Jazz live
Publié le 3 Fév 2023

LEÏLA OLIVESI ‘Astral’ au Bal Blomet

C’est un ‘jeudi Jazz Magazine’, mais exceptionnellement il a lieu le mercredi….

La pianiste-compositrice présente le groupe (8 instrumentistes plus une invitée) avec lequel elle a enregistré son disque «Astral», publié en novembre (label Attention Fragile / l’autre distribution), Choc Jazz Magazine en décembre. Seule invitée du disque qui n’est pas sur scène ce soir : Géraldine Laurent, retenue par un concert avec Rhoda Scott

Il y a du monde : public d’amateurs, et beaucoup de membres du microcosme (ce sont aussi de vrais amateurs!), Académie du Jazz en tête. Et en descendant vers la salle, sur le palier d’entresol, le label propose l’édition vinyle, en tirage limitée, qui vient tout juste de paraître.

LEÏLA OLIVESI ‘Astral’

Leïla Olivesi (piano, composition, arrangements), Baptiste Herbin (saxophone alto & flûte), Adrien Sanchez (saxophone ténor), Jean-Charles Richard (saxophones baryton & soprano), Quentin Ghomari (trompette & bugle), Manu Codjia(guitare), Yoni Zelnik (contrebasse), Donald Kontomanou (batterie)

invitée : Chloé Cailleton (chant), Lucie Taïeb (poésie)

Paris, Bal Blomet, mercredi 1er février 2023, 20h

L’orchestre va jouer une bonne partie du récent disque, pas forcément dans le même ordre, mais ça commence par ce qui constitue les deux premiers titres du CD. Une intro de piano, et un déroulement qui ne reproduit pas à l’identique la dramaturgie du disque tout en posant l’intensité du décor. L’engagement, l’inspiration de chaque membre du groupe est palpable ; c’est musicalement très riche et ça joue ‘collectif’ : le jazz, en somme. Les couleurs orchestrales sont ciselées, et cela se confirme au deuxième thème, composition originale également, en hommage à la pionnière que fut Mary Lou Williams. On troque la palette de couleurs pour une énergie affirmée, et pourtant les nuances sont toujours là. Les solistes s’en donnent à cœur joie : pour l’instant c’est Manu Codjia, porté par l’arrangement des sections. A fil du concert, toutes les improvisations seront totalement engagées, parfaitement en phase avec les thèmes et les arrangement, tout en œuvrant avec la singularité de leur source. Cela fait pas mal d’années maintenant que j’écoute la pianiste et je constate que, même si elle ne se taille pas la part du lion (de la lionne) dans la répartition des impros, chaque fois qu’elle intervient elle s’affirme un peu plus comme une pianiste singulière, et de haut vol. Pendant les improvisations, les parties écrites pour les ‘souffleurs’ sont d’une pertinence absolue et contribuent à magnifier encore l’esprit collectif qui fait vivre cette musique. Le concert se poursuit dans cet état d’apesanteur qui semble animer toute l’équipe : un extrait de la Zodiac Suite de Mary Lou Williams, puis des thèmes originaux inspirés pas les espaces interstellaires, avec aussi une sorte d’interlude, avec la voix de l’écrivaine Lucie Taïeb, sur scène pour dire l’un de ses textes, en compagnie de la contrebasse et de la guitare. Et bien vite l’on va retrouver un texte de la même plume, chanté par Chloé Cailleton (complice de longue date de Leïla Olivesi), qui a rejoint le groupe sur le plateau. Le timbre singulier de la chanteuse, et cette aisance sur les intervalles tendus, qui se mêle à un soupçon de fragilité, produit une formidable expressivité. Viendra peu après un grand moment d’émotion pour beaucoup des personnes présentes, qu’elles aient été ses auditeurs/trices, ses lecteurs/trices, ses collègues et ses ami.e.s : l’évocation du très regretté Claude Carrière, au travers d’une suite, Missing CC, qui commence par un portrait et se prolonge dans une déploration pianistique très ellingtonienne pour devenir, en grand orchestre, un cri d’amour pour ce grand médiateur du jazz, celui du Duke mais aussi de toutes les familles esthétiques dont il fut le prolyte amoureusement passionné.

Ce concert fut décidément un grand moment, et les deux rappels, empruntés aux répertoires antérieurs de Leïla Olivesi, ont confirmé notre bonheur d’avoir été là, ce soir du 1er février, au Bal Blomet.

Xavier Prévost