Jazz live
Publié le 23 Juil 2017

Jazzaldia San Sebastian (2): Shorter dans son vaisseau spatial

Sortie du concert. Michel, aficionado français au jazz, un demi siècle de concerts au compteur déclare tout de go « Je n’avais pas senti chez un musicien une telle capacité à régénérer son art instrumental comme ça, live sur scène depuis…Coltrane, à Paris » Wayne Shorter, sonorité et savoir faire, a ébloui le public de San Sebastian.

Wayne Shorter (ts, ss), Danilo Perez (p) John Patitucci (b), Brian Blade (dm)

Jazzaldia Donostia/San Sebastian (España-Euskadi)  Auditorium Kursaal, 21 juillet

Deux mille cinq cents personnes debout, acclamant Wayne Shorter et ses musiciens dans le somptueux Auditorium du Kursaal, extérieur façon vaisseau futuriste ancré au bord de l’Océan, intérieur en mode cossu, bois et matériaux composites pour une architecture sobre et chic. Devant cette réaction éruptive de l’audience le saxophoniste octogénaire vient lui même de tirer son pianiste par le bras pour l’enjoindre de revenir saluer une fois encore. « Ils ne vont pas les laisser partir » commente interloqué Jesus, partie prenante du Comité d’Organisation du festival. Au sortir de ;a salle, avant d’aller plonger dans la foule se pressant au comptoir des innombrable bars à l’entour surchargés de mille savoureux pintxos (tapas) et boire un verre de « rueda« , de « txacoli » (vins blancs) ou du rioja (rouge) la conversation ne tarissait pas à propos du premier concert du festival d’ores et déjà annoncé comme l’évènement du festival.  Six thèmes abordés en longueur et en profondeur par le quartet. Cinq  écrites -un terme qui dans le cas particulier de cet orchestre est à mesurer à l’aune des transformations opérées directement sur scène-  par le saxophoniste dont l’étrange Prometheus Umbound relié s’il faut en croire l’auteur aux « sombre aventures du Docteur Frankenstein » Plus une, Zéro Gravity, emblématique de la manière du quartet, signée en collectif celle là. Durant le concert, une heure et demie durant,  Wayne Shorter aura pris son saxophone ténor à deux reprises. Pour ne l’utiliser in fine que quelques secondes seulement. Tout le reste, désormais assis sur une chaise au milieu des autres musiciens, il l’aura joué au soprano. Voilà pour le contexte, le récit linéaire vu de l’extérieur. Mais comment rendre compte des aléas du contenu, de ce qui se passe réellement au plus près sur les planches auprès des acteurs ? Le mieux, semble-t-il consiste à écouter le récit de celui qui, au gouvernail de son piano dirige depuis quelques années la manoeuvre des concerts de l’équipage Shorter et compagnie.

IMG_4453

Danilo Perez et Wayne Shorter

Danilo Perez « Il s’est vraiment passé quelque chose de spécial ce soir. Comme si l’on avait trouvé ensemble des ingrédients nouveaux favorisant l’éclosion de moments musicaux uniques au travers de l’improvisation. J’ai senti également circuler une énergie très forte. Au niveau du trio, suite au concert donné avec John et Brian avant hier à Junas, nous l’avons communiqué à Wayne qui l’a reçue immédiatement cinq sur cinq sans que l’on en ait parlé auparavant. Nous avons développé des idées, des schémas déjà explorés avec le trio. Et lui bien sur, comme toujours, lorsqu’il rentre dans le jeu, apporte se lignes,  en  insuffle d’autres complémentaires, nous place ainsi sur d’autres voies. Du coup, de par son influence, son incroyable savoir -sur le plan harmonique par exemple il sait toujours parfaitement où il se situe, vers quel horizon sa musique le conduit- l’énergie partagée par tous se transforme dans l’immédiat en une sorte de chimie forte, très productive est qui nous lie davantage encore. Ce qu’il y’a d’incroyable, de difficile à distinguer de l’extérieur et donc compliqué à expliciter, c’est bien le sentiment curieux que nous avons d’incertitude totale sur le moment. Lorsque nous sommes partis à improviser chacun se demande vraiment ce qui va se passer, ce que l’autre va faire, sur quel terrain il va falloir aller. Wayne lui, à 84 ans n’éprouve pas une seconde ce type de crainte. Il avance, il s’abandonne aux évènement à venir, il fait sa musique comme il le sent. Il nous explique qu’il voit chaque instrument du quartet comme un petit orchestre à lui tout seul. Et nous répète: pas de problème, votre instrument, maintenant vous le maîtrisez, non ? Et c’est vrai qu’à certains moments, au plus fort de l’impro abordée en commun, on ne se sait pas forcément sur quel accord, quelle tonalité, quel temps on évolue. Mais le feeling est là, et la musique continue. Entre nous nous appelle ça le zéro gravity… »

