Jazz live
Publié le 18 Juil 2013

Jazz à Juan, 17 juillet. La soirée des femmes

Soirée exclusivement féminine et pourtant des plus contrastées. De quoi battre en brèche le lieu commun qui prétend associer à la féminité le charme et la douceur. Du charme, aucune des trois, Kat Edmonson, Hiromi et Melody Gardot, n’en manque. Pour la douceur, c’est autre chose. Hiromi se chargera de le démontrer.

 

Kat Edmonson (voc), Danton Boller (b), Steven Grzeskowiak (g), Aaron Thurston (dm).

Hiromi : The Trio Project. Hiromi (p), Anthony Jackson (b), Steve Smith (dm).

Melody Gardot (voc, p, g), Mitchell Long (g, voc), Irwin Hall (sax, cl, fl); Aidan Carroll (b), Carles Staab III (dm).

Pinède Gould, 17 juillet.

 

En lever de rideau, une quasi inconnue, du moins chez nous, Kat Edmonson. Native de Houston, Texas, elle a surgi en 2009 avec un album autoproduit, « Take To The Sky » suivi de « Way Down Low » qui a connu un certain succès Outre-Atlantique. Il est vrai qu’on y est prompt à fabriquer des génies pour les oublier au bout de quelques semaines. Un journaliste texan la place « à mi-chemin de Billie Holiday et de Björk ». Sans doute a-t-il l’hyperbole facile. En tout cas, c’est aller un peu vite en besogne car rien ne permet de justifier semblables références. Un charme sans apprêts, une voix encore enfantine, mais sans les inflexions d’une Blossom Dearie. Ni la séduction canaille d’une Rose Murphy – laquelle, en revanche, n’a jamais été reconnue à sa juste valeur, mais ceci est une autre histoire.

 

Pour en revenir à Kat, à laquelle il serait injuste de ne pas reconnaître une indéniable fraîcheur, rien qui sorte de l’ordinaire. Voire de l’anodin. Ni son répertoire, qu’elle compose elle-même et qui oscille entre folk, blues et country (Long Way Home, What Else, I Don’t Know), ni le trio qui l’accompagne. En fermant les yeux, on se croirait convié à un feu de camp, en pleine campagne. Jamboree, clair de lune et guitare sèche. Gentillet et reposant.

 

Après ce moment de calme, la tempête. Hiromi et son Trio Project se chargent de réveiller en fanfare, si on peut dire, un public au bord de la léthargie. La protégée d’Ahmad Jamal évolue dans un tout autre univers, peuplé d’ouragans et de tornades. Elle joue parfois du piano debout, histoire d’évacuer le trop plein d’énergie, vit littéralement la musique de tout son corps dont la fragilité apparente contraste avec la puissance qui émane d’elle. Impressionnante d’un bout à l’autre, par l’intensité de ses développements, par sa technique, hors du commun, par sa façon de foncer droit devant, sans souci de la joliesse ou des fioritures inutiles.


Anthony Jackson, médiator aux lèvres, spécialiste de la guitare basse à six cordes qu’il a contribué à populariser, n’a rien à lui envier dans le domaine de la virtuosité. Pas davantage Steve Smith, troisième acteur d’un trio qui fonctionne sans le moindre raté, dont chacun est partie prenante dans l’élaboration d’une sorte de maelström qui balaye tout sur son passage. Et d’abord les réticences que pourrait susciter une musique dépourvue de respiration, fondée sur la quête incessante du paroxysme.

 

Au menu, des extraits de « Move », le dernier en date de ses albums où elle interprète ses propres compositions, à commencer par le morceau éponyme qui donne d’emblée le ton, jusqu’à la Suite Escapism en trois mouvements, Reality, Fantasy et In Between, caractéristique de son inspiration actuelle. Non qu’elle ait tout à fait perdu le sens des nuances qui faisait partie de son charme. Elle le prouvera en solo dans d’étourdissante variations autour de I Got Rhythm où elle entremêle avec naturel des passages du Vol du bourdon de Rimski-Korsakov et de la Pathétique de Beethoven. Avec cela, souriante, avenante, soucieuse de séduire le public français en s’exprimant dans sa langue. Succès garanti et mérité. Ovation sans fin.

