Jazz live
Publié le 1 Fév 2015

Marie Daviet est un miracle

 marieDaviet1ÂacAlvoet2015

 

Et voilà. C’est déjà fini. Je viens d’épuiser mon quota. Après Mathilde, et Viktorija Gecyte, Marie Daviet est ma troisième et dernière chanteuse pour 2015. Je vais devoir, pour le reste de l’année, parler de saxophonistes barytons à barbe de trois jours ou de guitaristes électriques dont les sourcils se rejoignent. J’ai mangé mon pain blanc.

 

Marie Daviet (voix), Julien Coriatt (piano), Peter Giron (contrebasse), David Paycha (batterie) le 24 janvier 2015, au Bab-Ilo, 75 018 Paris,

 

 

Que l’on me permette, avant d’évoquer l’incroyable Marie Daviet, de parler des coulisses de ce blog dans lequel j’écris depuis plus d’un an. Pour recevoir ce privilège, et disposer des codes d’accès (qui changent tous les trois jours , et nous sont transmis sous lettre recommandée), il faut d’abord passer un examen impitoyable en comparaison duquel le code de la route n’est qu’une aimable plaisanterie : trois jours et trois nuits de questions en rafales et de blindfold test, avec un seau d’eau glacé dans la figure  si l’on se trompe deux fois de suite, mais je ne veux pas entrer davantage dans les détails, une autre fois peut-être. Bref, quand on a survécu à cela, on est reçu dans le bureau de Franck Bergerot, une pièce immense avec vue sur la Tour Eiffel, au sommet de l’immeuble que Jazz magazine a récemment racheté à l’ambassade du Qatar.

Donc, j’entrai dans cette pièce où Franck m’accueillit et me remit  avec solennité un document stipulant que l’autorisation d’écrire dans ce blog serait retirée (et assortie de voies de fait) dans le cas où j’en viendrais à évoquer plus de trois chanteuses par an. Franck  se lança alors dans un discours  bien rodé sur les contradictions nombreuses et flagrantes entre l’acte de chanter et de faire de la musique. Après quoi, il me demanda de relever ma manche, me pratiqua (sans me faire mal) une légère incision au niveau du coude, et fit dériver les quelques gouttes de sang qui en perlèrent sur la tige d’une vieille plumes d’oie avec laquelle je signai ce document.

Je dois dire que je fus moins troublé par cette cérémonie initiatique (après tout, me disais-je, ne sommes-nous pas une époque en mal de rites ?) que par l’énorme chat qui se trouvait dans le fauteuil en face du mien. Ce chat me dévisageait d’une manière insistante. Il avait les oreilles déchiquetées et des reflets oranges au fond des prunelles. Mais surtout, ce chat aux yeux oranges grognait d’une façon très désagréable, entre le ronflement et le raclement de gorge. Si bien qu’au bout de quelques instants, n’y tenant plus, je m’en ouvris à Franck : « Il a peut-être faim ? ».

Franck Bergerot hocha la tête, se leva, mais au lieu d’aller chercher des croquettes ou de la pâtée, piocha dans sa bibliothèque un petit volume (Molloy de Beckett) qu’il plaça devant la bestiole en l’ouvrant à la première page, qui commence comme chacun sait par « Je suis dans la chambre de ma mère ». Instantanément, le chat cessa de grogner.

Je m’aperçus alors qu’il avait devant ses yeux oranges un objet qui ressemblait étonnamment à une paire de lunettes. Et d’ailleurs, c’était une paire de lunettes. J’en bégayai : « Mais …Franck, ton chat a des lu-, ton chat a des lulu-, ton chat a des lunettes ? ». « Bah oui, il est astygmate » bougonna Franck. « Tu sais, c’est comme pour tout le monde, lire ça use les yeux », dit-il en haussant les épaules. Je ne me souviens plus du reste de la conversation, mais simplement d’avoir dévalé quatre à quatre les escaliers de Jazz magazine et d’avoir ensuite fait des cauchemars pendant trois semaines. J’étais poursuivi par une nuée de papillons oranges. Mais ce n’étaient pas des papillons, c’étaient des yeux.  

 

 

 

 

chatacAlvoet2015

 

 

Bref. Revenons à Marie Daviet. Au menu du concert, des standards et des chansons en Français. La soirée commence par But not for me et Peau douce, une chanson inspirée d’une musique de Steve Swallow.  C’est sur le troisième morceau que tout a basculé. Il s’agissait de Dindi, une merveilleuse ballade de Jobim, dont l’introduction (« Sky, so vast is the sky… ») est à elle-seule un deuxième thème enchâssé dans le premier. C’est un morceau que j’aime, que j’ai écouté dans beaucoup de versions différentes. Et pourtant, quand Marie Daviet a chanté la premières notes de l’introduction, j’ai failli ne pas le reconnaître. Tout était là, les notes, les paroles, étaient justes, mais il y avait dans sa manière d’étirer ou de ralentir les syllabes, par exemple dans le mot Dindi, quelque chose qui rajeunissait la chanson et lui redonnait du rose aux joues.

