Jazz live
Publié le 22 Mai 2016

Hurrah pour Marracuja!

maracuja@AcAlvoet2016 7
Mardi dernier, au Sunset, Marracuja a livré une prestation joyeuse et exubérante à l’occasion de la sortie de son premier disque: Imaginarium.

Marracuja, avec Amina Mezaache (flûtes et compositions), Fabien Debellefontaine (tuba et flûte), Jean-Baptiste Court (guitare) , Jonathan Edo (batterie) mardi 17 mai 2016, Le Sunset 75004 Paris.

Versez dans un chaudron de gros bouillons d’Hermeto Pascoal, des rasades de Chorro, de forro et autres ingrédients empruntés à l’infinie richesse du patrimoine musical brésilien, ajoutez quelques effluves de musique africaine, une pincée de de musique répétitive, n’oubliez pas les copeaux de jazz, tournez, faîtes cuire à feu vif, et vous aurez une petite idée de ce qu’est la joyeuse musique défendue par le groupe Marracuja.
J’avais eu l’occasion d’écouter le disque de ce groupe il y a un mois et avais été impressionné non seulement par l’inventivité et l’exubérance qui s’en dégagent, mais par le sentiment de complétude qu’il me procurait. C’est comme si toute la palette sensorielle de mon oreille était satisfaite par ces quatre musiciens. J’avais l’impression (ressentie en écoutant des big bands en live) de recevoir tous les éléments essentiels, l’eau, la terre, l’air, le feu. A y réfléchir cinq minutes, ce sentiment vient sans doute de cette idée épatante de mettre au coeur de cette musique la délicatesse ailée de la flûte et l’ampleur tellurique du tuba (ou du sousaphone sur le disque). Cette complémentarité entre ces deux instruments si différents ne serait rien sans le talent de deux musiciens Amina Mezaache (flûtes) et Fabien Debellefontaine (tuba, mais aussis flûte sur un ou deux morceaux).
maracuja@AcAlvoet2016 6

Commençons par ce dernier. Il est le socle de cette musique. C’est une véritable fontaine à groover. Les basses qu’il propulse à l’aide de son tuba sont somptueuses. Elles sont de plus de nature très variées: basses un peu caoutchoutées, où il prend la note un peu en dessous, basses comme des clapotis de la lave, ou basses dorées à l’or fin. Il sait faire aussi (c’est ce que je préfère) des basses en petites rafales qui sont irrésistibles. Avec un tel tigre dans la moteur, la musique peut voyager. Amina Mezaache et Jean-Baptiste Court s’appuient sur ces basses (ou plutôt se laissent porter par elle) pour édifier leurs constructions sonores.
C’est par un hommage à Hermeto Pascoal, Hermetophilie, que le concert a commencé. La flÛtiste Amina Mezaache commence toute seule, avec une belle introduction à la flûte, qui est en même temps une sorte de petit manifeste esthétique, car elle montre les ressources de cet instrument, avec des effets de diphonie, de joué-chanté, de percussions, bref elle montre qu’on peut donner à la flûte un aspect polyphonique, grouillant, exubérant, chaleureux.

maracuja2@AcAlvoet2016

Ensuite, les autres musiciens rentrent, et l’on ressent très fortement cette complémentarité flûte-tuba que je viens d’évoquer, et qui est au coeur de cette musique. Le morceau emprunte une route sinueuse. Les configurations de jeu sont variées et évolutives, avec un bon équilibre entre les passages écrits et les improvisations.
Quelques morceaux plus tard, le groupe joue un de ses titres les plus irrésistibles, Dantão, inspiré du forro, musique de bal brésilienne. Ce morceau fait l’effet d’un manège sur un enfant de six ans. On a envie de faire et de refaire des tours, avec ce refrain communicatif qui lorsqu’il revient crée une joie enfantine. Amina Mezaache, bien calée sur les grognements telluriques du tuba (et sur la batterie de Jonatha Edo, parfait) délivre des traits rapides, vifs, incisifs. C’est très réussi.

