Jazz live
Publié le 19 Nov 2019

Pianomania au Duc, essais libres au Sunset

Une étape de Pianomania inscrite dans une soirée au Duc des Lombards parmi d’autres lieux à Paris choisis pour célébrer l’instrument; un concert organisé en parallèle avec piano, bien sûr, au programme du Sunside. La rue des Lombards figurait ce we le point chaud de ce festival dédié au piano jazz.

Venus de Toulouse et passés par le filtre formateur de Marciac, les frangins Sanchez, Adrien et Maxime poursuivent leur parcours. Et sément des petits cailloux de scènes et de studio, de Flash Pig jusqu’à des formules très personnelles. Au Sunside, à l’abri d’une cave un après-midi de turbulences gilets-jaunes jusque dans les Halles voisines, ils rodaient ce week end en quintet un répertoire inédit destiné à être enregistré les jours suivant. Pour un album à venir.

Adrien Sanchez (ts), Maxime Sanchez (p), Gustav Lundgren (g), Edouard Pennes (b), Fred Pasqua (dm)

Sunset

 

 

Adrien Sanchez (ts), Maxime Sanchez (p)

Dans la dimension génératrice de proximité d’un club, le son global de l’orchestre ressort au premier abord tel une masse, une structure plutôt dense, ronde. Sans aspérité notoire sans doute. Pourtant dès la seconde composition (QG ?…) un “chase“ introductif en mode confrontation sax/guitare dégageant deux voix parallèles, rapidement se transforme pour laisser les lignes harmoniques ou rythmiques se croiser, se télescoper au besoin. De quoi donner dans cette musique une impression de complexité, d’autant plus renforcée lorsqu’une longue séquence de piano solo installe ensuite des motifs circulaires de plus en plus rapprochés, intense, exposés à la façon d’une musique répétitive. Dans un tel contexte les musiciens ont besoin de repères, de signes, de paroles échangées “Ce sont de nouveaux morceaux, il s’agit de les mettre en place…” Une ballade joue à fond sur l’effet groupe, sur les ressources du collectif. Une composition « jamais jouée jusqu’ici » répondant à un titre anglais difficilement saisissable évoquant- ça ne s’invente pas- des “mots incompréhensibles”- se construit en changement de cadences, d’accentuations très contrastées sous la poussée conjuguée du piano et de la batterie. Ce jazz piqué de solos de guitare et sax ténor (son compressé dans sa colonne d’air libérée avec une intensité maximum par Adrien Sanchez) sonne très actuel dans ses structures. Avec dans l’esprit, qui sait, un côté décalages façon Ornette Coleman. Sans oublier le blues pour autant. Ou l’exposé  d’un thème de Lenny Tristano savamment revisité (318 street, 32 east) Petit épisode d’histoire d’un jazz en devenir nourri du présent et du passé. Essai assumé en live, en tous cas, sous les voutes d’une cave parisienne qui en a vu d’autres. À suivre.

 

Gustav Lundgren

 

Veronica Swift (voc), Fred Nardin (p), Viktor Nyberg (b), Romain Sarron 

Festival Pianomania, Le Duc des Lombards
Paris, 16 novembre

 

Veronica Swift

Une chanteuse plus un trio. Ou vice versa. Une première avouée pour Veronica Swift en forme d’hommage « Oui c’est bien la première fois que je viens à Paris pour chanter. Mais je sais que cette ville est un lieu privilégié pour le jazz » Un standard pour se lancer. Puis une ballade (You’re gonna hear me) La jeune chanteuse passée par New York est à l’aise visiblement, voix placée, phrasé impeccable ancré sur le rythme. Et l’on retrouve le pianiste qui fait que ce set à été placé dans le festival Pianomania, concerts se déroulant dans certaines salles et clubs parisiens une semaine durant en ce mois de novembre. Dans les différents tempos, les contextes divers de cette séquence jazz, Fred Nardin contrôle parfaitement les accentuations, maîtrise les volumes, assure le bon ton des contrechants. Le trio également, rythmique et soutien précis, s’affiche toujours en place. How long, It don’t mean a thing… c’est du classique, mais fait avec goût. Veronica Swift, élégante dans une longue robe lamellée argent, scintillante, ne cache pas ses influences « J’aime Eddie Jefferson; John Hendrix est un modèle, et ma mère déjà chantait fort bien le jazz…” Et l’on comprend mieux définitivement son attirance pour cette musique lorsque en guise d’explication elle révèle que son père fut un excellent pianiste, amoureux du be-bop “Il  a exercé notamment auprès d’Art Farmer” Appliqué au présent, son art du vocal jazz, son savoir faire puise dans le “Great American Song Book”, à sa manière, avec du swing, un scat réactualisé, de la couleur donnée par la voix aux mots, aux phrases des chansons “Bob Dorough, mon mentor me disait toujours: si tu fais ce métier n’hesite pas a sortir des sentiers battus” Pas de révolution pour autant, pas de tables de la loi jazz renversées non plus à 25 ans tout juste. Mais dans une séquence où Fred Nardin électrise des mesures de piano stride Veronica Swift entre dans un duo piano/voix sans retenue, chargée à mille volts. Marque d’une envie décuplée. On peut confronter ces images éclairées d’une jeune chanteuse de jazz émancipée dans sa manière live  au résultat de son premier opus enregistré (Confession/ Mack Avenue) Au piano, en cette occasion, Benny Green.
À vérifier.

 

Fred Nardin

  

Robert Latxague