Jazz live
Publié le 28 Avr 2018

Jurançon: Géraldine Laurent, un jazz long en bouche

Tonnerre de Jazz, association créée à Pau continue d'organiser ses concerts dans les salles de l'agglomération paloise (Pau Béarn Pyrénées) faute de disposer d'appui et surtout de lieu dans la capitale du Béarn. Cette fois c'était au tour de l'Atelier du Neez d'accueillir dans sa son auditorium moderne et confortable, Géraldine Laurent et son At work Quartet.

Jean-Claude Tessier, président de l’association Tonnerre de Jazz pose la question à brûle pourpoint « Deux des musiciens du quartes doivent rentrer demain à Paris pour une question de balance…à cause de la grève, pas de train demain depuis Pau. Quelqu’un dans l’assistance pourrait les emmener à Bordeaux pour prendre un TGV ? »

Géraldine Laurent (as), Paul Lay (p), Yon Zelnik (b), Donald Kontomanou (dm)

Tonnerre de Jazz, L’Atelier du Neez, Jurançon (64110)

En mode de présentation Géraldine Laurent glisse fort à propos « Certains d’entre vous connaissent peut-être mon dernier album, At Work (@gazebo / L’Autre distribution) Au long de ces thèmes vous allez avoir l’occasion de voir le quarter  au travail… » Le travail en question, justement, consiste en un développement, un approfondissement des parties instrumentales des compositions  jouées dans l’ordre du CD paru l’an passé. « Odd folk  » débute comme une mise en bouche, une manière d’échauffement. Pourtant dès le titre éponyme la saxophoniste prend un long stop chorus, exploitant/explorant une bonne part du champ sonore de son alto. Avec méthode, sans précipitation au départ puis en prenant soin d’y greffer de plus en plus de densité, de pousser plus avant le curseur de l’intensité de sa colonne d’air tout en gardant la maîtrise du jeu . Géraldine Laurent n’occupe pas pour autant le devant de la scène.à tout prix. Son groupe passe alors par des formules du duo au trio. De quoi poser sa patte pour un Paul Lay très occupé à jouer sur toutes les facettes rythmiques disponibles (« Another dance ») Et lorsque au prétexte d’une ballade, le quartet se retrouve lié, Géraldine Laurent sur cet appui rythmique homogène laisse couler alors une sonorité chaude, fondant en douceur les articulations dans un moelleux à souhait (« N-C way« ). L’association paloise qui ne parvient toujours pas à dégoter une salle digne d’accueillir des concerts de jazz dans sa propre ville, souhaite gérer le concert comme dans un club, en deux sets atour d’un entr’acte « Histoire de profiter des rentrées du bar et des ventes de disques » explique un de ses responsables. Pour une association  vivant sans subvention il n’existe pas de « petite ressource » à négliger.

L’orchestre parie clairement sur un plus de tonus, de punch dans le second acte du concert. Paul Lay « l’enfant du pays », en donne le signal devant ses parents présents dans la salle. « Up to do it » lui donne l’occasion d’une longue séquence prise en piano solo en mode déjanté. Accélérations fulgurantes sur le clavier, pics d’atonalité en grappes de notes acides, grands coups de « clusters » frappés des deux mains:au bout de telles drôles d’acrobaties de clavier le volume (la sauce dirait-on en Béarn) n’en finit pas de monter haut dans les tours. Alors, pour redescendre, calmer le jeu quoi de mieux q’un air de Antonio Carlos Jobim (« Chora coraçao« ) histoire de retrouver l’air pur, le souffle servi nature par le sax alto, avec le feeling, les accentuations qui conviennent, où il faut quand il faut de la part de Donald Kontomanou, les notes placées judicieusement par Yoni Zelnik. Au travail, sans avoir à forcer ni sa nature, ni surtout, question musique à ouïr, le trait.

 

photo Steve Welles

Et comme s’il fallait à cette histoire béarnaise un happy end, la demande initiale avait été bien entendue « Merci à ces personnes du public qui demain matin conduiront les deux musiciens en gare de Bordeaux pour prendre un TGV vers la capitale » Yon Zelnik et Donald Kontomanou pouvaient dormir rassurés. Ils seraient bien le lendemain après midi à la porte du Nubia, le nouveau club monté par Richard Bona. En temps et en heure pour la balance. Ce qui n’empêchait pas Géraldine Laurent de livrer un avis tranché sur le conflit à la SNCF « Je suis solidaire des cheminots dans cette grève. Certes, j’ai moi même du annuler un concert. Mais l’existence d’un vrai service public de transport est trop important. Aujourd’hui plus que jamais dans notre pays Il faut savoir mesurer à leur juste prix les enjeux sociaux et politiques »

Robert Latxague