 

 marieDaviet3ÂacAlvoet2015

 

Les musiciens ont dû ressentir cela eux-aussi, car il s’est produit cette sensation d’oxygène raréfié caractéristique d’une musique qui décolle. Après l’énoncé du thème Julien Coriatt, concentré, investi, a mis tout son art en jeu pour prolonger l’atmosphère ainsi créée. Par des arpèges en cascades rapides, ou au contraire des griffures nerveuses, il réussissait à maintenir la musique à la hauteur où Marie Daviet l’avait portée. La musique ne retombait donc pas, et sembla même s’élever encore en peu lors du chorus de la chanteuse. Je ne sais pas s’il faut parler de scat à son propos, si l’on entend par là les autoroutes d’une improvisation  stéréotypée où l’on recycle de manière appliquée un lexique inventé par Ella ou Sarah. Quand Marie Daviet improvise, elle n’empreinte aucun sentier battu. Elle a des phrases incroyablement musicales, des phrases de soufflant, qui pourraien
t sortir du plus lyrique des saxophonistes. Et parfois, au milieu de cela, de manière imprévue, des petits cris, des poussées d’énergie primale, on a l’impression d’entendre une petite fille chanter une souris verte à tue-tête dans la cour de l’école. Ensuite, Peter Giron fait résonner des phrases chantantes, vigoureuses, charpentées, qui sont dessinées avec un admirable sens du relief. « Oh Dindi… ». Après la reprise de la mélodie, les quatre musiciens se regardent incrédules, comme s’ils se demandaient : mais qu’est ce qu’on va faire après ça ? .

 

marieDaviet2ÂacAlvoet2015

 

 

Pendant le reste du concert, je savoure la musique en me demandant « quel est le secret ? ». Comment peut-on rendre aussi frais, aussi neufs des standards tels que Yesterdays ou Body and Soul. J’essaie de comprendre. Il y a d’abord la voix bien sûr. D’apparence un peu fragile, mais en fait très souple, et capable d’éclats de violence dans les aigus. Mais il y a surtout la subtilité de la diction. En apparence la mélodie est respectée à la lettre, mais par un jeu de micro-inflexions, sur certaines notes et syllabes, Marie Daviet vous retourne un standard de l’intérieur. Elle s’approprie son âme pour mieux lui faire la peau. C’est ainsi qu’elle chante Just friends, Goodbye Pork Pie hat, Yesterdays , Body and Soul (avec une manière inimitable de distiller la phrase « I’m all for you ») What is this thing called love (beau duo avec le batteur David Paycha), une chanson de sa plume , « Soixante et une secondes », Three Flowers (de Mac Coy Tyner), Like someone in love, Night in Tunisia (où marie daviet assume le fameux break avec un allant admirable), Moonlight in Vermont, et Caravan. Sur ce dernier morceau, le jeune batteur David Paycha montre une belle variété d’approches. Quant à Marie Daviet, elle improvise en caressant le thème à rebrousse-poil, avec des phrases en notes tenues qui sont d’une merveilleuse musicalité.

 

 

 

 

 marieDaviet4ÂacAlvoet2015

 

C’est fini. Je tourne un peu autour des musiciens. Peter Giron se plaint de douleurs à l’épaule et se plaint de l’inégalité physique entre contrebassistes qui souffrent et contrebassistes qui ne souffrent pas (« Pfff…Ray Brown n’a jamais rien eu »). Je discute avec Marie Daviet. Elle est toute menue, a un air de petit lutin. Elle me raconte quelques expériences qui ont forgé son parcours de jeune musicienne (elle n’a pas 25 ans). Elle vit à Lyon. Quand elle n’est pas chanteuse, elle est intervenante en milieu scolaire, elle initie de jeunes enfants à la musique : « Je leur fais faire une flûte à bec en bambou et leur apprend à s’en servir ». Son lien avec l’enfance semble très fort, jusque dans la manière dont elle construit ses improvisations : « Parfois je m’amuse à reprendre des intonations de babillage… ». Elle a suivi une formation sérieuse, rigoureuse, au CNR de Villeurbanne : « j’ai eu comme prof Sylvie Fessieux, qui m’a tout appris, notamment à me servir de ma voix comme d’un instrument. J’ai fait beaucoup de relevés, elle me demandait de reproduire exactement certains instrument, jusqu’aux effets de demi-piston des trompettistes… ».

A côté de nous, au bar, deux personnes sont passionnément engagées dans une discussion philosophico-éthylique. C’est un homme et une jeune femme. La jeune femme parle (très très fort) de l’« l’extériorité des choses ». Le jeune homme ne pipe mot, le nez dans sa bière. Je me dis que Marie Daviet, avec sa manière de transfigurer les standards de l’intérieur, est aussi loin qu’il est possible de cette « extériorité des choses ».

