Jazz live
Publié le 21 Sep 2020

Anglet Jazz Festival ôte le masque

Du rouge, du feu, du flip. Anglet, une des plus vastes communes de l’hexagone a connu pour la,première fois en cet été de canicule la peur, les affres, les dégâts d’un incendie qui a ravagé un bout de sa forêt de pins , poumon vert à Chiberta en bord d’Océan. Alors lorsqu’à ce malheur il a fallu ajouter la couleur rouge attribuée au département des Pyrénées Atlantiques pour risque de relance CoVid, Arcad et ses bénévoles porteurs de l’Anglet Jazz Festival ont tremblé pour leur événement. Au final le jazz a repris ses droits. Distancié, masqué mais bien joué à plein droit. À vif. À Anglet heureusement, il n’y aura pas eu de septembre...noir.

Dédé, batteur septuagénaire taquin, coquin, look espiègle avec son pantalon aux couleurs africaines vives, offre au jazz depuis plus de cinquante ans ses coups de balais les plus savants, les plus pertinents. A fortiori lorsqu’il s’agit de célébrer la musique de Michel Pétrucciani, d’essence alpine maritime comme lui.

Irving Acao (ts, ss), Carlos Sarduy (tp, bug), Leonardo Montana (p, elp), Felipe Cabrera (b), Inor Sotolongo (perc), Franck Durand (perc)

Théâtre Quintaou, 18 septembre

Anglet (64600)

 

Irving Acao (sax), Felipe Cabrera (b)

CoVid oblige la scène angloye ne peut offrir ce soir le vrai El Comité « Dur dur la vie des musiciens à La Havane  en ce moment. Bars, restos, clubs et autres lieux musicaux ferment leurs portes dès huit heures du soir. Difficile de jouer dans ces conditions. Alors quand à penser sortir de l’île… » explique Carlos Sarduy qui vit lui désormais à Barcelone. Il n’empêche: By El Comité cet orchestre reconstitué sonne dans les canons afro-cubains, volubilité, virtuosité, expertise à dompter l’art poly rythmique. Constat annexe:  Irving Acao comme Carlos Sarduy s’(y) entendent en matière de compositions. Le premier, saxophoniste,  alterne ténor, lâché, rentre dedans (Amistad) et soprano en contrôle, façon volutes suaves (Réflexion) Le second, au départ, au delà de l’attrait habituel des trompettistes cubains pour le suraigu et la vitesse d’exécution marque son territoire via une sonorité ample, nourrie de couleurs en nuances. S’imprime aussi cette impression diffuse, étrange: comme une résonance plurielle de big band lorsque le duo de cuivre, basse (Felipe Cabrera, habituel métronome)  et piano s’allient pour livrer des phases d’unisson. Leonardo Montana relève un challenge : remplacer Harold Lopez-Nussa et Rolando Luna, rien que ça « Là j’ai dû enfiler au débotté le costume de pianiste cubain… » Pari réussi quant à l’exigence de la clave,  bible rythmique de l’île caribéenne, dans l’exécution comme dans les développements solos. Et qui sait, peut-être même le pianiste imprime-t-il  une marque, une trace plus personnelle dans certains thèmes signés Carlos Sarduy, (Carlito’s swing, Alamar) sonnant plus jazz que latin jazz…Une étiquette que déteste d’ailleurs Chucho Valdes, le patriarche de tous ces jeunes musiciens cubain !

Laurent Coulondre (p, elp, org), Jérémy Bruyère (b, elb), André Ceccarelli (dm)

André Charlier (dm), Benoît Sourisse (org), Louis Winsberg (g)

Théâtre Quintaou, 19 septembre

Anglet (64600)

 

Laurent Coulondre

Des « Colours » il en offre une bonne palette dans son jeu. Et pour illustrer Michel Petrucciani qui n’en manquait pas évidemment, Laurent Coulondre les utilise à bon escient, par touches sur le clavier, sur un mode « piano »quelques fois et « forte » maintes fois. Au besoin à grand renfort de pressions rythmiques combinées avec basse (quelle qualité de son et de précision chez Jéremy Bruyère) et batterie (Looking up). Quand vient le moment d’émotions fortes sur le morceau éponyme de l’album (Michel on my mind) le pianiste prend un soin particulier à flatter la mélodie comme il se doit. Alors bon l’on nous dira que louanger encore André Ceccarelli une fois encore…

