Jazz live
Publié le 13 Juil 2014

Têtes de jazz ! (III), Pulcinella, Nautilis joue Guy Le Querrec "Regards de Breizh"

Guy Le Querrec (photographe appartenant à l’agence Magnum) a la réputation d’être un « mitrailleur ». Dans les années 70, et jusqu’à la fin du XX° siècle au moins, cela impliquait de se charger – outre l’appareil photo et divers accessoires – d’un grand nombre de petites cassettes contenant la pellicule, qu’il fallait changer toutes les 36 vues, c’est à dire très souvent. D’où une charge de poids considérable, sans parler de la somme d’argent investie, ce qui n’est pas rien quand on sait que les photographes, malgré des aides parfois significatives, devaient produire leur travail eux-mêmes. Mais ce « mitraillage » avait un sens. Il en a pris un nouveau aujourd’hui. 

 

Nautilis joue Le Querrec : Christophe Rocher (cl, comp, direction artistique), Nicolas Peo’ch (as), Philippe Champion (tp), Céline Rivoal (acc), Christofer Bjurström (p), Frédéric B. Briet (b), Nicolas Pointard (dm), Vincent Raude (electronics), Guy Le Querrec (photographies), Jean-Alain Kerdraon (réalisation vidéo), Sylvain Thévenard (son)

 

Pulcinella : Ferdinand Doumerc (as, ts, bs, fl, mellophone), Florian Demonsant (acc), Jean-Marc Serpin (b), Frédéric Cavallin (dm)

 

Donc faire beaucoup de prises de vues. Ne pas attendre que la photo se présente, ou plutôt attendre et tourner autour d’elle en prenant beaucoup de vues avant et après. Dans le travail d’édition (editing) que Guy Le Querrec faisait après ses contacts, « la » photo était marquée de plusieurs croix, et toutes les autres étaient plus ou moins abandonnées à leur sort. Au fil des années, le nombre de contacts ainsi réalisés, et déposés chez Magnum et chez le photographe lui-même évidemment, a cru de façon exponentielle, au point que l’auteur de « La Mariée de Villejuif » n’arrivait plus à suivre son propre travail, et que de nombreuses photos, séries de photos, reportages complets, attendaient et attendent encore de voir le jour. « Light and Day », lumière et obscurité, la photographie joue avec ces contrates depuis sa naissance.

 

Pour Le Querrec, les temps modernes (disons l’apparition du numérique et aussi la possibilité de stocker des données sur ordinateur) ont donné un nouveau sens à sa compulsion de déclics. D’abord les techniques actuelles, jointes à la patience d’une amie chère (Sergine Laloux), permettent de dévoiler, de faire advenir, ce qui aurait pu rester celé pendant des années. D’autre part, et à partir de là, une nouvelle façon de présenter les photographies en « diaporama » se fait jour : on peut, non seulement les faire se succéder, mais leur donner du rythme, et raffiner tout à loisir la grammaire de la projection. Comme notre photographe avait déjà l’habitude de travailler avec des musiciens, l’idée d’exploiter à nouveau ce trésor (c’en est un, il occupe une pièce entière, grande comme votre deux-pièces) se fait jour, et « Regards de Breizh », photo-concert où le groupe Nautilis de Christophe Rocher joue la Bretagne de Guy Le Querrec devient possible. Deux ans de travail au moins, le concours d’un vidéaste qui vient imprimer la marque de cette nouvelle grammaire à laquelle je faisais allusion, et c’est parti. Nous assistions hier soir à l’une des premières présentations du projet.

