Jazz live
Publié le 23 Juin 2020

UN SET au SUNSET avec DAVID SAUZAY QUARTET

La date était attendue, le concert désiré. Ce devait être la soirée de reprise du club, mais elle avait été coiffée sur le poteau par les trois soirées programmées in extrémis pour anticiper la fête de la musique. Ci-dessous les chroniques de la première soirée, sur le site de Jazz Magazine

https://www.jazzmagazine.com/jazzlive/le-jazz-se-deconfine-au-sunset/

https://www.jazzmagazine.com/jazzlive/a-paris-au-sunside-reprise-des-concert-avec-ramona-horvat/

Mais ce soir, avec ce quartette, c’est comme un vrai recommencement. Un hommage à John Coltrane, par un orfèvre en la matière

DAVID SAUZAY QUARTET

David Sauzay (saxophone ténor), Noé Huchard (piano), Fabien Marcoz (contrebasse), Mourad Benhammou (batterie)

Paris, Sunside, 22 juin 2020, 19h30

La soirée est en 3 parties : 19h30, 21h30, puis jam session. J’assisterai à la première, qui commence dans la période Prestige de Coltrane, et avec un thème du disque «John Coltrane With The Red Garland Trio» (1957) : Bass Blues. Dès les premières notes d’impro de David Sauzay j’entends le Coltrane de l’époque Prestige, celui que, jeune amateur, j’avais découvert après la période Atlantic, pourtant postérieure de deux ans. Sensation de familiarité, d’urgence aussi. Dès ce premier titre, le quartette est embarqué, et le public, très attentif, avec lui. Ce qui nous motive, nous auditeurs en cet instant, ce n’est pas la nostalgie que ferait resurgir un bonheur passé : c’est l’évidence de ce qui se passe, ici et maintenant. Noé Huchard, que j’ai déjà écouté à plusieurs reprises depuis deux ans, et dans différents contextes, m’étonne encore par son évolution : très à l’aise, totalement impliqué, il taquine les harmonies du blues, en jouant dans son improvisation in and out, les notes attendues, orthodoxes, et celles hétérodoxes qui allument chez l’auditeur des bonheurs de surprise. Il fera de même sur le thème suivant, Super-Jet, tempo très vif, issu de l’album «Mating Call» (1956) de Tadd Dameron. Le sax s’en donne à cœur joie sur ce déboulé vertigineux, suivi, et même porté, par Mourad Benhammou et Fabien Marcoz. La jazz est à la fête, le public aussi, qui ne cache pas son enthousiasme. Du même disque de Tadd Dameron (souvent réédité ensuite sous le nom de Coltrane….), voici une (belle) ballade : On A Misty Night. Climat plus apaisé mais l’urgence de jouer et l’écoute sont intactes.

Et maintenant on change d’époque, et de catalogue phonographique, avec la période Atlantic, et Like Sonny, enregistré par Coltrane en 1959. David Sauzay dans sa présentation rappelle que Coltrane et Rollins n’ont enregistré ensemble qu’une seule fois, alors qu’ils s’estimaient, et même s’admiraient mutuellement. En jouant ce thème, et en improvisant, le leader de ce soir a manifestement l’un et l’autre à l’esprit. Noé Huchard s’enflamme en block chords, avant de caracoler en single notes, dans un équilibre délibérément instable, et pourtant toujours maîtrisé. Arrive, de la même séance, le thème que tout le monde (les musiciens, le public) attendait : Giant Steps. Et là le quartette se déchaîne, et s’amuse tout en gardant le contrôle, car c’est une matière effervescente. Formidable envol du sax et du piano, explosifs échanges en 8, 4 puis 2 mesures entre la batteur et ses partenaires : on a l’impression que, d’un échange à l’autre, Mourad Benhammou a une pensée pour Art Blakey, puis pour Elvin Jones. Et la basse n’est pas en reste dans cette séquence aussi ludique que sérieusement assumée.

Retour à la période Prestige, et au disque de Tadd Dameron, avec Soultrane : ballade qui favorise l’expressivité du sax. Et pour finir en apothéose, retour aux premières séances Atlantic de 1959 avec Naima, thème abordé sur un rythme légèrement latinisé qui ne le prive nullement des trésors d’expressivité qu’il recèle. Belle conclusion pour ce premier set. Public aux anges, chroniqueur enthousiaste : merci les gars, après la pénurie de musique vivante provoquée par la pandémie, vous m’avez redonné pour longtemps le goût du jazz sur le vif, et in vivo….

Xavier Prévost