence. Depuis les effectifs ont évolué vers ceux de la musique de chambre bien qu’Anthony Tidd et Sean Rickman y ait encore leur place, pour se réduire hier soir avec la création mondiale de Natal Eclipse qui aura été à mes oreilles le véritable aboutissement de ces trois jours, aboutissement en forme d’apothéose. Comme si ce séjour parisien avait été une espèce de bilan précédent un nouveau départ.

Balance of Council nous a d’abord fait très peur : début de concert très maladroit, tout le monde la tête plongée dans les partitions, sur des mises en place incertaines et une succession de solos où chacun semblait ramer, notamment le pianiste David Bryant qui m’avait tant impressionné la veille et que, tout à coup, l’on découvrait se débattant soit avec la lecture d’une partition entièrement écrite, soit d’une grille harmonique insoluble (dans la salle, dans ma rangée, les paris étaient ouverts). Puis est apparue un pièce, que mes voisins et moi avons aussitôt qualifiée de “coréenne” dans nos commentaires d’après concert, assez atypique dans l’univers de Steve Coleman, plus ouverte, plus narrative, quelque chose de plus “ethnique”, comme si c’était Jen Shyu qui prenait l’initiative, peut-être plus anecdotique, en tout cas plus charmeur, qui semble en tout cas avoir détendu l’orchestre. Après quoi, selon une progression inégale (en un schéma finalement assez typique des concerts de Coleman depuis des lustres), le concert a gagné en intensité et en motricité jusqu’à la pièce finale où je reprendrai ma métaphore de la locomotive (voir le précédent compte rendu), le tout servi par une qualité de sonorisation que je n’aurais jamais espéré de cette salle (et qui, rétrospectivement, rendait assez ridicule la disproportion de la basse électrique de Jean-Luc Lehr au sein du Magic Malik Orchestra en première partie).

Entre temps, des hauts et des bas. Parmi les hauts : le saxophone Coleman, que nous attentions en vain le premier soir, constamment à la manœuvre, avec un son d’une plénitude qu’il n’avait pas au Trabendo, et plus enveloppé que du temps de ses jeunes années, quoique toujours aussi vif, toujours d’un même lyrisme porté par cette plastique de l’articulation, ces phrases à angles vifs, ces motifs qui se répètent, se développent, se déforment, se répondent et s’évanouissent en torsades infinies de l’élan harmonique. Finlayson, plus convaincant que la veille (ou mieux écouté), avec une maîtrise de la trompette ahurissante, à laquelle faisait écho les qualités discrètes de Jeffrey Missal s’effaçant au sein d’un pupitre cuivres et bois exceptionnel (en gros le personnel du récent album “Synovial Joints”). S’en détacha soudain, et je cherchais d’abord du côté de Coleman avant que mon voisin de gauche ne me désigne le pupitre sax-cuivres, une réplique déroutante au jeu de ce dernier émanant de la saxophoniste Maria Grand, une sorte de “ténor en Mi bémol” (ainsi qualifiait-on celui de Warne Marsh qui tendait à sonner comme un alto et pourrait-on qualifier aujourd’hui celui de Mark Turner) improvisant dans le sillage du leader en un esprit de continuité déconcertant.