Texte JF Mondot

Dessins AC Alvoët

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 marieDaviet1ÂacAlvoet2015

 

Et voilà. C’est déjà fini. Je viens d’épuiser mon quota. Après Mathilde, et Viktorija Gecyte, Marie Daviet est ma troisième et dernière chanteuse pour 2015. Je vais devoir, pour le reste de l’année, parler de saxophonistes barytons à barbe de trois jours ou de guitaristes électriques dont les sourcils se rejoignent. J’ai mangé mon pain blanc.

 

Marie Daviet (voix), Julien Coriatt (piano), Peter Giron (contrebasse), David Paycha (batterie) le 24 janvier 2015, au Bab-Ilo, 75 018 Paris,

 

 

Que l’on me permette, avant d’évoquer l’incroyable Marie Daviet, de parler des coulisses de ce blog dans lequel j’écris depuis plus d’un an. Pour recevoir ce privilège, et disposer des codes d’accès (qui changent tous les trois jours , et nous sont transmis sous lettre recommandée), il faut d’abord passer un examen impitoyable en comparaison duquel le code de la route n’est qu’une aimable plaisanterie : trois jours et trois nuits de questions en rafales et de blindfold test, avec un seau d’eau glacé dans la figure  si l’on se trompe deux fois de suite, mais je ne veux pas entrer davantage dans les détails, une autre fois peut-être. Bref, quand on a survécu à cela, on est reçu dans le bureau de Franck Bergerot, une pièce immense avec vue sur la Tour Eiffel, au sommet de l’immeuble que Jazz magazine a récemment racheté à l’ambassade du Qatar.

Donc, j’entrai dans cette pièce où Franck m’accueillit et me remit  avec solennité un document stipulant que l’autorisation d’écrire dans ce blog serait retirée (et assortie de voies de fait) dans le cas où j’en viendrais à évoquer plus de trois chanteuses par an. Franck  se lança alors dans un discours  bien rodé sur les contradictions nombreuses et flagrantes entre l’acte de chanter et de faire de la musique. Après quoi, il me demanda de relever ma manche, me pratiqua (sans me faire mal) une légère incision au niveau du coude, et fit dériver les quelques gouttes de sang qui en perlèrent sur la tige d’une vieille plumes d’oie avec laquelle je signai ce document.

Je dois dire que je fus moins troublé par cette cérémonie initiatique (après tout, me disais-je, ne sommes-nous pas une époque en mal de rites ?) que par l’énorme chat qui se trouvait dans le fauteuil en face du mien. Ce chat me dévisageait d’une manière insistante. Il avait les oreilles déchiquetées et des reflets oranges au fond des prunelles. Mais surtout, ce chat aux yeux oranges grognait d’une façon très désagréable, entre le ronflement et le raclement de gorge. Si bien qu’au bout de quelques instants, n’y tenant plus, je m’en ouvris à Franck : « Il a peut-être faim ? ».

Franck Bergerot hocha la tête, se leva, mais au lieu d’aller chercher des croquettes ou de la pâtée, piocha dans sa bibliothèque un petit volume (Molloy de Beckett) qu’il plaça devant la bestiole en l’ouvrant à la première page, qui commence comme chacun sait par « Je suis dans la chambre de ma mère ». Instantanément, le chat cessa de grogner.

Je m’aperçus alors qu’il avait devant ses yeux oranges un objet qui ressemblait étonnamment à une paire de lunettes. Et d’ailleurs, c’était une paire de lunettes. J’en bégayai : « Mais …Franck, ton chat a des lu-, ton chat a des lulu-, ton chat a des lunettes ? ». « Bah oui, il est astygmate » bougonna Franck. « Tu sais, c’est comme pour tout le monde, lire ça use les yeux », dit-il en haussant les épaules. Je ne me souviens plus du reste de la conversation, mais simplement d’avoir dévalé quatre à quatre les escaliers de Jazz magazine et d’avoir ensuite fait des cauchemars pendant trois semaines. J’étais poursuivi par une nuée de papillons oranges. Mais ce n’étaient pas des papillons, c’étaient des yeux.  

 

 

 

 

chatacAlvoet2015

 

 

Bref. Revenons à Marie Daviet. Au menu du concert, des standards et des chansons en Français. La soirée commence par But not for me et Peau douce, une chanson inspirée d’une musique de Steve Swallow.  C’est sur le troisième morceau que tout a basculé. Il s’agissait de Dindi, une merveilleuse ballade de Jobim, dont l’introduction (« Sky, so vast is the sky… ») est à elle-seule un deuxième thème enchâssé dans le premier. C’est un morceau que j’aime, que j’ai écouté dans beaucoup de versions différentes. Et pourtant, quand Marie Daviet a chanté la premières notes de l’introduction, j’ai failli ne pas le reconnaître. Tout était là, les notes, les paroles, étaient justes, mais il y avait dans sa manière d’étirer ou de ralentir les syllabes, par exemple dans le mot Dindi, quelque chose qui rajeunissait la chanson et lui redonnait du rose aux joues.

