Jazz live
Publié le 7 Août 2013

Jazz in Marciac. Retour aux racines

Ce devait être une grande soirée de blues. La météo en a décidé autrement, qui a interrompu après trois morceaux le concert de Taj Mahal. Elle avait débuté, cette soirée, de façon tonitruante (si j’ose écrire) avec un Eric Bibb en grande forme.

 

Eric Bibb (g, voc), Staffan Astner (g), Trevor Hutchinson (b), Larry Crockett (dm).

Chapiteau, 6 août


Michel Bonnet Mem’Ory. Michel Bonnet (tp), Patrick Bacqueville (tb), Guy Bonne (cl), Jacques Schneck (p), Christophe Davot (g), Enzo Mucci (b), Stéphane Roger (dm).

Festival Bis, Place de l’Hôtel-de-Ville, 6 août

 

L’an dernier à pareille époque, il se produisait sur cette même scène en compagnie de son « frère » malien Habib Koité, pour présenter leur commun album « Brothers in Bamako ». Eric Bibb revient cette fois en quartette, avec une rythmique impeccable et discrète et un interlocuteur de haut vol en la personne de Steffan Astner, as de la Fender Telecaster, cette guitare mythique qu’Arthur Smith, compositeur et interprète de Guitar Boogie, fut l’un des premiers à utiliser. C’était vers la fin des années 50, autant dire dans la préhistoire, au temps du vinyle et du rock and roll.

 

Pour en revenir à Steffan Astner, il donne à son leader une réplique plus que congruente, assurant un rôle de soliste, menant volontiers les débats dans des dialogues auxquels la paire Trevor Hutchinson Larry Crockett fournit une assise immuable. Revenu de son expérience africaine (il lui consacrera un seul morceau tiré de son album de l’an dernier), Eric Bibb s’est recentré sur le blues traditionnel, tel que l’incarnaient B.B. King ou Bukka White, auxquels il rend hommage.

 

Il a souvent recours, pour s’accompagner à la guitare, à ces riffs répétitifs qu’affectionnait Bib Bill Broonzy. Même ses inflexions vocales font souvent penser à ce dernier. Semblable simplicité, semblable absence de pathos. Recours fréquent à un tempo medium qui permet à la complémentarité et à l’entente des deux guitaristes de se manifester dans sa plénitude. Sans doute l’influence de la country se manifeste-t-elle dans certaines ballades. Comme celle du rock pur et dur qui lui permet de mettre, sans coup férir, le feu au chapiteau. Mais son concert est, pour l’essentiel, centré sur le blues originel dont il transcende l’austérité grâce à son talent personnel et à ce qu’il faut bien appeler, quoique le terme soit galvaudé, son charisme. Avec des bluesmen de cette envergure, le genre a encore de beaux jours devant lui. Mais en existe-t-il beaucoup ?

 

Trois morceaux. Juste le temps de chauffer sa voix aux graves caractéristiques, légèrement éraillée, et Taj Mahal, qu’Eric Bibb aura cité comme l’une de ses influences majeures, devra abandonner le plateau en même temps que le public était sommé d’évacuer d’urgence le chapiteau. Ainsi en avaient décidé, devant l’imminence de l’orage, les autorités compétentes. Finalement, et c’est heureux, beaucoup de tonnerre pour rien, ou presque. Seule la frustration d’un concert avorté, qui promettait une fin de soirée en apothéose. Et une bonne raison de revoir sans tarder Taj Mahal sur la scène marciacaise.

 

L’après-midi avait fourni l’occasion de constater que, décidément, le Off est inépuisable. Aussi incontestable que l’éléphant d’Alexandre Vialatte. Dispensateur de surprises, bonnes, voire excellentes. Ainsi de la formation réunie par Michel Bonnet à l’enseigne de Mem’Ory et qui, comme son nom le suggère, se consacre, au moins pour l’essentiel, à la célébration de l’auteur de Muskrat Ramble. Notoirement méconnu, celui-ci. Eclipsé par la renommée de Louis Armstrong, de King Oliver, de Jelly Roll Morton.

 

Il n’est donc que justice de réhabiliter Kid Ory, ce à quoi s’emploie avec un talent certain et une jubilation communicative cet orchestre dédié à la musique néo-orléanaise. La vraie, l’authentique, non les ersatz communément proposés sous cette appellation. A savoir que la rythmique est un modèle de sobriété et de légèreté. Jacques Schneck, Christophe Davaut, Enzo Mucci et Stéphane Roger s’entendent comme larrons en foire pour propulser des solistes brillants, qui savent ce qu’une collective veut dire.

