Jazz live
Publié le 11 Nov 2014

D'jazz Nevers 28° édition, première soirée, Björkenheim, Mec ! Vincent Peirani "Thrill Box" + Portal

Et d’entrée de jeu, après une mise en bouche, et surtout en oreilles, pleine d’une sève nordique bienvenue, l’opposition de deux façons de faire vibrer un très large public, au moyen de mots dits, proférés, adressés, avec un magnifique soutien percussif, ou à travers la sinuosité dansante de chansons sans paroles, ce qui ne veut pas dire sans contenus.

 

La quartet de Raoul Björkenheim (g), avec Paul Lyytinen (ts, ss), Jori Huhtala (b) et Markku Ounaskori (dm) ne peut laisser indifférent tant sa musique, qui réfère à un jazz contemporain orienté « rock », est structurée avec énergie, et dégage un entrain communicatif. Rien qui surprenne, une nouvelle composition qui fait un peu penser à des formes issues de ce que faisaient John Scofield et Joe Lovano naguère, et pour suivre une série de compositions qui mettent en valeur chacun, et peut-être encore mieux le saxophoniste et le leader à la guitare.

 

Mec !, c’est Philippe Torreton qui dit les mots d’Allain Leprest, avec Edward Perraud (dm, perc, g, electronics). Très ignorant de la chanson française, j’avais cependant (sur les conseils d’un directeur de festival de jazz) découvert cet été la vie et l’oeuvre d’Allain Leprest, mais pas eu le temps de m’y plonger vraiment, à moins que ce ne soit finalement le désir qui n’ait pas été au rendez-vous. Les superlatifs ne manquent pas pour qualifier cette oeuvre, et cette vie de travers, qui rapprochent l’auteur de « Mec ! » d’un certain nombre de poètes maudits de l’histoire de la littérature, sauf qu’ici le premier vecteur, la première adresse, aura été la chanson populaire, cet art qui, au XX° siècle, a pris le relai d’une poésie qui avait viré vers d’autres continents, à partir de Rimbaud et de Mallarmé. Un parallèle avec la musique pourrait d’ailleurs être mené, dans lequel le jazz apparaitrait, au moins en ses débuts, comme suivant une voie semblable.

 

Les mots d’Allain Leprest sont donc ses textes de chansons, ici repris, adressés, clamés et proférés par Philippe Torreton, dans un enchaînement où Edward Perraud est son partenaire musicien, indispensable et irréfutable. La poésie de Leprest est globalement très classique (alexandrins parfaits, rimes chantantes), et sa thématique s’inscrit dans la grande tradition de la poésie populaire, dont les linéaments vont de François Villon à Léo Ferré, ou Jacques Brel, voire (mais de façon plus lointaine) Georges Brassens. Les thèmes abordés sont sans surprise, la pauvreté, le manque, la fange, les femmes publiques, la vie quotidienne monotone et bancale, la mer, une plage. Dès Mec !, adressé d’entrée à Edward Perraud qui se trouve ainsi mis en selle et qui ne retiendra aucun de ses coups à partir de là – coups qui sont souvents à peine esquissés dans une composition percussive, mais aussi mélodique, tout à fait superbe – le ton est donné, celui d’une langue qui véhicule à la fois un amour d’elle-même très insistant (et bien venu), et donc une thématique populaire, souvent voisine de celle qui fit la gloire et le succès de Brel ou Ferré. A se demander d’ailleurs ce qui différencie Leprest de ses deux aînés (puisqu’il n’a pas eu leur succès), peut-être une félure plus profonde, plus vraie, plus réelle, et aussi un amour du langage plus fou. En tous cas, et avec cette réserve pour ce qui me concerne que certains « procédés » d’écriture me semblent un peu lourds (et ils l’étaient encore plus chez les deux vedettes de la chanson que je viens de citer), un moment de tension extrême, un public en apné, une belle réussite.