 

A Mélody Gardot le soin d’ouvrir et de développer le dernier volet du triptyque. Ses récentes errances, au Portugal, au Brésil, ont enrichi sa palette sans lui faire perdre son charme un tantinet vénéneux, son sens de la scène et de la dramaturgie. Sans compter un cabotinage que l’on pourrait qualifier de lascif (sa sortie de scène, plus que suggestive, en compagnie d’Irwin Hall).

 

Elle aussi s’exprime en français, alterne un hommage à Cesaria Evora dont elle reprend la Saudade avec My One And Only Thrill, extrait de son second album. Elle interprète Iemanja, composition qu’elle a dédiée à une divinité aquatique d’origine africano-brésilienne, et Les Etoiles dont elle détaille les lyrics dans notre langue.

 

Un intermède de plusieurs minutes où ses musiciens se mettent en valeur lui permet de sortir de scène pour changer de tenue, de troquer le piano pour la guitare, de parfaire son aspect glamour. Sa voix, sensuelle, sa façon de détailler ses chansons avec d’infinies nuances (So We Meet Again) sont à l’image de sa sophistication. Loin, très loin de la « rusticité » de Kat Edmonson. Il faut de tout pour faire une soirée de jazz.

 

Ce soir, Ibrahim Maakouf et Sting. On affiche complet depuis des semaines…

 

Jacques Aboucaya

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Soirée exclusivement féminine et pourtant des plus contrastées. De quoi battre en brèche le lieu commun qui prétend associer à la féminité le charme et la douceur. Du charme, aucune des trois, Kat Edmonson, Hiromi et Melody Gardot, n’en manque. Pour la douceur, c’est autre chose. Hiromi se chargera de le démontrer.

 

Kat Edmonson (voc), Danton Boller (b), Steven Grzeskowiak (g), Aaron Thurston (dm).

Hiromi : The Trio Project. Hiromi (p), Anthony Jackson (b), Steve Smith (dm).

Melody Gardot (voc, p, g), Mitchell Long (g, voc), Irwin Hall (sax, cl, fl); Aidan Carroll (b), Carles Staab III (dm).

Pinède Gould, 17 juillet.

 

En lever de rideau, une quasi inconnue, du moins chez nous, Kat Edmonson. Native de Houston, Texas, elle a surgi en 2009 avec un album autoproduit, « Take To The Sky » suivi de « Way Down Low » qui a connu un certain succès Outre-Atlantique. Il est vrai qu’on y est prompt à fabriquer des génies pour les oublier au bout de quelques semaines. Un journaliste texan la place « à mi-chemin de Billie Holiday et de Björk ». Sans doute a-t-il l’hyperbole facile. En tout cas, c’est aller un peu vite en besogne car rien ne permet de justifier semblables références. Un charme sans apprêts, une voix encore enfantine, mais sans les inflexions d’une Blossom Dearie. Ni la séduction canaille d’une Rose Murphy – laquelle, en revanche, n’a jamais été reconnue à sa juste valeur, mais ceci est une autre histoire.

 

Pour en revenir à Kat, à laquelle il serait injuste de ne pas reconnaître une indéniable fraîcheur, rien qui sorte de l’ordinaire. Voire de l’anodin. Ni son répertoire, qu’elle compose elle-même et qui oscille entre folk, blues et country (Long Way Home, What Else, I Don’t Know), ni le trio qui l’accompagne. En fermant les yeux, on se croirait convié à un feu de camp, en pleine campagne. Jamboree, clair de lune et guitare sèche. Gentillet et reposant.

 

Après ce moment de calme, la tempête. Hiromi et son Trio Project se chargent de réveiller en fanfare, si on peut dire, un public au bord de la léthargie. La protégée d’Ahmad Jamal évolue dans un tout autre univers, peuplé d’ouragans et de tornades. Elle joue parfois du piano debout, histoire d’évacuer le trop plein d’énergie, vit littéralement la musique de tout son corps dont la fragilité apparente contraste avec la puissance qui émane d’elle. Impressionnante d’un bout à l’autre, par l’intensité de ses développements, par sa technique, hors du commun, par sa façon de foncer droit devant, sans souci de la joliesse ou des fioritures inutiles.


Anthony Jackson, médiator aux lèvres, spécialiste de la guitare basse à six cordes qu’il a contribué à populariser, n’a rien à lui envier dans le domaine de la virtuosité. Pas davantage Steve Smith, troisième acteur d’un trio qui fonctionne sans le moindre raté, dont chacun est partie prenante dans l’élaboration d’une sorte de maelström qui balaye tout sur son passage. Et d’abord les réticences que pourrait susciter une musique dépourvue de respiration, fondée sur la quête incessante du paroxysme.