maracuja@AcAlvoet2016 4

Parmi les très beaux moments de ce concert, je voudrais mentionner « Piferie » qui plonge l’auditeur dans une ambiance un peu différente. Le nom vient d’un instrument traditionnel brésilien, une flûte en bambou dont Amina Mezaache précise qu’elle est accordée en la bémol un quart de ton. Le morceau amène une sorte de poésie un peu suspendue, tout à coup on a l’impression d’être dans un désert quelques minutes avant le lever du jour, puis tous les instruments rentrent et alors tout change, ça jacasse de partout, on se retrouve tout-à-coup dans un marché africain ou oriental.
Axê est un autre morceau que je voudrais évoquer. Il est inspiré par les musiques répétitives sans verser jamais dans l’abstraction. Fabien Debellefontaine se change en éléphant, que dis-je en horde d’éléphants, il émet des basses énormes et barrissantes, on croirait qu’il va charger, je me surprends même à repousser mon siège de quelques centimètres. Le temps me manque pour tout dire, mais le concert se termine par deux moments magiques, un chorro (sorte de musique savante emprunté à la musique portugaise) de Pixinguinha joué la main sur le coeur, en soulignant le côté gracieux et suranné, et si émouvant de cette musique, et, dans un registre très différent, Blincadera , qui est une sorte de petite folie dans laquelle Amina Mezaache a dispersé des éléments monkiens.
maracuja1@AcAlvoet2016

Un dernier mot pour dire tout le bien que je pense du guitariste jean-Baptiste Court. Si tuba et flûte se complètent formidablement, ça fonctionne aussi très bien entre la guitare et le tuba. Ils s’autorisent quelques beaux moments en duo (ou en trio avec Jonathan Edo, à la batterie) où la musique respire différemment, plus sereinement peut-être. Jean-Baptiste Court délivre par ailleurs, quelques chorus très denses et incisifs. J’aime beaucoup l’architecture de ses phrases, je ne sais quelle est sa formation musicale mais j’imagine en l’écoutant un Django Reinhardt parachuté dans la forêt amazonienne…
La musique est à l’image du paysage de forêt tropicale qui orne la pochette du disque Imaginarium (et qui est dû à Quentin Schwab, frère de Raphaël, musicien formidable): elle est luxuriante, pleine de fruits colorés gorgés de sucs et de saveurs.

Plume: JF Mondot
Pinceau: Annie-Claire Alvoët
(autres dessins de jazzmen sur son site www.annie-claire.com. L’artiste étant par ailleurs plasticienne, on peut découvrir ses peintures sur son site, ou mieux, dans sa nouvelle exposition à partir du 27 mai à l’abbaye Saint-Léger de Soissons en compagnie d’un collectif d’artistes)
|maracuja@AcAlvoet2016 7
Mardi dernier, au Sunset, Marracuja a livré une prestation joyeuse et exubérante à l’occasion de la sortie de son premier disque: Imaginarium.

Marracuja, avec Amina Mezaache (flûtes et compositions), Fabien Debellefontaine (tuba et flûte), Jean-Baptiste Court (guitare) , Jonathan Edo (batterie) mardi 17 mai 2016, Le Sunset 75004 Paris.

Versez dans un chaudron de gros bouillons d’Hermeto Pascoal, des rasades de Chorro, de forro et autres ingrédients empruntés à l’infinie richesse du patrimoine musical brésilien, ajoutez quelques effluves de musique africaine, une pincée de de musique répétitive, n’oubliez pas les copeaux de jazz, tournez, faîtes cuire à feu vif, et vous aurez une petite idée de ce qu’est la joyeuse musique défendue par le groupe Marracuja.
J’avais eu l’occasion d’écouter le disque de ce groupe il y a un mois et avais été impressionné non seulement par l’inventivité et l’exubérance qui s’en dégagent, mais par le sentiment de complétude qu’il me procurait. C’est comme si toute la palette sensorielle de mon oreille était satisfaite par ces quatre musiciens. J’avais l’impression (ressentie en écoutant des big bands en live) de recevoir tous les éléments essentiels, l’eau, la terre, l’air, le feu. A y réfléchir cinq minutes, ce sentiment vient sans doute de cette idée épatante de mettre au coeur de cette musique la délicatesse ailée de la flûte et l’ampleur tellurique du tuba (ou du sousaphone sur le disque). Cette complémentarité entre ces deux instruments si différents ne serait rien sans le talent de deux musiciens Amina Mezaache (flûtes) et Fabien Debellefontaine (tuba, mais aussis flûte sur un ou deux morceaux).
maracuja@AcAlvoet2016 6