Le fait est que sur chaque note jouée, sur scène comme dans le public on identifie immédiatement la sonorité particulière, un peu tendue, acidulée, perforante du saxophone soprano de Wayne Shorter. Comme ses traits chargés de fulgurance, manières de flèches décochées en particuliers vers l’aigüe. Dans l’univers du jazz Wayne Shorter a, depuis longtemps défini,  qualifié son atmosphère. Avec l’aide de Danilo Pérez, John Patitucci et Brian Blade depuis dix-sept ans maintenant il en a fait une marque déposée qui atteint à l’excellence. Jusqu’à quand ? Mystère. D’autant que Wayne Shorter va se consacrer désormais à l’écriture d’un Opéra. Jazzaldia aura eu la chance d’en profiter.

Robert Latxague

(photos  Lolo Vasco_Heineken Jazzaldia)

Jazzaldia Donosti/San Sebastian

18h 30 Kursaal: Robert Glaser Experiment

21h Plaza de la Trinidad : Donny Mc Caslin Quartet; Kamazi Washington

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Sortie du concert. Michel, aficionado français au jazz, un demi siècle de concerts au compteur déclare tout de go « Je n’avais pas senti chez un musicien une telle capacité à régénérer son art instrumental comme ça, live sur scène depuis…Coltrane, à Paris » Wayne Shorter, sonorité et savoir faire, a ébloui le public de San Sebastian.

Wayne Shorter (ts, ss), Danilo Perez (p) John Patitucci (b), Brian Blade (dm)

Jazzaldia Donostia/San Sebastian (España-Euskadi)  Auditorium Kursaal, 21 juillet

Deux mille cinq cents personnes debout, acclamant Wayne Shorter et ses musiciens dans le somptueux Auditorium du Kursaal, extérieur façon vaisseau futuriste ancré au bord de l’Océan, intérieur en mode cossu, bois et matériaux composites pour une architecture sobre et chic. Devant cette réaction éruptive de l’audience le saxophoniste octogénaire vient lui même de tirer son pianiste par le bras pour l’enjoindre de revenir saluer une fois encore. « Ils ne vont pas les laisser partir » commente interloqué Jesus, partie prenante du Comité d’Organisation du festival. Au sortir de ;a salle, avant d’aller plonger dans la foule se pressant au comptoir des innombrable bars à l’entour surchargés de mille savoureux pintxos (tapas) et boire un verre de « rueda« , de « txacoli » (vins blancs) ou du rioja (rouge) la conversation ne tarissait pas à propos du premier concert du festival d’ores et déjà annoncé comme l’évènement du festival.  Six thèmes abordés en longueur et en profondeur par le quartet. Cinq  écrites -un terme qui dans le cas particulier de cet orchestre est à mesurer à l’aune des transformations opérées directement sur scène-  par le saxophoniste dont l’étrange Prometheus Umbound relié s’il faut en croire l’auteur aux « sombre aventures du Docteur Frankenstein » Plus une, Zéro Gravity, emblématique de la manière du quartet, signée en collectif celle là. Durant le concert, une heure et demie durant,  Wayne Shorter aura pris son saxophone ténor à deux reprises. Pour ne l’utiliser in fine que quelques secondes seulement. Tout le reste, désormais assis sur une chaise au milieu des autres musiciens, il l’aura joué au soprano. Voilà pour le contexte, le récit linéaire vu de l’extérieur. Mais comment rendre compte des aléas du contenu, de ce qui se passe réellement au plus près sur les planches auprès des acteurs ? Le mieux, semble-t-il consiste à écouter le récit de celui qui, au gouvernail de son piano dirige depuis quelques années la manoeuvre des concerts de l’équipage Shorter et compagnie.

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Danilo Perez et Wayne Shorter