 

Au programme, comme on pouvait s’y attendre, tous les grands classiques composés ou interprétés par l’ancêtre des trombonistes, de Ory’s Creole Trombone à Do You Know What It Means To Miss New Orleans en passant par des ragtimes (Maple Leaf, Tiger Rag, The Entertainer), et même Blueberry Hill chanté avec un feeling touchant par Patrick Bacqueville.

 

Le public manifeste son enthousiasme, les sourires de satisfaction fleurissent sur toutes les lèvres. Jusqu’aux enfants en bas âge qui écoutent, bouche bée, au pied du podium et se mettent spontanément à danser. Constat : la vertu essentielle de cette musique réside dans sa capacité à rendre les gens heureux. Traduction pour les usagers de la novlangue : son concept est d’actualiser dans le public ses potentialités d’euphorie. Et c’est ainsi que le jazz est grand.


Ce soir, Kellylee Evans et Joe Cocker. A coup sûr, chapiteau comble !

 

Jacques Aboucaya

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Ce devait être une grande soirée de blues. La météo en a décidé autrement, qui a interrompu après trois morceaux le concert de Taj Mahal. Elle avait débuté, cette soirée, de façon tonitruante (si j’ose écrire) avec un Eric Bibb en grande forme.

 

Eric Bibb (g, voc), Staffan Astner (g), Trevor Hutchinson (b), Larry Crockett (dm).

Chapiteau, 6 août


Michel Bonnet Mem’Ory. Michel Bonnet (tp), Patrick Bacqueville (tb), Guy Bonne (cl), Jacques Schneck (p), Christophe Davot (g), Enzo Mucci (b), Stéphane Roger (dm).

Festival Bis, Place de l’Hôtel-de-Ville, 6 août

 

L’an dernier à pareille époque, il se produisait sur cette même scène en compagnie de son « frère » malien Habib Koité, pour présenter leur commun album « Brothers in Bamako ». Eric Bibb revient cette fois en quartette, avec une rythmique impeccable et discrète et un interlocuteur de haut vol en la personne de Steffan Astner, as de la Fender Telecaster, cette guitare mythique qu’Arthur Smith, compositeur et interprète de Guitar Boogie, fut l’un des premiers à utiliser. C’était vers la fin des années 50, autant dire dans la préhistoire, au temps du vinyle et du rock and roll.

 

Pour en revenir à Steffan Astner, il donne à son leader une réplique plus que congruente, assurant un rôle de soliste, menant volontiers les débats dans des dialogues auxquels la paire Trevor Hutchinson Larry Crockett fournit une assise immuable. Revenu de son expérience africaine (il lui consacrera un seul morceau tiré de son album de l’an dernier), Eric Bibb s’est recentré sur le blues traditionnel, tel que l’incarnaient B.B. King ou Bukka White, auxquels il rend hommage.

 

Il a souvent recours, pour s’accompagner à la guitare, à ces riffs répétitifs qu’affectionnait Bib Bill Broonzy. Même ses inflexions vocales font souvent penser à ce dernier. Semblable simplicité, semblable absence de pathos. Recours fréquent à un tempo medium qui permet à la complémentarité et à l’entente des deux guitaristes de se manifester dans sa plénitude. Sans doute l’influence de la country se manifeste-t-elle dans certaines ballades. Comme celle du rock pur et dur qui lui permet de mettre, sans coup férir, le feu au chapiteau. Mais son concert est, pour l’essentiel, centré sur le blues originel dont il transcende l’austérité grâce à son talent personnel et à ce qu’il faut bien appeler, quoique le terme soit galvaudé, son charisme. Avec des bluesmen de cette envergure, le genre a encore de beaux jours devant lui. Mais en existe-t-il beaucoup ?

 

Trois morceaux. Juste le temps de chauffer sa voix aux graves caractéristiques, légèrement éraillée, et Taj Mahal, qu’Eric Bibb aura cité comme l’une de ses influences majeures, devra abandonner le plateau en même temps que le public était sommé d’évacuer d’urgence le chapiteau. Ainsi en avaient décidé, devant l’imminence de l’orage, les autorités compétentes. Finalement, et c’est heureux, beaucoup de tonnerre pour rien, ou presque. Seule la frustration d’un concert avorté, qui promettait une fin de soirée en apothéose. Et une bonne raison de revoir sans tarder Taj Mahal sur la scène marciacaise.