 

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                     Edward Perraud

 

Pour se détendre, rien de mieux que trois Michel (dont un Michaël) et un Peirani. Avec eux, c’est la romance sans paroles, ce qui ne veut pas dire sans contenu : Michel Benita (b) vient en troisième position, renforcer la paire Michaël Wollny (p) et Vincent Peirani (acc), qui a débuté seul avec son désormais célèbre Choral. MP (Michel Portal, cl, b-cl) vient ensuite, et il aura droit à trois temps pour lui, à moins que ce ne soit pour Michel Petrucciani, ou Michèle Pfeiffer (dixit Vincent). Avec aussi l’incontournable Dancers In Love, pris sur un tempo… très ralenti. Pour ceux qui, comme moi, aiment la musique instrumentale, c’est évidemment un régal. Mais pourquoi aime-t’on la musique instrumentale, et moins la chanson (c’est mon cas) ? Je donne un élément de réponse (il est deux heures du matin) : parce que la musique instrumentale laisse l’auditeur plus libre d’écouter et surtout d’y entendre ce qu’il veut, ou ce qu’il rêve. Au fond, les textes contraignent, ils obligent, et si vous avez un peu d’honnêteté, vous n’y échappez pas. Les « songs without words », ou même (avouons-le) les standards américains auxquels nous ne comprenons pas grand chose, ont ce grand avantage de ne pas vouloir dire grand chose. 

 

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                   Michaël Wollny

 

Bon. Ce festival est bien parti. Demain 11 novembre, Andrea Sitter & Yoann Durant (12.00), puis Nautilis Trio (14.30), Airelle Besson & Nelson Veras (15.30 guichets fermés), « Whahay » à 18.30 (autour de Mingus), « Jusqu’au dernier souffle », musique de Catherine Delaunay (d’après des lettres d’amour des poilus de la grande guerre), et enfin Elina Duni (20.30)

 

Philippe Méziat

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Et d’entrée de jeu, après une mise en bouche, et surtout en oreilles, pleine d’une sève nordique bienvenue, l’opposition de deux façons de faire vibrer un très large public, au moyen de mots dits, proférés, adressés, avec un magnifique soutien percussif, ou à travers la sinuosité dansante de chansons sans paroles, ce qui ne veut pas dire sans contenus.

 

La quartet de Raoul Björkenheim (g), avec Paul Lyytinen (ts, ss), Jori Huhtala (b) et Markku Ounaskori (dm) ne peut laisser indifférent tant sa musique, qui réfère à un jazz contemporain orienté « rock », est structurée avec énergie, et dégage un entrain communicatif. Rien qui surprenne, une nouvelle composition qui fait un peu penser à des formes issues de ce que faisaient John Scofield et Joe Lovano naguère, et pour suivre une série de compositions qui mettent en valeur chacun, et peut-être encore mieux le saxophoniste et le leader à la guitare.

 

Mec !, c’est Philippe Torreton qui dit les mots d’Allain Leprest, avec Edward Perraud (dm, perc, g, electronics). Très ignorant de la chanson française, j’avais cependant (sur les conseils d’un directeur de festival de jazz) découvert cet été la vie et l’oeuvre d’Allain Leprest, mais pas eu le temps de m’y plonger vraiment, à moins que ce ne soit finalement le désir qui n’ait pas été au rendez-vous. Les superlatifs ne manquent pas pour qualifier cette oeuvre, et cette vie de travers, qui rapprochent l’auteur de « Mec ! » d’un certain nombre de poètes maudits de l’histoire de la littérature, sauf qu’ici le premier vecteur, la première adresse, aura été la chanson populaire, cet art qui, au XX° siècle, a pris le relai d’une poésie qui avait viré vers d’autres continents, à partir de Rimbaud et de Mallarmé. Un parallèle avec la musique pourrait d’ailleurs être mené, dans lequel le jazz apparaitrait, au moins en ses débuts, comme suivant une voie semblable.

 

Les mots d’Allain Leprest sont donc ses textes de chansons, ici repris, adressés, clamés et proférés par Philippe Torreton, dans un enchaînement où Edward Perraud est son partenaire musicien, indispensable et irréfutable. La poésie de Leprest est globalement très classique (alexandrins parfaits, rimes chantantes), et sa thématique s’inscrit dans la grande tradition de la poésie populaire, dont les linéaments vont de François Villon à Léo Ferré, ou Jacques Brel, voire (mais de façon plus lointaine) Georges Brassens. Les thèmes abordés sont sans surprise, la pauvreté, le manque, la fange, les femmes publiques, la vie quotidienne monotone et bancale, la mer, une plage. Dès Mec !, adressé d’entrée à Edward Perraud qui se trouve ainsi mis en selle et qui ne retiendra aucun de ses coups à partir de là – coups qui sont souvents à peine esquissés dans une composition percussive, mais aussi mélodique, tout à fait superbe – le ton est donné, celui d’une langue qui véhicule à la fois un amour d’elle-même très insistant (et bien venu), et donc une thématique populaire, souvent voisine de celle qui fit la gloire et le succès de Brel ou Ferré. A se demander d’ailleurs ce qui différencie Leprest de ses deux aînés (puisqu’il n’a pas eu leur succès), peut-être une félure plus profonde, plus vraie, plus réelle, et aussi un amour du langage plus fou. En tous cas, et avec cette réserve pour ce qui me concerne que certains « procédés » d’écriture me semblent un peu lourds (et ils l’étaient encore plus chez les deux vedettes de la chanson que je viens de citer), un moment de tension extrême, un public en apné, une belle réussite.

