Jazz live
Publié le 10 Sep 2018

Parfum de Jazz (20ème anniversaire) Les Ladies du Jazz (II)

Episode II... les concerts en Tricastin (du 21 au 25 août) et quelques focus sur les animations gratuites et les conférences de toute la quinzaine Parfum de Jazz.

Parfum de Jazz, festival itinérant, s’est déroulé du 12 au 25 août dans quinze communes de la Drôme Provençale et du Tricastin (Buis-les-Baronnies, Nyons, Pierrelatte, Saint-Paul-Trois-Châteaux, entre autres…): animations gratuites dans la journée sur les places de villages et en divers lieux (caves vinicoles, hôpital, maison de retraite…), exposition photographique, cycle de 8 conférences et concerts en soirée.

Voir les considérations générales et globales sur Parfum de Jazz dans le LiveReport Episode I publié dans le Jazz Live du 31 août.

Les concerts du soir en Tricastin

La Garde Adhémar (21 août) : Tatanka Trio et Domanchich/Goubert Duo

Le quartet d’Airelle Besson était programmé pour cette soirée du 21 août mais pour des raisons de force majeure Airelle avait déclaré forfait.
Les organisateurs proposèrent deux groupes (pour le prix d’un!) pour pallier à cette absence.

Tatanka Trio

Emmanuelle Legros (tp,bugle); Guillaume Lavergne (claviers); Corentin Quemener (dr, perc).

Tatanka signifie bison, chez les Sioux et… la musique du trio évoque bien les grands espaces, les grandes plaines… Elle est aérée. La trompettiste et bugliste a un très beau son un peu mat. Elle ne cherche jamais la virtuosité gratuite et clinquante, et utilise l’électronique avec modération et sensibilité. Le batteur colore, souvent de manière surprenante, les climats installés par le clavier. Les compositions originales sont sensibles, ciselées, toujours étonnantes. Tatanka : une belle découverte.

Emmanuelle Legros

Domanchich/Goubert Duo

Sophia Domanchich (p) et Simon Goubert (dr)

Deux musiciens aux CV plus qu’impressionnants.

Si vous n’êtes pas un jazz fan « pointu » (et… d’un certain âge) quelques minutes de recherche sur « la toile » vont vous faire tomber de l’armoire!

Sophia et Simon sont des pointures premium du jazz européen. Depuis des décennies ils ont joué, ensemble ou séparément, dans de multiples projets en des contextes stylistiques fort variés.

Il aiment jouer en duo. Et le démontrent. En toute liberté.

Dans une démarche fusionnelle, qui intègre harmonieusement leurs propres « backgrounds ».

« Sur un fond de sagesse” pianistique l’acuité de son sens mélodique et ses “débordements” provoquent -en le contrôlant parfaitement- un exquis sentiment d’instabilité. Comme un doux vertige ». Cette courte, mais superbe, analyse du regretté Xavier Matthyssens (dans le Dictionnaire du Jazz aux éditions Robert Laffont) résume parfaitement les sensations ressenties en écoutant Sophia en cette soirée du 21 août.

Dans une longue et passionnante interview publiée dans Batteur Magazine en 2013, Simon Goubert « révèle » comment il conçoit le rôle du batteur dans un groupe.

« Qu’il s’agisse d’un “dingading” ou d’un phrasé libre, si tu le joues tout seul, les gens autour de toi seront malheureux, mais si l’on se place “avec” et que l’on se montre attentif à chaque note des autres, tout peut passer ». Tout est dit !

Au rappel le duo offre une surprenante et fascinante version « labyrinthique » de Lonely Woman.

Parfum de Jazz 2018 avait prévu pour deux concerts une rencontre en « pied de scène » (c’est très tendance…). Le signataire de cette chronique s’est retrouvé « volontaire désigné d’office » pour cette tâche ingrate…

Après avoir fait remarquer au public resté pour participer à ce « pied de scène » que Simon Goubert, avant le concert, avait très longuement et minutieusement réglé et accordé ses caisses et futs, j’avais conclu, d’une manière un peu abrupte et décalée, que la vieille « blagounette » racontant qu’ « un quintet de jazz était composé de 4 musiciens et … d’un batteur ! » était désormais vraiment « périmée »!