Danilo Perez « Il s’est vraiment passé quelque chose de spécial ce soir. Comme si l’on avait trouvé ensemble des ingrédients nouveaux favorisant l’éclosion de moments musicaux uniques au travers de l’improvisation. J’ai senti également circuler une énergie très forte. Au niveau du trio, suite au concert donné avec John et Brian avant hier à Junas, nous l’avons communiqué à Wayne qui l’a reçue immédiatement cinq sur cinq sans que l’on en ait parlé auparavant. Nous avons développé des idées, des schémas déjà explorés avec le trio. Et lui bien sur, comme toujours, lorsqu’il rentre dans le jeu, apporte se lignes,  en  insuffle d’autres complémentaires, nous place ainsi sur d’autres voies. Du coup, de par son influence, son incroyable savoir -sur le plan harmonique par exemple il sait toujours parfaitement où il se situe, vers quel horizon sa musique le conduit- l’énergie partagée par tous se transforme dans l’immédiat en une sorte de chimie forte, très productive est qui nous lie davantage encore. Ce qu’il y’a d’incroyable, de difficile à distinguer de l’extérieur et donc compliqué à expliciter, c’est bien le sentiment curieux que nous avons d’incertitude totale sur le moment. Lorsque nous sommes partis à improviser chacun se demande vraiment ce qui va se passer, ce que l’autre va faire, sur quel terrain il va falloir aller. Wayne lui, à 84 ans n’éprouve pas une seconde ce type de crainte. Il avance, il s’abandonne aux évènement à venir, il fait sa musique comme il le sent. Il nous explique qu’il voit chaque instrument du quartet comme un petit orchestre à lui tout seul. Et nous répète: pas de problème, votre instrument, maintenant vous le maîtrisez, non ? Et c’est vrai qu’à certains moments, au plus fort de l’impro abordée en commun, on ne se sait pas forcément sur quel accord, quelle tonalité, quel temps on évolue. Mais le feeling est là, et la musique continue. Entre nous nous appelle ça le zéro gravity… »

Le fait est que sur chaque note jouée, sur scène comme dans le public on identifie immédiatement la sonorité particulière, un peu tendue, acidulée, perforante du saxophone soprano de Wayne Shorter. Comme ses traits chargés de fulgurance, manières de flèches décochées en particuliers vers l’aigüe. Dans l’univers du jazz Wayne Shorter a, depuis longtemps défini,  qualifié son atmosphère. Avec l’aide de Danilo Pérez, John Patitucci et Brian Blade depuis dix-sept ans maintenant il en a fait une marque déposée qui atteint à l’excellence. Jusqu’à quand ? Mystère. D’autant que Wayne Shorter va se consacrer désormais à l’écriture d’un Opéra. Jazzaldia aura eu la chance d’en profiter.

Robert Latxague

(photos  Lolo Vasco_Heineken Jazzaldia)

Jazzaldia Donosti/San Sebastian

18h 30 Kursaal: Robert Glaser Experiment

21h Plaza de la Trinidad : Donny Mc Caslin Quartet; Kamazi Washington

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Sortie du concert. Michel, aficionado français au jazz, un demi siècle de concerts au compteur déclare tout de go « Je n’avais pas senti chez un musicien une telle capacité à régénérer son art instrumental comme ça, live sur scène depuis…Coltrane, à Paris » Wayne Shorter, sonorité et savoir faire, a ébloui le public de San Sebastian.

Wayne Shorter (ts, ss), Danilo Perez (p) John Patitucci (b), Brian Blade (dm)

Jazzaldia Donostia/San Sebastian (España-Euskadi)  Auditorium Kursaal, 21 juillet

Deux mille cinq cents personnes debout, acclamant Wayne Shorter et ses musiciens dans le somptueux Auditorium du Kursaal, extérieur façon vaisseau futuriste ancré au bord de l’Océan, intérieur en mode cossu, bois et matériaux composites pour une architecture sobre et chic. Devant cette réaction éruptive de l’audience le saxophoniste octogénaire vient lui même de tirer son pianiste par le bras pour l’enjoindre de revenir saluer une fois encore. « Ils ne vont pas les laisser partir » commente interloqué Jesus, partie prenante du Comité d’Organisation du festival. Au sortir de ;a salle, avant d’aller plonger dans la foule se pressant au comptoir des innombrable bars à l’entour surchargés de mille savoureux pintxos (tapas) et boire un verre de « rueda« , de « txacoli » (vins blancs) ou du rioja (rouge) la conversation ne tarissait pas à propos du premier concert du festival d’ores et déjà annoncé comme l’évènement du festival.  Six thèmes abordés en longueur et en profondeur par le quartet. Cinq  écrites -un terme qui dans le cas particulier de cet orchestre est à mesurer à l’aune des transformations opérées directement sur scène-  par le saxophoniste dont l’étrange Prometheus Umbound relié s’il faut en croire l’auteur aux « sombre aventures du Docteur Frankenstein » Plus une, Zéro Gravity, emblématique de la manière du quartet, signée en collectif celle là. Durant le concert, une heure et demie durant,  Wayne Shorter aura pris son saxophone ténor à deux reprises. Pour ne l’utiliser in fine que quelques secondes seulement. Tout le reste, désormais assis sur une chaise au milieu des autres musiciens, il l’aura joué au soprano. Voilà pour le contexte, le récit linéaire vu de l’extérieur. Mais comment rendre compte des aléas du contenu, de ce qui se passe réellement au plus près sur les planches auprès des acteurs ? Le mieux, semble-t-il consiste à écouter le récit de celui qui, au gouvernail de son piano dirige depuis quelques années la manoeuvre des concerts de l’équipage Shorter et compagnie.

