Jazz live
Publié le 2 Avr 2019

Blind Willie Johnson en catimini

Je tombe une fois de plus sur le feuilleton du soir de France Culture, une belle série cette fois-ci consacrée à la grande crise économique des années 1930 aux Etats-Unis, Hard Times, histoires orales de la Grande Dépression. Mais une fois de plus, on y entend des musiques qui ne sont pas créditées. L’auditeur de France Culture n’est pas autorisé à savoir que There Is Things Happening In This Land a été recueilli en 1937 à Washington pour l’Archive of Folk song de la Bibliothèque du Congrès par Charles Seeger et Sidney Robertson, auprès du métayer de l’Arkansas, leader syndical et poète John L. Handcox, et qu’on peut l’entendre notamment sur le double CD “Field Recordings, Vol.10/11, 1933-1941” du label Document  ou sur “John L. Handcox : Songs, Poems and stories of the Southern Tenant Farmers” publié par West Virginia University Press.

L’auditeur de France Culture, à qui l’on ne cache rien de la conseillère littéraire de l’émission à son bruiteur, n’est pas non plus sensé savoir que Nobody’s Fault But Mine qui a conclu l’émission de ce soir a été enregistré le 3 décembre 1927 à Dallas par le bluesman-prêcheur Blind Willie Johnson repéré par les chasseurs de talents de la compagnie Columbia .

La musique sur France Culture n’est donc qu’un bruit de fond, une distraction destinée à faire passer la pilule culturelle. Si l’on survole le programme de la journée, on réalise que lorsque la musique est créditée, c’est le plus souvent par un nom (auteur ? compositeur ? interprète ?) et un titre (chanson ? album ?) et que les musiques des génériques qui pourtant contribuent à l’identité des émissions sont plus encore passées sous silence. L’excellente émission Les Pieds sur terre dont la programmation musicale vole souvent plus haut que l’ordinaire de France Culture, se contente, sans aucun crédit, d’un vague renvoi vers Deezer et Spotify où la musique est réduite à des mp3 à peine identifiés (un nom, un titre, aucune date), tout auditeur, jusque dans les campagnes où l’adsl arrive encore au compte-gouttes, étant supposé pouvoir écouter en streaming. On fait quoi à la Discothèque de Radio France ? On enfile des perles ? Franck Bergerot