Quand, ensuite, j’ai demandé au duo « si l’absence d’un contrebassiste ne se faisait pas trop sentir », il me fut fermement (et logiquement !) rétorqué qu’un duo était un duo… Et que c’était donc un choix délibéré, dans cette formule, de jouer sans bassiste !

Enfin un « érudit » disserta longuement sur le fait qu’il avait ressenti ce concert comme très proche de la musique contemporaine. Remarque qui n’a pas vraiment plu à Sophia… qui a répondu : « On peut considérer que dans le jazz depuis ses origines, il y a de l’improvisation, une notion d’échange, la capacité d’écoute, beaucoup d’échange. J’aime cet espace de liberté. Dans la musique contemporaine il n’y a pas le même rapport au rythme, au tempo. »

Sophia et Simon

La Garde Adhémar (22 août) : Géraldine Laurent Quartet

Géraldine Laurent (as), Paul Lay (p), Yoni Zelnik (b), Donald Kontomanou (dr).

Avec ce quartet et la complicité qui s’en dégage, Géraldine Laurent s’est trouvé un écrin parfait, la formation idéale, pour développer ses intuitions musicales et son lyrisme incandescent. A partir, principalement, du répertoire de son dernier CD At Work (produit par Laurent de Wilde) toute l’histoire du jazz moderne nous est contée avec inventivité et fraicheur.

Aux côtés de Géraldine, Paul Lay, pianiste couvert d’éloges et bardé de moult récompenses prestigieuses… « Excellente imagination harmonique, jeu très diversifié connaissance évidente de l’histoire du jazz » pour Martial Solal. « le plus brillant pianiste de jazz de sa génération » pour Le Monde.

Paul joue beaucoup (et partout : en France et à l’étranger). Du solo au big band (avec le projet Ping), comme leader* ou sideman (très recherché). Playboy souriant et doux… Quand l’orage menace et que les organisateurs lui annoncent un éventuel repli dans une salle « indoor », sans possibilité de transporter le piano à queue, à la question « accepteriez vous, dans ce cas, de jouer sur un Fender Rhodes ? », il répond d’abord par une moue qui en dit long mais… accepte. Heureusement il n’a pas plu. Et Paul a pu ainsi nous faire profiter pleinement de la richesse de son jeu, à la fois subtil et vigoureux, sur le clavier acoustique.

A la contrebasse Yoni Zelnik joue dans un solide registre « walking bass », avec un gros son, « au fond du temps », permettant ainsi au batteur Donald Kotomanou de proposer un jeu ouvert et inventif.

En pied de scène (acte II) les musiciens ont longuement expliqué la démarche du quartet, que Géraldine dénomme « l’interplay ». Fluidité des échanges. Circulation permanente et inventive entre les musiciens, faite d’écoutes réciproques.

Le quartet de Geraldine au catering…

Le dernier CD, At Work, de Géraldine.

* Avec, entre autres, trois projets originaux : « Billie » (avec un vidéaste), « Alcazar Memories » et « The Party ».

Pierrelatte (23 août) : Lisa Simone Quartet

Lisa Simone (voc), Sonny Troupé (dr, perc), Reggie Washington (gb,b), Yann Negrit (g).

Avec son trio Lisa Simone tourne beaucoup depuis quelques années. Elle maîtrise parfaitement son répertoire, qui a peu évolué (textes de présentation compris) mais qui lui permet de triompher pleinement à chaque concert. Seule vraie surprise au Théâtre du Rocher de Pierrelatte : l’absence de son guitariste Hervé Samb. Ce qui nous a permis de découvrir Yann Négrit, qui remplace Samb pour quelques dates. Négrit, comme Samb et Sonny Troupé appartient à la riche et brillante filière guadeloupéenne. Son jeu, limpide, dynamique et précis, s’accorde parfaitement avec l’approche syncrétique du drumming de Troupé où influences africaines et antillaises, bien présentes, se marient au jazz, au funk ou à la pop…

Yann Negrit et Reggie Washington… très complices

Lisa, pour les organisateurs disposant d’un budget conséquent, a mis sur pied une nouvelle formule avec trois souffleurs (tp, tb et sax). Le saxophoniste est Olivier Temime… Hâte d’entendre ce sextet qui doit « dépoter »!