 

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                     Edward Perraud

 

Pour se détendre, rien de mieux que trois Michel (dont un Michaël) et un Peirani. Avec eux, c’est la romance sans paroles, ce qui ne veut pas dire sans contenu : Michel Benita (b) vient en troisième position, renforcer la paire Michaël Wollny (p) et Vincent Peirani (acc), qui a débuté seul avec son désormais célèbre Choral. MP (Michel Portal, cl, b-cl) vient ensuite, et il aura droit à trois temps pour lui, à moins que ce ne soit pour Michel Petrucciani, ou Michèle Pfeiffer (dixit Vincent). Avec aussi l’incontournable Dancers In Love, pris sur un tempo… très ralenti. Pour ceux qui, comme moi, aiment la musique instrumentale, c’est évidemment un régal. Mais pourquoi aime-t’on la musique instrumentale, et moins la chanson (c’est mon cas) ? Je donne un élément de réponse (il est deux heures du matin) : parce que la musique instrumentale laisse l’auditeur plus libre d’écouter et surtout d’y entendre ce qu’il veut, ou ce qu’il rêve. Au fond, les textes contraignent, ils obligent, et si vous avez un peu d’honnêteté, vous n’y échappez pas. Les « songs without words », ou même (avouons-le) les standards américains auxquels nous ne comprenons pas grand chose, ont ce grand avantage de ne pas vouloir dire grand chose. 

 

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                   Michaël Wollny

 

Bon. Ce festival est bien parti. Demain 11 novembre, Andrea Sitter & Yoann Durant (12.00), puis Nautilis Trio (14.30), Airelle Besson & Nelson Veras (15.30 guichets fermés), « Whahay » à 18.30 (autour de Mingus), « Jusqu’au dernier souffle », musique de Catherine Delaunay (d’après des lettres d’amour des poilus de la grande guerre), et enfin Elina Duni (20.30)

 

Philippe Méziat

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Et d’entrée de jeu, après une mise en bouche, et surtout en oreilles, pleine d’une sève nordique bienvenue, l’opposition de deux façons de faire vibrer un très large public, au moyen de mots dits, proférés, adressés, avec un magnifique soutien percussif, ou à travers la sinuosité dansante de chansons sans paroles, ce qui ne veut pas dire sans contenus.

 

La quartet de Raoul Björkenheim (g), avec Paul Lyytinen (ts, ss), Jori Huhtala (b) et Markku Ounaskori (dm) ne peut laisser indifférent tant sa musique, qui réfère à un jazz contemporain orienté « rock », est structurée avec énergie, et dégage un entrain communicatif. Rien qui surprenne, une nouvelle composition qui fait un peu penser à des formes issues de ce que faisaient John Scofield et Joe Lovano naguère, et pour suivre une série de compositions qui mettent en valeur chacun, et peut-être encore mieux le saxophoniste et le leader à la guitare.

 

Mec !, c’est Philippe Torreton qui dit les mots d’Allain Leprest, avec Edward Perraud (dm, perc, g, electronics). Très ignorant de la chanson française, j’avais cependant (sur les conseils d’un directeur de festival de jazz) découvert cet été la vie et l’oeuvre d’Allain Leprest, mais pas eu le temps de m’y plonger vraiment, à moins que ce ne soit finalement le désir qui n’ait pas été au rendez-vous. Les superlatifs ne manquent pas pour qualifier cette oeuvre, et cette vie de travers, qui rapprochent l’auteur de « Mec ! » d’un certain nombre de poètes maudits de l’histoire de la littérature, sauf qu’ici le premier vecteur, la première adresse, aura été la chanson populaire, cet art qui, au XX° siècle, a pris le relai d’une poésie qui avait viré vers d’autres continents, à partir de Rimbaud et de Mallarmé. Un parallèle avec la musique pourrait d’ailleurs être mené, dans lequel le jazz apparaitrait, au moins en ses débuts, comme suivant une voie semblable.

