Jazz live
Publié le 16 Nov 2017

D'JAZZ NEVERS 5 : LES SEPT MESSAGERS, HI-HAT BRASS BAND, LA CHOSE COMMUNE, SHABAKA & THE ANCESTORS

Mercredi fut, comme souvent à Nevers, une journée d’une riche diversité où le concert et le spectacle interdisciplinaire dialoguent avec une pertinence rare.

Les Septs Messagers©Maxim François     Photo©Maxim François

LES SEPT MESSAGERS

Gérald Chagnard (mandoline, saxophone baryton, instruments artisanaux, programmation), Patrick Vaillant (mandoline), Vincent Desplanche (illustrations)

Maison de la Culture, salle Lauberty, 15 novembre 2017, 12h15

Une belle idée que de partir de la nouvelle éponyme de Dino Buzzati pour un concert-spectacle. David Chevallier s’y était attelé voici plus de 15 ans avec «Des nouvelles de Buzzati», où un comédien interprétait des extraits d’autres nouvelles, dans un écrin musical conçu par le guitariste. Ici le parti pris est autre : associer des musiques écrites et improvisées à des aquarelles, en temps réel, autour de cette nouvelle qui est une sorte de conte moral et métaphysique sur le temps, le pouvoir et la condition humaine. Les messagers d’un royaume rêvé partent vers les lointains pour découvrir l’au-delà des frontières, revenant de loin en loin rendre compte au Prince avant de se perdre dans l’infini temporel. L’illustrateur, pendant que la musique se joue, dresse les décors successifs d’une narration que l’on devine sans limite : du château sur un promontoire d’où partent les messagers jusqu’au dédale du monde infini, la caravane s’engage sur les sentiers de l’inconnu et traverse des escarpements vertigineux. Les musicens portent ce récit visuel en épousant toutes les musiques du Monde, folklore imaginaire inclus. Entre duos de mandolines et phrasé de saxophone baryton, d’autres instruments prennent la parole : un tuyau de PVC, avec un bec de sax alto et un entonnoir pour pavillon, fait entendre une sonorité proche du doudouk arménien ; une flûte traversière, reconvertie par une embouchure verticale qui se joue comme le ney turc ou persan, apporte une autre couleur. L’ensemble est d’une cohérence extrême et déroule devant nos oreilles et nos yeux une magie narrative sans lourdeur qui sollicite en nous l’émerveillement de l’enfance : l’enfance de l’art en quelque sorte, et même du Grand Art.

 

    HI-HAT BRASS BAND feat. DOVEN

Hi-Hat Brass Band©Maxim François     Photo©Maxim François

     Café Charbon, 15 novembre 2017, 18h30

Le chroniqueur était rivé à son ordinateur pour terminer les chroniques des concerts du 14 novembre, et il a dû zapper le concert. Mais Maxim François, le photographe, était là !

 

 

Elise Caron, D. Lescot, E. Bex©Maxim FrançoisÉlise Caron, David Lescot, Emmanuel Bex Photo©Maxim François

DAVID LESCOT-EMMANUEL BEX «La Chose Commune»

Emmanuel Bex (composition, orgue), David Lescot (texte, mise en scène, voix, trompette), Elise Caron (voix, flûte), Mike Ladd (slam), Géraldine Laurent (saxophone alto), Simon Goubert (batterie). Collaborations artistiques pour le spectacle : Linda Blanchet, François Gauthier Lafaye, Paul Beaureilles, Alexandre Borgia, Sylvette Dequest, Quentin Dulermoz

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 15 novembre 2017, 20h30

Reprise, ou plutôt poursuite d’un spectacle créé au Triton en 2016 et repris à l’Espace Cardin au printemps 2017 par le Théâtre de la Ville, l’un des nombreux coproducteurs. Pour l’avoir vu alors, je dois avouer que l’impression produite fut cette fois encore plus forte. Une gageure, que d’évoquer cette formidable insurrection que le discours officiel a si longtemps étouffée sous le boisseau. Les récits de l’histoire, conjugués aux textes de Verlaine, Rimbaud, Louise Michel, Jules Vallès…. ont forgé ce concert-spectacle, ont permis de construire cet objet artistique inclassable, où le slam en anglais de Mike Ladd répond à la prosodie syncopée proférée par David Lescot. Les compositions d’Emmanuel Bex mêlent l’élan de la musique populaire et (surtout dans les mélodies chantées par Élise Caron) les intervalles distendus de la musique contemporaine. La chanteuse nous émeut par ses talents d’interprète, ses gestes, sa présence, et la large palette de sa voix. Et les instrumentistes font vivre intensément le propos musical, et le mouvement collectif emporte l’adhésion, jusqu’à l’émotion la plus profonde. On reste sonné, ébahi et, malgré la gravité du propos, heureux, de ce bonheur qu’offre une vraie belle œuvre d’art.

