Jazz live
Publié le 9 Juil 2017

ESCALE COUCHOISE :  JAZZ à COUCHES 2017

Cette année encore l’infatigable (quoique chenu) chroniqueur fait escale en Pays couchois, pas seulement par atavisme rural mais aussi (et surtout) par goût des festivités musicales à coefficient de convivialité extrême. Escale donc, et pour deux jours, à la 31ème édition pour ce festival enraciné en terre viticole de l’appellation bourgogne-côtes-du-couchois.

Affiches Jazz à CouchesLa source du jazz d’ici est grandement vigneronne : le festival a été fondé par le vibraphoniste Franck Tortiller avec son père (vigneron), le très regretté ‘Mimi’ Tortiller, soutenus par la famille et tous les amis de diverses générations. Une large équipe de bénévoles permet au festival de construire, année après année, cet événement de quatre jours ; et Couches de surcroît dispose d’un big band, amateur et local, où la trésorière de l’association, à la guitare, côtoie trois vignerons saxophonistes (dont le vétéran ‘Fonfons’ , 89 ans, au saxophone alto). Bref le chroniqueur, fils et frère de paysans picards, et d’une famille à ramification vigneronne en Anjou, n’est pas dépaysé dans ce festival de terroir qui s’ouvre chaque année à l’Outre Atlantique tout en faisant la part belle au jazz hexagonal, voire régional. Et la région est féconde, comme  en témoigne la soirée d’ouverture, avec l’OJJB (Orchestre des jeunes jazzmen de Bourgogne), et le big band de Couches.
OJJB
OJJB  : «Ellington»
Alexandre Hérichon & Rémy Béeseau (trompettes), Tom Caudelle (trompette basse), Léo Pellet (trombone), Abel Jednak (saxophone alto), Pierre Bernier (saxophones ténor et soprano), Maxime Berton (saxophone ténor), Yovan Girard (violon), Pierre-Antoine Chaffangeon (claviers), Pierre Elgrisi (guitare basse), Vincent Tortiller (batterie), Franck Tortiller (vibraphone, arrangements et direction)
Couches, 5 juillet 2017, 20h30
Sous le chapiteau dressé à la base de loisirs (et plus précisément sur le stade de rugby Henri Lévitte), c’est l’Orchestre des Jeunes Jazzmen de Bourgogne (OJJB) qui ouvre la ban. L’orchestre existe depuis 8 ans et rassemble des jeunes musiciens de 18 à 25 ans en voie de professionnalisation. Ses membres sont d’ailleurs appelés à devenir, sous une autre dénomination, les membres du prochain orchestre de Franck Tortiller qui devrait enregistrer dans quelques mois une musique originale. Pour ce concert le vibraphoniste avait choisi un répertoire de reprises, en l’occurrence des musiques de Duke Ellington, par lui considérées comme une véritable propédeutique à l’usage des jeunes jazzmen ; répertoire qu’il a adapté par des arrangements compatibles avec la nomenclature particulière de cet orchestre. Le programme commence avec Boy Meets Horns, dans lequel le rôle de Rex Stewart est tenu, brillamment mais à la trompette basse, par Tom Caudelle.
OJJB détail Tom Caudelle trompette basse
Vient ensuite Concerto for Cootie, avec le trompettiste Rémy Béeseau, puis un réarrangement de l’arrangement d’Ellington sur la Danse d’Anitra extraite du Peer Gynt de Grieg. Belle intervention du violoniste Yovan Girard, suivie d’une surprise : de l’ordinateur du chef (d’orchestre….) sort un enregistrement symphonique de cette pièce de Grieg sur lequel, après quelques flottements, Maxime Berton va développer une belle improvisation. La batterie va rompre avec soudaineté l’interlude symphonique pour amener la coda de l’orchestre de jazz, in vivo et in situ. Puis une incursion dans la New Orleans Suite d’Ellington, avec A Portrait Of Louis Armstrong, permettra à Alexandre Hérichon de déployer sa maîtrise et sa créativité, avant un échange en 4/4 avec l’autre trompettiste. La majestueuse intro au clavier de Pierre-Antoine Chaffangeon, pour Sophisticated Lady, sera un peu gâtée par un excès de sonorisation qui oblitèrera en partie les nuances de la transition vers le tutti, mais ne nous privera pas du beau solo de trombone de  Léo Pellet. The Mooche conclura cette première partie avec flamme : belle introduction polyrythmique de Vincent Tortiller, solo de Franck Tortiller (qui n’a pas, loin s’en faut, monopolisé le terrain), belles improvisations de Pierre Bernier au sax soprano, puis du violoniste, avant qu’Abel Jednak ne secoue les harmonies avec audace et pertinence ; un vibrant duo entre le batteur et Alexandre Hérichon conduira vers une coda fiévreuse, conclue avec panache par la batterie. Beau finale pour un riche moment de jazz, de musique tout  simplement, qui laisse bien augurer du devenir de ces jeunes gens dans le prochain orchestre de Franck Tortiller, le MCO Collectiv, qui sera créé à l’occasion de cinq concerts en février à la Scène Nationale Les Gémeaux de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine(http://www.lesgemeaux.com/spectacles/franck-tortiller-mco-collectiv/).
Big Band de Couches
Big Band de Couches, dirigé par Jean Gobinet, avec en invité Richard Arame (voix, guitare)
Couches, 5 juillet 2017, 22h00
Depuis quelques années le trompettiste Jean Gobinet, ami et complice musical de Franck Tortiller, fait régulièrement travailler les musiciens amateurs du big band de Couches. Cette années le choix s’est porté sur le répertoire de Ray Charles, dans les arrangements enregistrés par le big band de la WDR (Westdeutcher Rundfunk, la radio publique de Cologne) avec Maceo Parker. Et pour soliste invité le choix du trompettiste-chef d’orchestre s’est porté sur le chanteur et guitariste Richard Arame, qu’il avait côtoyé au sein du groupe Captain Mercier. Le concert commence avec Let The Good Times Roll et se poursuit avec beaucoup des tubes des premières époques de Ray Charles : I’ve Got a Woman, Busted, Georgia on My Mind, What’d I Say, Hallelujah I Love Her So…. Puis l’orchestre est rejoint par trois chanteuses dans le rôle des Raelettes, pour The Right Time, et aussi Unchain My Heart pour lequel Jean Gobinet embouchera sa trompette. Et en rappel les souffleurs de l’OJJB viennent se joindre à l’orchestre : près de 30 musicien(ne)s sur scène, une chaude ambiance, des solos endiablés en dialogue, l’effervescence est à son comble. Au total un bon moment, où  beaucoup ont pris un solo : chacun(e) avec ses moyens, dans un esprit très collectif où le bonheur de jouer ensemble efface tout esprit de compétition et de performance. Bref l’esprit de Couches : bon, très bon esprit !