Mais ce n’est pas tout… Lisa nous annonce joyeusement un « gros » projet qui visiblement l’émoustille : elle va chanter (pour la première fois si j’ai bien compris) avec un big band le 14 octobre à Toulouse dans le cadre de Jazz Sur Son 31. C’est le Big Band Garonne dirigé par Philippe Léogé qui l’accompagnera.

Lisa vient de retrouver sur son smartphone la date de son concert en big band à Toulouse…

Saint Paul 3 Châteaux (24 août) : Camille Bertault Quartet

Camille Bertault (voc), Fady Farah (p) Christophe Minck (b), Donald Kontamanou (dr).

« Nouvelle princesse du scat funambule, chanteuse singulière » Alain Brunet présente ainsi l’étonnante Camille Bertault.

Camille Bertault

Découverte lors de la soirée Jazz Magazine en janvier 2018 au Trianon, Camille nous a, à nouveau, épaté. Sur la riche scène des vocalistes françaises on peut qualifier son style d’OVNI (objet vocal non identifié)…

Belle, vive, drôle, surdouée, à l’aise sur scène (elle a « pratiqué » le théâtre) : son « récital », brillant, part dans tous les sens. Et donne quasiment, mais de manière agréable (comme une douce ivresse), le tournis.

Sa version, en vocalese (rappel: des vraies paroles… pas du scat), de Giant Steps (devenu Pas de Géant) lorsqu’elle fut diffusée sur « la toile » avait généré en quelques jours 500 000 vues ! En live, ici, lors d’une soirée où un léger mistral avait refroidi l’atmosphère, elle l’a magistralement interprétée.

Son répertoire éclectique (c’est le moins qu’on puisse dire!) reflète ses multiples influences et inspirations. Compositions personnelles, medley de morceaux de musique classique (Bach, Ravel et Satie qu’elle a mis en paroles sur Satiesque !) et nombreuses reprises. Parmi les surprises de son « show » : Comment te dire adieu un tube de Françoise Hardy sur des paroles de Serge Gainsbourg, Je me suis fait tout petit de Georges Brassens. Sur Je bois de Boris Vian et Conne de Brigitte Fontaine Camille se déchaîne (son background théâtre, bien utilisé…).

Au rappel deux morceaux chantés en Brésilien : une reprise de House of Jade de Wayne Shorter rebaptisée Casa de Jade et Forro Brasil d’Hermeto Pascual.

Quel voyage !

Saint Paul Trois Châteaux (25 août) Marion Rampal Quintet avec Archie Shepp : Main Blue

Marion Rampal (voc), Anne Pacéo (dr), Pierre François Blanchard (claviers), Darryl Hall (b) et Archie Shepp (ts, ss, voc).

Ce soir le mistral est déchaîné. Le concert final de Parfum de Jazz prévu sur la place centrale du beau village de Saint Paul Trois Châteaux, est condamné à un repli « indoor » vers la grande, confortable et bien équipée salle polyvalente de la commune.

Marion Rampal (chanteuse et song writer) choisie par Archie Shepp pour des reprises récentes (en live ou en studio) de son magnifique Attica Blues a, à son tour, pour ce concert exceptionnel, invité le saxophoniste pour une « célébration du blues ».

Shepp depuis plus de 50 ans fascine et enthousiasme les amateurs de jazz vif.

Il vient d’avoir 80 ans, c’est une star et pourtant, visiblement, il ne prend pas ce concert à la légère. Il se montre fort attentionné avec Marion.