 

 

Shabaka Hutchings©Maxim FrançoisPhoto©Maxim François

SHABAKA & THE ANCESTORS «Wisdom of Elders»

Shabaka Hutchings (saxophone ténor), Mthunzi Mvubu (saxophone alto), Siyabonga Mthembu (voix), Ariel Zamonsky (contrebasse), Tumi Mogorosi (batterie), Gontse Makhene (percussions)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 15 novembre 2017, 22h30

Il y avait dans le déroulement de ce concert une sorte de fil incantatoire, une pulsation irrépressible qui nous entraîne de séquence en séquence, d’un exposé du sax ténor à sa reprise harmonisée avec l’alto, d’une tournerie frénétique de percussions, attisée par le batteur, à la rage expressive du chanteur, tandis que le contrebassiste, solide et d’apparence impassible, pose une ligne d’une fermeté obsédante. Les séquences se répètent, selon le même schéma : exposé mélodique, exacerbation rythmique, expression paroxystique du(des) saxophone(s). Et la voix du chanteur vient à maintes reprises poser ses motifs obsédants (‘Black Lives Matter’, notamment). Cette récurrence induit une force d’expression, qui au fil du concert s’érode, par l’éternel retour du même. On pense au Pharoah Sanders des années 60, qui pratiquait semblablement, mais en multipliant les thématiques au fil du concert. Ici le leader finit, dans cette répétition de la forme et de la dramaturgie, par nous resservir un chorus presque identique au précédent. À la fin du concert, j’étais partagé : heureux d’avoir enfin entendu en concert ce groupe découvert sur un disque somme toute assez différent, et un peu déçu de cette lassitude naissante, il est vrai un peu aggravée non par l’âge ou la fatigue de l’auditeur, mais par un mixage (pourtant réalisé par le sonorisateur du groupe) qui laissait à désirer, notamment sur la voix du chanteur. L’équipement technique était pourtant impeccable : j’en veux pour preuve la qualité sonore du concert précédent.

Xavier Prévost|Mercredi fut, comme souvent à Nevers, une journée d’une riche diversité où le concert et le spectacle interdisciplinaire dialoguent avec une pertinence rare.

Les Septs Messagers©Maxim François     Photo©Maxim François

LES SEPT MESSAGERS

Gérald Chagnard (mandoline, saxophone baryton, instruments artisanaux, programmation), Patrick Vaillant (mandoline), Vincent Desplanche (illustrations)

Maison de la Culture, salle Lauberty, 15 novembre 2017, 12h15

Une belle idée que de partir de la nouvelle éponyme de Dino Buzzati pour un concert-spectacle. David Chevallier s’y était attelé voici plus de 15 ans avec «Des nouvelles de Buzzati», où un comédien interprétait des extraits d’autres nouvelles, dans un écrin musical conçu par le guitariste. Ici le parti pris est autre : associer des musiques écrites et improvisées à des aquarelles, en temps réel, autour de cette nouvelle qui est une sorte de conte moral et métaphysique sur le temps, le pouvoir et la condition humaine. Les messagers d’un royaume rêvé partent vers les lointains pour découvrir l’au-delà des frontières, revenant de loin en loin rendre compte au Prince avant de se perdre dans l’infini temporel. L’illustrateur, pendant que la musique se joue, dresse les décors successifs d’une narration que l’on devine sans limite : du château sur un promontoire d’où partent les messagers jusqu’au dédale du monde infini, la caravane s’engage sur les sentiers de l’inconnu et traverse des escarpements vertigineux. Les musicens portent ce récit visuel en épousant toutes les musiques du Monde, folklore imaginaire inclus. Entre duos de mandolines et phrasé de saxophone baryton, d’autres instruments prennent la parole : un tuyau de PVC, avec un bec de sax alto et un entonnoir pour pavillon, fait entendre une sonorité proche du doudouk arménien ; une flûte traversière, reconvertie par une embouchure verticale qui se joue comme le ney turc ou persan, apporte une autre couleur. L’ensemble est d’une cohérence extrême et déroule devant nos oreilles et nos yeux une magie narrative sans lourdeur qui sollicite en nous l’émerveillement de l’enfance : l’enfance de l’art en quelque sorte, et même du Grand Art.

