Jazz live
Publié le 31 Juil 2021

Paseo, Luc Belmondo « Salut Bayoune! » *

À Bayonne Paseo aura offert 180 rendez-vous culturels du 16 juillet au 10 septembre. Musiques au pluriel (de la chanson basque au rap en passant par classique et jazz), danse, prestations dans l’art plastique, le festival décliné au jour le jour se veut être un événement d’été offert en mode spectacles gratuits « Nous avons voulu expérimenter en matière de spectacle vivant » affirme Roger Goyeneche directeur de la culture. Qu’on se le dise Paseo intervient également pour amoindrir, adoucir l’impact de l’absence des Fêtes de Bayonne mises en pause pour la deuxième année consécutive.

Il sourit, plaisante avec son compère trompettiste, provoque gentiment le public. Mais qui le connaît bien peut déceler derrière cette force « tranquillote », diminutif bien bayonnais, une petite touche d’émotion. Il joue dans sa ville natale ce soir, Sylvain Luc. Et au moment de faire monter son frère ainé sur scène avec son accordéon pour le bis il lâche d’une voix un zeste serrée « Mon frère est là oui, mais ma mère aussi, assise là au premier rang. Bonsoir maman… » De ce point sensible, de cette petite accélération du rythme cardiaque imperceptible, le guitariste bayonnais avait déjà livré deux signes avant- coureurs « Nous allons vous jouer un thème composé pour le trio Luc dédié à un frangin musicien qui n’est plus là… » Et plus tard « Ce n’est pas rien de revenir jouer au pays vous savez. Surtout sur la scène d’un théâtre portant le nom de Michel Portal. Ne l’oubliez pas celui là… »

Sylvain Luc (g), Stéphane Belmondo (tp, bug)

Paseo, Théâtre Michel Portal, Bayonne (64100), 27 juillet

On les sent ces deux là investis dans une complicité totale. Leur premier album en duo date de 22 ans. En ouverture, hasard ou nécessité du temps, il est question de Melancoly of Rita. Belmondo déjà  sur ce thème introductif signé de sa main installe un souffle total très nature. La guitare répond par des accords premier choix répercutés en écho. Il possède cette faculté, Sylvain Luc, de rendre tout geste musical empli d’aisance. C’est vrai, c’est réel. Voici venu mine de rien It’s real dont il fait une intro rythmique simple, comme dans l’intention de poser la musique. Même si chez lui ce verbe statique de sens peut sembler paradoxal. Il joue -mot, acte qui le définit bien- avec les sons, il se joue des notes tout en passes croisées, « il les bouge ces foutues notes ! » pour reprendre une  autre maxime du vocabulaire rugbystique. Là, la trompette bouchée y ajoute une touche de souffle feutré. Ils s’écoutent, se regardent. Se cherchent aussi à l’occasion d’un pas de côté histoire de se retrouver à l’unisson ( Les yeux dans l’eau) entre sonorités très teintée acoustique (guitare/bugle) pure en dépit de la sonorisation. On serait tenté de dire : “ça oui c’est du jazz ! “ alors qu’on est persuadé d’entendre simplement le refrain d’une chanson. D’ailleurs pour rester sur ce chapitre le titre suivant Ménilmontant, -nom qui a sacralisé un grand de la chanson tricolore- donne l’occasion à Stéphane Belmondo d’exposer une belle rondeur de son apte à mieux tourner autour de la mélodie.

 

 

Stéphane Belmondo

 

Ils se connaissent, ils se devinent, ils n’ont aucun problème à s’emboiter le pas pour exploiter, l’un  un air cuivré légèrement saturé sous des attaques d’embouchure, au bugle toujours (Joey’s  smile) l’autre via un travail rythmique intense sur les cordes basses chargées de réverbération ou d’effet boucle « Quel incroyable rythmicien celui là ! » disait à juste titre Bernard Lubat un jour de joute en duo à Uzeste.

 

Sylvain et Gérard : la fratrie

 

Il reste à vivre dans ce concert masqué et pour la première fois soumis à l’impératif du passe sanitaire, un moment lui aussi chargé d’un peu plus d’adrénaline que prévu. Sylvain Luc invite donc son frère Gérard à venir le rejoindre sur scène. C’est à ses côtés pour les besoins de bals populaires donnés au Pays Basque que le cadet de la famille, un jour, encore ado prit une guitare alors qu’il pratiquait le violoncelle au Conservatoire de Bayonne. Une complicité immédiate s’instaure là encore, partage d’expérience et de vécu. La musique transporte illico ces données formatrices tel un voyage que l’on reprendrait des années plus tard. Et l’accordéon de l’ainé de mener le bal, alors,  sur l’air mille fois joué d’une d’une titre mythique de la chanson française: Sous les ponts de Paris, joué en trio à Bayonne… á deux pas de lAdour,  le,fleuve qui irrigue la ville. Il est des raccourcis…

 

 

* Salut Bayoune  est une chanson emblématique de la ville, écrite en gascon de Bayonne, entonnée lors de cérémonies ou de fêtes dans la cité

Robert Latxague