le Buloo
Le lendemain, jeudi 6 juillet vers 18h, une visite à la place de la République a permis d’écouter un concert du BULOO, autrement dit le Big-band Unique Libre Oblique & Obstiné, émanation de Jazz en Herbe : c’est une sorte de colo musicale et jazzistique pour adolescents (10-16 ans), dont les anciens continuent de se réunir pour jouer ensemble au sein de ce Buloo, dans un esprit très collectif : les membres du groupe dirigent à tour de rôle, et l’instrumentation hétérodoxe (3 sax alto, 1 ténor, 2 trompettes, 2 trombones, une clarinette, une flûte, 2 claviers, une guitare, une contrebasse, une batterie et un set de percussions) n’empêche pas de faire sonner un répertoire qui musarde au gré des désirs de l’orchestre : Snarky Puppy occupe le terrain, mais des compositions plus confidentielles trouvent aussi leur place. Comme dans le big band de la veille, le niveau des solistes est inégal, mais c’est à la fois la règle et le charme de l’orchestre (d’) amateur(s), d’autant que les ensembles sont bien maîtrisés, joués avec autant de soin et de compétence que de cœur. Là encore, l’esprit de Couches tend à prévaloir (il m’est toujours un peu difficile d’écrire l’esprit prévaut….).
PAC trio
PAC Trio
Pierre-Antoine Chaffangeon (piano), Vincent Girard (contrebasse), Willy Brauner (batterie)
Couches, 6 juillet 2017, 20h15
Le pianiste de Chalon-sur-Saône, qui réside désormais à Lyon, a choisi des partenaires lyonnais pour ce trio. Le groupe est homogène, tant par le niveau instrumental et muscial que par l’esprit prévalent : un vrai sens collectif. Contrairement à bon nombre de jeunes trio, on ne sent pas d’allégeance à tel ou tel pianiste ou trio ‘à la mode’ issu des deux dernières décennies. Pierre-Antoine Chaffangeon montre une belle indépendace des mains, qui lui permet de nourrir, rythmiquement comme harmoniquement, la richesse de son jeu. Willy Brauner, à la batterie, témoigne d’une belle pertinence dans l’accompagnement, et d’un vrai sens de la construction en solo, conjuguant retenue et forte expression. Et Vincent Girard, à la contrebasse, se distingue dans la solidité de l’assise qu’il procure comme dans un beau dialogue avec le piano donné dans un thème que Kenny Kirkland avait composé pour Sting. Le répertoire, outre les compositions du pianiste, emprunte à de jeunes pianistes new-yorkais (dont Julian Shore). Après une étonnante version de I Mean You , thème de Monk défragmenté pour être re-fragmenté de manière différente, sans outrage à Thelonious (et l’exercice, difficile, mérite d’être salué pour sa réussite), le pianiste donnera une composition personnelle très maîtrisée, où la montée en puissance vers des phrases tendues et expressives se résoudra dans l’accalmie finale par une intervention de la contrebasse, jouée à l’archet (avec quelques inflexions micro-tonales involontaires, mais bien des contrebassistes réputés n’en sont pas exempts….). En rappel un thème rapide, fluide et inspiré (qui a ravivé chez moi le souvenir de Corea) a fini de convaincre le public, et le chroniqueur, qu’il y a là un trio, et un pianiste, plus que prometteurs.
Roy Hargrove 5tet
ROY HARGROVE QUINTET
Roy Hargrove (trompette, bugle, voix), Justin Robinson (saxophone alto), Tadakata Unno (piano), Ameen Saleem (contrebasse), Quincy Phillips (batterie)
Couches, 6 juillet 2017, 22h00
Après sa tournée du mois de mai (Paris New Morning, Saint Gaudens…) Roy Hargrove est de retour en Europe. Et de passage au festival de Couches. Le tourneur annonçait Sullivan Fortner au piano, mais c’est (comme en mai) Tadataka Unno : pianiste japonais complet, fantastique dans le soutien comme dans les solos, et qui s’est installé voici une petite dizaine d’année à New York (où il a joué notamment dans le groupe de notre compatriote Clovis Nicolas). Le trompettiste propose en grande partie un nouveau répertoire, assez loin de l’épisode R.H. Factor, mais proche d’une histoire du jazz qui déploie ses ramures du bebop au jazz d’aujourd’hui via le hard bop et les métamorphoses ultérieures. On commence par un thème coup de poing, où Justin Robinson s’aventure avec intrépidité, posant régulièrement ses notes hors de l’harmonie académique tout en en gardant le contrôle (manière de jouer in et out où il excelle). Roy Hargrove lui succède, dans la même urgence : quelques musiciens présents l’on jugé en légère méforme : j’ai quant à moi trouvé la prestation plus qu’honorable. Et le ryhtmique est d’une cohésion exceptionnelle, avec un pianiste présent sur tous les fronts, un bassiste d’un drive impressionnant, et un batteur qui s’aventure sans filet dans de périlleuses polyrythmies où jamais il n’achoppe. Roy Hargove s’octroie quelques pauses, endossant son rôle de crooner (il adore ça!) et usant de la sourdine. Puis l’on repart de plus belle, jusqu’à une ballade en quartette et au bugle, avant de revenir au chant, et d’inviter le public à taper dans les mains (sur le bon temps, s’il vous plaît !). Après un épisode assez binaire, il y aura un rappel up tempo : le trompettiste a encore des réserves, et ses partenaires sont explosifs : peut-être pas le triomphe du soliste-leader, mais bon sang, un sacré concert d’un p….. de bon groupe !
Roy Hargrove jouera du 13 au 15 juillet à Paris au New Morning, le 22 juillet à Toulon, le 23 juillet à Surgères (Charente Maritime), le 3 août à Marciac….
Jam Session
Après le concert de Roy Hargrove, Pierre-Antoine Chaffangeon animait (comme il le fait depuis quelques années) sous un petit chapiteau, près des buvettes, la jam-session : l’esprit des lieux, toujours ! Et le chroniqueur en allé, le festival s’est poursuivi, le 7 et le 8 juillet, avec Jean-Jacques Milteau, Eric Bibb, ‘60% de Matière Grave’, Renaud Garcia-Fons, et quelques autres : l’ouverture et la diversité, revendiquées par Jazz à Couches.