 

Au menu, des extraits de « Move », le dernier en date de ses albums où elle interprète ses propres compositions, à commencer par le morceau éponyme qui donne d’emblée le ton, jusqu’à la Suite Escapism en trois mouvements, Reality, Fantasy et In Between, caractéristique de son inspiration actuelle. Non qu’elle ait tout à fait perdu le sens des nuances qui faisait partie de son charme. Elle le prouvera en solo dans d’étourdissante variations autour de I Got Rhythm où elle entremêle avec naturel des passages du Vol du bourdon de Rimski-Korsakov et de la Pathétique de Beethoven. Avec cela, souriante, avenante, soucieuse de séduire le public français en s’exprimant dans sa langue. Succès garanti et mérité. Ovation sans fin.

 

A Mélody Gardot le soin d’ouvrir et de développer le dernier volet du triptyque. Ses récentes errances, au Portugal, au Brésil, ont enrichi sa palette sans lui faire perdre son charme un tantinet vénéneux, son sens de la scène et de la dramaturgie. Sans compter un cabotinage que l’on pourrait qualifier de lascif (sa sortie de scène, plus que suggestive, en compagnie d’Irwin Hall).

 

Elle aussi s’exprime en français, alterne un hommage à Cesaria Evora dont elle reprend la Saudade avec My One And Only Thrill, extrait de son second album. Elle interprète Iemanja, composition qu’elle a dédiée à une divinité aquatique d’origine africano-brésilienne, et Les Etoiles dont elle détaille les lyrics dans notre langue.

 

Un intermède de plusieurs minutes où ses musiciens se mettent en valeur lui permet de sortir de scène pour changer de tenue, de troquer le piano pour la guitare, de parfaire son aspect glamour. Sa voix, sensuelle, sa façon de détailler ses chansons avec d’infinies nuances (So We Meet Again) sont à l’image de sa sophistication. Loin, très loin de la « rusticité » de Kat Edmonson. Il faut de tout pour faire une soirée de jazz.

 

Ce soir, Ibrahim Maakouf et Sting. On affiche complet depuis des semaines…

 

Jacques Aboucaya

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Soirée exclusivement féminine et pourtant des plus contrastées. De quoi battre en brèche le lieu commun qui prétend associer à la féminité le charme et la douceur. Du charme, aucune des trois, Kat Edmonson, Hiromi et Melody Gardot, n’en manque. Pour la douceur, c’est autre chose. Hiromi se chargera de le démontrer.

 

Kat Edmonson (voc), Danton Boller (b), Steven Grzeskowiak (g), Aaron Thurston (dm).

Hiromi : The Trio Project. Hiromi (p), Anthony Jackson (b), Steve Smith (dm).

Melody Gardot (voc, p, g), Mitchell Long (g, voc), Irwin Hall (sax, cl, fl); Aidan Carroll (b), Carles Staab III (dm).

Pinède Gould, 17 juillet.

 

En lever de rideau, une quasi inconnue, du moins chez nous, Kat Edmonson. Native de Houston, Texas, elle a surgi en 2009 avec un album autoproduit, « Take To The Sky » suivi de « Way Down Low » qui a connu un certain succès Outre-Atlantique. Il est vrai qu’on y est prompt à fabriquer des génies pour les oublier au bout de quelques semaines. Un journaliste texan la place « à mi-chemin de Billie Holiday et de Björk ». Sans doute a-t-il l’hyperbole facile. En tout cas, c’est aller un peu vite en besogne car rien ne permet de justifier semblables références. Un charme sans apprêts, une voix encore enfantine, mais sans les inflexions d’une Blossom Dearie. Ni la séduction canaille d’une Rose Murphy – laquelle, en revanche, n’a jamais été reconnue à sa juste valeur, mais ceci est une autre histoire.

 

Pour en revenir à Kat, à laquelle il serait injuste de ne pas reconnaître une indéniable fraîcheur, rien qui sorte de l’ordinaire. Voire de l’anodin. Ni son répertoire, qu’elle compose elle-même et qui oscille entre folk, blues et country (Long Way Home, What Else, I Don’t Know), ni le trio qui l’accompagne. En fermant les yeux, on se croirait convié à un feu de camp, en pleine campagne. Jamboree, clair de lune et guitare sèche. Gentillet et reposant.

