Jazz live
Publié le 18 Juil 2019

Jazz à Luz 2019 (2)

Deuxième journée bien remplie pour ce deuxième jour du festival Jazz à Luz avec pas moins de 9 concerts ! Hélas, victime d’une maladie, votre chroniqueur n’a pu se rendre à l'intégralité de ces événements. Mais ceux entendus valaient le détour !

Samedi 13 juillet 2019, festival Jazz à Luz, chapiteau, 11h00

The Hatch

Mette Rasmussen (as), Julien Desprez (elg).

Cela fait plusieurs années que les deux musiciens jouent ensemble. Leur duo s’avère donc bien rodé. Ils misent beaucoup sur la puissance (le volume sonore est très élevé), sur la « grosse énergie ». En dehors de quelques bourdons, il s’agit d’une musique éclatée, ou plutôt d’une musique faite d’éclats, dominée par un emportement qui n’est qu’apparent car totalement dominé par les instrumentistes. Le cri, la saturation y ont leur place, et dominent même, que complètent la ligne mélodique volontairement brisée (pour l’alto), le crépitement, le grésillement électrique, la friture ou le parasite. Si la quatrième et dernière improvisation (toutes furent toujours très cadrées dans leur conception) pose un tempo plus pondéré, Mette Rasmussen joue avec un son d’alto énorme, le tout finissant par un larsen suraigu de Julien Desprez. Ceux qui n’étaient pas bien réveillé avaient les yeux grands ouverts, écarquillés même, à la fin du concert !

 

Samedi 13 juillet 2019, festival Jazz à Luz, Restaurant Le Basquetoy, 16h30

Mister Bishop

Andy Levêque (as, perc, bricolages).

 

Dans l’après-midi, devant le restaurant Le Basquetoy, dans une petite rue pleine de charme du village, Andy Levêque joue à l’homme-orchestre, un rôle qu’il tient et peaufine depuis plusieurs mois. Sa bouche et l’une et/ou l’autre de ses mains s’activent au saxophone tandis que ses membres inférieurs (auxquels s’ajoute parfois une main) s’ébrouent sur divers percussions. Voilà typiquement une musique qui relève, d’une part, de la performance, et d’autre part du rituel. Côté performance, elle vaut le détour. Andy Levêque se donne sans compter, transpire pour tenir ses rythmiques, imagine des combinaisons musicales à chaque fois assez différentes. Côté rituel, sa musique repose avant tout sur des mises en boucle quelque peu évolutives, le musicien renouvelant l’intérêt en variant les types de mesure et les références culturelles (ici l’Afrique, là le machinisme, plus tard la techno, etc.). Les passants et les fans ont apprécié.

Samedi 13 juillet 2019, festival Jazz à Luz, chapiteau, 21h00

Duo Brötzmann / Leigh

Heather Leigh (pedal steel guitar), Peter Brötzmann (ts, cl, taragot).

Le grand moment du jour, le plus attendu, est une première : jamais, avant ce soir, Peter Brötzmann ne s’était produit à Jazz à Luz. Une négligence dorénavant biffée. Cela fait à présent 4 ans que le saxophoniste historique se produit en duo avec Heather Leigh. Quel bel instrument que cette Pedal Steel Guitar (« un instrument à cordes dérivé de la steel guitar et comprenant un mécanisme permettant de modifier la tonalité de base des cordes par l’action de pédales », précise Wikipedia) ! Mais aussi tellement rattaché aux États-Unis ! À peine l’Américaine émette-elle un son de son instrument que je me retrouve transposé dans le monde americana de Pat Metheny (New Chautauqua en particulier) et de Bill Frisell. Pour sa part, Brötzmann est aussi éloigné que possible de cet esprit, et c’est de ce choc des cultures que réside l’intérêt de leur duo. De fait, il est possible de résumer leur performance en une formule : « les heureuses rencontres », cela à plus d’un titre. D’une part, les musiciens font coexister des sentiments a priori contraires, comme par exemple l’improvisation qui ouvrit le concert, où à l’onirisme d’Heather Leigh répondait l’exubérance rageuse – quoique mélodique – de Peter Brötzmann. Tout au long de la soirée, ou quasi, Brötzmann usa de techniques de déformation du son : le growl, un vibrato très ample, un son parfois comme forcé. En dehors de quelques passages où elle recourut à la saturation, Heather Leigh resta attachée à l’expression propre à son instrument, tout en coulées, en accords à trois sons bien répertoriés, en longues tenues réverbérées. La combinaison des deux aboutit à une sorte de style « contemplatif virulent ». Au niveau harmonique, je songeais également à d’heureuses rencontres. En effet, les musiciens se cherchèrent plus ou moins de façon manifeste sur ce plan. Souvent, ils louvoyaient chacun de leur côté avec la proposition de l’autre, se situant plus ou moins dans l’harmonie ou l’échelle suggérée. D’autres fois, les deux musiciens se retrouvaient sur un champ harmonique commun. Mon oreille formée à cette culture harmonique préféra ces « heureuses rencontres », mais il s’agit d’une déformation professionnelle, et de fait je n’ai guère pu juger comme il se doit l’effet produit par les non-rencontres harmoniques des deux musiciens. Plusieurs personnes après le concert m’ont dit avoir eu une grosse émotion à l’écoute de de duo, preuve s’il en est que l’auditeur est aussi créateur !

Samedi 13 juillet 2019, festival Jazz à Luz, chapiteau, 23h00

Bad Fat & Napoleon Maddox

Napoleon Maddox (vx, MC), Erik Sevret (ts), Alex Leguillon (tp), Franck Bougier (tb), Paul Gélébart (sousaphone), Ludo Bozec, Rémi Savin (dr).

Pour finir la soirée en beauté, place à de la musique faite pour danser. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le groupe groove vraiment. Au point que, arrivé après le début du concert, je ne m’étais pas imaginé, en entendant la musique de loin, qu’il s’agissait d’un sousaphone et non d’une basse électrique. La formation Bad Fat est remarquable de professionnalisme : gros son, groove (donc), efficacité, sens du show… elle a tout ! En se joignant à eux, Napoleon Maddox ne s’est pas trompé sur la qualité ! Il leur apporte cette faconde, cette manière de se placer dans la pulsation (remarquable flow, qui groove vraiment lui aussi), cette souplesse qui donne son prix à l’ensemble. Les gens ont dansé, ont frappé dans leurs mains, ont oublié leurs soucis le temps du concert de Bad Fat & Napoleon Maddox.

Ludovic Florin