Pendant la balance, très attentif, il revoit consciencieusement les scores des thèmes choisies par Marion, il chante avec elle, pour revoir quelques textes… Puis, resté seul sur la scène vide, il « chauffe » longuement son ténor et son soprano…

Insistons : on ressent clairement que ce concert n’est pas un « gig » ordinaire pour lui.

Pendant le concert il va le prouver amplement.

En première partie, avec son trio homogène et brillant, Marion Rampal, a proposé, comme dans son album Main Blue (de 2016), quelques thèmes reflets de ses multiples rencontres musicales avec, entre autres, l’Afrique, New York, La Nouvelle-Orléans…

Après la pause, entrée princière de Shepp à pas lents et chaloupés, grand sourire malicieux aux lèvres : « « J’adore être sideman, c’est beaucoup plus reposant que leader, j’avais oublié ces sensations».

Au saxophones, ténor et soprano, comme au chant il se régale sur quelques unes de ses compositions mythiques choisies par Marion Rampal : Mama Rose, Revotution, Blasé…

Marion, Archie, Anne, Darry Hall, Pierre-François Blanchard

Grands moments de lyrisme controlé avec un maitrise parfaite des silences. Avec, au ténor, ce beau et gros son évoquant tous les grands maîtres de l’instrument.

A la batterie Anne Pacéo, est visiblement ravie de participer à cette fête : swing et force de frappe. Après le concert elle pose aux côtés d’Archie : un monument du jazz, le sourire un peu coquin et une étoile montante émue. Attendrissant.

Archie et Anne : complices…

Au rappel Archie et Marion, en duo a cappella, sur Love Everywhere, régalent l’auditoire.

Standing ovation.

Final parfait pour ce vingtième anniversaire de Parfum de Jazz.

Mais… il nous reste à évoquer quelques unes des nombreuses animations et conférences proposées chaque jour en « bonus » gratuits.

Les concerts/animations

Sur les places et marchés des petites ou grandes communes touristiques de la belle Drôme Provençale ou au magnifique Cloître des Bénédictins de Buis les Baronnies (écrin idéal pour ce type d’animations), en matinée ou en fin d’après midi, plus d’une vingtaine de concerts gratuits présentant huit groupes (programmés plusieurs fois chacun en différents lieux) étaient proposés aux jazzfans et aux touristes (nombreux dans cette région au mois d’août).

Plusieurs de ces animations finirent en « bœufs  à l’ancienne » avec des « chases » vigoureux entre musiciens du festival ou de passage. Alain Brunet, délaissant cette année sa trompette, y participa plusieurs fois en scattant avec humour.

Jessica Rock

Une montilienne (gentilé des natifs de Montélimar ; Michel Petrucciani vécut longtemps dans cette ville et le signataire de ces lignes y est né ! Et alors ? Rien juste comme çà…) qui vient de publier son premier CD (A 1550). A Parfum de Jazz à la fin de ses concerts elle en a vendu un assez grand nombre: indicateur fiable de la qualité de ses prestations. Douceur et force. Subtilité et rigueur. Belles promesses pour l’avenir chez cette instrumentiste de formation classique de haut niveau. En plus de sa virtuosité d’interprète, Jessica a une réel talent de compositrice.

Jessica Rock (Une Montilienne…)

Le cd A 1550 de Jessica qui vient de sortir

Grazzia Giu

Avec son Quartet, Grazzia (une fidèle de Crest jazz Vocal) présente les thèmes (principalement des compos) de son dernier album « Life is ». Grazzia se raconte : ses humeurs, ses expériences. Bel univers bien servi par ses musiciens: Lionel Melot son fidèle pianiste notamment. Elle soigne ses effets vocaux avec une pointe de sophistication bien maîtrisée. Une reprise : Space Oddity de David Bowie sur un arrangement original de la chanteuse.