 

Après ce moment de calme, la tempête. Hiromi et son Trio Project se chargent de réveiller en fanfare, si on peut dire, un public au bord de la léthargie. La protégée d’Ahmad Jamal évolue dans un tout autre univers, peuplé d’ouragans et de tornades. Elle joue parfois du piano debout, histoire d’évacuer le trop plein d’énergie, vit littéralement la musique de tout son corps dont la fragilité apparente contraste avec la puissance qui émane d’elle. Impressionnante d’un bout à l’autre, par l’intensité de ses développements, par sa technique, hors du commun, par sa façon de foncer droit devant, sans souci de la joliesse ou des fioritures inutiles.


Anthony Jackson, médiator aux lèvres, spécialiste de la guitare basse à six cordes qu’il a contribué à populariser, n’a rien à lui envier dans le domaine de la virtuosité. Pas davantage Steve Smith, troisième acteur d’un trio qui fonctionne sans le moindre raté, dont chacun est partie prenante dans l’élaboration d’une sorte de maelström qui balaye tout sur son passage. Et d’abord les réticences que pourrait susciter une musique dépourvue de respiration, fondée sur la quête incessante du paroxysme.

 

Au menu, des extraits de « Move », le dernier en date de ses albums où elle interprète ses propres compositions, à commencer par le morceau éponyme qui donne d’emblée le ton, jusqu’à la Suite Escapism en trois mouvements, Reality, Fantasy et In Between, caractéristique de son inspiration actuelle. Non qu’elle ait tout à fait perdu le sens des nuances qui faisait partie de son charme. Elle le prouvera en solo dans d’étourdissante variations autour de I Got Rhythm où elle entremêle avec naturel des passages du Vol du bourdon de Rimski-Korsakov et de la Pathétique de Beethoven. Avec cela, souriante, avenante, soucieuse de séduire le public français en s’exprimant dans sa langue. Succès garanti et mérité. Ovation sans fin.

 

A Mélody Gardot le soin d’ouvrir et de développer le dernier volet du triptyque. Ses récentes errances, au Portugal, au Brésil, ont enrichi sa palette sans lui faire perdre son charme un tantinet vénéneux, son sens de la scène et de la dramaturgie. Sans compter un cabotinage que l’on pourrait qualifier de lascif (sa sortie de scène, plus que suggestive, en compagnie d’Irwin Hall).

 

Elle aussi s’exprime en français, alterne un hommage à Cesaria Evora dont elle reprend la Saudade avec My One And Only Thrill, extrait de son second album. Elle interprète Iemanja, composition qu’elle a dédiée à une divinité aquatique d’origine africano-brésilienne, et Les Etoiles dont elle détaille les lyrics dans notre langue.

 

Un intermède de plusieurs minutes où ses musiciens se mettent en valeur lui permet de sortir de scène pour changer de tenue, de troquer le piano pour la guitare, de parfaire son aspect glamour. Sa voix, sensuelle, sa façon de détailler ses chansons avec d’infinies nuances (So We Meet Again) sont à l’image de sa sophistication. Loin, très loin de la « rusticité » de Kat Edmonson. Il faut de tout pour faire une soirée de jazz.

 

Ce soir, Ibrahim Maakouf et Sting. On affiche complet depuis des semaines…

 

Jacques Aboucaya

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Soirée exclusivement féminine et pourtant des plus contrastées. De quoi battre en brèche le lieu commun qui prétend associer à la féminité le charme et la douceur. Du charme, aucune des trois, Kat Edmonson, Hiromi et Melody Gardot, n’en manque. Pour la douceur, c’est autre chose. Hiromi se chargera de le démontrer.

 

Kat Edmonson (voc), Danton Boller (b), Steven Grzeskowiak (g), Aaron Thurston (dm).

Hiromi : The Trio Project. Hiromi (p), Anthony Jackson (b), Steve Smith (dm).

Melody Gardot (voc, p, g), Mitchell Long (g, voc), Irwin Hall (sax, cl, fl); Aidan Carroll (b), Carles Staab III (dm).

Pinède Gould, 17 juillet.