Xavier Prévost

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Cette année encore l’infatigable (quoique chenu) chroniqueur fait escale en Pays couchois, pas seulement par atavisme rural mais aussi (et surtout) par goût des festivités musicales à coefficient de convivialité extrême. Escale donc, et pour deux jours, à la 31ème édition pour ce festival enraciné en terre viticole de l’appellation bourgogne-côtes-du-couchois.

Affiches Jazz à CouchesLa source du jazz d’ici est grandement vigneronne : le festival a été fondé par le vibraphoniste Franck Tortiller avec son père (vigneron), le très regretté ‘Mimi’ Tortiller, soutenus par la famille et tous les amis de diverses générations. Une large équipe de bénévoles permet au festival de construire, année après année, cet événement de quatre jours ; et Couches de surcroît dispose d’un big band, amateur et local, où la trésorière de l’association, à la guitare, côtoie trois vignerons saxophonistes (dont le vétéran ‘Fonfons’ , 89 ans, au saxophone alto). Bref le chroniqueur, fils et frère de paysans picards, et d’une famille à ramification vigneronne en Anjou, n’est pas dépaysé dans ce festival de terroir qui s’ouvre chaque année à l’Outre Atlantique tout en faisant la part belle au jazz hexagonal, voire régional. Et la région est féconde, comme  en témoigne la soirée d’ouverture, avec l’OJJB (Orchestre des jeunes jazzmen de Bourgogne), et le big band de Couches.
OJJB
OJJB  : «Ellington»
Alexandre Hérichon & Rémy Béeseau (trompettes), Tom Caudelle (trompette basse), Léo Pellet (trombone), Abel Jednak (saxophone alto), Pierre Bernier (saxophones ténor et soprano), Maxime Berton (saxophone ténor), Yovan Girard (violon), Pierre-Antoine Chaffangeon (claviers), Pierre Elgrisi (guitare basse), Vincent Tortiller (batterie), Franck Tortiller (vibraphone, arrangements et direction)
Couches, 5 juillet 2017, 20h30
Sous le chapiteau dressé à la base de loisirs (et plus précisément sur le stade de rugby Henri Lévitte), c’est l’Orchestre des Jeunes Jazzmen de Bourgogne (OJJB) qui ouvre la ban. L’orchestre existe depuis 8 ans et rassemble des jeunes musiciens de 18 à 25 ans en voie de professionnalisation. Ses membres sont d’ailleurs appelés à devenir, sous une autre dénomination, les membres du prochain orchestre de Franck Tortiller qui devrait enregistrer dans quelques mois une musique originale. Pour ce concert le vibraphoniste avait choisi un répertoire de reprises, en l’occurrence des musiques de Duke Ellington, par lui considérées comme une véritable propédeutique à l’usage des jeunes jazzmen ; répertoire qu’il a adapté par des arrangements compatibles avec la nomenclature particulière de cet orchestre. Le programme commence avec Boy Meets Horns, dans lequel le rôle de Rex Stewart est tenu, brillamment mais à la trompette basse, par Tom Caudelle.
OJJB détail Tom Caudelle trompette basse
Vient ensuite Concerto for Cootie, avec le trompettiste Rémy Béeseau, puis un réarrangement de l’arrangement d’Ellington sur la Danse d’Anitra extraite du Peer Gynt de Grieg. Belle intervention du violoniste Yovan Girard, suivie d’une surprise : de l’ordinateur du chef (d’orchestre….) sort un enregistrement symphonique de cette pièce de Grieg sur lequel, après quelques flottements, Maxime Berton va développer une belle improvisation. La batterie va rompre avec soudaineté l’interlude symphonique pour amener la coda de l’orchestre de jazz, in vivo et in situ. Puis une incursion dans la New Orleans Suite d’Ellington, avec A Portrait Of Louis Armstrong, permettra à Alexandre Hérichon de déployer sa maîtrise et sa créativité, avant un échange en 4/4 avec l’autre trompettiste. La majestueuse intro au clavier de Pierre-Antoine Chaffangeon, pour Sophisticated Lady, sera un peu gâtée par un excès de sonorisation qui oblitèrera en partie les nuances de la transition vers le tutti, mais ne nous privera pas du beau solo de trombone de  Léo Pellet. The Mooche conclura cette première partie avec flamme : belle introduction polyrythmique de Vincent Tortiller, solo de Franck Tortiller (qui n’a pas, loin s’en faut, monopolisé le terrain), belles improvisations de Pierre Bernier au sax soprano, puis du violoniste, avant qu’Abel Jednak ne secoue les harmonies avec audace et pertinence ; un vibrant duo entre le batteur et Alexandre Hérichon conduira vers une coda fiévreuse, conclue avec panache par la batterie. Beau finale pour un riche moment de jazz, de musique tout  simplement, qui laisse bien augurer du devenir de ces jeunes gens dans le prochain orchestre de Franck Tortiller, le MCO Collectiv, qui sera créé à l’occasion de cinq concerts en février à la Scène Nationale Les Gémeaux de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine(http://www.lesgemeaux.com/spectacles/franck-tortiller-mco-collectiv/).
Big Band de Couches
Big Band de Couches, dirigé par Jean Gobinet, avec en invité Richard Arame (voix, guitare)
Couches, 5 juillet 2017, 22h00
Depuis quelques années le trompettiste Jean Gobinet, ami et complice musical de Franck Tortiller, fait régulièrement travailler les musiciens amateurs du big band de Couches. Cette années le choix s’est porté sur le répertoire de Ray Charles, dans les arrangements enregistrés par le big band de la WDR (Westdeutcher Rundfunk, la radio publique de Cologne) avec Maceo Parker. Et pour soliste invité le choix du trompettiste-chef d’orchestre s’est porté sur le chanteur et guitariste Richard Arame, qu’il avait côtoyé au sein du groupe Captain Mercier. Le concert commence avec Let The Good Times Roll et se poursuit avec beaucoup des tubes des premières époques de Ray Charles : I’ve Got a Woman, Busted, Georgia on My Mind, What’d I Say, Hallelujah I Love Her So…. Puis l’orchestre est rejoint par trois chanteuses dans le rôle des Raelettes, pour The Right Time, et aussi Unchain My Heart pour lequel Jean Gobinet embouchera sa trompette. Et en rappel les souffleurs de l’OJJB viennent se joindre à l’orchestre : près de 30 musicien(ne)s sur scène, une chaude ambiance, des solos endiablés en dialogue, l’effervescence est à son comble. Au total un bon moment, où  beaucoup ont pris un solo : chacun(e) avec ses moyens, dans un esprit très collectif où le bonheur de jouer ensemble efface tout esprit de compétition et de performance. Bref l’esprit de Couches : bon, très bon esprit !