Commençons par ce dernier. Il est le socle de cette musique. C’est une véritable fontaine à groover. Les basses qu’il propulse à l’aide de son tuba sont somptueuses. Elles sont de plus de nature très variées: basses un peu caoutchoutées, où il prend la note un peu en dessous, basses comme des clapotis de la lave, ou basses dorées à l’or fin. Il sait faire aussi (c’est ce que je préfère) des basses en petites rafales qui sont irrésistibles. Avec un tel tigre dans la moteur, la musique peut voyager. Amina Mezaache et Jean-Baptiste Court s’appuient sur ces basses (ou plutôt se laissent porter par elle) pour édifier leurs constructions sonores.
C’est par un hommage à Hermeto Pascoal, Hermetophilie, que le concert a commencé. La flÛtiste Amina Mezaache commence toute seule, avec une belle introduction à la flûte, qui est en même temps une sorte de petit manifeste esthétique, car elle montre les ressources de cet instrument, avec des effets de diphonie, de joué-chanté, de percussions, bref elle montre qu’on peut donner à la flûte un aspect polyphonique, grouillant, exubérant, chaleureux.

maracuja2@AcAlvoet2016

Ensuite, les autres musiciens rentrent, et l’on ressent très fortement cette complémentarité flûte-tuba que je viens d’évoquer, et qui est au coeur de cette musique. Le morceau emprunte une route sinueuse. Les configurations de jeu sont variées et évolutives, avec un bon équilibre entre les passages écrits et les improvisations.
Quelques morceaux plus tard, le groupe joue un de ses titres les plus irrésistibles, Dantão, inspiré du forro, musique de bal brésilienne. Ce morceau fait l’effet d’un manège sur un enfant de six ans. On a envie de faire et de refaire des tours, avec ce refrain communicatif qui lorsqu’il revient crée une joie enfantine. Amina Mezaache, bien calée sur les grognements telluriques du tuba (et sur la batterie de Jonatha Edo, parfait) délivre des traits rapides, vifs, incisifs. C’est très réussi.

maracuja@AcAlvoet2016 4

Parmi les très beaux moments de ce concert, je voudrais mentionner « Piferie » qui plonge l’auditeur dans une ambiance un peu différente. Le nom vient d’un instrument traditionnel brésilien, une flûte en bambou dont Amina Mezaache précise qu’elle est accordée en la bémol un quart de ton. Le morceau amène une sorte de poésie un peu suspendue, tout à coup on a l’impression d’être dans un désert quelques minutes avant le lever du jour, puis tous les instruments rentrent et alors tout change, ça jacasse de partout, on se retrouve tout-à-coup dans un marché africain ou oriental.
Axê est un autre morceau que je voudrais évoquer. Il est inspiré par les musiques répétitives sans verser jamais dans l’abstraction. Fabien Debellefontaine se change en éléphant, que dis-je en horde d’éléphants, il émet des basses énormes et barrissantes, on croirait qu’il va charger, je me surprends même à repousser mon siège de quelques centimètres. Le temps me manque pour tout dire, mais le concert se termine par deux moments magiques, un chorro (sorte de musique savante emprunté à la musique portugaise) de Pixinguinha joué la main sur le coeur, en soulignant le côté gracieux et suranné, et si émouvant de cette musique, et, dans un registre très différent, Blincadera , qui est une sorte de petite folie dans laquelle Amina Mezaache a dispersé des éléments monkiens.
maracuja1@AcAlvoet2016

Un dernier mot pour dire tout le bien que je pense du guitariste jean-Baptiste Court. Si tuba et flûte se complètent formidablement, ça fonctionne aussi très bien entre la guitare et le tuba. Ils s’autorisent quelques beaux moments en duo (ou en trio avec Jonathan Edo, à la batterie) où la musique respire différemment, plus sereinement peut-être. Jean-Baptiste Court délivre par ailleurs, quelques chorus très denses et incisifs. J’aime beaucoup l’architecture de ses phrases, je ne sais quelle est sa formation musicale mais j’imagine en l’écoutant un Django Reinhardt parachuté dans la forêt amazonienne…
La musique est à l’image du paysage de forêt tropicale qui orne la pochette du disque Imaginarium (et qui est dû à Quentin Schwab, frère de Raphaël, musicien formidable): elle est luxuriante, pleine de fruits colorés gorgés de sucs et de saveurs.

Plume: JF Mondot
Pinceau: Annie-Claire Alvoët
(autres dessins de jazzmen sur son site www.annie-claire.com. L’artiste étant par ailleurs plasticienne, on peut découvrir ses peintures sur son site, ou mieux, dans sa nouvelle exposition à partir du 27 mai à l’abbaye Saint-Léger de Soissons en compagnie d’un collectif d’artistes)
|maracuja@AcAlvoet2016 7
Mardi dernier, au Sunset, Marracuja a livré une prestation joyeuse et exubérante à l’occasion de la sortie de son premier disque: Imaginarium.