 

Évidemment, c’est une réussite (presque) totale. Je dis « presque » parce qu’un tel spectacle trouve toujours à être amélioré ici ou là, et que la musique qui l’accompagne trouvera elle aussi son rythme de croisière. Mais cette réserve n’est rien à côté du plaisir, et même de la stupéfaction, qui touche et atteint le spectateur-auditeur plongé dans une telle aventure. D’abord le noir et blanc, bien sûr, qui donne aux photos leur lisibilité formelle et met en avant la structure étonnante du réel. Comme Guy Le Querrec excelle à trouver dans chaque image les rapports de lignes et les géométries dont elles sont porteuses, et comme le noir et blanc les exalte, on en jouit sans entraves. D’autre part les matières, et ici encore le noir et blanc joue à fond : comment rendre compte de la boue infernale suite au naufrage de l’Amoco-Cadiz sans cet excès huileux que le noir et blanc permet ? Ensuite les humains, qui sont là magnifiés, mais aussi dévoilés dans leur drôlerie, parfois leur petitesse, sans que jamais le regard du photographe ne les surplombe et surtout ne les juge. C’est à nous de parler, lui, il montre. Et puis les contenus, de ce regard d’une jeune fille, que GLQ supposait de braise et qui était peut-être seulement une absence (le bateau de l’île de Bréhat), à tous ces visages d’une noce qu’on regarde aujourd’hui dans leurs détails, en passant par les maquignons, les animaux blessés, rangés, mitraillés à leur tour, et tant d’aspects de cette réalité enfuie des années 70 et 80…

 

La musique de Christophe Rocher accompagne ce voyage, son ensemble Nautilis en exécute les danses, les moments de suspens, les drames, avec un bel engagement, et si tel ou tel commentaire peut parfois surprendre (on aimerait peut-être plus de retenue dans la séquence de la marée noire), on aime beaucoup l’ensemble, qui tient bien un pari difficile. Alors, à tous ceux qui, ici ou là, se demandent si oui ou non cela vaut la peine (d’aller y voir ou de programmer un tel spectacle), je réponds oui, cela vaut la peine. Mais évidemment, j’en ignore le prix. Quand on aime…

 

Pulcinella irradie depuis près de dix ans les scènes de sa musique colorée, dont l’une des sources est située dans la tradition populaire, et dont la manifestation actuelle est fortement marquée par le jazz et le rock. Signe des temps ? Il m’a semblé que leur prestation prenait parfois un tour très engagé, presque dramatique, comme si derrière la danse et la transe, au-delà de la valse et de la polka, il fallait aussi entendre les rumeurs de notre monde. 

 

IMG 8043

              Nautilis en répétition

 

IMG 8015

               Florian Demonsant

 

Philippe Méziat

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Guy Le Querrec (photographe appartenant à l’agence Magnum) a la réputation d’être un « mitrailleur ». Dans les années 70, et jusqu’à la fin du XX° siècle au moins, cela impliquait de se charger – outre l’appareil photo et divers accessoires – d’un grand nombre de petites cassettes contenant la pellicule, qu’il fallait changer toutes les 36 vues, c’est à dire très souvent. D’où une charge de poids considérable, sans parler de la somme d’argent investie, ce qui n’est pas rien quand on sait que les photographes, malgré des aides parfois significatives, devaient produire leur travail eux-mêmes. Mais ce « mitraillage » avait un sens. Il en a pris un nouveau aujourd’hui. 

 

Nautilis joue Le Querrec : Christophe Rocher (cl, comp, direction artistique), Nicolas Peo’ch (as), Philippe Champion (tp), Céline Rivoal (acc), Christofer Bjurström (p), Frédéric B. Briet (b), Nicolas Pointard (dm), Vincent Raude (electronics), Guy Le Querrec (photographies), Jean-Alain Kerdraon (réalisation vidéo), Sylvain Thévenard (son)

 

Pulcinella : Ferdinand Doumerc (as, ts, bs, fl, mellophone), Florian Demonsant (acc), Jean-Marc Serpin (b), Frédéric Cavallin (dm)

 

Donc faire beaucoup de prises de vues. Ne pas attendre que la photo se présente, ou plutôt attendre et tourner autour d’elle en prenant beaucoup de vues avant et après. Dans le travail d’édition (editing) que Guy Le Querrec faisait après ses contacts, « la » photo était marquée de plusieurs croix, et toutes les autres étaient plus ou moins abandonnées à leur sort. Au fil des années, le nombre de contacts ainsi réalisés, et déposés chez Magnum et chez le photographe lui-même évidemment, a cru de façon exponentielle, au point que l’auteur de « La Mariée de Villejuif » n’arrivait plus à suivre son propre travail, et que de nombreuses photos, séries de photos, reportages complets, attendaient et attendent encore de voir le jour. « Light and Day », lumière et obscurité, la photographie joue avec ces contrates depuis sa naissance.