 

L’après-midi avait fourni l’occasion de constater que, décidément, le Off est inépuisable. Aussi incontestable que l’éléphant d’Alexandre Vialatte. Dispensateur de surprises, bonnes, voire excellentes. Ainsi de la formation réunie par Michel Bonnet à l’enseigne de Mem’Ory et qui, comme son nom le suggère, se consacre, au moins pour l’essentiel, à la célébration de l’auteur de Muskrat Ramble. Notoirement méconnu, celui-ci. Eclipsé par la renommée de Louis Armstrong, de King Oliver, de Jelly Roll Morton.

 

Il n’est donc que justice de réhabiliter Kid Ory, ce à quoi s’emploie avec un talent certain et une jubilation communicative cet orchestre dédié à la musique néo-orléanaise. La vraie, l’authentique, non les ersatz communément proposés sous cette appellation. A savoir que la rythmique est un modèle de sobriété et de légèreté. Jacques Schneck, Christophe Davaut, Enzo Mucci et Stéphane Roger s’entendent comme larrons en foire pour propulser des solistes brillants, qui savent ce qu’une collective veut dire.

 

Au programme, comme on pouvait s’y attendre, tous les grands classiques composés ou interprétés par l’ancêtre des trombonistes, de Ory’s Creole Trombone à Do You Know What It Means To Miss New Orleans en passant par des ragtimes (Maple Leaf, Tiger Rag, The Entertainer), et même Blueberry Hill chanté avec un feeling touchant par Patrick Bacqueville.

 

Le public manifeste son enthousiasme, les sourires de satisfaction fleurissent sur toutes les lèvres. Jusqu’aux enfants en bas âge qui écoutent, bouche bée, au pied du podium et se mettent spontanément à danser. Constat : la vertu essentielle de cette musique réside dans sa capacité à rendre les gens heureux. Traduction pour les usagers de la novlangue : son concept est d’actualiser dans le public ses potentialités d’euphorie. Et c’est ainsi que le jazz est grand.


Ce soir, Kellylee Evans et Joe Cocker. A coup sûr, chapiteau comble !

 

Jacques Aboucaya

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Ce devait être une grande soirée de blues. La météo en a décidé autrement, qui a interrompu après trois morceaux le concert de Taj Mahal. Elle avait débuté, cette soirée, de façon tonitruante (si j’ose écrire) avec un Eric Bibb en grande forme.

 

Eric Bibb (g, voc), Staffan Astner (g), Trevor Hutchinson (b), Larry Crockett (dm).

Chapiteau, 6 août


Michel Bonnet Mem’Ory. Michel Bonnet (tp), Patrick Bacqueville (tb), Guy Bonne (cl), Jacques Schneck (p), Christophe Davot (g), Enzo Mucci (b), Stéphane Roger (dm).

Festival Bis, Place de l’Hôtel-de-Ville, 6 août

 

L’an dernier à pareille époque, il se produisait sur cette même scène en compagnie de son « frère » malien Habib Koité, pour présenter leur commun album « Brothers in Bamako ». Eric Bibb revient cette fois en quartette, avec une rythmique impeccable et discrète et un interlocuteur de haut vol en la personne de Steffan Astner, as de la Fender Telecaster, cette guitare mythique qu’Arthur Smith, compositeur et interprète de Guitar Boogie, fut l’un des premiers à utiliser. C’était vers la fin des années 50, autant dire dans la préhistoire, au temps du vinyle et du rock and roll.

 

Pour en revenir à Steffan Astner, il donne à son leader une réplique plus que congruente, assurant un rôle de soliste, menant volontiers les débats dans des dialogues auxquels la paire Trevor Hutchinson Larry Crockett fournit une assise immuable. Revenu de son expérience africaine (il lui consacrera un seul morceau tiré de son album de l’an dernier), Eric Bibb s’est recentré sur le blues traditionnel, tel que l’incarnaient B.B. King ou Bukka White, auxquels il rend hommage.