Les bas : cette impression de bride tenue très courte sur le cou des solistes et de la rythmique, notamment David Bryant et Sean Rickman, mais aussi Finlayson. Cette linéarité du volume et du débit qui est une constante de la musique de Coleman depuis toujours. Le tout prenant une allure d’autant plus dogmatique que de larges fragments relèvent de l’improvisation simulée, d’après transcriptions d’improvisations, et se privent de cet élan de la spontanéité sans lequel l’improvisation perd souvent une large part de sa consistance. À quoi s’ajoute une écriture pour les cordes presque bavarde, comme s’il fallait absolument leur confier quelques tenues et quelques ponctuations éparses pour les occuper. Du coup, j’en suis venu à regretter ici et là l’écriture orchestrale plus légère d’Anthony Davis dans ses disques du début des années 80, “Epistémé”, “Variations In Dreamtime” et surtout “Hemispheres”, qui constituent encore à mes yeux une sorte de prémonition idéale à ce vers quoi Steve Coleman (et, quoique de manière toute différente, Tim Berne) ont ouvert les portes. Des portes qui m’ont fait souvent considérer ceux qui s’y sont engouffrés avec autant, voire plus, d’intérêt que leurs “portiers”, parce qu’ils avaient eu la bonne idée de les ouvrir très grandes. Et il est passionnant aujourd’hui de voir l’étendue et la diversité que recouvre aujourd’hui l’héritage de Steve Coleman, souvent combiné à celui de Berne, des clones saxophonistiques (Denis Guivarch’ avec Malik, le 5 sur le même plateau) aux instrumentistes héritiers lointains (Magic Malik, époustouflant à la flute), des scènes américaines à la connexion Paris-Bruxelles, voire à cette trace laissée en Bretagne où l’on voit, entre autres, la harpiste Laura Perrudin avouer avoir mûri son art au contact direct avec Steve Coleman, ce que l’auditeur lambda aurait grand peine à imaginer. La puissance de la descendance de Steve Coleman étant probablement d’être là où on ne l’entend pas, plutôt que là où l’écoute superficielle d’un alto anguleux et de quelques rythmes impairs aime la situer (David Binney, Steve Lehmann… qu’il convient chacun à sa maniè
re de replacer sur l’échiquier d’une époque qu’ils ont contribué à définir, mais que Berne et Coleman ont sûrement plus que d’autres sérieusement débloqué).

Ces réserves exprimées plus haut, qui se dissipèrent ici et là le 5, disparurent quasiment du concert du 6. Sur une musique pourtant assez semblable, car bien qu’il s’agisse d’une création mondiale, on assista au retour de l’élan et à la propulsion plus effective de cette musique semi improvisé, en dépit, et quelque peu paradoxalement, de l’absence de batterie et de basse électrique (cette dernière en doublure de la contrebasse, assez peu utile le 5). Comme si la locomotive et les engrenages dont je parlais voici deux jours fonçait toujours, mais sans charbon, ni eau, ni vapeur, de simples fluides mus par de mystérieuses lois quantiques ayant remplacé bielles et roues dentées. Et comme si l’allègement de l’effectif rendait la bride plus lâche. Notamment, la suppression de la section de cordes, valorisait la présence de la seule Kristin Lee, impressionnante dans toutes ses interventions. Mais c’est tout l’ensemble des pupitres qui semblait s’épanouir, Maria Grand en tête, Greg Chudzik assumant seul, avec un bel d’aplomb et un sens aiguisé de l’initiative, l’assise de l’orchestre. Ce dispositif rendait plus lisible cet extraordinaire réseau de voies/voix où les avant et arrière-plans se confondent et s’échangent, où de longs cheminements à l’unisson se dissocient en simple homophonie, se dispersent en contrepoint, s’isolent, se rejoignent parfois le temps d’un simple tutti, voire d’un fugitif cluster, sans que l’on parvienne bien à comprendre où finit l’improvisation et où commence l’écriture. Jen Shyu dont l’arrivée dans l’univers de Steve Coleman il y a quelques années effraya quelque peu, apporte une profondeur de champ et de couleurs à la pâte orchestrale, ajoutant à son art de la vocalise (qui s’est assoupli au fil des années, en puisant notamment dans différentes traditions vocales extra-européennes dont elle s’est fait une spécialiste, voir son album “Sounds and Cries of the World” qui vient de paraître chez Pi Recordings) un répertoire de paroles qui donnent de l’étoffe tant à l’orchestration qu’à ses duos avec Steve Coleman (et dès le premier concert à un très beau dialogue avec Sean Rickman).