 

Pour Le Querrec, les temps modernes (disons l’apparition du numérique et aussi la possibilité de stocker des données sur ordinateur) ont donné un nouveau sens à sa compulsion de déclics. D’abord les techniques actuelles, jointes à la patience d’une amie chère (Sergine Laloux), permettent de dévoiler, de faire advenir, ce qui aurait pu rester celé pendant des années. D’autre part, et à partir de là, une nouvelle façon de présenter les photographies en « diaporama » se fait jour : on peut, non seulement les faire se succéder, mais leur donner du rythme, et raffiner tout à loisir la grammaire de la projection. Comme notre photographe avait déjà l’habitude de travailler avec des musiciens, l’idée d’exploiter à nouveau ce trésor (c’en est un, il occupe une pièce entière, grande comme votre deux-pièces) se fait jour, et « Regards de Breizh », photo-concert où le groupe Nautilis de Christophe Rocher joue la Bretagne de Guy Le Querrec devient possible. Deux ans de travail au moins, le concours d’un vidéaste qui vient imprimer la marque de cette nouvelle grammaire à laquelle je faisais allusion, et c’est parti. Nous assistions hier soir à l’une des premières présentations du projet.

 

Évidemment, c’est une réussite (presque) totale. Je dis « presque » parce qu’un tel spectacle trouve toujours à être amélioré ici ou là, et que la musique qui l’accompagne trouvera elle aussi son rythme de croisière. Mais cette réserve n’est rien à côté du plaisir, et même de la stupéfaction, qui touche et atteint le spectateur-auditeur plongé dans une telle aventure. D’abord le noir et blanc, bien sûr, qui donne aux photos leur lisibilité formelle et met en avant la structure étonnante du réel. Comme Guy Le Querrec excelle à trouver dans chaque image les rapports de lignes et les géométries dont elles sont porteuses, et comme le noir et blanc les exalte, on en jouit sans entraves. D’autre part les matières, et ici encore le noir et blanc joue à fond : comment rendre compte de la boue infernale suite au naufrage de l’Amoco-Cadiz sans cet excès huileux que le noir et blanc permet ? Ensuite les humains, qui sont là magnifiés, mais aussi dévoilés dans leur drôlerie, parfois leur petitesse, sans que jamais le regard du photographe ne les surplombe et surtout ne les juge. C’est à nous de parler, lui, il montre. Et puis les contenus, de ce regard d’une jeune fille, que GLQ supposait de braise et qui était peut-être seulement une absence (le bateau de l’île de Bréhat), à tous ces visages d’une noce qu’on regarde aujourd’hui dans leurs détails, en passant par les maquignons, les animaux blessés, rangés, mitraillés à leur tour, et tant d’aspects de cette réalité enfuie des années 70 et 80…

 

La musique de Christophe Rocher accompagne ce voyage, son ensemble Nautilis en exécute les danses, les moments de suspens, les drames, avec un bel engagement, et si tel ou tel commentaire peut parfois surprendre (on aimerait peut-être plus de retenue dans la séquence de la marée noire), on aime beaucoup l’ensemble, qui tient bien un pari difficile. Alors, à tous ceux qui, ici ou là, se demandent si oui ou non cela vaut la peine (d’aller y voir ou de programmer un tel spectacle), je réponds oui, cela vaut la peine. Mais évidemment, j’en ignore le prix. Quand on aime…

 

Pulcinella irradie depuis près de dix ans les scènes de sa musique colorée, dont l’une des sources est située dans la tradition populaire, et dont la manifestation actuelle est fortement marquée par le jazz et le rock. Signe des temps ? Il m’a semblé que leur prestation prenait parfois un tour très engagé, presque dramatique, comme si derrière la danse et la transe, au-delà de la valse et de la polka, il fallait aussi entendre les rumeurs de notre monde. 