le Buloo
Le lendemain, jeudi 6 juillet vers 18h, une visite à la place de la République a permis d’écouter un concert du BULOO, autrement dit le Big-band Unique Libre Oblique & Obstiné, émanation de Jazz en Herbe : c’est une sorte de colo musicale et jazzistique pour adolescents (10-16 ans), dont les anciens continuent de se réunir pour jouer ensemble au sein de ce Buloo, dans un esprit très collectif : les membres du groupe dirigent à tour de rôle, et l’instrumentation hétérodoxe (3 sax alto, 1 ténor, 2 trompettes, 2 trombones, une clarinette, une flûte, 2 claviers, une guitare, une contrebasse, une batterie et un set de percussions) n’empêche pas de faire sonner un répertoire qui musarde au gré des désirs de l’orchestre : Snarky Puppy occupe le terrain, mais des compositions plus confidentielles trouvent aussi leur place. Comme dans le big band de la veille, le niveau des solistes est inégal, mais c’est à la fois la règle et le charme de l’orchestre (d’) amateur(s), d’autant que les ensembles sont bien maîtrisés, joués avec autant de soin et de compétence que de cœur. Là encore, l’esprit de Couches tend à prévaloir (il m’est toujours un peu difficile d’écrire l’esprit prévaut….).
PAC trio
PAC Trio
Pierre-Antoine Chaffangeon (piano), Vincent Girard (contrebasse), Willy Brauner (batterie)
Couches, 6 juillet 2017, 20h15
Le pianiste de Chalon-sur-Saône, qui réside désormais à Lyon, a choisi des partenaires lyonnais pour ce trio. Le groupe est homogène, tant par le niveau instrumental et muscial que par l’esprit prévalent : un vrai sens collectif. Contrairement à bon nombre de jeunes trio, on ne sent pas d’allégeance à tel ou tel pianiste ou trio ‘à la mode’ issu des deux dernières décennies. Pierre-Antoine Chaffangeon montre une belle indépendace des mains, qui lui permet de nourrir, rythmiquement comme harmoniquement, la richesse de son jeu. Willy Brauner, à la batterie, témoigne d’une belle pertinence dans l’accompagnement, et d’un vrai sens de la construction en solo, conjuguant retenue et forte expression. Et Vincent Girard, à la contrebasse, se distingue dans la solidité de l’assise qu’il procure comme dans un beau dialogue avec le piano donné dans un thème que Kenny Kirkland avait composé pour Sting. Le répertoire, outre les compositions du pianiste, emprunte à de jeunes pianistes new-yorkais (dont Julian Shore). Après une étonnante version de I Mean You , thème de Monk défragmenté pour être re-fragmenté de manière différente, sans outrage à Thelonious (et l’exercice, difficile, mérite d’être salué pour sa réussite), le pianiste donnera une composition personnelle très maîtrisée, où la montée en puissance vers des phrases tendues et expressives se résoudra dans l’accalmie finale par une intervention de la contrebasse, jouée à l’archet (avec quelques inflexions micro-tonales involontaires, mais bien des contrebassistes réputés n’en sont pas exempts….). En rappel un thème rapide, fluide et inspiré (qui a ravivé chez moi le souvenir de Corea) a fini de convaincre le public, et le chroniqueur, qu’il y a là un trio, et un pianiste, plus que prometteurs.
Roy Hargrove 5tet
ROY HARGROVE QUINTET
Roy Hargrove (trompette, bugle, voix), Justin Robinson (saxophone alto), Tadakata Unno (piano), Ameen Saleem (contrebasse), Quincy Phillips (batterie)
Couches, 6 juillet 2017, 22h00
Après sa tournée du mois de mai (Paris New Morning, Saint Gaudens…) Roy Hargrove est de retour en Europe. Et de passage au festival de Couches. Le tourneur annonçait Sullivan Fortner au piano, mais c’est (comme en mai) Tadataka Unno : pianiste japonais complet, fantastique dans le soutien comme dans les solos, et qui s’est installé voici une petite dizaine d’année à New York (où il a joué notamment dans le groupe de notre compatriote Clovis Nicolas). Le trompettiste propose en grande partie un nouveau répertoire, assez loin de l’épisode R.H. Factor, mais proche d’une histoire du jazz qui déploie ses ramures du bebop au jazz d’aujourd’hui via le hard bop et les métamorphoses ultérieures. On commence par un thème coup de poing, où Justin Robinson s’aventure avec intrépidité, posant régulièrement ses notes hors de l’harmonie académique tout en en gardant le contrôle (manière de jouer in et out où il excelle). Roy Hargrove lui succède, dans la même urgence : quelques musiciens présents l’on jugé en légère méforme : j’ai quant à moi trouvé la prestation plus qu’honorable. Et le ryhtmique est d’une cohésion exceptionnelle, avec un pianiste présent sur tous les fronts, un bassiste d’un drive impressionnant, et un batteur qui s’aventure sans filet dans de périlleuses polyrythmies où jamais il n’achoppe. Roy Hargove s’octroie quelques pauses, endossant son rôle de crooner (il adore ça!) et usant de la sourdine. Puis l’on repart de plus belle, jusqu’à une ballade en quartette et au bugle, avant de revenir au chant, et d’inviter le public à taper dans les mains (sur le bon temps, s’il vous plaît !). Après un épisode assez binaire, il y aura un rappel up tempo : le trompettiste a encore des réserves, et ses partenaires sont explosifs : peut-être pas le triomphe du soliste-leader, mais bon sang, un sacré concert d’un p….. de bon groupe !
Roy Hargrove jouera du 13 au 15 juillet à Paris au New Morning, le 22 juillet à Toulon, le 23 juillet à Surgères (Charente Maritime), le 3 août à Marciac….
Jam Session
Après le concert de Roy Hargrove, Pierre-Antoine Chaffangeon animait (comme il le fait depuis quelques années) sous un petit chapiteau, près des buvettes, la jam-session : l’esprit des lieux, toujours ! Et le chroniqueur en allé, le festival s’est poursuivi, le 7 et le 8 juillet, avec Jean-Jacques Milteau, Eric Bibb, ‘60% de Matière Grave’, Renaud Garcia-Fons, et quelques autres : l’ouverture et la diversité, revendiquées par Jazz à Couches.