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Danilo Perez et Wayne Shorter

Danilo Perez « Il s’est vraiment passé quelque chose de spécial ce soir. Comme si l’on avait trouvé ensemble des ingrédients nouveaux favorisant l’éclosion de moments musicaux uniques au travers de l’improvisation. J’ai senti également circuler une énergie très forte. Au niveau du trio, suite au concert donné avec John et Brian avant hier à Junas, nous l’avons communiqué à Wayne qui l’a reçue immédiatement cinq sur cinq sans que l’on en ait parlé auparavant. Nous avons développé des idées, des schémas déjà explorés avec le trio. Et lui bien sur, comme toujours, lorsqu’il rentre dans le jeu, apporte se lignes,  en  insuffle d’autres complémentaires, nous place ainsi sur d’autres voies. Du coup, de par son influence, son incroyable savoir -sur le plan harmonique par exemple il sait toujours parfaitement où il se situe, vers quel horizon sa musique le conduit- l’énergie partagée par tous se transforme dans l’immédiat en une sorte de chimie forte, très productive est qui nous lie davantage encore. Ce qu’il y’a d’incroyable, de difficile à distinguer de l’extérieur et donc compliqué à expliciter, c’est bien le sentiment curieux que nous avons d’incertitude totale sur le moment. Lorsque nous sommes partis à improviser chacun se demande vraiment ce qui va se passer, ce que l’autre va faire, sur quel terrain il va falloir aller. Wayne lui, à 84 ans n’éprouve pas une seconde ce type de crainte. Il avance, il s’abandonne aux évènement à venir, il fait sa musique comme il le sent. Il nous explique qu’il voit chaque instrument du quartet comme un petit orchestre à lui tout seul. Et nous répète: pas de problème, votre instrument, maintenant vous le maîtrisez, non ? Et c’est vrai qu’à certains moments, au plus fort de l’impro abordée en commun, on ne se sait pas forcément sur quel accord, quelle tonalité, quel temps on évolue. Mais le feeling est là, et la musique continue. Entre nous nous appelle ça le zéro gravity… »

Le fait est que sur chaque note jouée, sur scène comme dans le public on identifie immédiatement la sonorité particulière, un peu tendue, acidulée, perforante du saxophone soprano de Wayne Shorter. Comme ses traits chargés de fulgurance, manières de flèches décochées en particuliers vers l’aigüe. Dans l’univers du jazz Wayne Shorter a, depuis longtemps défini,  qualifié son atmosphère. Avec l’aide de Danilo Pérez, John Patitucci et Brian Blade depuis dix-sept ans maintenant il en a fait une marque déposée qui atteint à l’excellence. Jusqu’à quand ? Mystère. D’autant que Wayne Shorter va se consacrer désormais à l’écriture d’un Opéra. Jazzaldia aura eu la chance d’en profiter.

Robert Latxague

(photos  Lolo Vasco_Heineken Jazzaldia)

Jazzaldia Donosti/San Sebastian

18h 30 Kursaal: Robert Glaser Experiment

21h Plaza de la Trinidad : Donny Mc Caslin Quartet; Kamazi Washington

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Sortie du concert. Michel, aficionado français au jazz, un demi siècle de concerts au compteur déclare tout de go « Je n’avais pas senti chez un musicien une telle capacité à régénérer son art instrumental comme ça, live sur scène depuis…Coltrane, à Paris » Wayne Shorter, sonorité et savoir faire, a ébloui le public de San Sebastian.

Wayne Shorter (ts, ss), Danilo Perez (p) John Patitucci (b), Brian Blade (dm)

Jazzaldia Donostia/San Sebastian (España-Euskadi)  Auditorium Kursaal, 21 juillet