 

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              Nautilis en répétition

 

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               Florian Demonsant

 

Philippe Méziat

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Guy Le Querrec (photographe appartenant à l’agence Magnum) a la réputation d’être un « mitrailleur ». Dans les années 70, et jusqu’à la fin du XX° siècle au moins, cela impliquait de se charger – outre l’appareil photo et divers accessoires – d’un grand nombre de petites cassettes contenant la pellicule, qu’il fallait changer toutes les 36 vues, c’est à dire très souvent. D’où une charge de poids considérable, sans parler de la somme d’argent investie, ce qui n’est pas rien quand on sait que les photographes, malgré des aides parfois significatives, devaient produire leur travail eux-mêmes. Mais ce « mitraillage » avait un sens. Il en a pris un nouveau aujourd’hui. 

 

Nautilis joue Le Querrec : Christophe Rocher (cl, comp, direction artistique), Nicolas Peo’ch (as), Philippe Champion (tp), Céline Rivoal (acc), Christofer Bjurström (p), Frédéric B. Briet (b), Nicolas Pointard (dm), Vincent Raude (electronics), Guy Le Querrec (photographies), Jean-Alain Kerdraon (réalisation vidéo), Sylvain Thévenard (son)

 

Pulcinella : Ferdinand Doumerc (as, ts, bs, fl, mellophone), Florian Demonsant (acc), Jean-Marc Serpin (b), Frédéric Cavallin (dm)

 

Donc faire beaucoup de prises de vues. Ne pas attendre que la photo se présente, ou plutôt attendre et tourner autour d’elle en prenant beaucoup de vues avant et après. Dans le travail d’édition (editing) que Guy Le Querrec faisait après ses contacts, « la » photo était marquée de plusieurs croix, et toutes les autres étaient plus ou moins abandonnées à leur sort. Au fil des années, le nombre de contacts ainsi réalisés, et déposés chez Magnum et chez le photographe lui-même évidemment, a cru de façon exponentielle, au point que l’auteur de « La Mariée de Villejuif » n’arrivait plus à suivre son propre travail, et que de nombreuses photos, séries de photos, reportages complets, attendaient et attendent encore de voir le jour. « Light and Day », lumière et obscurité, la photographie joue avec ces contrates depuis sa naissance.

 

Pour Le Querrec, les temps modernes (disons l’apparition du numérique et aussi la possibilité de stocker des données sur ordinateur) ont donné un nouveau sens à sa compulsion de déclics. D’abord les techniques actuelles, jointes à la patience d’une amie chère (Sergine Laloux), permettent de dévoiler, de faire advenir, ce qui aurait pu rester celé pendant des années. D’autre part, et à partir de là, une nouvelle façon de présenter les photographies en « diaporama » se fait jour : on peut, non seulement les faire se succéder, mais leur donner du rythme, et raffiner tout à loisir la grammaire de la projection. Comme notre photographe avait déjà l’habitude de travailler avec des musiciens, l’idée d’exploiter à nouveau ce trésor (c’en est un, il occupe une pièce entière, grande comme votre deux-pièces) se fait jour, et « Regards de Breizh », photo-concert où le groupe Nautilis de Christophe Rocher joue la Bretagne de Guy Le Querrec devient possible. Deux ans de travail au moins, le concours d’un vidéaste qui vient imprimer la marque de cette nouvelle grammaire à laquelle je faisais allusion, et c’est parti. Nous assistions hier soir à l’une des premières présentations du projet.