Sylvia Howard & ses boys

Sylvia Howard, native d’Indianapolis, vit depuis fort longtemps à Paris. Cette sexagénaire en pleine forme, était accompagnée par de fidèles amis : entre autres Claude Carrière au piano (Président d’Honneur de l’Académie du Jazz) et Jean Jacques Taieb aux anches (lui aussi académicien du jazz). Chanteuse à fort tempérament, au style spectaculaire, pour parfum de Jazz elle a rendu hommage, avec grand succès, à Duke Ellington.

Suzy and Kho

Monsieur Khoury et sa compagne enseignent au département jazz du Conservatoire de Vienne. Philippe est au piano et Frédérique Brun chante. Ils ont créé leur quartet en 2015.

Quand il est libre, Robinson Khoury, leur fils se joint au quartet.

Robinson, tromboniste à peine âgé d’un peu plus de 20 ans, est un surdoué. Bardé de prix en classique comme en jazz. Lauréat de moult tremplins. Sollicité de toutes parts (en symphonique, en jazz, pour des séances d’enregistrements…). Dans la lignée des grands trombonistes des années 50 et 60 (J.J. Johnson and co…). Superbe sonorité. Impressionnant de facilité et d’inventivité.

En concert gratuit sur la place centrale de Nyons (la capitale de l’olive provençale), noire de monde (c’était le 15 août…), Suzy and Kho a obtenu un vrai succès populaire.

Le choix du répertoire était bien adapté à un concert grand public. Suzy et ses musiciens le maîtrisent parfaitement. Pas de batteur… mais un bassiste et un guitariste qui assurent: (Christophe Lincontang b, Bruno Simon à la guitare, un étonnante guitare acoustique de type portugais à pans coupés).

Mr Paganini, The Man I love, There’s a boat et It Ain’t Necessarily So (de Porgy and Bess), Fascinating in Rhythm, Black Coffee du côté des grands standards du jazz, mais aussi Natural Woman en hommage à Aretha Franklin ainsi que du Tom Jones, du Michel Legrand et un thème des Beattles. Plus un morceau orientalisant assez fascinant : Lammabada.

Sacré promenade  où Frédérique était plus qu’à l’aise : en 1996 Frédérique avait tourné avec un programme d’Hommage à Ella Fitzgerald et en 2003 avec un Tribute to Gershwin.

Une surprise : sur Twisted d’Annie Ross, Frédérique (alias Suzy) a écrit des paroles en français qu’elle chante en vocalese (pas en scat donc…) à la manière de Jon Hendrick et des Double Six. Dans sa version très drôle de Twisted elle se moque gentiment de son psychanalyste… Extrait : « Mon psychanalyste me traite d’hystérique … je sais que je suis un peu fantaisiste mais de là à dire des mots si dramatiques, c’est pas thérapeutique, je me fous de son diagnostic, et vous ? »

Suzy and Kho

Le 16 août dans la cours du Couvent des Dominicains (à Buis les Baronnies) lors d’un apéro/concert de Suzy and Kho la chanteuse interpréta un thème de Michel Legrand. Alain Brunet, après avoir scatté avec humour avec le groupe, aperçut dans le public Yves Chamberland en train de s’assoupir. Très en verve il évoqua alors l’incroyable carrière de Chamberland en rappelant qu’il fut le « patron » des mythiques Studios Davout où des milliers d’albums (de jazz entre autres) et de musiques de films furent enregistrés (dont Les Parapluies de Cherbourg et les Demoiselles de Rochefort).

Le scat/gag d’Alain Brunet avec Suzy and KHO

Chamberland s’occupa aussi de la carrière de Michel Petrucciani. A ce propos Brunet a raconté une anecdote  très drôle: pour une cérémonie officielle de remise d’une haute distinction au jeune pianiste François Mitterrand avait tenu à être présent. Au moment où le Président est venu saluer les invités… Yves Chamberland sommeillait! A Buis Chamberland à qui Brunet demanda s’il se souvenait de cela a répondu en souriant : « Non, bien sûr, puisque je dormais ! ».

 

Yves Chamberland amicalement surnommé Droopy!