 

    HI-HAT BRASS BAND feat. DOVEN

Hi-Hat Brass Band©Maxim François     Photo©Maxim François

     Café Charbon, 15 novembre 2017, 18h30

Le chroniqueur était rivé à son ordinateur pour terminer les chroniques des concerts du 14 novembre, et il a dû zapper le concert. Mais Maxim François, le photographe, était là !

 

 

Elise Caron, D. Lescot, E. Bex©Maxim FrançoisÉlise Caron, David Lescot, Emmanuel Bex Photo©Maxim François

DAVID LESCOT-EMMANUEL BEX «La Chose Commune»

Emmanuel Bex (composition, orgue), David Lescot (texte, mise en scène, voix, trompette), Elise Caron (voix, flûte), Mike Ladd (slam), Géraldine Laurent (saxophone alto), Simon Goubert (batterie). Collaborations artistiques pour le spectacle : Linda Blanchet, François Gauthier Lafaye, Paul Beaureilles, Alexandre Borgia, Sylvette Dequest, Quentin Dulermoz

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 15 novembre 2017, 20h30

Reprise, ou plutôt poursuite d’un spectacle créé au Triton en 2016 et repris à l’Espace Cardin au printemps 2017 par le Théâtre de la Ville, l’un des nombreux coproducteurs. Pour l’avoir vu alors, je dois avouer que l’impression produite fut cette fois encore plus forte. Une gageure, que d’évoquer cette formidable insurrection que le discours officiel a si longtemps étouffée sous le boisseau. Les récits de l’histoire, conjugués aux textes de Verlaine, Rimbaud, Louise Michel, Jules Vallès…. ont forgé ce concert-spectacle, ont permis de construire cet objet artistique inclassable, où le slam en anglais de Mike Ladd répond à la prosodie syncopée proférée par David Lescot. Les compositions d’Emmanuel Bex mêlent l’élan de la musique populaire et (surtout dans les mélodies chantées par Élise Caron) les intervalles distendus de la musique contemporaine. La chanteuse nous émeut par ses talents d’interprète, ses gestes, sa présence, et la large palette de sa voix. Et les instrumentistes font vivre intensément le propos musical, et le mouvement collectif emporte l’adhésion, jusqu’à l’émotion la plus profonde. On reste sonné, ébahi et, malgré la gravité du propos, heureux, de ce bonheur qu’offre une vraie belle œuvre d’art.

 

 

Shabaka Hutchings©Maxim FrançoisPhoto©Maxim François

SHABAKA & THE ANCESTORS «Wisdom of Elders»

Shabaka Hutchings (saxophone ténor), Mthunzi Mvubu (saxophone alto), Siyabonga Mthembu (voix), Ariel Zamonsky (contrebasse), Tumi Mogorosi (batterie), Gontse Makhene (percussions)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 15 novembre 2017, 22h30

Il y avait dans le déroulement de ce concert une sorte de fil incantatoire, une pulsation irrépressible qui nous entraîne de séquence en séquence, d’un exposé du sax ténor à sa reprise harmonisée avec l’alto, d’une tournerie frénétique de percussions, attisée par le batteur, à la rage expressive du chanteur, tandis que le contrebassiste, solide et d’apparence impassible, pose une ligne d’une fermeté obsédante. Les séquences se répètent, selon le même schéma : exposé mélodique, exacerbation rythmique, expression paroxystique du(des) saxophone(s). Et la voix du chanteur vient à maintes reprises poser ses motifs obsédants (‘Black Lives Matter’, notamment). Cette récurrence induit une force d’expression, qui au fil du concert s’érode, par l’éternel retour du même. On pense au Pharoah Sanders des années 60, qui pratiquait semblablement, mais en multipliant les thématiques au fil du concert. Ici le leader finit, dans cette répétition de la forme et de la dramaturgie, par nous resservir un chorus presque identique au précédent. À la fin du concert, j’étais partagé : heureux d’avoir enfin entendu en concert ce groupe découvert sur un disque somme toute assez différent, et un peu déçu de cette lassitude naissante, il est vrai un peu aggravée non par l’âge ou la fatigue de l’auditeur, mais par un mixage (pourtant réalisé par le sonorisateur du groupe) qui laissait à désirer, notamment sur la voix du chanteur. L’équipement technique était pourtant impeccable : j’en veux pour preuve la qualité sonore du concert précédent.