Deux mille cinq cents personnes debout, acclamant Wayne Shorter et ses musiciens dans le somptueux Auditorium du Kursaal, extérieur façon vaisseau futuriste ancré au bord de l’Océan, intérieur en mode cossu, bois et matériaux composites pour une architecture sobre et chic. Devant cette réaction éruptive de l’audience le saxophoniste octogénaire vient lui même de tirer son pianiste par le bras pour l’enjoindre de revenir saluer une fois encore. « Ils ne vont pas les laisser partir » commente interloqué Jesus, partie prenante du Comité d’Organisation du festival. Au sortir de ;a salle, avant d’aller plonger dans la foule se pressant au comptoir des innombrable bars à l’entour surchargés de mille savoureux pintxos (tapas) et boire un verre de « rueda« , de « txacoli » (vins blancs) ou du rioja (rouge) la conversation ne tarissait pas à propos du premier concert du festival d’ores et déjà annoncé comme l’évènement du festival.  Six thèmes abordés en longueur et en profondeur par le quartet. Cinq  écrites -un terme qui dans le cas particulier de cet orchestre est à mesurer à l’aune des transformations opérées directement sur scène-  par le saxophoniste dont l’étrange Prometheus Umbound relié s’il faut en croire l’auteur aux « sombre aventures du Docteur Frankenstein » Plus une, Zéro Gravity, emblématique de la manière du quartet, signée en collectif celle là. Durant le concert, une heure et demie durant,  Wayne Shorter aura pris son saxophone ténor à deux reprises. Pour ne l’utiliser in fine que quelques secondes seulement. Tout le reste, désormais assis sur une chaise au milieu des autres musiciens, il l’aura joué au soprano. Voilà pour le contexte, le récit linéaire vu de l’extérieur. Mais comment rendre compte des aléas du contenu, de ce qui se passe réellement au plus près sur les planches auprès des acteurs ? Le mieux, semble-t-il consiste à écouter le récit de celui qui, au gouvernail de son piano dirige depuis quelques années la manoeuvre des concerts de l’équipage Shorter et compagnie.

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Danilo Perez et Wayne Shorter

Danilo Perez « Il s’est vraiment passé quelque chose de spécial ce soir. Comme si l’on avait trouvé ensemble des ingrédients nouveaux favorisant l’éclosion de moments musicaux uniques au travers de l’improvisation. J’ai senti également circuler une énergie très forte. Au niveau du trio, suite au concert donné avec John et Brian avant hier à Junas, nous l’avons communiqué à Wayne qui l’a reçue immédiatement cinq sur cinq sans que l’on en ait parlé auparavant. Nous avons développé des idées, des schémas déjà explorés avec le trio. Et lui bien sur, comme toujours, lorsqu’il rentre dans le jeu, apporte se lignes,  en  insuffle d’autres complémentaires, nous place ainsi sur d’autres voies. Du coup, de par son influence, son incroyable savoir -sur le plan harmonique par exemple il sait toujours parfaitement où il se situe, vers quel horizon sa musique le conduit- l’énergie partagée par tous se transforme dans l’immédiat en une sorte de chimie forte, très productive est qui nous lie davantage encore. Ce qu’il y’a d’incroyable, de difficile à distinguer de l’extérieur et donc compliqué à expliciter, c’est bien le sentiment curieux que nous avons d’incertitude totale sur le moment. Lorsque nous sommes partis à improviser chacun se demande vraiment ce qui va se passer, ce que l’autre va faire, sur quel terrain il va falloir aller. Wayne lui, à 84 ans n’éprouve pas une seconde ce type de crainte. Il avance, il s’abandonne aux évènement à venir, il fait sa musique comme il le sent. Il nous explique qu’il voit chaque instrument du quartet comme un petit orchestre à lui tout seul. Et nous répète: pas de problème, votre instrument, maintenant vous le maîtrisez, non ? Et c’est vrai qu’à certains moments, au plus fort de l’impro abordée en commun, on ne se sait pas forcément sur quel accord, quelle tonalité, quel temps on évolue. Mais le feeling est là, et la musique continue. Entre nous nous appelle ça le zéro gravity… »

Le fait est que sur chaque note jouée, sur scène comme dans le public on identifie immédiatement la sonorité particulière, un peu tendue, acidulée, perforante du saxophone soprano de Wayne Shorter. Comme ses traits chargés de fulgurance, manières de flèches décochées en particuliers vers l’aigüe. Dans l’univers du jazz Wayne Shorter a, depuis longtemps défini,  qualifié son atmosphère. Avec l’aide de Danilo Pérez, John Patitucci et Brian Blade depuis dix-sept ans maintenant il en a fait une marque déposée qui atteint à l’excellence. Jusqu’à quand ? Mystère. D’autant que Wayne Shorter va se consacrer désormais à l’écriture d’un Opéra. Jazzaldia aura eu la chance d’en profiter.

Robert Latxague

(photos  Lolo Vasco_Heineken Jazzaldia)

Jazzaldia Donosti/San Sebastian

18h 30 Kursaal: Robert Glaser Experiment

21h Plaza de la Trinidad : Donny Mc Caslin Quartet; Kamazi Washington