Jazz live
Publié le 25 Nov 2022

André Minvielle : on a dansé dans les Jeudis de Jazzmag !

Ce 24 novembre, les Jeudis de Jazz Magazine au Bal Blomet recevaient André Minvielle et son T’ibal Tribal. Invité spécial – et permanent – Christophe Monniot.

Dans le film Chang tourné vers 1927 au Royaume de Siam par Merian C. Cooper et Ernest B. Shoedsack, galop d’essai de leur futur et fameux King Kong (que d’aucuns ont découvert à travers le très séduisant ciné-concert proposé par l’Arfi), il est une scène dont je ne me lasse pas. De retour d’une campagne de chasse contre les fauves qui terrorisent leur village, les chasseurs ramènent de petits animaux vivants qu’un petit garçon extrait d’une grande panière comme on pioche dans une caisse à jouet.

André Minvielle, et son ami bassiste Fernand “Nino” Ferrer, jouait ensemble dans les bals d’Occitanie de la fin des années 1970 le répertoire imposé, tubes du moment et scies du bal à papa. Ils n’ont jamais cessé de jouer pour le bal mais se sont affranchis de ses contraintes en constituant le libre répertoire de leur Ti’bal Tribal, pioché dans le “coffre à jouer” d’un répertoire de l’avant, de l’ailleurs et de lendemains qui dansent : tiens! Une valse clog (le délicieux De Dame et d’homme de Marc Perrone qui fait justement son entrée au Bal Blomet au moment où Minvielle entonne « Une mélodie de Perrone à Paname / Valse la dame et la vie d’homme…) ; tiens! une valse swing (les fameuses Indifférence et Flambée Montalbanaise); et voici un antique paso doble (l’inoxydable Espana Cani, rescapé du répertoire obligé des premiers bals de Minvielle et Nino); et voilà une  biguine futuriste; le concert ayant débuté comme il se terminra par de facondes variations sur la farandole composée par Nino Rota pour le final de 8 1/2 de Federico Fellini. Et lorsque la main plongée dans la panière tombe sur Cajuina de Caetono Veloso, et bien l’on se tourne vers Juliette Minvielle pour qui le brésilien tombe bien sous ses doigts de pianiste et sous la langue, même si papa Minvielle (tout à la fois batteur et chanteur de ce programme) et tonton Nino s’y entendent pour donner à la chanson un tempo de forró endiablé.

À propos de Minvielle, je crains qu’on n’ait déjà osé-usé toutes les métaphores, à commencer par la sienne de Vocalchimiste. Celle de “tambourinaire des mots” est sûrement déjà prise, mais elle est parlante. Les mots, il les tambourine en effet, les chahute, leur fait dire ce qu’ils n’avaient pas prévu de dire ou ce que l’on avait oublié qu’ils disent, les croise d’une langue à l’autre, avec l’Occitan pour carrefour. Il est chanteur (ce port de voix, cette intonation dans l’imprévu, cette tessiture s’envolant vers l’aigu, ce placement comme on dit des chanteurs et leur voix, mais comme on dit des jazzmen et leur rapport au rythme), mais il est tout autant acteur, palabreur, tchatcheur, rappeur, baratineur du verbe comme on baratte le beurre (même si je ne suis pas certain d’une même racine de “baratte” et “baratiner”).

Et il s’est trouvé le plus bel interlocuteur qu’on ait pu lui imaginer en la personne de Christophe Monniot (saxes alto et sopranino, clavier bass station), qui réplique, questionne, relance, contrechante, survole, bombarde sous ses bombardements de rêve, incendie d’amour, s’évadant soudain vers la stratosphère, puis abandonnant le saxophone pour le synthétiseur, d’où il fait sortir d’insolites troupeaux de petits rongeurs et de gros insectes qui couinent, stridulent et criquettent dans les basses herbes sous les pas des danseurs.

Car vous savez quoi ? On a dansé au Bal Blomet ! Ben oui, puisque c’est un bal ! Oui, mais c’était un jeudi de Jazz Magazine

Et vous savez quoi encore? En rappel, sans orchestre, Minvielle a chanté sa fameuse reprise du Bloomdido de Mimi Perrin : « Dîtes-moi donc, Madame Mimi / Dîtes-moi comment vous faîtes. »

Franck Bergerot, chronique ferroviaire écrite dans un TGV vers la Bretagne. Demain, à La Barge de Morlaix, est attendu le trio de Samuel Blaser avec Marc Ducret et Peter Bruun. Prochain Jeudi Jazz Magazine au Bal Blomet le 1er décembre, avec Daniel Zimmer et son quartette sur les chansons de Serge Gainsbourg.