 

 marieDaviet3ÂacAlvoet2015

 

Les musiciens ont dû ressentir cela eux-aussi, car il s’est produit cette sensation d’oxygène raréfié caractéristique d’une musique qui décolle. Après l’énoncé du thème Julien Coriatt, concentré, investi, a mis tout son art en jeu pour prolonger l’atmosphère ainsi créée. Par des arpèges en cascades rapides, ou au contraire des griffures nerveuses, il réussissait à maintenir la musique à la hauteur où Marie Daviet l’avait portée. La musique ne retombait donc pas, et sembla même s’élever encore en peu lors du chorus de la chanteuse. Je ne sais pas s’il faut parler de scat à son propos, si l’on entend par là les autoroutes d’une improvisation  stéréotypée où l’on recycle de manière appliquée un lexique inventé par Ella ou Sarah. Quand Marie Daviet improvise, elle n’empreinte aucun sentier battu. Elle a des phrases incroyablement musicales, des phrases de soufflant, qui pourraien
t sortir du plus lyrique des saxophonistes. Et parfois, au milieu de cela, de manière imprévue, des petits cris, des poussées d’énergie primale, on a l’impression d’entendre une petite fille chanter une souris verte à tue-tête dans la cour de l’école. Ensuite, Peter Giron fait résonner des phrases chantantes, vigoureuses, charpentées, qui sont dessinées avec un admirable sens du relief. « Oh Dindi… ». Après la reprise de la mélodie, les quatre musiciens se regardent incrédules, comme s’ils se demandaient : mais qu’est ce qu’on va faire après ça ? .

 

marieDaviet2ÂacAlvoet2015

 

 

Pendant le reste du concert, je savoure la musique en me demandant « quel est le secret ? ». Comment peut-on rendre aussi frais, aussi neufs des standards tels que Yesterdays ou Body and Soul. J’essaie de comprendre. Il y a d’abord la voix bien sûr. D’apparence un peu fragile, mais en fait très souple, et capable d’éclats de violence dans les aigus. Mais il y a surtout la subtilité de la diction. En apparence la mélodie est respectée à la lettre, mais par un jeu de micro-inflexions, sur certaines notes et syllabes, Marie Daviet vous retourne un standard de l’intérieur. Elle s’approprie son âme pour mieux lui faire la peau. C’est ainsi qu’elle chante Just friends, Goodbye Pork Pie hat, Yesterdays , Body and Soul (avec une manière inimitable de distiller la phrase « I’m all for you ») What is this thing called love (beau duo avec le batteur David Paycha), une chanson de sa plume , « Soixante et une secondes », Three Flowers (de Mac Coy Tyner), Like someone in love, Night in Tunisia (où marie daviet assume le fameux break avec un allant admirable), Moonlight in Vermont, et Caravan. Sur ce dernier morceau, le jeune batteur David Paycha montre une belle variété d’approches. Quant à Marie Daviet, elle improvise en caressant le thème à rebrousse-poil, avec des phrases en notes tenues qui sont d’une merveilleuse musicalité.

 

 

 

 

 marieDaviet4ÂacAlvoet2015

 

C’est fini. Je tourne un peu autour des musiciens. Peter Giron se plaint de douleurs à l’épaule et se plaint de l’inégalité physique entre contrebassistes qui souffrent et contrebassistes qui ne souffrent pas (« Pfff…Ray Brown n’a jamais rien eu »). Je discute avec Marie Daviet. Elle est toute menue, a un air de petit lutin. Elle me raconte quelques expériences qui ont forgé son parcours de jeune musicienne (elle n’a pas 25 ans). Elle vit à Lyon. Quand elle n’est pas chanteuse, elle est intervenante en milieu scolaire, elle initie de jeunes enfants à la musique : « Je leur fais faire une flûte à bec en bambou et leur apprend à s’en servir ». Son lien avec l’enfance semble très fort, jusque dans la manière dont elle construit ses improvisations : « Parfois je m’amuse à reprendre des intonations de babillage… ». Elle a suivi une formation sérieuse, rigoureuse, au CNR de Villeurbanne : « j’ai eu comme prof Sylvie Fessieux, qui m’a tout appris, notamment à me servir de ma voix comme d’un instrument. J’ai fait beaucoup de relevés, elle me demandait de reproduire exactement certains instrument, jusqu’aux effets de demi-piston des trompettistes… ».

A côté de nous, au bar, deux personnes sont passionnément engagées dans une discussion philosophico-éthylique. C’est un homme et une jeune femme. La jeune femme parle (très très fort) de l’« l’extériorité des choses ». Le jeune homme ne pipe mot, le nez dans sa bière. Je me dis que Marie Daviet, avec sa manière de transfigurer les standards de l’intérieur, est aussi loin qu’il est possible de cette « extériorité des choses ».

