Jazz live
Publié le 13 Mai 2019

Persona (Jarret-Perrot-Tessier) et les passages secrets

Paul Jarret, Alexandre Perrot, et Ariel Tessier présentaient samedi soir un nouveau trio , baptisé Persona (par ailleurs un des plus beaux films de Bergann) pour une musique ouverte, lyrique, profonde.

Paul Jarret (guitare) , Alexandre Perrot (contrebasse), Ariel Tessier (batterie), le Sunside, 11 mai 2019

Il y a des musiciens qui enfoncent les portes ouvertes. Le trio d’Alexandre Perrot, Paul Jarret, Ariel Teissier, lui, trouve des passages secrets. Par exemple quand ils jouent Moonlight in Vermont. Une version absolument magnifique de ce thème, un peu alanguie et somnambulique, est énoncée par Paul Jarret à la guitare avec une belle délicatesse de toucher . La dernière phrase du thème est tordue, ressassée, remâchée et le morceau finit par s’ouvrir, découvrant un passage inconnu vers des atmosphères tempêtueuses : comme si à force de creuser le lyrisme on finissait par y trouver le jus noir et amer d’une violence cachée.
Mais parfois c’est le contraire. Au début du deuxième set, Paul Jarret se lance dans un morceau (Soren’s place d’après mes notes) tout en distorsions, en saturations, tandis qu’Alexandre Perrot, à l’archet , trouve des nuances de râclements qui viennent lui prêter main forte. A force de creuser ces saturations, une mélodie finit par jaillir, que le trio examine sous tous ses angles avant qu’Ariel Tessier ne vienne clore le débat d’un énorme coup de cymbale.
On voit à travers ces deux exemples que le trio joue une musique ouverte aux bifurcations et aux chemins de traverse. Le trio prend le temps d’examiner sereinement quel chemin choisir, et dans quelle la brêche mélodique s’engouffrer pour trouver l’inattendu. C’est pour cela que le mot qui vient spontanément sous ma plume est « creuser ». La musique respire de toute cette attention portée aux événements rythmiques et mélodiques. Les musiciens font circuler la parole avec fluidité. Le batteur Ariel Tessier, capable de combustions soudaines, sait de manière infaillible quand il doit se transformer en bourrasque ou en brise légère. Souvent dans la soirée, Paul Jarret a exposé une mélodie (toujours avec une merveilleuse délicatesse de toucher, une manière très personnelle de ne gaspiller aucune note) en terminant par une dernière phrase transformée en ostinato sur lequel Alexandre Perrot a improvisé des phrases lyriques et véhémentes. Parfois (ce sont les moments que j’ai préférés) Alexandre Perrot et Paul jarret ont entrelacé leurs deux lignes mélodiques, et ce dialogue à égalité de chant entre guitare et basse était tout simplement magnifique.

JF Mondot