 

Évidemment, c’est une réussite (presque) totale. Je dis « presque » parce qu’un tel spectacle trouve toujours à être amélioré ici ou là, et que la musique qui l’accompagne trouvera elle aussi son rythme de croisière. Mais cette réserve n’est rien à côté du plaisir, et même de la stupéfaction, qui touche et atteint le spectateur-auditeur plongé dans une telle aventure. D’abord le noir et blanc, bien sûr, qui donne aux photos leur lisibilité formelle et met en avant la structure étonnante du réel. Comme Guy Le Querrec excelle à trouver dans chaque image les rapports de lignes et les géométries dont elles sont porteuses, et comme le noir et blanc les exalte, on en jouit sans entraves. D’autre part les matières, et ici encore le noir et blanc joue à fond : comment rendre compte de la boue infernale suite au naufrage de l’Amoco-Cadiz sans cet excès huileux que le noir et blanc permet ? Ensuite les humains, qui sont là magnifiés, mais aussi dévoilés dans leur drôlerie, parfois leur petitesse, sans que jamais le regard du photographe ne les surplombe et surtout ne les juge. C’est à nous de parler, lui, il montre. Et puis les contenus, de ce regard d’une jeune fille, que GLQ supposait de braise et qui était peut-être seulement une absence (le bateau de l’île de Bréhat), à tous ces visages d’une noce qu’on regarde aujourd’hui dans leurs détails, en passant par les maquignons, les animaux blessés, rangés, mitraillés à leur tour, et tant d’aspects de cette réalité enfuie des années 70 et 80…

 

La musique de Christophe Rocher accompagne ce voyage, son ensemble Nautilis en exécute les danses, les moments de suspens, les drames, avec un bel engagement, et si tel ou tel commentaire peut parfois surprendre (on aimerait peut-être plus de retenue dans la séquence de la marée noire), on aime beaucoup l’ensemble, qui tient bien un pari difficile. Alors, à tous ceux qui, ici ou là, se demandent si oui ou non cela vaut la peine (d’aller y voir ou de programmer un tel spectacle), je réponds oui, cela vaut la peine. Mais évidemment, j’en ignore le prix. Quand on aime…

 

Pulcinella irradie depuis près de dix ans les scènes de sa musique colorée, dont l’une des sources est située dans la tradition populaire, et dont la manifestation actuelle est fortement marquée par le jazz et le rock. Signe des temps ? Il m’a semblé que leur prestation prenait parfois un tour très engagé, presque dramatique, comme si derrière la danse et la transe, au-delà de la valse et de la polka, il fallait aussi entendre les rumeurs de notre monde. 

 

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               Florian Demonsant

 

Philippe Méziat

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Guy Le Querrec (photographe appartenant à l’agence Magnum) a la réputation d’être un « mitrailleur ». Dans les années 70, et jusqu’à la fin du XX° siècle au moins, cela impliquait de se charger – outre l’appareil photo et divers accessoires – d’un grand nombre de petites cassettes contenant la pellicule, qu’il fallait changer toutes les 36 vues, c’est à dire très souvent. D’où une charge de poids considérable, sans parler de la somme d’argent investie, ce qui n’est pas rien quand on sait que les photographes, malgré des aides parfois significatives, devaient produire leur travail eux-mêmes. Mais ce « mitraillage » avait un sens. Il en a pris un nouveau aujourd’hui. 

 

Nautilis joue Le Querrec : Christophe Rocher (cl, comp, direction artistique), Nicolas Peo’ch (as), Philippe Champion (tp), Céline Rivoal (acc), Christofer Bjurström (p), Frédéric B. Briet (b), Nicolas Pointard (dm), Vincent Raude (electronics), Guy Le Querrec (photographies), Jean-Alain Kerdraon (réalisation vidéo), Sylvain Thévenard (son)

 

Pulcinella : Ferdinand Doumerc (as, ts, bs, fl, mellophone), Florian Demonsant (acc), Jean-Marc Serpin (b), Frédéric Cavallin (dm)

 

Donc faire beaucoup de prises de vues. Ne pas attendre que la photo se présente, ou plutôt attendre et tourner autour d’elle en prenant beaucoup de vues avant et après. Dans le travail d’édition (editing) que Guy Le Querrec faisait après ses contacts, « la » photo était marquée de plusieurs croix, et toutes les autres étaient plus ou moins abandonnées à leur sort. Au fil des années, le nombre de contacts ainsi réalisés, et déposés chez Magnum et chez le photographe lui-même évidemment, a cru de façon exponentielle, au point que l’auteur de « La Mariée de Villejuif » n’arrivait plus à suivre son propre travail, et que de nombreuses photos, séries de photos, reportages complets, attendaient et attendent encore de voir le jour. « Light and Day », lumière et obscurité, la photographie joue avec ces contrates depuis sa naissance.