Xavier Prévost

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Cette année encore l’infatigable (quoique chenu) chroniqueur fait escale en Pays couchois, pas seulement par atavisme rural mais aussi (et surtout) par goût des festivités musicales à coefficient de convivialité extrême. Escale donc, et pour deux jours, à la 31ème édition pour ce festival enraciné en terre viticole de l’appellation bourgogne-côtes-du-couchois.

Affiches Jazz à CouchesLa source du jazz d’ici est grandement vigneronne : le festival a été fondé par le vibraphoniste Franck Tortiller avec son père (vigneron), le très regretté ‘Mimi’ Tortiller, soutenus par la famille et tous les amis de diverses générations. Une large équipe de bénévoles permet au festival de construire, année après année, cet événement de quatre jours ; et Couches de surcroît dispose d’un big band, amateur et local, où la trésorière de l’association, à la guitare, côtoie trois vignerons saxophonistes (dont le vétéran ‘Fonfons’ , 89 ans, au saxophone alto). Bref le chroniqueur, fils et frère de paysans picards, et d’une famille à ramification vigneronne en Anjou, n’est pas dépaysé dans ce festival de terroir qui s’ouvre chaque année à l’Outre Atlantique tout en faisant la part belle au jazz hexagonal, voire régional. Et la région est féconde, comme  en témoigne la soirée d’ouverture, avec l’OJJB (Orchestre des jeunes jazzmen de Bourgogne), et le big band de Couches.
OJJB
OJJB  : «Ellington»
Alexandre Hérichon & Rémy Béeseau (trompettes), Tom Caudelle (trompette basse), Léo Pellet (trombone), Abel Jednak (saxophone alto), Pierre Bernier (saxophones ténor et soprano), Maxime Berton (saxophone ténor), Yovan Girard (violon), Pierre-Antoine Chaffangeon (claviers), Pierre Elgrisi (guitare basse), Vincent Tortiller (batterie), Franck Tortiller (vibraphone, arrangements et direction)
Couches, 5 juillet 2017, 20h30
Sous le chapiteau dressé à la base de loisirs (et plus précisément sur le stade de rugby Henri Lévitte), c’est l’Orchestre des Jeunes Jazzmen de Bourgogne (OJJB) qui ouvre la ban. L’orchestre existe depuis 8 ans et rassemble des jeunes musiciens de 18 à 25 ans en voie de professionnalisation. Ses membres sont d’ailleurs appelés à devenir, sous une autre dénomination, les membres du prochain orchestre de Franck Tortiller qui devrait enregistrer dans quelques mois une musique originale. Pour ce concert le vibraphoniste avait choisi un répertoire de reprises, en l’occurrence des musiques de Duke Ellington, par lui considérées comme une véritable propédeutique à l’usage des jeunes jazzmen ; répertoire qu’il a adapté par des arrangements compatibles avec la nomenclature particulière de cet orchestre. Le programme commence avec Boy Meets Horns, dans lequel le rôle de Rex Stewart est tenu, brillamment mais à la trompette basse, par Tom Caudelle.
OJJB détail Tom Caudelle trompette basse
Vient ensuite Concerto for Cootie, avec le trompettiste Rémy Béeseau, puis un réarrangement de l’arrangement d’Ellington sur la Danse d’Anitra extraite du Peer Gynt de Grieg. Belle intervention du violoniste Yovan Girard, suivie d’une surprise : de l’ordinateur du chef (d’orchestre….) sort un enregistrement symphonique de cette pièce de Grieg sur lequel, après quelques flottements, Maxime Berton va développer une belle improvisation. La batterie va rompre avec soudaineté l’interlude symphonique pour amener la coda de l’orchestre de jazz, in vivo et in situ. Puis une incursion dans la New Orleans Suite d’Ellington, avec A Portrait Of Louis Armstrong, permettra à Alexandre Hérichon de déployer sa maîtrise et sa créativité, avant un échange en 4/4 avec l’autre trompettiste. La majestueuse intro au clavier de Pierre-Antoine Chaffangeon, pour Sophisticated Lady, sera un peu gâtée par un excès de sonorisation qui oblitèrera en partie les nuances de la transition vers le tutti, mais ne nous privera pas du beau solo de trombone de  Léo Pellet. The Mooche conclura cette première partie avec flamme : belle introduction polyrythmique de Vincent Tortiller, solo de Franck Tortiller (qui n’a pas, loin s’en faut, monopolisé le terrain), belles improvisations de Pierre Bernier au sax soprano, puis du violoniste, avant qu’Abel Jednak ne secoue les harmonies avec audace et pertinence ; un vibrant duo entre le batteur et Alexandre Hérichon conduira vers une coda fiévreuse, conclue avec panache par la batterie. Beau finale pour un riche moment de jazz, de musique tout  simplement, qui laisse bien augurer du devenir de ces jeunes gens dans le prochain orchestre de Franck Tortiller, le MCO Collectiv, qui sera créé à l’occasion de cinq concerts en février à la Scène Nationale Les Gémeaux de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine(http://www.lesgemeaux.com/spectacles/franck-tortiller-mco-collectiv/).
Big Band de Couches
Big Band de Couches, dirigé par Jean Gobinet, avec en invité Richard Arame (voix, guitare)
Couches, 5 juillet 2017, 22h00
Depuis quelques années le trompettiste Jean Gobinet, ami et complice musical de Franck Tortiller, fait régulièrement travailler les musiciens amateurs du big band de Couches. Cette années le choix s’est porté sur le répertoire de Ray Charles, dans les arrangements enregistrés par le big band de la WDR (Westdeutcher Rundfunk, la radio publique de Cologne) avec Maceo Parker. Et pour soliste invité le choix du trompettiste-chef d’orchestre s’est porté sur le chanteur et guitariste Richard Arame, qu’il avait côtoyé au sein du groupe Captain Mercier. Le concert commence avec Let The Good Times Roll et se poursuit avec beaucoup des tubes des premières époques de Ray Charles : I’ve Got a Woman, Busted, Georgia on My Mind, What’d I Say, Hallelujah I Love Her So…. Puis l’orchestre est rejoint par trois chanteuses dans le rôle des Raelettes, pour The Right Time, et aussi Unchain My Heart pour lequel Jean Gobinet embouchera sa trompette. Et en rappel les souffleurs de l’OJJB viennent se joindre à l’orchestre : près de 30 musicien(ne)s sur scène, une chaude ambiance, des solos endiablés en dialogue, l’effervescence est à son comble. Au total un bon moment, où  beaucoup ont pris un solo : chacun(e) avec ses moyens, dans un esprit très collectif où le bonheur de jouer ensemble efface tout esprit de compétition et de performance. Bref l’esprit de Couches : bon, très bon esprit !