Xavier Prévost|Mercredi fut, comme souvent à Nevers, une journée d’une riche diversité où le concert et le spectacle interdisciplinaire dialoguent avec une pertinence rare.

Les Septs Messagers©Maxim François     Photo©Maxim François

LES SEPT MESSAGERS

Gérald Chagnard (mandoline, saxophone baryton, instruments artisanaux, programmation), Patrick Vaillant (mandoline), Vincent Desplanche (illustrations)

Maison de la Culture, salle Lauberty, 15 novembre 2017, 12h15

Une belle idée que de partir de la nouvelle éponyme de Dino Buzzati pour un concert-spectacle. David Chevallier s’y était attelé voici plus de 15 ans avec «Des nouvelles de Buzzati», où un comédien interprétait des extraits d’autres nouvelles, dans un écrin musical conçu par le guitariste. Ici le parti pris est autre : associer des musiques écrites et improvisées à des aquarelles, en temps réel, autour de cette nouvelle qui est une sorte de conte moral et métaphysique sur le temps, le pouvoir et la condition humaine. Les messagers d’un royaume rêvé partent vers les lointains pour découvrir l’au-delà des frontières, revenant de loin en loin rendre compte au Prince avant de se perdre dans l’infini temporel. L’illustrateur, pendant que la musique se joue, dresse les décors successifs d’une narration que l’on devine sans limite : du château sur un promontoire d’où partent les messagers jusqu’au dédale du monde infini, la caravane s’engage sur les sentiers de l’inconnu et traverse des escarpements vertigineux. Les musicens portent ce récit visuel en épousant toutes les musiques du Monde, folklore imaginaire inclus. Entre duos de mandolines et phrasé de saxophone baryton, d’autres instruments prennent la parole : un tuyau de PVC, avec un bec de sax alto et un entonnoir pour pavillon, fait entendre une sonorité proche du doudouk arménien ; une flûte traversière, reconvertie par une embouchure verticale qui se joue comme le ney turc ou persan, apporte une autre couleur. L’ensemble est d’une cohérence extrême et déroule devant nos oreilles et nos yeux une magie narrative sans lourdeur qui sollicite en nous l’émerveillement de l’enfance : l’enfance de l’art en quelque sorte, et même du Grand Art.

 

    HI-HAT BRASS BAND feat. DOVEN

Hi-Hat Brass Band©Maxim François     Photo©Maxim François

     Café Charbon, 15 novembre 2017, 18h30

Le chroniqueur était rivé à son ordinateur pour terminer les chroniques des concerts du 14 novembre, et il a dû zapper le concert. Mais Maxim François, le photographe, était là !

 

 

Elise Caron, D. Lescot, E. Bex©Maxim FrançoisÉlise Caron, David Lescot, Emmanuel Bex Photo©Maxim François

DAVID LESCOT-EMMANUEL BEX «La Chose Commune»

Emmanuel Bex (composition, orgue), David Lescot (texte, mise en scène, voix, trompette), Elise Caron (voix, flûte), Mike Ladd (slam), Géraldine Laurent (saxophone alto), Simon Goubert (batterie). Collaborations artistiques pour le spectacle : Linda Blanchet, François Gauthier Lafaye, Paul Beaureilles, Alexandre Borgia, Sylvette Dequest, Quentin Dulermoz

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 15 novembre 2017, 20h30

Reprise, ou plutôt poursuite d’un spectacle créé au Triton en 2016 et repris à l’Espace Cardin au printemps 2017 par le Théâtre de la Ville, l’un des nombreux coproducteurs. Pour l’avoir vu alors, je dois avouer que l’impression produite fut cette fois encore plus forte. Une gageure, que d’évoquer cette formidable insurrection que le discours officiel a si longtemps étouffée sous le boisseau. Les récits de l’histoire, conjugués aux textes de Verlaine, Rimbaud, Louise Michel, Jules Vallès…. ont forgé ce concert-spectacle, ont permis de construire cet objet artistique inclassable, où le slam en anglais de Mike Ladd répond à la prosodie syncopée proférée par David Lescot. Les compositions d’Emmanuel Bex mêlent l’élan de la musique populaire et (surtout dans les mélodies chantées par Élise Caron) les intervalles distendus de la musique contemporaine. La chanteuse nous émeut par ses talents d’interprète, ses gestes, sa présence, et la large palette de sa voix. Et les instrumentistes font vivre intensément le propos musical, et le mouvement collectif emporte l’adhésion, jusqu’à l’émotion la plus profonde. On reste sonné, ébahi et, malgré la gravité du propos, heureux, de ce bonheur qu’offre une vraie belle œuvre d’art.