Où l’on découvre finalement Steve Coleman où l’on ne l’attendait pas. Loin du funk, du ghetto et du hip hop, et d’avancées contemporaines plus noires, entouré des instruments de la musique de chambre et de jeunes musiciens issus des académies à l’européenne, dont il démonte cependant les mécaniques rythmiques et harmoniques avec une opiniâtreté non démentie par ces concerts, assumant sa place dans le monde globalisé qu’il ensemence d’une pensée musicale extra-européenne glanée au fil de ses voyages des rues de Chicago (où il martela ses premiers rythmes sur des carrosseries des voitures stationnées à l’écoute du funk des ghetto blasters) à Cuba, au Brésil, à l’Afrique, à l’Inde, l’Extrême Orient, voyage réels (et imaginaires dans le temps et l’espace à travers ses lectures).

Me pose encore problème cette linéarité de l’expression, comme une sorte de rejet du récit, de la dramaturgie. Cet exigence du développement qui s’est souvent interposée entre le jazz et la musicologie blanche, au sein de laquelle celle-ci, Gunther Schuller en tête (lorsqu’il commente, non sans raison, l’œuvre des orchestres swing à la lumière du contrepoint baroque ou de la forme sonate, où lorsqu’il analyse l’improvisation rollinsienne sous l’angle du développement thématique au grand dam de l’intéressé), a toujours cherché à justifier les errances de l’improvisation par un hypothétique souci de la forme. Mais après tout, les pianistes de stride n’étaient-ils pas nourris de littérature classique (cette littérature dont sut s’emparer le bop), tout comme les arrangeurs des grands orchestres ? Et les improvisateurs noirs ne sont-ils pas souvent présentés comme des conteurs ayant le sens du récit ? On se souvient en revanche, comment après avoir sanctifié les petites formes de Duke Ellington pour la qualité de leur architecture, les musicologues ont boudé les suites ellingtoniennes pour la faiblesse de leur cohérence, la juxtaposition y remplaçant l’art du développement (précisons que les mêmes critiques frappèrent la Rhapsody In Blue). Est-ce moi qui n’ait pas su entendre cet art dans les longues partitions de Steve Coleman ? Il m’a manqué en tout cas à l’écoute du Council of Balance dont j’ai trouvé les œuvres au pire sans direction, au mieux unidirectionnelle, comme un grapillement d’idées s’engendrant l’une l’autre sans passion, sans nœud si dénouement, et c’est là que j’ai le plus regretté les œuvres citées plus haut d’Anthony Davis. Je l’ai presque oublié le 6 avec la Natal Eclipse, embarqué, comme c’est souvent le cas dans l’improvisation jazz, par le flux des idées s’agençant spontanément, et cet élan que j’évoquais plus haut et qui ont toujours fait mon bonheur de jazz. Et je ne fus pas étonné lorsque, commentant le concert qui venait de se terminer, Coleman expliqua que la musique que nous venions d’entendre était inspirée par l’art de la boxe dont il partage le goût avec Jonathan Finlayson.

Quittant les lieux ravis, mais rempli d’interrogations, j’ouvrais La Musique de l’ineffable de Vladimir Jankélévitch acheté à la librairie de la Cité (avec une biographie de Michel Warlop par Pierre Guimgamp dont l’existence m’avait échappé). Y trouverai-je réponse à mes questions ? J’y trouverai au moins le plaisir du verbe (imaginant les bondissements de la petite voix du philosophe dont la diffusion des cours sur France Culture m’a toujours enchanté). Franck Bergerot

PS : Je n’ai ici rien dit du concert des jeunes étudiants du CNSM réunis au sein du groupe Fonction {MA} et qui fut bien accueilli par le public de Natal Eclipse. Une belle écriture pour deux saxes, deux claviers, une guitare et un piano, une belle assurance scénique… On comprendra que ruminant la diarrhée que je viens de délivrer en regardant l’heure tournée alors que les bureaux de Jazzmag m’attendent, mon attention était ailleurs. Nous aurons sûrement l’occasion de les réentendre. En attendant, demain 8 septembre à La Villette, Archie Shepp et Melvin Van Peebles, mais aussi à l’Atelier du Plateau, l’Acoustic Lousadzak à l’Atelier du Plateau.