le Buloo
Le lendemain, jeudi 6 juillet vers 18h, une visite à la place de la République a permis d’écouter un concert du BULOO, autrement dit le Big-band Unique Libre Oblique & Obstiné, émanation de Jazz en Herbe : c’est une sorte de colo musicale et jazzistique pour adolescents (10-16 ans), dont les anciens continuent de se réunir pour jouer ensemble au sein de ce Buloo, dans un esprit très collectif : les membres du groupe dirigent à tour de rôle, et l’instrumentation hétérodoxe (3 sax alto, 1 ténor, 2 trompettes, 2 trombones, une clarinette, une flûte, 2 claviers, une guitare, une contrebasse, une batterie et un set de percussions) n’empêche pas de faire sonner un répertoire qui musarde au gré des désirs de l’orchestre : Snarky Puppy occupe le terrain, mais des compositions plus confidentielles trouvent aussi leur place. Comme dans le big band de la veille, le niveau des solistes est inégal, mais c’est à la fois la règle et le charme de l’orchestre (d’) amateur(s), d’autant que les ensembles sont bien maîtrisés, joués avec autant de soin et de compétence que de cœur. Là encore, l’esprit de Couches tend à prévaloir (il m’est toujours un peu difficile d’écrire l’esprit prévaut….).
PAC trio
PAC Trio
Pierre-Antoine Chaffangeon (piano), Vincent Girard (contrebasse), Willy Brauner (batterie)
Couches, 6 juillet 2017, 20h15
Le pianiste de Chalon-sur-Saône, qui réside désormais à Lyon, a choisi des partenaires lyonnais pour ce trio. Le groupe est homogène, tant par le niveau instrumental et muscial que par l’esprit prévalent : un vrai sens collectif. Contrairement à bon nombre de jeunes trio, on ne sent pas d’allégeance à tel ou tel pianiste ou trio ‘à la mode’ issu des deux dernières décennies. Pierre-Antoine Chaffangeon montre une belle indépendace des mains, qui lui permet de nourrir, rythmiquement comme harmoniquement, la richesse de son jeu. Willy Brauner, à la batterie, témoigne d’une belle pertinence dans l’accompagnement, et d’un vrai sens de la construction en solo, conjuguant retenue et forte expression. Et Vincent Girard, à la contrebasse, se distingue dans la solidité de l’assise qu’il procure comme dans un beau dialogue avec le piano donné dans un thème que Kenny Kirkland avait composé pour Sting. Le répertoire, outre les compositions du pianiste, emprunte à de jeunes pianistes new-yorkais (dont Julian Shore). Après une étonnante version de I Mean You , thème de Monk défragmenté pour être re-fragmenté de manière différente, sans outrage à Thelonious (et l’exercice, difficile, mérite d’être salué pour sa réussite), le pianiste donnera une composition personnelle très maîtrisée, où la montée en puissance vers des phrases tendues et expressives se résoudra dans l’accalmie finale par une intervention de la contrebasse, jouée à l’archet (avec quelques inflexions micro-tonales involontaires, mais bien des contrebassistes réputés n’en sont pas exempts….). En rappel un thème rapide, fluide et inspiré (qui a ravivé chez moi le souvenir de Corea) a fini de convaincre le public, et le chroniqueur, qu’il y a là un trio, et un pianiste, plus que prometteurs.
Roy Hargrove 5tet
ROY HARGROVE QUINTET
Roy Hargrove (trompette, bugle, voix), Justin Robinson (saxophone alto), Tadakata Unno (piano), Ameen Saleem (contrebasse), Quincy Phillips (batterie)
Couches, 6 juillet 2017, 22h00
Après sa tournée du mois de mai (Paris New Morning, Saint Gaudens…) Roy Hargrove est de retour en Europe. Et de passage au festival de Couches. Le tourneur annonçait Sullivan Fortner au piano, mais c’est (comme en mai) Tadataka Unno : pianiste japonais complet, fantastique dans le soutien comme dans les solos, et qui s’est installé voici une petite dizaine d’année à New York (où il a joué notamment dans le groupe de notre compatriote Clovis Nicolas). Le trompettiste propose en grande partie un nouveau répertoire, assez loin de l’épisode R.H. Factor, mais proche d’une histoire du jazz qui déploie ses ramures du bebop au jazz d’aujourd’hui via le hard bop et les métamorphoses ultérieures. On commence par un thème coup de poing, où Justin Robinson s’aventure avec intrépidité, posant régulièrement ses notes hors de l’harmonie académique tout en en gardant le contrôle (manière de jouer in et out où il excelle). Roy Hargrove lui succède, dans la même urgence : quelques musiciens présents l’on jugé en légère méforme : j’ai quant à moi trouvé la prestation plus qu’honorable. Et le ryhtmique est d’une cohésion exceptionnelle, avec un pianiste présent sur tous les fronts, un bassiste d’un drive impressionnant, et un batteur qui s’aventure sans filet dans de périlleuses polyrythmies où jamais il n’achoppe. Roy Hargove s’octroie quelques pauses, endossant son rôle de crooner (il adore ça!) et usant de la sourdine. Puis l’on repart de plus belle, jusqu’à une ballade en quartette et au bugle, avant de revenir au chant, et d’inviter le public à taper dans les mains (sur le bon temps, s’il vous plaît !). Après un épisode assez binaire, il y aura un rappel up tempo : le trompettiste a encore des réserves, et ses partenaires sont explosifs : peut-être pas le triomphe du soliste-leader, mais bon sang, un sacré concert d’un p….. de bon groupe !
Roy Hargrove jouera du 13 au 15 juillet à Paris au New Morning, le 22 juillet à Toulon, le 23 juillet à Surgères (Charente Maritime), le 3 août à Marciac….
Jam Session
Après le concert de Roy Hargrove, Pierre-Antoine Chaffangeon animait (comme il le fait depuis quelques années) sous un petit chapiteau, près des buvettes, la jam-session : l’esprit des lieux, toujours ! Et le chroniqueur en allé, le festival s’est poursuivi, le 7 et le 8 juillet, avec Jean-Jacques Milteau, Eric Bibb, ‘60% de Matière Grave’, Renaud Garcia-Fons, et quelques autres : l’ouverture et la diversité, revendiquées par Jazz à Couches.