Texte JF Mondot

Dessins AC Alvoët

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 marieDaviet1ÂacAlvoet2015

 

Et voilà. C’est déjà fini. Je viens d’épuiser mon quota. Après Mathilde, et Viktorija Gecyte, Marie Daviet est ma troisième et dernière chanteuse pour 2015. Je vais devoir, pour le reste de l’année, parler de saxophonistes barytons à barbe de trois jours ou de guitaristes électriques dont les sourcils se rejoignent. J’ai mangé mon pain blanc.

 

Marie Daviet (voix), Julien Coriatt (piano), Peter Giron (contrebasse), David Paycha (batterie) le 24 janvier 2015, au Bab-Ilo, 75 018 Paris,

 

 

Que l’on me permette, avant d’évoquer l’incroyable Marie Daviet, de parler des coulisses de ce blog dans lequel j’écris depuis plus d’un an. Pour recevoir ce privilège, et disposer des codes d’accès (qui changent tous les trois jours , et nous sont transmis sous lettre recommandée), il faut d’abord passer un examen impitoyable en comparaison duquel le code de la route n’est qu’une aimable plaisanterie : trois jours et trois nuits de questions en rafales et de blindfold test, avec un seau d’eau glacé dans la figure  si l’on se trompe deux fois de suite, mais je ne veux pas entrer davantage dans les détails, une autre fois peut-être. Bref, quand on a survécu à cela, on est reçu dans le bureau de Franck Bergerot, une pièce immense avec vue sur la Tour Eiffel, au sommet de l’immeuble que Jazz magazine a récemment racheté à l’ambassade du Qatar.

Donc, j’entrai dans cette pièce où Franck m’accueillit et me remit  avec solennité un document stipulant que l’autorisation d’écrire dans ce blog serait retirée (et assortie de voies de fait) dans le cas où j’en viendrais à évoquer plus de trois chanteuses par an. Franck  se lança alors dans un discours  bien rodé sur les contradictions nombreuses et flagrantes entre l’acte de chanter et de faire de la musique. Après quoi, il me demanda de relever ma manche, me pratiqua (sans me faire mal) une légère incision au niveau du coude, et fit dériver les quelques gouttes de sang qui en perlèrent sur la tige d’une vieille plumes d’oie avec laquelle je signai ce document.

Je dois dire que je fus moins troublé par cette cérémonie initiatique (après tout, me disais-je, ne sommes-nous pas une époque en mal de rites ?) que par l’énorme chat qui se trouvait dans le fauteuil en face du mien. Ce chat me dévisageait d’une manière insistante. Il avait les oreilles déchiquetées et des reflets oranges au fond des prunelles. Mais surtout, ce chat aux yeux oranges grognait d’une façon très désagréable, entre le ronflement et le raclement de gorge. Si bien qu’au bout de quelques instants, n’y tenant plus, je m’en ouvris à Franck : « Il a peut-être faim ? ».

Franck Bergerot hocha la tête, se leva, mais au lieu d’aller chercher des croquettes ou de la pâtée, piocha dans sa bibliothèque un petit volume (Molloy de Beckett) qu’il plaça devant la bestiole en l’ouvrant à la première page, qui commence comme chacun sait par « Je suis dans la chambre de ma mère ». Instantanément, le chat cessa de grogner.

Je m’aperçus alors qu’il avait devant ses yeux oranges un objet qui ressemblait étonnamment à une paire de lunettes. Et d’ailleurs, c’était une paire de lunettes. J’en bégayai : « Mais …Franck, ton chat a des lu-, ton chat a des lulu-, ton chat a des lunettes ? ». « Bah oui, il est astygmate » bougonna Franck. « Tu sais, c’est comme pour tout le monde, lire ça use les yeux », dit-il en haussant les épaules. Je ne me souviens plus du reste de la conversation, mais simplement d’avoir dévalé quatre à quatre les escaliers de Jazz magazine et d’avoir ensuite fait des cauchemars pendant trois semaines. J’étais poursuivi par une nuée de papillons oranges. Mais ce n’étaient pas des papillons, c’étaient des yeux.  

 

 

 

 

chatacAlvoet2015

 

 

Bref. Revenons à Marie Daviet. Au menu du concert, des standards et des chansons en Français. La soirée commence par But not for me et Peau douce, une chanson inspirée d’une musique de Steve Swallow.  C’est sur le troisième morceau que tout a basculé. Il s’agissait de Dindi, une merveilleuse ballade de Jobim, dont l’introduction (« Sky, so vast is the sky… ») est à elle-seule un deuxième thème enchâssé dans le premier. C’est un morceau que j’aime, que j’ai écouté dans beaucoup de versions différentes. Et pourtant, quand Marie Daviet a chanté la premières notes de l’introduction, j’ai failli ne pas le reconnaître. Tout était là, les notes, les paroles, étaient justes, mais il y avait dans sa manière d’étirer ou de ralentir les syllabes, par exemple dans le mot Dindi, quelque chose qui rajeunissait la chanson et lui redonnait du rose aux joues.