 

Pour Le Querrec, les temps modernes (disons l’apparition du numérique et aussi la possibilité de stocker des données sur ordinateur) ont donné un nouveau sens à sa compulsion de déclics. D’abord les techniques actuelles, jointes à la patience d’une amie chère (Sergine Laloux), permettent de dévoiler, de faire advenir, ce qui aurait pu rester celé pendant des années. D’autre part, et à partir de là, une nouvelle façon de présenter les photographies en « diaporama » se fait jour : on peut, non seulement les faire se succéder, mais leur donner du rythme, et raffiner tout à loisir la grammaire de la projection. Comme notre photographe avait déjà l’habitude de travailler avec des musiciens, l’idée d’exploiter à nouveau ce trésor (c’en est un, il occupe une pièce entière, grande comme votre deux-pièces) se fait jour, et « Regards de Breizh », photo-concert où le groupe Nautilis de Christophe Rocher joue la Bretagne de Guy Le Querrec devient possible. Deux ans de travail au moins, le concours d’un vidéaste qui vient imprimer la marque de cette nouvelle grammaire à laquelle je faisais allusion, et c’est parti. Nous assistions hier soir à l’une des premières présentations du projet.

 

Évidemment, c’est une réussite (presque) totale. Je dis « presque » parce qu’un tel spectacle trouve toujours à être amélioré ici ou là, et que la musique qui l’accompagne trouvera elle aussi son rythme de croisière. Mais cette réserve n’est rien à côté du plaisir, et même de la stupéfaction, qui touche et atteint le spectateur-auditeur plongé dans une telle aventure. D’abord le noir et blanc, bien sûr, qui donne aux photos leur lisibilité formelle et met en avant la structure étonnante du réel. Comme Guy Le Querrec excelle à trouver dans chaque image les rapports de lignes et les géométries dont elles sont porteuses, et comme le noir et blanc les exalte, on en jouit sans entraves. D’autre part les matières, et ici encore le noir et blanc joue à fond : comment rendre compte de la boue infernale suite au naufrage de l’Amoco-Cadiz sans cet excès huileux que le noir et blanc permet ? Ensuite les humains, qui sont là magnifiés, mais aussi dévoilés dans leur drôlerie, parfois leur petitesse, sans que jamais le regard du photographe ne les surplombe et surtout ne les juge. C’est à nous de parler, lui, il montre. Et puis les contenus, de ce regard d’une jeune fille, que GLQ supposait de braise et qui était peut-être seulement une absence (le bateau de l’île de Bréhat), à tous ces visages d’une noce qu’on regarde aujourd’hui dans leurs détails, en passant par les maquignons, les animaux blessés, rangés, mitraillés à leur tour, et tant d’aspects de cette réalité enfuie des années 70 et 80…

 

La musique de Christophe Rocher accompagne ce voyage, son ensemble Nautilis en exécute les danses, les moments de suspens, les drames, avec un bel engagement, et si tel ou tel commentaire peut parfois surprendre (on aimerait peut-être plus de retenue dans la séquence de la marée noire), on aime beaucoup l’ensemble, qui tient bien un pari difficile. Alors, à tous ceux qui, ici ou là, se demandent si oui ou non cela vaut la peine (d’aller y voir ou de programmer un tel spectacle), je réponds oui, cela vaut la peine. Mais évidemment, j’en ignore le prix. Quand on aime…

 

Pulcinella irradie depuis près de dix ans les scènes de sa musique colorée, dont l’une des sources est située dans la tradition populaire, et dont la manifestation actuelle est fortement marquée par le jazz et le rock. Signe des temps ? Il m’a semblé que leur prestation prenait parfois un tour très engagé, presque dramatique, comme si derrière la danse et la transe, au-delà de la valse et de la polka, il fallait aussi entendre les rumeurs de notre monde. 

 

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              Nautilis en répétition

 

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               Florian Demonsant

 

Philippe Méziat