Jazz live
Publié le 20 Juil 2020

RADIO FRANCE OCCITANIE MONTPELLIER : PAUL LAY ‘Deep Rivers’

Rescapé du festival après annulation de l’essentiel du programme, un week-end avec quelques concerts classiques, et deux concerts de jazz. La veille, la scène avait accueilli le Trio Barolo, avec Daniel Zimmermann en remplacement de Francesco Castellani. Le dimanche matin le chroniqueur s’est arraché à la torpeur estivale de la banlieue parisienne pour traverser la France afin de ne pas manquer Paul Lay et son trio ‘Deep Rivers’.

PAUL LAY ‘Deep Rivers’

Paul Lay (piano), Isabel Sörling (voix, percussions, effets), Simon Tailleu (contrebasse)

Montpellier, Parvis du Château d’Ô, 19 juillet 2020, 20h30

Le trio propose le programme de son récent disque «Deep Rivers» (Laborie Jazz / Socadisc). C’est une évocation de la musique états-unienne entre la fin de la Guerre de sécession et la fin de la Première guerre mondiale. Le disque en proposait une vision personnelle et originale ; le concert va encore plus loin, le talent des artistes étant dopé par la privation de concerts durant les mois précédents pour cause de pandémie, et aussi par la très grande qualité d’écoute des quelque 600 personnes présentes en ce lieu. Lieu pour moi chargé de souvenirs : en 1991 j’y accueillais, en qualité de producteur à France Musique, le Dodecaband de Martial Solal, et l’année suivante le tout nouvel O.N.J. de Denis Badault.

Quand le concert commence, la nuit n’est pas encore tombée. Pourtant l’intimité du chant et de la musique installe un climat de confidence nocturne. Le piano s’évade et la voix délivre une grande intensité d’expression, sans fracas. Puis c’est un enchaînement de trois chansons reliées par des intermèdes improvisés. L’intensité va croissant. Le titre suivant, Moonlight Bay, sera traité comme un blues d’extrême incandescence. Vient alors l’intermède piano-contrebasse : une longue intro très libre va déboucher sur l’inoxydable Mapple Leaf Rag de Scott Joplin, traité dans l’esprit de Fats Waller, et bien au-delà : Paul Lay pousse très loin le bouchon de la liberté. Scott Joplin n’échappe pas à la moulinette de Cecil Taylor.

Le chroniqueur est aux anges, et le public, pas effarouché par tant d’audace, est de plus en plus captif. Vient alors un grand moment d’émotion : sur un texte d’une jeune capitaine britannique qui écrivait -quelques jours avant de tomber au front- son amour de la culture allemande, en déplorant cette guerre, Isabel Sörling nous bouleverse autant par la puissance de son interprétation que par ses improvisations vocales. Frisson unanime ! Puis c’est Deep River : après une introduction de piano qui part de très loin, le spiritual est ici encanaillé de blues. Vient alors Battle of the Republic (souvent appelé Battle Hymn of the Republic), est une sorte d’étendard abolitionniste. Il est abordé avec folie par la voix et la contrebasse, auxquelles va se joindre le piano, pour un finale aussi déjanté qu’émouvant. Deux rappels sur le répertoire de Nina Simone : Go to Hell, présent sur le disque, puis l’emblématique Ain’t Got No / I Got Life. Chaleur des applaudissements, et ovation verticale largement méritée. Ce fut un grand moment de musique….

Xavier Prévost

Le concert n’a pas été enregistré par France Musique, mais il a été diffusé en direct sur la web-radio du festival. Un lien d’écoute sera disponible très prochainement. Vous en serez informés dès que possible