Jazz live
Publié le 16 Juin 2019

LAÏKA and THE UNIT au COMPTOIR de FONTENAY

Création d’un spectacle musical intitulé Can I Play ?, conçu, joué et chanté par Laïka Thomas, que nous connaissions comme Laïka Fatien. Une version de concert qui déjà impose la force de son propos et de sa concrétisation artistique : réussite incontestable !

LAÏKA and THE UNIT

Laïka Thomas (voix, conception, textes), Christopher Thomas (guitare basse, contrebasse, composition), Bob Durham (ordinateur, séquences), Goffrey Moore (guitare)

Mariette Navarro (textes), François Rancillac (mise en scène, textes)

Fontenay_sous-Bois, Le Comptoir, 14 juin 2019, 21h

C’était la première de ce spectacle musical coproduit par le groupe Laïka & The Unit, Le Comptoir, et le Théâtre sur Paroles, avec le concours de French American Jazz Exchange. Une première en version de concert, comme le seront prochainement des représentations dans un club de jazz de Los Angeles.

Il s’agit d’une œuvre singulière, conçue par Laïka Thomas et inspirée par son histoire personnelle : l’histoire d’une résilience, après un cheminement difficile. La petite fille née d’un père ivoirien (qui s’esquive bien vite) dans une famille juive marocaine connaîtra un orphelinat parisien, des pérégrinations du Maroc en Israël, d’Espagne en France, les brimades d’un beau-père raciste, mais aussi heureusement l’amour d’une grand-mère juive qui l’appelait ‘mon petit soleil noir’.

Le spectacle commence par une voix off , en anglais, un texte de la poétesse Maya Angelou. La chanteuse-comédienne arrive dans la salle, micro en main, et commence son récit, en français, tout en déambulant entre les spectatrices et spectateurs. L’histoire se dénoue et se noue, dialogue incarné ou monologue intérieur, et conduit tout naturellement à une chanson, en anglais. Les textes, parlés ou chantés, sont forts d’expressivité et de charge émotionnelle. La musique conjugue brillamment l’héritage de la soul music et le meilleur de la pop sophistiquée, celle qui préfère la densité musicale aux effets appuyés. Laïka fait preuve d’une présence incroyable, dans le texte parlé comme dans le chant. Le public est porté, captif et captivé. La musique mêle des éléments échantillonnés à des parties vivantes, jouées sur scène par les musiciens. Le dispositif est parfait. Tout cela est éminemment VIVANT. Car c’est bien de la vie qu’il s’agit, une vie qui triomphe des tourments par la résilience. Au milieu des chansons écrites par Laïka et Chritopher Thomas, pour évoquer le moment où l’adolescente joue à la chanteuse de jazz devant un miroir dans la maison déserte, une version de First Song , texte d’Abbey Lincoln sur une musique de Charlie Haden : c’est bouleversant, à la fois pour l’hommage rendu à la chanteuse afro-américaine (repère décisif pour Laïka, aux côtés de Billie Holiday, Shirley Horn, Carmen McRae, Nina Simone, et quelques autres), et pour l’extraordinaire densité de l’interprétation. La dernière chanson sera en français, sur un texte de Paul Éluard, extrait du recueil Le Phénix : avec un sobre accompagnement de contrebasse et de guitare, une très belle manière de conclure. Laïka est une formidable chanteuse-comédienne, elle avait fait merveille dans l’opéra La Tectonique des nuages de Laurent Cugny, au côté de David Linx. Ce spectacle musical est littéralement habité par sa présence physique autant que vocale. On attend avec impatience de le voir en version théâtrale  : comme le dispositif est moins lourd que pour un opéra, et qu’il peut facilement être accueilli par les scènes des festivals de jazz comme par celle des théâtres, on espère qu’il ne faudra pas une aussi longue patience que pour l’opéra de Laurent Cugny (il s’écoula 9 ans entre la première version de concert et les représentations dans les opéras de Nantes et d’Angers). Longue vie à Can I Play ? , d’ores et déjà une vraie réussite artistique et musicale.

Xavier Prévost

 

La page facebook de Musiques au Comptoir

https://www.facebook.com/MusiquesauComptoir/