Jazz live
Publié le 17 Mar 2019

Orthez(2) : Gabacho Maroc, Kinga Glyk, funk naturel

Jazz Naturel, suite. Ou quand le festival d’Orthez propose à l’affiche quatre musiciens passés par l’école de musique locale. Fait découvrir la silhouette d’une bassiste polonaise folle de funk. Et sortir de leurs fauteuisl un public plutôt qunquas et au dessus, envouté par les arabesques de Gabacho Maroc.

Des images défilent sur grand écran tendu en fonds de scène. Couleurs, formes, objets, décor typiques, suggestifs, symboliques défilent ainsi en arrière plan en rapport avec le contenu musical. Jazz Naturel offre au public du festival une vision légendée des musiques jouées en live.

Gabacho Maroc : Hamid Moumen (voc, guembri), Aziz Fayed (voc, oud, percu), Frédéric Faure (voc, percu, n’goni), Illyès Ferfera (ts, voc), Charley Rose (as, voc, percu), Pierre Cherbero (cla, voc), Antoine Turrel (elb), Vincent Thomas (dm)

Peaks: Florian Marqués (ts), Florent Souchet (g), Arthur Hennebique (b), Corentin Rio (dm)

KInga Glyk (elb), Pawel Tomaszewski (p, cla), David Haynes (dm)

Jazz Naturel, Théâtre Francis Planté, Orthez (64300), 14-15 mars

 

Hamid Moumen, Vincent Thomas

C’est un mélange en règle, une decoction plutôt bien épicée qui fait du bien au mental comme au corps. Surtout pas une fusion façon sirop étiqueté oriental. Musique festive sur un fond marqué de figures composées de percussions prégnantes. Lesquelles  portent, poussent sans relâche vers l’avant des voix plurielles. Soit autant de mots chantés avec accents toniques. “Bouderbala” morceau choisi style chabi, bouge, bouscule les codes, passe en version rap sur des mots, formules Maghreb revisité en langue de Molière mode banlieues. Gabacho Maroc ( CD Tawassel, Les Arts Alliés @CristalRecords/Sony Music) dégage une énergie vitale, vitaliseé, exhale les parfums d’harmonies modales. Et dessine autant d’arabesques que de couleurs. À l’ecoute live, dans le mouvement  perpétuel on se croirait aisément  transporté au royaume live de syncopes magico-magiques (Desertum). Sax, Moog, oud électrifié plus  tout un bazar de percussions sonantes et diffusantes les alimentent à loisir. A plaisir.

Gabacho Maroc et les élèves de l’Ecole d Musique on stage

On entend  sans doute plus de choses écrites, mesures repérées répertoriées que de temps d’impro à proprement parler sauf chorus saillant de sax (Safar) et plages de percussions croisées (Baraka) Mais l’envie du déplacement du corps, l’appel à la danse  perdurent. Comme l’esprit de la musique Gnawa, transit vers la transe ( qui avait tant séduit en leur temps Don Cherry ou Ed Blackwell notamment) au travers des mélodies livrées ici à six voix, pas moins, en forme appel-réponse. Et puis bon, tant qu’à situer, contextualiser on peut aussi chez ce Gabacho Maroc teinté  d’Afrique fût-elle nord (Le Minotaure) se trouver sensible au fluide contenu dans le Weather Report “black magic” époque…Black Market. 

 

Kinga Glyk basse pure funk

Sur scène sous les spots mais aussi en affichage, dans les magazines, clichés tirés en petit ou grand format Il y a des looks, des silhouettes de musiciens qui marquent les esprits. Un chapeau noir, une basse électrique manche dressé, une posture offensive bien campé sur ses jambes, un son ronflant à découper des mesures ryth’m and blues: et bien non, ne vous y méprenez pas il ne s’agissait pas de Marcus Miller présent sur la scène du festival othézien ce soir là. Mais bien la personnalité d’une élégante bassiste polonaise, Kinga Glyk, originaire de Silésie. Un style, une manière qui certes en rappelle d’autres: slapping efficace sur les cordes, glissando sur le manche, accords qui claquent dans les graves, tout y est. Y compris au besoin sur des mesures de liaison, une grande sensibilité dans le phrasé, un sens de la musicalité affirmé pour aborder les parties développées dans les parties solo. Le trio livre dans son expression un son compact, plutôt carré. Pourtant David Haynes, batteur américain installé à Berlin, fait preuve á l’occasion d’un beau sens de la nuance, de l’accentuation pertinente (solo à main nue sur caisses et cymbales) Trois ou quatre incursions sur le piano acoustique en dehors des éclats majoritaires offerts sur les claviers électroniques de la part de Pawel Tomaszewski (pianiste dans la lignée de Leszek Mojdjer, spécialiste dans l’impro du décryptage des mélodies de Chopin ou de Marcin Wasilewski dans le quartet de feu Tomas Stanko) donnent aussi au trio certaines lignes de finesse, de tempérance musicale. Et puis offert en dessert, la recette fidèle du Teen Town de Weather Report (Et oui, décidément cité á nouveau) featuring Jaco Pastorius ou du Jean Pierre extrait version Marcus Miller ne manquaient pas, engagement “physique” compris sur l’instrument, d’inspiration. “Marcus, à vrai dire, c’est mon héros” confessait-elle après un bis réclamé avec insistance de la part d’un public conquis…

 

Si l’on compte bien, ce festival inscrit dans la cité béarnaise comptait en son affiche pas moins de quatre enfants de la ville, tous passés par l’Ecole de Musique d’Orthez. Sylvain Darrifourcq, Florent Marques, Fidel Fourneyron et, concert á venir, Paul Lay. Pas mal pour une cité tranquille de quelques milliers d’âme en matière de jeunes musiciens en activité remarquée dans le jazz hexagonal. Florian Marques saxophoniste  “monté” à Paris il y a deux ans seulement évolue dans un groupe baptisé “Peaks” par séduction pour le réalisateur David Lynch. Intéressante sonorité de ténor joué sans passage en force, souffle maintenu en contrôle avec juste ce qu’il faut de relief. Des structures très décomposées aptes á l’improvisation,  un affichage clair dans le contenu des compositions. Au total, le constat d’un vrai travail du quartet. Et cet aveu au passage dans une formule sonnant très rugby, culture dominante locale “J’étais ému de jouer á la maison…’’

 

Florian Marqués

Fidel Fourneyron lui, membre de la livrée de l’ONJ époque Olivier Benoit dirige du doigt et d’un œil averti, l’Harmonie Municipale, en pleine rue au pied du Théâtre: trente musiciens du crû sonnent clair sous sa férule baignés d’un soleil printanier dans un climat musique afro-cubain .  Juste retour des choses in fine, une sorte de reçu, de merci musical pour beaucoup d’heures données par ses formateurs de l’école de musique locale.  Joli geste en tous cas.

 

Fidel Fourneyron, lHarmonie Municipale, dancin’ In thé street

 

Robert Latxague