 

 marieDaviet3ÂacAlvoet2015

 

Les musiciens ont dû ressentir cela eux-aussi, car il s’est produit cette sensation d’oxygène raréfié caractéristique d’une musique qui décolle. Après l’énoncé du thème Julien Coriatt, concentré, investi, a mis tout son art en jeu pour prolonger l’atmosphère ainsi créée. Par des arpèges en cascades rapides, ou au contraire des griffures nerveuses, il réussissait à maintenir la musique à la hauteur où Marie Daviet l’avait portée. La musique ne retombait donc pas, et sembla même s’élever encore en peu lors du chorus de la chanteuse. Je ne sais pas s’il faut parler de scat à son propos, si l’on entend par là les autoroutes d’une improvisation  stéréotypée où l’on recycle de manière appliquée un lexique inventé par Ella ou Sarah. Quand Marie Daviet improvise, elle n’empreinte aucun sentier battu. Elle a des phrases incroyablement musicales, des phrases de soufflant, qui pourraien
t sortir du plus lyrique des saxophonistes. Et parfois, au milieu de cela, de manière imprévue, des petits cris, des poussées d’énergie primale, on a l’impression d’entendre une petite fille chanter une souris verte à tue-tête dans la cour de l’école. Ensuite, Peter Giron fait résonner des phrases chantantes, vigoureuses, charpentées, qui sont dessinées avec un admirable sens du relief. « Oh Dindi… ». Après la reprise de la mélodie, les quatre musiciens se regardent incrédules, comme s’ils se demandaient : mais qu’est ce qu’on va faire après ça ? .

 

marieDaviet2ÂacAlvoet2015

 

 

Pendant le reste du concert, je savoure la musique en me demandant « quel est le secret ? ». Comment peut-on rendre aussi frais, aussi neufs des standards tels que Yesterdays ou Body and Soul. J’essaie de comprendre. Il y a d’abord la voix bien sûr. D’apparence un peu fragile, mais en fait très souple, et capable d’éclats de violence dans les aigus. Mais il y a surtout la subtilité de la diction. En apparence la mélodie est respectée à la lettre, mais par un jeu de micro-inflexions, sur certaines notes et syllabes, Marie Daviet vous retourne un standard de l’intérieur. Elle s’approprie son âme pour mieux lui faire la peau. C’est ainsi qu’elle chante Just friends, Goodbye Pork Pie hat, Yesterdays , Body and Soul (avec une manière inimitable de distiller la phrase « I’m all for you ») What is this thing called love (beau duo avec le batteur David Paycha), une chanson de sa plume , « Soixante et une secondes », Three Flowers (de Mac Coy Tyner), Like someone in love, Night in Tunisia (où marie daviet assume le fameux break avec un allant admirable), Moonlight in Vermont, et Caravan. Sur ce dernier morceau, le jeune batteur David Paycha montre une belle variété d’approches. Quant à Marie Daviet, elle improvise en caressant le thème à rebrousse-poil, avec des phrases en notes tenues qui sont d’une merveilleuse musicalité.

 

 

 

 

 marieDaviet4ÂacAlvoet2015

 

C’est fini. Je tourne un peu autour des musiciens. Peter Giron se plaint de douleurs à l’épaule et se plaint de l’inégalité physique entre contrebassistes qui souffrent et contrebassistes qui ne souffrent pas (« Pfff…Ray Brown n’a jamais rien eu »). Je discute avec Marie Daviet. Elle est toute menue, a un air de petit lutin. Elle me raconte quelques expériences qui ont forgé son parcours de jeune musicienne (elle n’a pas 25 ans). Elle vit à Lyon. Quand elle n’est pas chanteuse, elle est intervenante en milieu scolaire, elle initie de jeunes enfants à la musique : « Je leur fais faire une flûte à bec en bambou et leur apprend à s’en servir ». Son lien avec l’enfance semble très fort, jusque dans la manière dont elle construit ses improvisations : « Parfois je m’amuse à reprendre des intonations de babillage… ». Elle a suivi une formation sérieuse, rigoureuse, au CNR de Villeurbanne : « j’ai eu comme prof Sylvie Fessieux, qui m’a tout appris, notamment à me servir de ma voix comme d’un instrument. J’ai fait beaucoup de relevés, elle me demandait de reproduire exactement certains instrument, jusqu’aux effets de demi-piston des trompettistes… ».

A côté de nous, au bar, deux personnes sont passionnément engagées dans une discussion philosophico-éthylique. C’est un homme et une jeune femme. La jeune femme parle (très très fort) de l’« l’extériorité des choses ». Le jeune homme ne pipe mot, le nez dans sa bière. Je me dis que Marie Daviet, avec sa manière de transfigurer les standards de l’intérieur, est aussi loin qu’il est possible de cette « extériorité des choses ».