Le cycle de conférences sur « Les femmes dans le Jazz »

Ludovic Florin, maitre de conférences en musicologie à l’Université de Toulouse et collaborateur de Jazz Magazine avait concocté avec Geneviève Manois un programme de 6 conférences sur les thème des « Femmes dans le Jazz », ainsi qu’une table ronde « Femmes et Jazz : Etat des Lieux ».

Près de 400 personnes ont assisté à ces conférences : belle réussite pour un pari qui n’était pas gagné d’avance.

Une célèbre photo d’Art Kane de 1958 : « A Great Day in Harlem » (impossible de la reproduire ici : elle est copyrightée, mais une recherche de quelques secondes sur la toile vous permettra de la découvrir) montre une cinquantaine de jazzmen célèbres vivant à New York. Sur cette image on dénombre trois femmes ! Tout est dit !

Ludovic Florin et Jean Paul Boutellier (incroyable érudit en jazz, en BD comme en cinéma, fondateur du festival de Vienne) ont bien confirmé qu’hors les chanteuses et pianistes très longtemps il n’y eut que peu d’instrumentistes dans le monde du jazz.

Mais grâce à leurs recherches, restituées sous forme de vidéos rarissimes et surprenantes, ils nous ont montré que dès les années 30 (et de plus en plus ensuite) des jazzwomen instrumentistes étaient bien présentes dans les concerts, dans les enregistrements et surtout dans de nombreux films (longs ou courts métrages). Le cinéma des années 30/40 et 50 a beaucoup filmé des jazzwomen et des orchestres entièrement féminins.

Une table ronde intitulée « Femmes et Jazz :état des lieux » a réuni 6 intervenants.

Lorraine Soliman, Anne Legrand (docteures en musicologie), Elsa Favier (sociologue, chanteuse et doctorante), Julie Saury (« batteriste » terme qu’elle préfère à batteuse),
Jean-Paul Boutellier (présenté supra) et Ludovic Florin (docteur en musicologie, membre de l’Académie du jazz). On m’avait confié la tâche, pas évidente, de « modérateur ».

Quatre femmes, deux hommes (donc pas de machisme dans la composition de la liste des intervenants!) mais … une seule musicienne : Julie Saury. Sa présence vive et tonique, sans langue de bois, a permis d’illustrer brillamment et « concrètement » (à partir de son vécu de batteriste et de jazzwomen) les propos des experts et universitaires.

Marie Buscatto qui a écrit “Femmes du jazz” n’était pas disponible pour cette table ronde, mais les thèses présentées dans son ouvrage ont été longuement évoquées et discutées par les participants de la table ronde.

Les participants à la table ronde 

Exposition et projection

Pour compléter ce compte rendu de l’édition 2018, particulièrement réussie, de Parfum de Jazz mentionnons aussi l’exposition de photographies d’André « Moustac » Henrot, qui présentait une cinquantaine de portraits de… devinez ? Ladies de Jazz, bien sûr… Dont toutes celles (et bien d’autres) qui étaient programmées à Parfum de Jazz.

Sans oublier, moment émouvant, une projection du film « Billie Holiday for ever » de Frank Cassenti. Cinéaste prolixe Cassenti a plus de deux cent films « au compteur », dont de nombreux documentaires cultissimes consacrés à des jazzmen : Sun Ra, Michel Petrucciani, Richard Galiano, Henri Texier et Archie Shepp… La projection a eu lieu en la présence du réalisateur au cinéma Le Reg’art devant une salle bien garnie.

Ce film, sorti fin 2012, retrace la vie courte et tumultueuse, le destin sombre et pathétique d’une femme d’exception qui ne se réalisait que sur scène, véritable refuge.

Images d’archives, témoignages et interprétations récentes de plusieurs chanteuses et instrumentistes qui rendent hommage à Billie : Patricia Barber, Leena Conquest et Dave Burrel, La Velle, Cécile Mc Lorin et Jacky Terrasson, Sandra N’Kaké, Sarah Quintana, Hal Singer et Archie Shepp…

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Clap de fin avec la pochette du film de Cassenti publié chez Arte

Pierre-Henri Ardonceau