Marracuja, avec Amina Mezaache (flûtes et compositions), Fabien Debellefontaine (tuba et flûte), Jean-Baptiste Court (guitare) , Jonathan Edo (batterie) mardi 17 mai 2016, Le Sunset 75004 Paris.

Versez dans un chaudron de gros bouillons d’Hermeto Pascoal, des rasades de Chorro, de forro et autres ingrédients empruntés à l’infinie richesse du patrimoine musical brésilien, ajoutez quelques effluves de musique africaine, une pincée de de musique répétitive, n’oubliez pas les copeaux de jazz, tournez, faîtes cuire à feu vif, et vous aurez une petite idée de ce qu’est la joyeuse musique défendue par le groupe Marracuja.
J’avais eu l’occasion d’écouter le disque de ce groupe il y a un mois et avais été impressionné non seulement par l’inventivité et l’exubérance qui s’en dégagent, mais par le sentiment de complétude qu’il me procurait. C’est comme si toute la palette sensorielle de mon oreille était satisfaite par ces quatre musiciens. J’avais l’impression (ressentie en écoutant des big bands en live) de recevoir tous les éléments essentiels, l’eau, la terre, l’air, le feu. A y réfléchir cinq minutes, ce sentiment vient sans doute de cette idée épatante de mettre au coeur de cette musique la délicatesse ailée de la flûte et l’ampleur tellurique du tuba (ou du sousaphone sur le disque). Cette complémentarité entre ces deux instruments si différents ne serait rien sans le talent de deux musiciens Amina Mezaache (flûtes) et Fabien Debellefontaine (tuba, mais aussis flûte sur un ou deux morceaux).
maracuja@AcAlvoet2016 6

Commençons par ce dernier. Il est le socle de cette musique. C’est une véritable fontaine à groover. Les basses qu’il propulse à l’aide de son tuba sont somptueuses. Elles sont de plus de nature très variées: basses un peu caoutchoutées, où il prend la note un peu en dessous, basses comme des clapotis de la lave, ou basses dorées à l’or fin. Il sait faire aussi (c’est ce que je préfère) des basses en petites rafales qui sont irrésistibles. Avec un tel tigre dans la moteur, la musique peut voyager. Amina Mezaache et Jean-Baptiste Court s’appuient sur ces basses (ou plutôt se laissent porter par elle) pour édifier leurs constructions sonores.
C’est par un hommage à Hermeto Pascoal, Hermetophilie, que le concert a commencé. La flÛtiste Amina Mezaache commence toute seule, avec une belle introduction à la flûte, qui est en même temps une sorte de petit manifeste esthétique, car elle montre les ressources de cet instrument, avec des effets de diphonie, de joué-chanté, de percussions, bref elle montre qu’on peut donner à la flûte un aspect polyphonique, grouillant, exubérant, chaleureux.

maracuja2@AcAlvoet2016

Ensuite, les autres musiciens rentrent, et l’on ressent très fortement cette complémentarité flûte-tuba que je viens d’évoquer, et qui est au coeur de cette musique. Le morceau emprunte une route sinueuse. Les configurations de jeu sont variées et évolutives, avec un bon équilibre entre les passages écrits et les improvisations.
Quelques morceaux plus tard, le groupe joue un de ses titres les plus irrésistibles, Dantão, inspiré du forro, musique de bal brésilienne. Ce morceau fait l’effet d’un manège sur un enfant de six ans. On a envie de faire et de refaire des tours, avec ce refrain communicatif qui lorsqu’il revient crée une joie enfantine. Amina Mezaache, bien calée sur les grognements telluriques du tuba (et sur la batterie de Jonatha Edo, parfait) délivre des traits rapides, vifs, incisifs. C’est très réussi.

