Jazz live
Publié le 18 Fév 2018

Lande, en quête d’essentiel



Voici un beau projet, un beau groupe, mené par le contrebassiste Alexandre Perrot. Il s’appelle Lande et vient de sortir son premier disque , La Caverne, sur le label du collectif Loo.

 

Lande avec Alexandre Perrot (Contrebasse et compositions), Ariel Teissier (batterie), Quentin Ghomari (trompette), Julien Soro (saxophone alto), A l’Atelier du Plateau le 15 février 2018

Il est très possible que le nom du groupe, et celui des morceaux (ode maritime, récifs…) aient déterminé mon écoute et la direction prise par mon imagination, car je suis un garçon très influençable. En tous cas, en m’immergeant dans cette musique, j’y ai trouvé une volonté de se dépouiller du superflu, d’atteindre l’essentiel, une manière de faire évoluer organiquement les mélodies qui me ramenait à la contemplation de la nature et des grands espaces. On marche (sur une plage, des dunes, ou bien sûr des landes) le silence étend ses tentacules, la vie est là mais il faut regarder, écouter pour en percevoir tous les menus frémissements. Il arrive alors que l’on tombe  sur une petite mare où grouillent les algues, les bactéries, les micro-organismes. J’entends cela dans la musique de ce groupe, à la fois les grands espaces et le bouillonnement vital, la volonté de revenir au silence pour y trouver un ressourcement mélodique,  et l’envie de trouver dans la nature et sa contemplation  une sorte de boussole pour faire évoluer organiquement la musique: naissance, maturation, pourrissement. J’ai donc senti ce genre de parfums mais il est évidemment possible que je sois totalement à côté de la plaque, ce qui ne serait pas si grave.  

Quoi qu’il en soit, le concert commence par un silence recueilli observé par les musiciens. Ils ferment les yeux, puis les ouvrent, le batteur Ariel Teissier se lance dans une petite symphonie bruitiste magnifique, à base de petits froissements et de déchirements feutrés.

 

 

Alexandre Alexandre Perrot pose quelques couleurs avec sa contrebasse, son jeu n’est jamais monocorde, les notes esquissées suivent les notes scandées avec force, il est comme un éclaireur qui ouvre l’espace. Le trompettiste Quentin Ghomari et Julien Soro se regardent pour savoir à quel moment surfer sur la crête du silence. Puis ils se jettent dans une ligne mélodique épurée, à l’unisson, très belle, qui progressivement se délite un peu.

Ce petit moment musical, tout au début du concert, est assez représentatif de la musique d’Alexandre Perrot et de ses copains: ça creuse, ça cherche, chacun fouille de son côté, puis ça se rejoint, on reste un peu ensemble, mais pas trop, les châteaux de sable sont faits pour être emportés par la mer.

 

 

Il y a aussi, par ailleurs, dans cette musique des montées de sève, des moments plus énergiques et bouillonnants , Ghomari et Soro entrelacent leurs chants, la basse d’Alexandre Perrot et la batterie d’Ariel Teissier les propulsent.

 

Quel batteur passionnant, Ariel Teissier…Il s’enflamme tout à coup comme un bouquet d’herbes sèches, et le même musicien qui jouait au début du concert dans les plis du silence manque de renverser sa charley dans un éclat de violence…On pense à ornette Coleman et Don Cherry dans ces moments d’énergie fraîche et joyeuse.

D’autres moments permettent d’entendre chacun des deux soufflants. Ils se connaissent bien, jouent ensemble dans le groupe de Julien Soro Big Four, et l’on sent cette entente dans le façonnage du son. Julien Soro a ce lyrisme particulier, si intense, les notes avec lui semblent voulues avec tant de force (il va les chercher comme un chanteur) qu’elles se chargent d’un poids et d’une densité particulières. Quant à Quantin Ghomari, il a un son rond et ample qui ne se désunit pas dans les aigus, il sait explorer poétiquement les zones grises de la trompette, toute la gamme des crissements et chuchotis.

La musiciens jouent devant les murs de l »Atelier du Plateau, où les pierres sont apparentes. Beau symbole pour une musique en quête d’essentiel, et qui creuse jusqu’à la roche nue. 

Texte: JF Mondot

Dessins: Annie-Claire Alvoët (autres dessins mais aussi gravures, et peintures à découvrir sur son site www.annie-claire.com  Ceux qui désirent acquérir un des dessins figurant dans cette chronique peuvent s’adresser à la dessinatrice à l’adresse suivante: annie_claire@hotmail.com prix raisonnables, majorations pour les DRH et les notaires