 

 

Shabaka Hutchings©Maxim FrançoisPhoto©Maxim François

SHABAKA & THE ANCESTORS «Wisdom of Elders»

Shabaka Hutchings (saxophone ténor), Mthunzi Mvubu (saxophone alto), Siyabonga Mthembu (voix), Ariel Zamonsky (contrebasse), Tumi Mogorosi (batterie), Gontse Makhene (percussions)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 15 novembre 2017, 22h30

Il y avait dans le déroulement de ce concert une sorte de fil incantatoire, une pulsation irrépressible qui nous entraîne de séquence en séquence, d’un exposé du sax ténor à sa reprise harmonisée avec l’alto, d’une tournerie frénétique de percussions, attisée par le batteur, à la rage expressive du chanteur, tandis que le contrebassiste, solide et d’apparence impassible, pose une ligne d’une fermeté obsédante. Les séquences se répètent, selon le même schéma : exposé mélodique, exacerbation rythmique, expression paroxystique du(des) saxophone(s). Et la voix du chanteur vient à maintes reprises poser ses motifs obsédants (‘Black Lives Matter’, notamment). Cette récurrence induit une force d’expression, qui au fil du concert s’érode, par l’éternel retour du même. On pense au Pharoah Sanders des années 60, qui pratiquait semblablement, mais en multipliant les thématiques au fil du concert. Ici le leader finit, dans cette répétition de la forme et de la dramaturgie, par nous resservir un chorus presque identique au précédent. À la fin du concert, j’étais partagé : heureux d’avoir enfin entendu en concert ce groupe découvert sur un disque somme toute assez différent, et un peu déçu de cette lassitude naissante, il est vrai un peu aggravée non par l’âge ou la fatigue de l’auditeur, mais par un mixage (pourtant réalisé par le sonorisateur du groupe) qui laissait à désirer, notamment sur la voix du chanteur. L’équipement technique était pourtant impeccable : j’en veux pour preuve la qualité sonore du concert précédent.

Xavier Prévost|Mercredi fut, comme souvent à Nevers, une journée d’une riche diversité où le concert et le spectacle interdisciplinaire dialoguent avec une pertinence rare.

Les Septs Messagers©Maxim François     Photo©Maxim François

LES SEPT MESSAGERS

Gérald Chagnard (mandoline, saxophone baryton, instruments artisanaux, programmation), Patrick Vaillant (mandoline), Vincent Desplanche (illustrations)

Maison de la Culture, salle Lauberty, 15 novembre 2017, 12h15

Une belle idée que de partir de la nouvelle éponyme de Dino Buzzati pour un concert-spectacle. David Chevallier s’y était attelé voici plus de 15 ans avec «Des nouvelles de Buzzati», où un comédien interprétait des extraits d’autres nouvelles, dans un écrin musical conçu par le guitariste. Ici le parti pris est autre : associer des musiques écrites et improvisées à des aquarelles, en temps réel, autour de cette nouvelle qui est une sorte de conte moral et métaphysique sur le temps, le pouvoir et la condition humaine. Les messagers d’un royaume rêvé partent vers les lointains pour découvrir l’au-delà des frontières, revenant de loin en loin rendre compte au Prince avant de se perdre dans l’infini temporel. L’illustrateur, pendant que la musique se joue, dresse les décors successifs d’une narration que l’on devine sans limite : du château sur un promontoire d’où partent les messagers jusqu’au dédale du monde infini, la caravane s’engage sur les sentiers de l’inconnu et traverse des escarpements vertigineux. Les musicens portent ce récit visuel en épousant toutes les musiques du Monde, folklore imaginaire inclus. Entre duos de mandolines et phrasé de saxophone baryton, d’autres instruments prennent la parole : un tuyau de PVC, avec un bec de sax alto et un entonnoir pour pavillon, fait entendre une sonorité proche du doudouk arménien ; une flûte traversière, reconvertie par une embouchure verticale qui se joue comme le ney turc ou persan, apporte une autre couleur. L’ensemble est d’une cohérence extrême et déroule devant nos oreilles et nos yeux une magie narrative sans lourdeur qui sollicite en nous l’émerveillement de l’enfance : l’enfance de l’art en quelque sorte, et même du Grand Art.