Texte JF Mondot

Dessins AC Alvoët

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 marieDaviet1ÂacAlvoet2015

 

Et voilà. C’est déjà fini. Je viens d’épuiser mon quota. Après Mathilde, et Viktorija Gecyte, Marie Daviet est ma troisième et dernière chanteuse pour 2015. Je vais devoir, pour le reste de l’année, parler de saxophonistes barytons à barbe de trois jours ou de guitaristes électriques dont les sourcils se rejoignent. J’ai mangé mon pain blanc.

 

Marie Daviet (voix), Julien Coriatt (piano), Peter Giron (contrebasse), David Paycha (batterie) le 24 janvier 2015, au Bab-Ilo, 75 018 Paris,

 

 

Que l’on me permette, avant d’évoquer l’incroyable Marie Daviet, de parler des coulisses de ce blog dans lequel j’écris depuis plus d’un an. Pour recevoir ce privilège, et disposer des codes d’accès (qui changent tous les trois jours , et nous sont transmis sous lettre recommandée), il faut d’abord passer un examen impitoyable en comparaison duquel le code de la route n’est qu’une aimable plaisanterie : trois jours et trois nuits de questions en rafales et de blindfold test, avec un seau d’eau glacé dans la figure  si l’on se trompe deux fois de suite, mais je ne veux pas entrer davantage dans les détails, une autre fois peut-être. Bref, quand on a survécu à cela, on est reçu dans le bureau de Franck Bergerot, une pièce immense avec vue sur la Tour Eiffel, au sommet de l’immeuble que Jazz magazine a récemment racheté à l’ambassade du Qatar.

Donc, j’entrai dans cette pièce où Franck m’accueillit et me remit  avec solennité un document stipulant que l’autorisation d’écrire dans ce blog serait retirée (et assortie de voies de fait) dans le cas où j’en viendrais à évoquer plus de trois chanteuses par an. Franck  se lança alors dans un discours  bien rodé sur les contradictions nombreuses et flagrantes entre l’acte de chanter et de faire de la musique. Après quoi, il me demanda de relever ma manche, me pratiqua (sans me faire mal) une légère incision au niveau du coude, et fit dériver les quelques gouttes de sang qui en perlèrent sur la tige d’une vieille plumes d’oie avec laquelle je signai ce document.

Je dois dire que je fus moins troublé par cette cérémonie initiatique (après tout, me disais-je, ne sommes-nous pas une époque en mal de rites ?) que par l’énorme chat qui se trouvait dans le fauteuil en face du mien. Ce chat me dévisageait d’une manière insistante. Il avait les oreilles déchiquetées et des reflets oranges au fond des prunelles. Mais surtout, ce chat aux yeux oranges grognait d’une façon très désagréable, entre le ronflement et le raclement de gorge. Si bien qu’au bout de quelques instants, n’y tenant plus, je m’en ouvris à Franck : « Il a peut-être faim ? ».

Franck Bergerot hocha la tête, se leva, mais au lieu d’aller chercher des croquettes ou de la pâtée, piocha dans sa bibliothèque un petit volume (Molloy de Beckett) qu’il plaça devant la bestiole en l’ouvrant à la première page, qui commence comme chacun sait par « Je suis dans la chambre de ma mère ». Instantanément, le chat cessa de grogner.

Je m’aperçus alors qu’il avait devant ses yeux oranges un objet qui ressemblait étonnamment à une paire de lunettes. Et d’ailleurs, c’était une paire de lunettes. J’en bégayai : « Mais …Franck, ton chat a des lu-, ton chat a des lulu-, ton chat a des lunettes ? ». « Bah oui, il est astygmate » bougonna Franck. « Tu sais, c’est comme pour tout le monde, lire ça use les yeux », dit-il en haussant les épaules. Je ne me souviens plus du reste de la conversation, mais simplement d’avoir dévalé quatre à quatre les escaliers de Jazz magazine et d’avoir ensuite fait des cauchemars pendant trois semaines. J’étais poursuivi par une nuée de papillons oranges. Mais ce n’étaient pas des papillons, c’étaient des yeux.  

 

 

 

 

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Bref. Revenons à Marie Daviet. Au menu du concert, des standards et des chansons en Français. La soirée commence par But not for me et Peau douce, une chanson inspirée d’une musique de Steve Swallow.  C’est sur le troisième morceau que tout a basculé. Il s’agissait de Dindi, une merveilleuse ballade de Jobim, dont l’introduction (« Sky, so vast is the sky… ») est à elle-seule un deuxième thème enchâssé dans le premier. C’est un morceau que j’aime, que j’ai écouté dans beaucoup de versions différentes. Et pourtant, quand Marie Daviet a chanté la premières notes de l’introduction, j’ai failli ne pas le reconnaître. Tout était là, les notes, les paroles, étaient justes, mais il y avait dans sa manière d’étirer ou de ralentir les syllabes, par exemple dans le mot Dindi, quelque chose qui rajeunissait la chanson et lui redonnait du rose aux joues.