 

Les mots d’Allain Leprest sont donc ses textes de chansons, ici repris, adressés, clamés et proférés par Philippe Torreton, dans un enchaînement où Edward Perraud est son partenaire musicien, indispensable et irréfutable. La poésie de Leprest est globalement très classique (alexandrins parfaits, rimes chantantes), et sa thématique s’inscrit dans la grande tradition de la poésie populaire, dont les linéaments vont de François Villon à Léo Ferré, ou Jacques Brel, voire (mais de façon plus lointaine) Georges Brassens. Les thèmes abordés sont sans surprise, la pauvreté, le manque, la fange, les femmes publiques, la vie quotidienne monotone et bancale, la mer, une plage. Dès Mec !, adressé d’entrée à Edward Perraud qui se trouve ainsi mis en selle et qui ne retiendra aucun de ses coups à partir de là – coups qui sont souvents à peine esquissés dans une composition percussive, mais aussi mélodique, tout à fait superbe – le ton est donné, celui d’une langue qui véhicule à la fois un amour d’elle-même très insistant (et bien venu), et donc une thématique populaire, souvent voisine de celle qui fit la gloire et le succès de Brel ou Ferré. A se demander d’ailleurs ce qui différencie Leprest de ses deux aînés (puisqu’il n’a pas eu leur succès), peut-être une félure plus profonde, plus vraie, plus réelle, et aussi un amour du langage plus fou. En tous cas, et avec cette réserve pour ce qui me concerne que certains « procédés » d’écriture me semblent un peu lourds (et ils l’étaient encore plus chez les deux vedettes de la chanson que je viens de citer), un moment de tension extrême, un public en apné, une belle réussite.

 

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                     Edward Perraud

 

Pour se détendre, rien de mieux que trois Michel (dont un Michaël) et un Peirani. Avec eux, c’est la romance sans paroles, ce qui ne veut pas dire sans contenu : Michel Benita (b) vient en troisième position, renforcer la paire Michaël Wollny (p) et Vincent Peirani (acc), qui a débuté seul avec son désormais célèbre Choral. MP (Michel Portal, cl, b-cl) vient ensuite, et il aura droit à trois temps pour lui, à moins que ce ne soit pour Michel Petrucciani, ou Michèle Pfeiffer (dixit Vincent). Avec aussi l’incontournable Dancers In Love, pris sur un tempo… très ralenti. Pour ceux qui, comme moi, aiment la musique instrumentale, c’est évidemment un régal. Mais pourquoi aime-t’on la musique instrumentale, et moins la chanson (c’est mon cas) ? Je donne un élément de réponse (il est deux heures du matin) : parce que la musique instrumentale laisse l’auditeur plus libre d’écouter et surtout d’y entendre ce qu’il veut, ou ce qu’il rêve. Au fond, les textes contraignent, ils obligent, et si vous avez un peu d’honnêteté, vous n’y échappez pas. Les « songs without words », ou même (avouons-le) les standards américains auxquels nous ne comprenons pas grand chose, ont ce grand avantage de ne pas vouloir dire grand chose. 

 

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                   Michaël Wollny

 

Bon. Ce festival est bien parti. Demain 11 novembre, Andrea Sitter & Yoann Durant (12.00), puis Nautilis Trio (14.30), Airelle Besson & Nelson Veras (15.30 guichets fermés), « Whahay » à 18.30 (autour de Mingus), « Jusqu’au dernier souffle », musique de Catherine Delaunay (d’après des lettres d’amour des poilus de la grande guerre), et enfin Elina Duni (20.30)

 

Philippe Méziat

|

Et d’entrée de jeu, après une mise en bouche, et surtout en oreilles, pleine d’une sève nordique bienvenue, l’opposition de deux façons de faire vibrer un très large public, au moyen de mots dits, proférés, adressés, avec un magnifique soutien percussif, ou à travers la sinuosité dansante de chansons sans paroles, ce qui ne veut pas dire sans contenus.

 

La quartet de Raoul Björkenheim (g), avec Paul Lyytinen (ts, ss), Jori Huhtala (b) et Markku Ounaskori (dm) ne peut laisser indifférent tant sa musique, qui réfère à un jazz contemporain orienté « rock », est structurée avec énergie, et dégage un entrain communicatif. Rien qui surprenne, une nouvelle composition qui fait un peu penser à des formes issues de ce que faisaient John Scofield et Joe Lovano naguère, et pour suivre une série de compositions qui mettent en valeur chacun, et peut-être encore mieux le saxophoniste et le leader à la guitare.