 

    HI-HAT BRASS BAND feat. DOVEN

Hi-Hat Brass Band©Maxim François     Photo©Maxim François

     Café Charbon, 15 novembre 2017, 18h30

Le chroniqueur était rivé à son ordinateur pour terminer les chroniques des concerts du 14 novembre, et il a dû zapper le concert. Mais Maxim François, le photographe, était là !

 

 

Elise Caron, D. Lescot, E. Bex©Maxim FrançoisÉlise Caron, David Lescot, Emmanuel Bex Photo©Maxim François

DAVID LESCOT-EMMANUEL BEX «La Chose Commune»

Emmanuel Bex (composition, orgue), David Lescot (texte, mise en scène, voix, trompette), Elise Caron (voix, flûte), Mike Ladd (slam), Géraldine Laurent (saxophone alto), Simon Goubert (batterie). Collaborations artistiques pour le spectacle : Linda Blanchet, François Gauthier Lafaye, Paul Beaureilles, Alexandre Borgia, Sylvette Dequest, Quentin Dulermoz

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 15 novembre 2017, 20h30

Reprise, ou plutôt poursuite d’un spectacle créé au Triton en 2016 et repris à l’Espace Cardin au printemps 2017 par le Théâtre de la Ville, l’un des nombreux coproducteurs. Pour l’avoir vu alors, je dois avouer que l’impression produite fut cette fois encore plus forte. Une gageure, que d’évoquer cette formidable insurrection que le discours officiel a si longtemps étouffée sous le boisseau. Les récits de l’histoire, conjugués aux textes de Verlaine, Rimbaud, Louise Michel, Jules Vallès…. ont forgé ce concert-spectacle, ont permis de construire cet objet artistique inclassable, où le slam en anglais de Mike Ladd répond à la prosodie syncopée proférée par David Lescot. Les compositions d’Emmanuel Bex mêlent l’élan de la musique populaire et (surtout dans les mélodies chantées par Élise Caron) les intervalles distendus de la musique contemporaine. La chanteuse nous émeut par ses talents d’interprète, ses gestes, sa présence, et la large palette de sa voix. Et les instrumentistes font vivre intensément le propos musical, et le mouvement collectif emporte l’adhésion, jusqu’à l’émotion la plus profonde. On reste sonné, ébahi et, malgré la gravité du propos, heureux, de ce bonheur qu’offre une vraie belle œuvre d’art.

 

 

Shabaka Hutchings©Maxim FrançoisPhoto©Maxim François

SHABAKA & THE ANCESTORS «Wisdom of Elders»

Shabaka Hutchings (saxophone ténor), Mthunzi Mvubu (saxophone alto), Siyabonga Mthembu (voix), Ariel Zamonsky (contrebasse), Tumi Mogorosi (batterie), Gontse Makhene (percussions)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 15 novembre 2017, 22h30

Il y avait dans le déroulement de ce concert une sorte de fil incantatoire, une pulsation irrépressible qui nous entraîne de séquence en séquence, d’un exposé du sax ténor à sa reprise harmonisée avec l’alto, d’une tournerie frénétique de percussions, attisée par le batteur, à la rage expressive du chanteur, tandis que le contrebassiste, solide et d’apparence impassible, pose une ligne d’une fermeté obsédante. Les séquences se répètent, selon le même schéma : exposé mélodique, exacerbation rythmique, expression paroxystique du(des) saxophone(s). Et la voix du chanteur vient à maintes reprises poser ses motifs obsédants (‘Black Lives Matter’, notamment). Cette récurrence induit une force d’expression, qui au fil du concert s’érode, par l’éternel retour du même. On pense au Pharoah Sanders des années 60, qui pratiquait semblablement, mais en multipliant les thématiques au fil du concert. Ici le leader finit, dans cette répétition de la forme et de la dramaturgie, par nous resservir un chorus presque identique au précédent. À la fin du concert, j’étais partagé : heureux d’avoir enfin entendu en concert ce groupe découvert sur un disque somme toute assez différent, et un peu déçu de cette lassitude naissante, il est vrai un peu aggravée non par l’âge ou la fatigue de l’auditeur, mais par un mixage (pourtant réalisé par le sonorisateur du groupe) qui laissait à désirer, notamment sur la voix du chanteur. L’équipement technique était pourtant impeccable : j’en veux pour preuve la qualité sonore du concert précédent.

Xavier Prévost