 

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Les musiciens ont dû ressentir cela eux-aussi, car il s’est produit cette sensation d’oxygène raréfié caractéristique d’une musique qui décolle. Après l’énoncé du thème Julien Coriatt, concentré, investi, a mis tout son art en jeu pour prolonger l’atmosphère ainsi créée. Par des arpèges en cascades rapides, ou au contraire des griffures nerveuses, il réussissait à maintenir la musique à la hauteur où Marie Daviet l’avait portée. La musique ne retombait donc pas, et sembla même s’élever encore en peu lors du chorus de la chanteuse. Je ne sais pas s’il faut parler de scat à son propos, si l’on entend par là les autoroutes d’une improvisation  stéréotypée où l’on recycle de manière appliquée un lexique inventé par Ella ou Sarah. Quand Marie Daviet improvise, elle n’empreinte aucun sentier battu. Elle a des phrases incroyablement musicales, des phrases de soufflant, qui pourraien
t sortir du plus lyrique des saxophonistes. Et parfois, au milieu de cela, de manière imprévue, des petits cris, des poussées d’énergie primale, on a l’impression d’entendre une petite fille chanter une souris verte à tue-tête dans la cour de l’école. Ensuite, Peter Giron fait résonner des phrases chantantes, vigoureuses, charpentées, qui sont dessinées avec un admirable sens du relief. « Oh Dindi… ». Après la reprise de la mélodie, les quatre musiciens se regardent incrédules, comme s’ils se demandaient : mais qu’est ce qu’on va faire après ça ? .

 

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Pendant le reste du concert, je savoure la musique en me demandant « quel est le secret ? ». Comment peut-on rendre aussi frais, aussi neufs des standards tels que Yesterdays ou Body and Soul. J’essaie de comprendre. Il y a d’abord la voix bien sûr. D’apparence un peu fragile, mais en fait très souple, et capable d’éclats de violence dans les aigus. Mais il y a surtout la subtilité de la diction. En apparence la mélodie est respectée à la lettre, mais par un jeu de micro-inflexions, sur certaines notes et syllabes, Marie Daviet vous retourne un standard de l’intérieur. Elle s’approprie son âme pour mieux lui faire la peau. C’est ainsi qu’elle chante Just friends, Goodbye Pork Pie hat, Yesterdays , Body and Soul (avec une manière inimitable de distiller la phrase « I’m all for you ») What is this thing called love (beau duo avec le batteur David Paycha), une chanson de sa plume , « Soixante et une secondes », Three Flowers (de Mac Coy Tyner), Like someone in love, Night in Tunisia (où marie daviet assume le fameux break avec un allant admirable), Moonlight in Vermont, et Caravan. Sur ce dernier morceau, le jeune batteur David Paycha montre une belle variété d’approches. Quant à Marie Daviet, elle improvise en caressant le thème à rebrousse-poil, avec des phrases en notes tenues qui sont d’une merveilleuse musicalité.

 

 

 

 

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C’est fini. Je tourne un peu autour des musiciens. Peter Giron se plaint de douleurs à l’épaule et se plaint de l’inégalité physique entre contrebassistes qui souffrent et contrebassistes qui ne souffrent pas (« Pfff…Ray Brown n’a jamais rien eu »). Je discute avec Marie Daviet. Elle est toute menue, a un air de petit lutin. Elle me raconte quelques expériences qui ont forgé son parcours de jeune musicienne (elle n’a pas 25 ans). Elle vit à Lyon. Quand elle n’est pas chanteuse, elle est intervenante en milieu scolaire, elle initie de jeunes enfants à la musique : « Je leur fais faire une flûte à bec en bambou et leur apprend à s’en servir ». Son lien avec l’enfance semble très fort, jusque dans la manière dont elle construit ses improvisations : « Parfois je m’amuse à reprendre des intonations de babillage… ». Elle a suivi une formation sérieuse, rigoureuse, au CNR de Villeurbanne : « j’ai eu comme prof Sylvie Fessieux, qui m’a tout appris, notamment à me servir de ma voix comme d’un instrument. J’ai fait beaucoup de relevés, elle me demandait de reproduire exactement certains instrument, jusqu’aux effets de demi-piston des trompettistes… ».

A côté de nous, au bar, deux personnes sont passionnément engagées dans une discussion philosophico-éthylique. C’est un homme et une jeune femme. La jeune femme parle (très très fort) de l’« l’extériorité des choses ». Le jeune homme ne pipe mot, le nez dans sa bière. Je me dis que Marie Daviet, avec sa manière de transfigurer les standards de l’intérieur, est aussi loin qu’il est possible de cette « extériorité des choses ».

Texte JF Mondot

Dessins AC Alvoët