Jazz live
Publié le 20 Oct 2020

Clap de fin de Jazz sur son 31 : Laurent Coulondre Trio

Le festival « Jazz sur son 31 » a refermé ses portes le 18 octobre 2020 dans une ambiance pour le moins étrange : un concert à huis clos suite au couvre-feu décrété par nos instances dirigeantes. Laurent Coulondre et ses deux acolytes n’ont pas flanché et sont parvenus à redonner le sourire à distance, via une diffusion internet en direct. Votre envoyé spécial était, lui, présent dans la salle !

Dimanche 18 octobre 2020, Toulouse, Conseil Départemental de Haute-Garonne,

Festival « Jazz sur son 31 »

Laurent Coulondre Trio – Michel on My Mind

Laurent Coulondre (p, org), Jérémy Bruyère (cb, elb), André Ceccarelli (dr)

 

Après la jauge à moitié pleine, la jauge… complètement vide ! En-dehors des techniciens et des personnels du Conseil Départemental, je fus le seul extérieur présent au concert du trio de Laurent Coulondre. Les organisateurs du festival avait cependant eu la bonne idée de maintenir le concert en le diffusant en direct par le net. Après sa performance, Laurent Coulondre m’avouera avoir eu des difficultés à trouver ses marques par ce vrai concert sans public, ou plutôt à destination d’un auditoire virtuel.

Mais venons-en aux faits, à cet hommage à Michel Petrucciani. D’entrée, Laurent Coulondre se jette à corps perdu dans la musique. Si l’on se demande parfois à quoi peuvent bien encore servir le rituel des applaudissements à la fin de chaque solo, dans une telle configuration on en saisit mieux l’importance, autant reconnaissance offerte à la générosité du soliste qu’encouragements pour ceux à venir ! Percevant ce manque, les musiciens se font violence. Quelle attitude adopter dans ce cas de figure ? Jouer pour les comparses, en premier lieu, ce que l’on sent, ce que l’on voit aux sourires échangés, aux regards complices !

Après Colors vient Looking Up où Laurent Coulondre déploie une énergie invraisemblable. À cette qualité s’ajoute celle du toucher, capable qu’il est – comme Oscar Peterson – de passer du triple fortissimo au double piano en un clin d’œil. Lorsqu’il passe à l’orgue, on songe à Eddy Louiss, de manière d’autant plus patente à l’occasion d’une reprise en solo à deux claviers des Grelots – piano main gauche et orgue main droite en plus du pédalier. Plus le concert avance – reprises et arrangements de Bite (prononcez « baïte » !), Memories of Paris, création de Laura puis d’une autre de ses compositions, Choriniño –, plus il m’apparaît qu’aucun autre pianiste français, voire international, n’aurait pu rendre hommage de si belle manière à Michel Petrucciani. Avec son énergie, avec sa verve, avec sa générosité et sa positivité, Laurent Coulondre m’apparaît comme le pianiste idoine pour un tel projet. Rachid (du nom du fils adoptif de Petrucciani), en duo, met en valeur l’osmose musicale qui opère entre Laurent Coulondre et Jérémy Bruyère (expression dense, parfaitement juste, dans les deux sens du terme, à l’archet). Le passage central de leur arrangement renvoyant davantage à Avishai Cohen qu’à notre Michel national, et si on entend dans le jeu de Laurent Coulondre des traces de Chick de Brad Mehldau (outre celles de Chick Corea), on se dit que si Petrucciani avait vécu et pu écouter ses musiciens du XXIe siècle, cela lui aurait peut-être permis d’engendrer une musique proche de celle de Laurent Coulondre.

Bien entendu, comme à son habitude André Ceccarelli fut admirable. L’entendre jouer Michel on My Mind en 5/4 ou Brazilian Like fut un ravissement et une leçon, son jeu dans les métriques impaires ne contrecarrant nullement son style.

Pour conclure le concert, les trois musiciens donnèrent une version pétulante de She Did It Again pris à un tempo d’une rapidité proprement vertigineuse.

Dans le chapiteau vide, où résonnent quelques claps de la dizaine de personnes présentes, les musiciens saluent, font des signes à leur audience virtuelle. Mais les jazzmen y sont habitués, eux dont la pratique artistique a toujours été véhiculée par la radio ou le disque. Au fond, c’est pour l’auditeur que cela change. Les acteurs du champ jazzistique auraient tout intérêt à se lancer dans une réflexion en profondeur de cette situation inédite, l’écran d’ordinateur et ses possibilités n’étant pas l’équivalent de la télévision.

Ludovic Florin