Dédé Ceccarelli

Certes. Mais sauf à s’enorgueillir d’oreilles en bois comment donc passer à côté de pareille légèreté de l’être batteur, balais ou baguettes valsants sur dés cymbales en mal de caresse. Et pour conclure l’épisode sur un titre qui parle, She did it again (en fait une histoire marrante à propos du chien pétomane  de Charles Lloyd...) il est patent aussi que Laurent Coulondre, dans son allant, sa fougue très nature a du mal à ne pas utiliser ses lignes de force, de vitesse sur le clavier. Pourtant voilà, ça lui va bien au teint musical. Il y trouve même un passeport jazzistique original. Ne disait-on pas la même chose déjà en son temps, à propos d’un certain jeune Michel P ?

 

Benoit Sourisse, groove et compagnie

Un trio sans faille. Dense, compact. Trois musiciens qui se connaissent sur le bout des doigts. Écoute mutuelle et respect des rõles. “Un trio sans sax pour illustrer Michael Brecker ses trouvailles de fou sur son instrument et son talent de compositeur “ dixit André Charlier.

Luíos Winsberg (g), André Charlier (dm)

Dès lors Louis Winsberg intronisé improvisateur en chef se charge de tirer le.ffeeling vers le haut. Beau travail déjà sur l’ intro de Talking to myself signé de la plume d’un des inspirateurs des frères Brecker, Don Grolniick, en touches délicates par harmoniques déposées du bout des doigts, cordes caressées. Straphangin écrit par et pour une des versions du groupe Brecker Brothers fait enfiler au guitariste le costume de « Guitar Heroe » gros son velu avec saturation qui va avec. Derriére l’orgue de Benoit Sourisse, souriant, maintient l’état naturel de grroove. Ça enfle ça ronfle d’air avec l’effet Leslie. Et la batterie d’ André Charlier toujours souligne les temps (Oops de l’époque Steps Ahead) Au total, du concert justement on aura noté peu de temps morts. Á ce niveau un trio sans sax ni basse reste un modèle d’expressivité. La musique de Michael Brecker s’en trouve célébrée d’autant. Et si nos informations sont exactes, le,prochain musicien visité par Charlier/Sourisse sera.. Jaco Pastorius. En formule Big Band cette fois.

Jean Marie Ecay (g), José Agustín Guerenu (el ), Borja Barrueta (dm)

Domaine de Baroja, 29 septembre

Anglet (64600)

 

Jean-Marie Ecay, de Milan à Anglet

Il figure le régional de l’étape. Jean Marie Ecay n’en arrive pas moins au dernier moment de Milan où le musicien basque a joué trois jours avec le groupe de Billy Cobham. Aussi arbore-t-il, soucieux des consignes à l’égal des spectateurs dans ce beau cadre de verdure du Domaine Baroja, un très chic masque noir floqué Blue Note.  Un premier thème très jazzy, tempo moyen en  ternaire et sonorité fluide. Enchaînement du guitariste sur une composition personnelle, Zazpiak Bat. L’on peut y dénicher à partir d’une mélodie bien posée, une manière personnelle, de rechercher l’accroche, de remplir l’espace triangulaire de façon constructive. Jean Marie Ecay garde une qualité de toucher très net sur les cordes de sa guitare. Dans ses propres formations il veille à se balader sans contrainte au sein des langages qui l’ont nourri, inspiré. Dans cet espace plein air baptisé Jazz sur l’herbe par l’equipe du festival le guitariste (et surfer, autre passion avouée) natif de Saint Jean de Luz aura visité du jazz, du blues, du rock et même un zeste de country. Évoluant toujours en maîtrise de l’instrument. En finesse.

 

JM. Ecay, Marc Tambourindéguy Directeur Artistique, Anglet Jazz Festival ôte le masque

 

Robert Latxague