Xavier Prévost

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Cette année encore l’infatigable (quoique chenu) chroniqueur fait escale en Pays couchois, pas seulement par atavisme rural mais aussi (et surtout) par goût des festivités musicales à coefficient de convivialité extrême. Escale donc, et pour deux jours, à la 31ème édition pour ce festival enraciné en terre viticole de l’appellation bourgogne-côtes-du-couchois.

Affiches Jazz à CouchesLa source du jazz d’ici est grandement vigneronne : le festival a été fondé par le vibraphoniste Franck Tortiller avec son père (vigneron), le très regretté ‘Mimi’ Tortiller, soutenus par la famille et tous les amis de diverses générations. Une large équipe de bénévoles permet au festival de construire, année après année, cet événement de quatre jours ; et Couches de surcroît dispose d’un big band, amateur et local, où la trésorière de l’association, à la guitare, côtoie trois vignerons saxophonistes (dont le vétéran ‘Fonfons’ , 89 ans, au saxophone alto). Bref le chroniqueur, fils et frère de paysans picards, et d’une famille à ramification vigneronne en Anjou, n’est pas dépaysé dans ce festival de terroir qui s’ouvre chaque année à l’Outre Atlantique tout en faisant la part belle au jazz hexagonal, voire régional. Et la région est féconde, comme  en témoigne la soirée d’ouverture, avec l’OJJB (Orchestre des jeunes jazzmen de Bourgogne), et le big band de Couches.
OJJB
OJJB  : «Ellington»
Alexandre Hérichon & Rémy Béeseau (trompettes), Tom Caudelle (trompette basse), Léo Pellet (trombone), Abel Jednak (saxophone alto), Pierre Bernier (saxophones ténor et soprano), Maxime Berton (saxophone ténor), Yovan Girard (violon), Pierre-Antoine Chaffangeon (claviers), Pierre Elgrisi (guitare basse), Vincent Tortiller (batterie), Franck Tortiller (vibraphone, arrangements et direction)
Couches, 5 juillet 2017, 20h30
Sous le chapiteau dressé à la base de loisirs (et plus précisément sur le stade de rugby Henri Lévitte), c’est l’Orchestre des Jeunes Jazzmen de Bourgogne (OJJB) qui ouvre la ban. L’orchestre existe depuis 8 ans et rassemble des jeunes musiciens de 18 à 25 ans en voie de professionnalisation. Ses membres sont d’ailleurs appelés à devenir, sous une autre dénomination, les membres du prochain orchestre de Franck Tortiller qui devrait enregistrer dans quelques mois une musique originale. Pour ce concert le vibraphoniste avait choisi un répertoire de reprises, en l’occurrence des musiques de Duke Ellington, par lui considérées comme une véritable propédeutique à l’usage des jeunes jazzmen ; répertoire qu’il a adapté par des arrangements compatibles avec la nomenclature particulière de cet orchestre. Le programme commence avec Boy Meets Horns, dans lequel le rôle de Rex Stewart est tenu, brillamment mais à la trompette basse, par Tom Caudelle.
OJJB détail Tom Caudelle trompette basse
Vient ensuite Concerto for Cootie, avec le trompettiste Rémy Béeseau, puis un réarrangement de l’arrangement d’Ellington sur la Danse d’Anitra extraite du Peer Gynt de Grieg. Belle intervention du violoniste Yovan Girard, suivie d’une surprise : de l’ordinateur du chef (d’orchestre….) sort un enregistrement symphonique de cette pièce de Grieg sur lequel, après quelques flottements, Maxime Berton va développer une belle improvisation. La batterie va rompre avec soudaineté l’interlude symphonique pour amener la coda de l’orchestre de jazz, in vivo et in situ. Puis une incursion dans la New Orleans Suite d’Ellington, avec A Portrait Of Louis Armstrong, permettra à Alexandre Hérichon de déployer sa maîtrise et sa créativité, avant un échange en 4/4 avec l’autre trompettiste. La majestueuse intro au clavier de Pierre-Antoine Chaffangeon, pour Sophisticated Lady, sera un peu gâtée par un excès de sonorisation qui oblitèrera en partie les nuances de la transition vers le tutti, mais ne nous privera pas du beau solo de trombone de  Léo Pellet. The Mooche conclura cette première partie avec flamme : belle introduction polyrythmique de Vincent Tortiller, solo de Franck Tortiller (qui n’a pas, loin s’en faut, monopolisé le terrain), belles improvisations de Pierre Bernier au sax soprano, puis du violoniste, avant qu’Abel Jednak ne secoue les harmonies avec audace et pertinence ; un vibrant duo entre le batteur et Alexandre Hérichon conduira vers une coda fiévreuse, conclue avec panache par la batterie. Beau finale pour un riche moment de jazz, de musique tout  simplement, qui laisse bien augurer du devenir de ces jeunes gens dans le prochain orchestre de Franck Tortiller, le MCO Collectiv, qui sera créé à l’occasion de cinq concerts en février à la Scène Nationale Les Gémeaux de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine(http://www.lesgemeaux.com/spectacles/franck-tortiller-mco-collectiv/).
Big Band de Couches
Big Band de Couches, dirigé par Jean Gobinet, avec en invité Richard Arame (voix, guitare)
Couches, 5 juillet 2017, 22h00
Depuis quelques années le trompettiste Jean Gobinet, ami et complice musical de Franck Tortiller, fait régulièrement travailler les musiciens amateurs du big band de Couches. Cette années le choix s’est porté sur le répertoire de Ray Charles, dans les arrangements enregistrés par le big band de la WDR (Westdeutcher Rundfunk, la radio publique de Cologne) avec Maceo Parker. Et pour soliste invité le choix du trompettiste-chef d’orchestre s’est porté sur le chanteur et guitariste Richard Arame, qu’il avait côtoyé au sein du groupe Captain Mercier. Le concert commence avec Let The Good Times Roll et se poursuit avec beaucoup des tubes des premières époques de Ray Charles : I’ve Got a Woman, Busted, Georgia on My Mind, What’d I Say, Hallelujah I Love Her So…. Puis l’orchestre est rejoint par trois chanteuses dans le rôle des Raelettes, pour The Right Time, et aussi Unchain My Heart pour lequel Jean Gobinet embouchera sa trompette. Et en rappel les souffleurs de l’OJJB viennent se joindre à l’orchestre : près de 30 musicien(ne)s sur scène, une chaude ambiance, des solos endiablés en dialogue, l’effervescence est à son comble. Au total un bon moment, où  beaucoup ont pris un solo : chacun(e) avec ses moyens, dans un esprit très collectif où le bonheur de jouer ensemble efface tout esprit de compétition et de performance. Bref l’esprit de Couches : bon, très bon esprit !