 

Il a souvent recours, pour s’accompagner à la guitare, à ces riffs répétitifs qu’affectionnait Bib Bill Broonzy. Même ses inflexions vocales font souvent penser à ce dernier. Semblable simplicité, semblable absence de pathos. Recours fréquent à un tempo medium qui permet à la complémentarité et à l’entente des deux guitaristes de se manifester dans sa plénitude. Sans doute l’influence de la country se manifeste-t-elle dans certaines ballades. Comme celle du rock pur et dur qui lui permet de mettre, sans coup férir, le feu au chapiteau. Mais son concert est, pour l’essentiel, centré sur le blues originel dont il transcende l’austérité grâce à son talent personnel et à ce qu’il faut bien appeler, quoique le terme soit galvaudé, son charisme. Avec des bluesmen de cette envergure, le genre a encore de beaux jours devant lui. Mais en existe-t-il beaucoup ?

 

Trois morceaux. Juste le temps de chauffer sa voix aux graves caractéristiques, légèrement éraillée, et Taj Mahal, qu’Eric Bibb aura cité comme l’une de ses influences majeures, devra abandonner le plateau en même temps que le public était sommé d’évacuer d’urgence le chapiteau. Ainsi en avaient décidé, devant l’imminence de l’orage, les autorités compétentes. Finalement, et c’est heureux, beaucoup de tonnerre pour rien, ou presque. Seule la frustration d’un concert avorté, qui promettait une fin de soirée en apothéose. Et une bonne raison de revoir sans tarder Taj Mahal sur la scène marciacaise.

 

L’après-midi avait fourni l’occasion de constater que, décidément, le Off est inépuisable. Aussi incontestable que l’éléphant d’Alexandre Vialatte. Dispensateur de surprises, bonnes, voire excellentes. Ainsi de la formation réunie par Michel Bonnet à l’enseigne de Mem’Ory et qui, comme son nom le suggère, se consacre, au moins pour l’essentiel, à la célébration de l’auteur de Muskrat Ramble. Notoirement méconnu, celui-ci. Eclipsé par la renommée de Louis Armstrong, de King Oliver, de Jelly Roll Morton.

 

Il n’est donc que justice de réhabiliter Kid Ory, ce à quoi s’emploie avec un talent certain et une jubilation communicative cet orchestre dédié à la musique néo-orléanaise. La vraie, l’authentique, non les ersatz communément proposés sous cette appellation. A savoir que la rythmique est un modèle de sobriété et de légèreté. Jacques Schneck, Christophe Davaut, Enzo Mucci et Stéphane Roger s’entendent comme larrons en foire pour propulser des solistes brillants, qui savent ce qu’une collective veut dire.

 

Au programme, comme on pouvait s’y attendre, tous les grands classiques composés ou interprétés par l’ancêtre des trombonistes, de Ory’s Creole Trombone à Do You Know What It Means To Miss New Orleans en passant par des ragtimes (Maple Leaf, Tiger Rag, The Entertainer), et même Blueberry Hill chanté avec un feeling touchant par Patrick Bacqueville.

 

Le public manifeste son enthousiasme, les sourires de satisfaction fleurissent sur toutes les lèvres. Jusqu’aux enfants en bas âge qui écoutent, bouche bée, au pied du podium et se mettent spontanément à danser. Constat : la vertu essentielle de cette musique réside dans sa capacité à rendre les gens heureux. Traduction pour les usagers de la novlangue : son concept est d’actualiser dans le public ses potentialités d’euphorie. Et c’est ainsi que le jazz est grand.


Ce soir, Kellylee Evans et Joe Cocker. A coup sûr, chapiteau comble !

 

Jacques Aboucaya

|

Ce devait être une grande soirée de blues. La météo en a décidé autrement, qui a interrompu après trois morceaux le concert de Taj Mahal. Elle avait débuté, cette soirée, de façon tonitruante (si j’ose écrire) avec un Eric Bibb en grande forme.

 

Eric Bibb (g, voc), Staffan Astner (g), Trevor Hutchinson (b), Larry Crockett (dm).

Chapiteau, 6 août


Michel Bonnet Mem’Ory. Michel Bonnet (tp), Patrick Bacqueville (tb), Guy Bonne (cl), Jacques Schneck (p), Christophe Davot (g), Enzo Mucci (b), Stéphane Roger (dm).

Festival Bis, Place de l’Hôtel-de-Ville, 6 août

 

L’an dernier à pareille époque, il se produisait sur cette même scène en compagnie de son « frère » malien Habib Koité, pour présenter leur commun album « Brothers in Bamako ». Eric Bibb revient cette fois en quartette, avec une rythmique impeccable et discrète et un interlocuteur de haut vol en la personne de Steffan Astner, as de la Fender Telecaster, cette guitare mythique qu’Arthur Smith, compositeur et interprète de Guitar Boogie, fut l’un des premiers à utiliser. C’était vers la fin des années 50, autant dire dans la préhistoire, au temps du vinyle et du rock and roll.

