Jazz live
Publié le 13 Déc 2019

Trio magique

« C’est un miracle ! Chaque fois que l’on joue ensemble, c’est un miracle musical ». Ainsi s’exprimait Enrico Pieranunzi à l’issue du concert qu’il a donné avec Marc Johnson et Joey Baron mardi soir à Joué-les-Tours, lors d’un de deux seuls concerts donnés en France par ce trio qui n’avait pas rejoué depuis 13 ans.

Mardi 10 décembre 2019, Espace Malraux, Joué-les-Tours (37)

Enrico Pieranunzi / Marc Johnson / Joey Barron

Enrico Pieranunzi (p), Marc Johnson (cb), Joey Baron (dr)

 

Au milieu des années 1980, Marc Johnson se trouve un peu au creux de la vague. Après avoir été le dernier contrebassiste de Bill Evans, il est celui de Stan Getz pendant deux ans. Puis sa carrière se décline davantage par à-coups. C’est ainsi qu’en 1984, il accepte une tournée en Italie avec le pianiste Kenny Drew, en plus d’un batteur encore peu connu à l’époque, Joey Baron. Peu après leur arrivée dans la Péninsule, Kenny Drew est contraint de retourner aux États-Unis pour raison personnelle. Un producteur italien prend alors sa rythmique en charge et lui propose d’effectuer la tournée prévue avec Enrico Pieranunzi au piano. La première rencontre du nouveau trio ainsi formé se déroule à Rome, et la magie opère instantanément.

35 ans plus tard, l’idylle continue donc.

Bien que le concert donné à Joué-les-Tours ait été le premier d’une courte tournée, il n’a fallu guère de temps, à peu près la moitié de la première pièce, pour que les musiciens se retrouvent en territoire d’excellence. De même qu’il existe ce qu’on nomme l’oreille absolue, on pourrait parler d’une « interaction absolue » entre les membres du trio, tant leur entente sort du commun. Une aptitude qui résulte d’abord d’un immense respect mutuel, tout à fait palpable, et du moins visible. Il suffit d’observer Joey Baron, constamment en contact visuel et auditif avec ses partenaires, pour pouvoir l’affirmer.

Fort de sept albums, le répertoire du trio s’est révélé très varié. Outre des reprises anciennes (« Don’t Forget the Poet » enregistré en 1986), des compositions nouvelles (admirable « Molto ancora »), le public de Joué-les-Tours – très enthousiaste d’ailleurs – put apprécier deux arrangements de musiques de film d’Ennio Morricone (« Le Clan des Siciliens » et « Mio caro Doctor Grässler ») et deux standards traités de manière tout à fait différente. « I Hear a Rhapsody » fut en effet propice à de l’improvisation semi-intégrale, autrement dit une manière d’appréhender le thème, sa grille harmonique et sa structure de manière très libre, comme en filigrane (titre d’une autre composition de Pieranunzi au passage). En bis, le trio donna une version de « A Child Is Born » tout à fait respectueuse des codes jazziques et d’une profonde ferveur où Pieranunzi, ce hardbopper romantique, donna sa pleine mesure.

 

Après ce concert tourangeau co-organisé par Le Petit faucheux et l’Espace Malraux, le dernier concert de la petite tournée de ce trio magique se tiendra ce vendredi 13 décembre, à La Seine musicale de Paris.

Ludovic Florin