 

En lever de rideau, une quasi inconnue, du moins chez nous, Kat Edmonson. Native de Houston, Texas, elle a surgi en 2009 avec un album autoproduit, « Take To The Sky » suivi de « Way Down Low » qui a connu un certain succès Outre-Atlantique. Il est vrai qu’on y est prompt à fabriquer des génies pour les oublier au bout de quelques semaines. Un journaliste texan la place « à mi-chemin de Billie Holiday et de Björk ». Sans doute a-t-il l’hyperbole facile. En tout cas, c’est aller un peu vite en besogne car rien ne permet de justifier semblables références. Un charme sans apprêts, une voix encore enfantine, mais sans les inflexions d’une Blossom Dearie. Ni la séduction canaille d’une Rose Murphy – laquelle, en revanche, n’a jamais été reconnue à sa juste valeur, mais ceci est une autre histoire.

 

Pour en revenir à Kat, à laquelle il serait injuste de ne pas reconnaître une indéniable fraîcheur, rien qui sorte de l’ordinaire. Voire de l’anodin. Ni son répertoire, qu’elle compose elle-même et qui oscille entre folk, blues et country (Long Way Home, What Else, I Don’t Know), ni le trio qui l’accompagne. En fermant les yeux, on se croirait convié à un feu de camp, en pleine campagne. Jamboree, clair de lune et guitare sèche. Gentillet et reposant.

 

Après ce moment de calme, la tempête. Hiromi et son Trio Project se chargent de réveiller en fanfare, si on peut dire, un public au bord de la léthargie. La protégée d’Ahmad Jamal évolue dans un tout autre univers, peuplé d’ouragans et de tornades. Elle joue parfois du piano debout, histoire d’évacuer le trop plein d’énergie, vit littéralement la musique de tout son corps dont la fragilité apparente contraste avec la puissance qui émane d’elle. Impressionnante d’un bout à l’autre, par l’intensité de ses développements, par sa technique, hors du commun, par sa façon de foncer droit devant, sans souci de la joliesse ou des fioritures inutiles.


Anthony Jackson, médiator aux lèvres, spécialiste de la guitare basse à six cordes qu’il a contribué à populariser, n’a rien à lui envier dans le domaine de la virtuosité. Pas davantage Steve Smith, troisième acteur d’un trio qui fonctionne sans le moindre raté, dont chacun est partie prenante dans l’élaboration d’une sorte de maelström qui balaye tout sur son passage. Et d’abord les réticences que pourrait susciter une musique dépourvue de respiration, fondée sur la quête incessante du paroxysme.

 

Au menu, des extraits de « Move », le dernier en date de ses albums où elle interprète ses propres compositions, à commencer par le morceau éponyme qui donne d’emblée le ton, jusqu’à la Suite Escapism en trois mouvements, Reality, Fantasy et In Between, caractéristique de son inspiration actuelle. Non qu’elle ait tout à fait perdu le sens des nuances qui faisait partie de son charme. Elle le prouvera en solo dans d’étourdissante variations autour de I Got Rhythm où elle entremêle avec naturel des passages du Vol du bourdon de Rimski-Korsakov et de la Pathétique de Beethoven. Avec cela, souriante, avenante, soucieuse de séduire le public français en s’exprimant dans sa langue. Succès garanti et mérité. Ovation sans fin.

 

A Mélody Gardot le soin d’ouvrir et de développer le dernier volet du triptyque. Ses récentes errances, au Portugal, au Brésil, ont enrichi sa palette sans lui faire perdre son charme un tantinet vénéneux, son sens de la scène et de la dramaturgie. Sans compter un cabotinage que l’on pourrait qualifier de lascif (sa sortie de scène, plus que suggestive, en compagnie d’Irwin Hall).

 

Elle aussi s’exprime en français, alterne un hommage à Cesaria Evora dont elle reprend la Saudade avec My One And Only Thrill, extrait de son second album. Elle interprète Iemanja, composition qu’elle a dédiée à une divinité aquatique d’origine africano-brésilienne, et Les Etoiles dont elle détaille les lyrics dans notre langue.

 

Un intermède de plusieurs minutes où ses musiciens se mettent en valeur lui permet de sortir de scène pour changer de tenue, de troquer le piano pour la guitare, de parfaire son aspect glamour. Sa voix, sensuelle, sa façon de détailler ses chansons avec d’infinies nuances (So We Meet Again) sont à l’image de sa sophistication. Loin, très loin de la « rusticité » de Kat Edmonson. Il faut de tout pour faire une soirée de jazz.

 

Ce soir, Ibrahim Maakouf et Sting. On affiche complet depuis des semaines…

 

Jacques Aboucaya