le Buloo
Le lendemain, jeudi 6 juillet vers 18h, une visite à la place de la République a permis d’écouter un concert du BULOO, autrement dit le Big-band Unique Libre Oblique & Obstiné, émanation de Jazz en Herbe : c’est une sorte de colo musicale et jazzistique pour adolescents (10-16 ans), dont les anciens continuent de se réunir pour jouer ensemble au sein de ce Buloo, dans un esprit très collectif : les membres du groupe dirigent à tour de rôle, et l’instrumentation hétérodoxe (3 sax alto, 1 ténor, 2 trompettes, 2 trombones, une clarinette, une flûte, 2 claviers, une guitare, une contrebasse, une batterie et un set de percussions) n’empêche pas de faire sonner un répertoire qui musarde au gré des désirs de l’orchestre : Snarky Puppy occupe le terrain, mais des compositions plus confidentielles trouvent aussi leur place. Comme dans le big band de la veille, le niveau des solistes est inégal, mais c’est à la fois la règle et le charme de l’orchestre (d’) amateur(s), d’autant que les ensembles sont bien maîtrisés, joués avec autant de soin et de compétence que de cœur. Là encore, l’esprit de Couches tend à prévaloir (il m’est toujours un peu difficile d’écrire l’esprit prévaut….).
PAC trio
PAC Trio
Pierre-Antoine Chaffangeon (piano), Vincent Girard (contrebasse), Willy Brauner (batterie)
Couches, 6 juillet 2017, 20h15
Le pianiste de Chalon-sur-Saône, qui réside désormais à Lyon, a choisi des partenaires lyonnais pour ce trio. Le groupe est homogène, tant par le niveau instrumental et muscial que par l’esprit prévalent : un vrai sens collectif. Contrairement à bon nombre de jeunes trio, on ne sent pas d’allégeance à tel ou tel pianiste ou trio ‘à la mode’ issu des deux dernières décennies. Pierre-Antoine Chaffangeon montre une belle indépendace des mains, qui lui permet de nourrir, rythmiquement comme harmoniquement, la richesse de son jeu. Willy Brauner, à la batterie, témoigne d’une belle pertinence dans l’accompagnement, et d’un vrai sens de la construction en solo, conjuguant retenue et forte expression. Et Vincent Girard, à la contrebasse, se distingue dans la solidité de l’assise qu’il procure comme dans un beau dialogue avec le piano donné dans un thème que Kenny Kirkland avait composé pour Sting. Le répertoire, outre les compositions du pianiste, emprunte à de jeunes pianistes new-yorkais (dont Julian Shore). Après une étonnante version de I Mean You , thème de Monk défragmenté pour être re-fragmenté de manière différente, sans outrage à Thelonious (et l’exercice, difficile, mérite d’être salué pour sa réussite), le pianiste donnera une composition personnelle très maîtrisée, où la montée en puissance vers des phrases tendues et expressives se résoudra dans l’accalmie finale par une intervention de la contrebasse, jouée à l’archet (avec quelques inflexions micro-tonales involontaires, mais bien des contrebassistes réputés n’en sont pas exempts….). En rappel un thème rapide, fluide et inspiré (qui a ravivé chez moi le souvenir de Corea) a fini de convaincre le public, et le chroniqueur, qu’il y a là un trio, et un pianiste, plus que prometteurs.
Roy Hargrove 5tet
ROY HARGROVE QUINTET
Roy Hargrove (trompette, bugle, voix), Justin Robinson (saxophone alto), Tadakata Unno (piano), Ameen Saleem (contrebasse), Quincy Phillips (batterie)
Couches, 6 juillet 2017, 22h00
Après sa tournée du mois de mai (Paris New Morning, Saint Gaudens…) Roy Hargrove est de retour en Europe. Et de passage au festival de Couches. Le tourneur annonçait Sullivan Fortner au piano, mais c’est (comme en mai) Tadataka Unno : pianiste japonais complet, fantastique dans le soutien comme dans les solos, et qui s’est installé voici une petite dizaine d’année à New York (où il a joué notamment dans le groupe de notre compatriote Clovis Nicolas). Le trompettiste propose en grande partie un nouveau répertoire, assez loin de l’épisode R.H. Factor, mais proche d’une histoire du jazz qui déploie ses ramures du bebop au jazz d’aujourd’hui via le hard bop et les métamorphoses ultérieures. On commence par un thème coup de poing, où Justin Robinson s’aventure avec intrépidité, posant régulièrement ses notes hors de l’harmonie académique tout en en gardant le contrôle (manière de jouer in et out où il excelle). Roy Hargrove lui succède, dans la même urgence : quelques musiciens présents l’on jugé en légère méforme : j’ai quant à moi trouvé la prestation plus qu’honorable. Et le ryhtmique est d’une cohésion exceptionnelle, avec un pianiste présent sur tous les fronts, un bassiste d’un drive impressionnant, et un batteur qui s’aventure sans filet dans de périlleuses polyrythmies où jamais il n’achoppe. Roy Hargove s’octroie quelques pauses, endossant son rôle de crooner (il adore ça!) et usant de la sourdine. Puis l’on repart de plus belle, jusqu’à une ballade en quartette et au bugle, avant de revenir au chant, et d’inviter le public à taper dans les mains (sur le bon temps, s’il vous plaît !). Après un épisode assez binaire, il y aura un rappel up tempo : le trompettiste a encore des réserves, et ses partenaires sont explosifs : peut-être pas le triomphe du soliste-leader, mais bon sang, un sacré concert d’un p….. de bon groupe !
Roy Hargrove jouera du 13 au 15 juillet à Paris au New Morning, le 22 juillet à Toulon, le 23 juillet à Surgères (Charente Maritime), le 3 août à Marciac….
Jam Session
Après le concert de Roy Hargrove, Pierre-Antoine Chaffangeon animait (comme il le fait depuis quelques années) sous un petit chapiteau, près des buvettes, la jam-session : l’esprit des lieux, toujours ! Et le chroniqueur en allé, le festival s’est poursuivi, le 7 et le 8 juillet, avec Jean-Jacques Milteau, Eric Bibb, ‘60% de Matière Grave’, Renaud Garcia-Fons, et quelques autres : l’ouverture et la diversité, revendiquées par Jazz à Couches.
Xavier Prévost