Jazz live
Publié le 15 Mar 2019

Orthez: Jean-Marie Ecay en Big Band, jazz naturel

Jazz Naturel, à Orthez en est à sa 26e édition. Le festival inscrit dans la petite ville béarnaise n’oublie pas de mettre à l’affiche les musiciens de jazz de la region. Paul Lay, produit de l’Ecole de Musique de la cite des bords du Gave viendra ainsi en clôture. Mais c’est un big band landais qui a marqué le début de ce rendez-vous jazz annuel. Avec un invité basque venu en voisin: Jean Marie Ecay.

Jean-MIchel Leygonie est venu sur scène pour expliquer ce que signifie aujourd’hui un label de jazz indépendant. La réalité d’un travail de fond, le prix de la liberté, les contraintes de la prise de risque assumée. Deux jeunes “produits” du  label Laborie Jazz ouvrent la 26e édition du festival Jazz Naturel, á Orthez.

Silvia Ribeiro Ferrera (bars, ts), Sébastien Baririer (p, cla), Clément Denis (b), Xavier Parlant (dm)

Benjamin Bobenrieth (g), Samuel de Zualda (g), Vincent Hemery (b)

Alexander Big Band, Direction Arnaud Labastie, invité Jean Marie Ecay

Jazz Naturel, Théâtre Francis Planté, Orthez (64300),13, 14

 

Silvia Ribeiro Ferreira

 

Elle bénéficie d’un son très personnel. Du grain, un relief particulier fait de douceur et d’amplitude répercutés sur le baryton. Une rondeur toute en séduction jaillit aussi du souffle au sax ténor. La musique du quartet en ressort plutôt singulière parce que très dépouillée voire un tantinet minimaliste dans l’expression parfois. Avec cependant ces drôles de pointes sèches, de montées en tension inattendues dans ce contexte linéaire dus aux claviers électroniques, aux coups de punchs de la basse électrique. Ses musiques venues de l’intérieur, Silvia Ribeiro Ferreira les rend en climats contrastés. Du feeling moelleux exprimé en solo au baryton en hommage au poéte lusitanien Luis de Camôes (Luziades) jusque à des échos électros (Bicètre) en passant par la saudade aux accents pur “ fado” de Amalia, ode composée en hommage á la diva Amalia Rodrígues. Une petite frustration tout de même: en comparaison avec le son général de l’album (Luziades, Laborie Jazz/Socadisc), celui reproduit sur scène manque un peu de puissance évocatrice dans la necessité de tels contrastes, de ces couleurs fortes générées en opposition de noirs et de blancs (Furioso)

 

Benjamin Bobenrieth

 

Benjamin Bobenrieth connaît le Béarn. Originaire d’Oloron Sainte Marie, á l’entrée  de la vallée dAspe, il est carrément  sorti vainqueur, primé il y a quelques années du tremplin jazz du festival Des Rives et des Notes sis dans sa ville natale. Engagé dans la perpétuation du swing manouche il a trouvé sa voie. Accords qui sonnent, phrasé brillant, il parvient á donner aussi á sa guitare le sens de décalages frappés d‘une certaine originalite. De quoi ne pas se restreindre au seul récitatif plus ou moins savant que l’on retrouve trop souvent exposé dans les ressucées des topiques du jazz manouche. Ce qui n’empèche nullement le jeune guitariste au sourire communicatif sur scène de rendre hommage en passant á Django (il lui a même consacré une étude dans Impro Jazz) Et de loger au passage non sans une une certaine aisance, des idées neuves, des plans en forme de clin d’oeil dans les myriades de notes, les cadences infernales parcourues sur le manche.

 

Jean-Marie Ecay

 

Alexander Big Band: voilà un big band composé de musiciens amateurs placé sous la baguette d’un professionnel, Arnaud Labastie, pianiste et directeur de l’Ecole de Musique de Tarnos, ville landaise jouxtant Bayonne. Les références avouées  viennent du côté de Count Basie ou Duke Ellington. Cinq trombones, cinq sax et autant de trompettes. Le travail des sections est réglé au millimètre, ça tombe en place, Accentuations, ponctuation, effets de masse ou de pupitre, il y a du boulot derrière: ça sonne vrai grand orchestre de jazz. Certes, c’est pile dans la philosophie d’un festival comme Jazz Naturel de faire écho au bon boulot de musiciens de la région. Mais placer un big band local en tête d’affiche, comment faire sans le signaler.  L’idée de Jacques Canet, patron du festival orthézien ? Y associer un guest, un invité, un nom apte á résonner en deux points de la planète jazz, le local comme l’hexagonal. Banco pour Jean Marie Ecay, basque d’Hendaye et guitariste reconnu à Paris et ailleurs. Son entrée en scène booste les courants d’air musicaux du big band. Le fond, des standards, demeure le même. Pourtant la guitare, son chaud, phrasé tout en reliefs- “mon idée actuelle c’est de faire vivre au maximum les notes dans toutes les formes de sonorités de la guitare, y compris les plus actuelles” explique volontiers Jean Marie Ecay- tire l’ensemble de l’orchestre vers davantage d’intensité, d’impact. Cantaloup Island tire profit d’arrangements pertinents. Girl Talk, guitare et fond de cuivre clair glisse sur du pur moelleux. Sing Song, version Nougaro s’accroche aux aspérités d’un blues rugueux. Le Sidewinder de Lee Morgan enfin, résonne fort, haut tel un écho de Messengers au spectre instrumental élargi.

Jean-Marie Ecay l’avoue: “Il n’est pas fréquent d’avoir la chance de jouer en soliste d’un big band” Il prend la peine cependant, histoire d’inscrire de petites histoires dans les dites grandes du  répertoire de la formation, de placer deux duos ponctuels en exergue. Avec la voix de Vauxane, chanteuse associée á l’orchestre,  solide, puissante, formatée par et pour le blues. Dans la confrontation avec le sax alto de Stéphane Barbier également, pour un chase entamé á vitesse grand V, façon pur exercice be-bop. Lorsque vient le moment d’une ballade douce, soyeuse dans une sonorité cordes nylon, écrit par le guitariste basque pour Claude Nougaro avec lequel il tournait, Bras dessus bras dessous, joué dans l’intimité d’un quartet s’offre au final tel un désert composé en note douceur.

 

Jean-Marie Ecay, Vauxane duo blues

 

Robert Latxague

Photo Alexander Big Band, Jacques Canet