 

Mec !, c’est Philippe Torreton qui dit les mots d’Allain Leprest, avec Edward Perraud (dm, perc, g, electronics). Très ignorant de la chanson française, j’avais cependant (sur les conseils d’un directeur de festival de jazz) découvert cet été la vie et l’oeuvre d’Allain Leprest, mais pas eu le temps de m’y plonger vraiment, à moins que ce ne soit finalement le désir qui n’ait pas été au rendez-vous. Les superlatifs ne manquent pas pour qualifier cette oeuvre, et cette vie de travers, qui rapprochent l’auteur de « Mec ! » d’un certain nombre de poètes maudits de l’histoire de la littérature, sauf qu’ici le premier vecteur, la première adresse, aura été la chanson populaire, cet art qui, au XX° siècle, a pris le relai d’une poésie qui avait viré vers d’autres continents, à partir de Rimbaud et de Mallarmé. Un parallèle avec la musique pourrait d’ailleurs être mené, dans lequel le jazz apparaitrait, au moins en ses débuts, comme suivant une voie semblable.

 

Les mots d’Allain Leprest sont donc ses textes de chansons, ici repris, adressés, clamés et proférés par Philippe Torreton, dans un enchaînement où Edward Perraud est son partenaire musicien, indispensable et irréfutable. La poésie de Leprest est globalement très classique (alexandrins parfaits, rimes chantantes), et sa thématique s’inscrit dans la grande tradition de la poésie populaire, dont les linéaments vont de François Villon à Léo Ferré, ou Jacques Brel, voire (mais de façon plus lointaine) Georges Brassens. Les thèmes abordés sont sans surprise, la pauvreté, le manque, la fange, les femmes publiques, la vie quotidienne monotone et bancale, la mer, une plage. Dès Mec !, adressé d’entrée à Edward Perraud qui se trouve ainsi mis en selle et qui ne retiendra aucun de ses coups à partir de là – coups qui sont souvents à peine esquissés dans une composition percussive, mais aussi mélodique, tout à fait superbe – le ton est donné, celui d’une langue qui véhicule à la fois un amour d’elle-même très insistant (et bien venu), et donc une thématique populaire, souvent voisine de celle qui fit la gloire et le succès de Brel ou Ferré. A se demander d’ailleurs ce qui différencie Leprest de ses deux aînés (puisqu’il n’a pas eu leur succès), peut-être une félure plus profonde, plus vraie, plus réelle, et aussi un amour du langage plus fou. En tous cas, et avec cette réserve pour ce qui me concerne que certains « procédés » d’écriture me semblent un peu lourds (et ils l’étaient encore plus chez les deux vedettes de la chanson que je viens de citer), un moment de tension extrême, un public en apné, une belle réussite.

 

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                     Edward Perraud

 

Pour se détendre, rien de mieux que trois Michel (dont un Michaël) et un Peirani. Avec eux, c’est la romance sans paroles, ce qui ne veut pas dire sans contenu : Michel Benita (b) vient en troisième position, renforcer la paire Michaël Wollny (p) et Vincent Peirani (acc), qui a débuté seul avec son désormais célèbre Choral. MP (Michel Portal, cl, b-cl) vient ensuite, et il aura droit à trois temps pour lui, à moins que ce ne soit pour Michel Petrucciani, ou Michèle Pfeiffer (dixit Vincent). Avec aussi l’incontournable Dancers In Love, pris sur un tempo… très ralenti. Pour ceux qui, comme moi, aiment la musique instrumentale, c’est évidemment un régal. Mais pourquoi aime-t’on la musique instrumentale, et moins la chanson (c’est mon cas) ? Je donne un élément de réponse (il est deux heures du matin) : parce que la musique instrumentale laisse l’auditeur plus libre d’écouter et surtout d’y entendre ce qu’il veut, ou ce qu’il rêve. Au fond, les textes contraignent, ils obligent, et si vous avez un peu d’honnêteté, vous n’y échappez pas. Les « songs without words », ou même (avouons-le) les standards américains auxquels nous ne comprenons pas grand chose, ont ce grand avantage de ne pas vouloir dire grand chose. 

 

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                   Michaël Wollny

 

Bon. Ce festival est bien parti. Demain 11 novembre, Andrea Sitter & Yoann Durant (12.00), puis Nautilis Trio (14.30), Airelle Besson & Nelson Veras (15.30 guichets fermés), « Whahay » à 18.30 (autour de Mingus), « Jusqu’au dernier souffle », musique de Catherine Delaunay (d’après des lettres d’amour des poilus de la grande guerre), et enfin Elina Duni (20.30)

 

Philippe Méziat