 

Pour en revenir à Steffan Astner, il donne à son leader une réplique plus que congruente, assurant un rôle de soliste, menant volontiers les débats dans des dialogues auxquels la paire Trevor Hutchinson Larry Crockett fournit une assise immuable. Revenu de son expérience africaine (il lui consacrera un seul morceau tiré de son album de l’an dernier), Eric Bibb s’est recentré sur le blues traditionnel, tel que l’incarnaient B.B. King ou Bukka White, auxquels il rend hommage.

 

Il a souvent recours, pour s’accompagner à la guitare, à ces riffs répétitifs qu’affectionnait Bib Bill Broonzy. Même ses inflexions vocales font souvent penser à ce dernier. Semblable simplicité, semblable absence de pathos. Recours fréquent à un tempo medium qui permet à la complémentarité et à l’entente des deux guitaristes de se manifester dans sa plénitude. Sans doute l’influence de la country se manifeste-t-elle dans certaines ballades. Comme celle du rock pur et dur qui lui permet de mettre, sans coup férir, le feu au chapiteau. Mais son concert est, pour l’essentiel, centré sur le blues originel dont il transcende l’austérité grâce à son talent personnel et à ce qu’il faut bien appeler, quoique le terme soit galvaudé, son charisme. Avec des bluesmen de cette envergure, le genre a encore de beaux jours devant lui. Mais en existe-t-il beaucoup ?

 

Trois morceaux. Juste le temps de chauffer sa voix aux graves caractéristiques, légèrement éraillée, et Taj Mahal, qu’Eric Bibb aura cité comme l’une de ses influences majeures, devra abandonner le plateau en même temps que le public était sommé d’évacuer d’urgence le chapiteau. Ainsi en avaient décidé, devant l’imminence de l’orage, les autorités compétentes. Finalement, et c’est heureux, beaucoup de tonnerre pour rien, ou presque. Seule la frustration d’un concert avorté, qui promettait une fin de soirée en apothéose. Et une bonne raison de revoir sans tarder Taj Mahal sur la scène marciacaise.

 

L’après-midi avait fourni l’occasion de constater que, décidément, le Off est inépuisable. Aussi incontestable que l’éléphant d’Alexandre Vialatte. Dispensateur de surprises, bonnes, voire excellentes. Ainsi de la formation réunie par Michel Bonnet à l’enseigne de Mem’Ory et qui, comme son nom le suggère, se consacre, au moins pour l’essentiel, à la célébration de l’auteur de Muskrat Ramble. Notoirement méconnu, celui-ci. Eclipsé par la renommée de Louis Armstrong, de King Oliver, de Jelly Roll Morton.

 

Il n’est donc que justice de réhabiliter Kid Ory, ce à quoi s’emploie avec un talent certain et une jubilation communicative cet orchestre dédié à la musique néo-orléanaise. La vraie, l’authentique, non les ersatz communément proposés sous cette appellation. A savoir que la rythmique est un modèle de sobriété et de légèreté. Jacques Schneck, Christophe Davaut, Enzo Mucci et Stéphane Roger s’entendent comme larrons en foire pour propulser des solistes brillants, qui savent ce qu’une collective veut dire.

 

Au programme, comme on pouvait s’y attendre, tous les grands classiques composés ou interprétés par l’ancêtre des trombonistes, de Ory’s Creole Trombone à Do You Know What It Means To Miss New Orleans en passant par des ragtimes (Maple Leaf, Tiger Rag, The Entertainer), et même Blueberry Hill chanté avec un feeling touchant par Patrick Bacqueville.

 

Le public manifeste son enthousiasme, les sourires de satisfaction fleurissent sur toutes les lèvres. Jusqu’aux enfants en bas âge qui écoutent, bouche bée, au pied du podium et se mettent spontanément à danser. Constat : la vertu essentielle de cette musique réside dans sa capacité à rendre les gens heureux. Traduction pour les usagers de la novlangue : son concept est d’actualiser dans le public ses potentialités d’euphorie. Et c’est ainsi que le jazz est grand.


Ce soir, Kellylee Evans et Joe Cocker. A coup sûr, chapiteau comble !

 

Jacques Aboucaya