maracuja@AcAlvoet2016 4

Parmi les très beaux moments de ce concert, je voudrais mentionner « Piferie » qui plonge l’auditeur dans une ambiance un peu différente. Le nom vient d’un instrument traditionnel brésilien, une flûte en bambou dont Amina Mezaache précise qu’elle est accordée en la bémol un quart de ton. Le morceau amène une sorte de poésie un peu suspendue, tout à coup on a l’impression d’être dans un désert quelques minutes avant le lever du jour, puis tous les instruments rentrent et alors tout change, ça jacasse de partout, on se retrouve tout-à-coup dans un marché africain ou oriental.
Axê est un autre morceau que je voudrais évoquer. Il est inspiré par les musiques répétitives sans verser jamais dans l’abstraction. Fabien Debellefontaine se change en éléphant, que dis-je en horde d’éléphants, il émet des basses énormes et barrissantes, on croirait qu’il va charger, je me surprends même à repousser mon siège de quelques centimètres. Le temps me manque pour tout dire, mais le concert se termine par deux moments magiques, un chorro (sorte de musique savante emprunté à la musique portugaise) de Pixinguinha joué la main sur le coeur, en soulignant le côté gracieux et suranné, et si émouvant de cette musique, et, dans un registre très différent, Blincadera , qui est une sorte de petite folie dans laquelle Amina Mezaache a dispersé des éléments monkiens.
maracuja1@AcAlvoet2016

Un dernier mot pour dire tout le bien que je pense du guitariste jean-Baptiste Court. Si tuba et flûte se complètent formidablement, ça fonctionne aussi très bien entre la guitare et le tuba. Ils s’autorisent quelques beaux moments en duo (ou en trio avec Jonathan Edo, à la batterie) où la musique respire différemment, plus sereinement peut-être. Jean-Baptiste Court délivre par ailleurs, quelques chorus très denses et incisifs. J’aime beaucoup l’architecture de ses phrases, je ne sais quelle est sa formation musicale mais j’imagine en l’écoutant un Django Reinhardt parachuté dans la forêt amazonienne…
La musique est à l’image du paysage de forêt tropicale qui orne la pochette du disque Imaginarium (et qui est dû à Quentin Schwab, frère de Raphaël, musicien formidable): elle est luxuriante, pleine de fruits colorés gorgés de sucs et de saveurs.

Plume: JF Mondot
Pinceau: Annie-Claire Alvoët
(autres dessins de jazzmen sur son site www.annie-claire.com. L’artiste étant par ailleurs plasticienne, on peut découvrir ses peintures sur son site, ou mieux, dans sa nouvelle exposition à partir du 27 mai à l’abbaye Saint-Léger de Soissons en compagnie d’un collectif d’artistes)
|maracuja@AcAlvoet2016 7
Mardi dernier, au Sunset, Marracuja a livré une prestation joyeuse et exubérante à l’occasion de la sortie de son premier disque: Imaginarium.

Marracuja, avec Amina Mezaache (flûtes et compositions), Fabien Debellefontaine (tuba et flûte), Jean-Baptiste Court (guitare) , Jonathan Edo (batterie) mardi 17 mai 2016, Le Sunset 75004 Paris.

Versez dans un chaudron de gros bouillons d’Hermeto Pascoal, des rasades de Chorro, de forro et autres ingrédients empruntés à l’infinie richesse du patrimoine musical brésilien, ajoutez quelques effluves de musique africaine, une pincée de de musique répétitive, n’oubliez pas les copeaux de jazz, tournez, faîtes cuire à feu vif, et vous aurez une petite idée de ce qu’est la joyeuse musique défendue par le groupe Marracuja.
J’avais eu l’occasion d’écouter le disque de ce groupe il y a un mois et avais été impressionné non seulement par l’inventivité et l’exubérance qui s’en dégagent, mais par le sentiment de complétude qu’il me procurait. C’est comme si toute la palette sensorielle de mon oreille était satisfaite par ces quatre musiciens. J’avais l’impression (ressentie en écoutant des big bands en live) de recevoir tous les éléments essentiels, l’eau, la terre, l’air, le feu. A y réfléchir cinq minutes, ce sentiment vient sans doute de cette idée épatante de mettre au coeur de cette musique la délicatesse ailée de la flûte et l’ampleur tellurique du tuba (ou du sousaphone sur le disque). Cette complémentarité entre ces deux instruments si différents ne serait rien sans le talent de deux musiciens Amina Mezaache (flûtes) et Fabien Debellefontaine (tuba, mais aussis flûte sur un ou deux morceaux).
maracuja@AcAlvoet2016 6

Commençons par ce dernier. Il est le socle de cette musique. C’est une véritable fontaine à groover. Les basses qu’il propulse à l’aide de son tuba sont somptueuses. Elles sont de plus de nature très variées: basses un peu caoutchoutées, où il prend la note un peu en dessous, basses comme des clapotis de la lave, ou basses dorées à l’or fin. Il sait faire aussi (c’est ce que je préfère) des basses en petites rafales qui sont irrésistibles. Avec un tel tigre dans la moteur, la musique peut voyager. Amina Mezaache et Jean-Baptiste Court s’appuient sur ces basses (ou plutôt se laissent porter par elle) pour édifier leurs constructions sonores.
C’est par un hommage à Hermeto Pascoal, Hermetophilie, que le concert a commencé. La flÛtiste Amina Mezaache commence toute seule, avec une belle introduction à la flûte, qui est en même temps une sorte de petit manifeste esthétique, car elle montre les ressources de cet instrument, avec des effets de diphonie, de joué-chanté, de percussions, bref elle montre qu’on peut donner à la flûte un aspect polyphonique, grouillant, exubérant, chaleureux.

maracuja2@AcAlvoet2016

Ensuite, les autres musiciens rentrent, et l’on ressent très fortement cette complémentarité flûte-tuba que je viens d’évoquer, et qui est au coeur de cette musique. Le morceau emprunte une route sinueuse. Les configurations de jeu sont variées et évolutives, avec un bon équilibre entre les passages écrits et les improvisations.
Quelques morceaux plus tard, le groupe joue un de ses titres les plus irrésistibles, Dantão, inspiré du forro, musique de bal brésilienne. Ce morceau fait l’effet d’un manège sur un enfant de six ans. On a envie de faire et de refaire des tours, avec ce refrain communicatif qui lorsqu’il revient crée une joie enfantine. Amina Mezaache, bien calée sur les grognements telluriques du tuba (et sur la batterie de Jonatha Edo, parfait) délivre des traits rapides, vifs, incisifs. C’est très réussi.

maracuja@AcAlvoet2016 4

Parmi les très beaux moments de ce concert, je voudrais mentionner « Piferie » qui plonge l’auditeur dans une ambiance un peu différente. Le nom vient d’un instrument traditionnel brésilien, une flûte en bambou dont Amina Mezaache précise qu’elle est accordée en la bémol un quart de ton. Le morceau amène une sorte de poésie un peu suspendue, tout à coup on a l’impression d’être dans un désert quelques minutes avant le lever du jour, puis tous les instruments rentrent et alors tout change, ça jacasse de partout, on se retrouve tout-à-coup dans un marché africain ou oriental.
Axê est un autre morceau que je voudrais évoquer. Il est inspiré par les musiques répétitives sans verser jamais dans l’abstraction. Fabien Debellefontaine se change en éléphant, que dis-je en horde d’éléphants, il émet des basses énormes et barrissantes, on croirait qu’il va charger, je me surprends même à repousser mon siège de quelques centimètres. Le temps me manque pour tout dire, mais le concert se termine par deux moments magiques, un chorro (sorte de musique savante emprunté à la musique portugaise) de Pixinguinha joué la main sur le coeur, en soulignant le côté gracieux et suranné, et si émouvant de cette musique, et, dans un registre très différent, Blincadera , qui est une sorte de petite folie dans laquelle Amina Mezaache a dispersé des éléments monkiens.
maracuja1@AcAlvoet2016

Un dernier mot pour dire tout le bien que je pense du guitariste jean-Baptiste Court. Si tuba et flûte se complètent formidablement, ça fonctionne aussi très bien entre la guitare et le tuba. Ils s’autorisent quelques beaux moments en duo (ou en trio avec Jonathan Edo, à la batterie) où la musique respire différemment, plus sereinement peut-être. Jean-Baptiste Court délivre par ailleurs, quelques chorus très denses et incisifs. J’aime beaucoup l’architecture de ses phrases, je ne sais quelle est sa formation musicale mais j’imagine en l’écoutant un Django Reinhardt parachuté dans la forêt amazonienne…
La musique est à l’image du paysage de forêt tropicale qui orne la pochette du disque Imaginarium (et qui est dû à Quentin Schwab, frère de Raphaël, musicien formidable): elle est luxuriante, pleine de fruits colorés gorgés de sucs et de saveurs.

Plume: JF Mondot
Pinceau: Annie-Claire Alvoët
(autres dessins de jazzmen sur son site www.annie-claire.com. L’artiste étant par ailleurs plasticienne, on peut découvrir ses peintures sur son site, ou mieux, dans sa nouvelle exposition à partir du 27 mai à l’abbaye Saint-Léger de Soissons en compagnie d’un collectif d’artistes)