Jazz live
Publié le 21 Août 2018

Malguénac : une édition “sauvage”

“Sauvage Sauvage”, tel est le surtitre que l’on découvrait en page 2 du programme dépliant de la 21ème édition d’“Arts des villes Arts des champs”, le festival de Malguénac sous-titré “Jazz et alentours” et dont la réussite tient dans façon d’assumer sans compromis ce sous-titre en territoire rural.

Cette notion de sauvagerie, elle sera débattue lors de la traditionnelle table ronde animée par Cécile Even et Olivier Martin, et illustrée au boulodrome du village par l’exposition artistique Sauvage !. Mais à vrai dire, cette notion, je l’avais ressentie lors de ma première venue à Malguénac, lorsqu’ayant quitté la route boisée menant de Bubry à Pontivy, j’avais plongé dans l’épaisse verdure qu’il faut traverser pour remonter sur le petit village de Quelven – où l’on passe devant le café Les Anges, dont la programmation régulière prend le relais de la vie musicale locale hors festival–, traversé la route de Guer à un carrefour où la direction de Malguénac figure comme une promesse, puis m’étais enfoncé dans une pays désert et secret de landes et de forêts jusqu’à la découverte du panneau communal s’offrant à l’automobiliste comme une issue en haut d’une petit côte où les derniers arbres filtrent la lumière du ciel qui nous était dissimulée depuis plusieurs kilomètres et les silhouettes des premières maisons. Un peu comme la Belle découvre le château de la Bête ou comme l’on s’inviterait clandestinement à la fête du Grand Meaulnes.

Il y a en tout cas quelque chose de rare à Malguénac dont bien des festivals n’ont pas découvert le secret, ou l’ont perdu, qui consiste à défendre une musique aujourd’hui maudite – le jazz –, maudite à en juger par la façon dont elle s’absente toujours un peu plus des médias, dont elle est méprisée par les élites culturelles biberonnées à la lecture des Inrockuptibles où l’on sort son pistolet aux seuls mots de saxophone et d’improvisation, à en juger encore par la façon dont les festivals de jazz, au nom de l’ouverture, se ferme de plus en plus au jazz, pour n’en garder que les aspects les plus consensuels et les noms les plus vendeurs saupoudrés sur des programmations tournant le dos à tout ce qui fait la singularité des jazzs, l’improvisation, le déformatage, l’abstraction instrumentale… Or le secret de Malguénac, c’est d’avoir su préserver cette singularité, d’en exprimer la grande diversité, tout en cultivant ces “alentours” de son sous-titre sans lesquels un festival contemporain en milieu rural risque de se couper de son territoire, et tout en exprimant la richesse de ce terroir si spécifique que constitue la Bretagne.

Dans quel festival passe-t-on avec la même attention d’une promesse de la scène bretonne disant et chantant des textes en breton (Charkha et la chanteuse Faustine Audebert), aux as du néo-hard bop new-yorkais (Black Art Jazz Collective), puis à l’inclassable techno-fusion de Wax’in ? Dans quel festival a-t-on vu le public venu pour le Jacky Molad Quartet écouter dans un tel silence les abstractions improvisées de Joëlle Léancre et Jean-Luc Cappozzo ? Et quel festival cet été a osé Fantazio ? Je me souviens qu’il y a deux ans, Ambrose Akinmusire avait annulé sa tournée faute de date, Malguénac seul s’étant manifesté pour le faire venir.

Et ce qui m’étonne encore, c’est que ce sens de la découverte et de la rareté se double d’une fidélité et d’une confiance accordée à certains artistes, d’une dimension familiale et d’une vraie subjectivité dans les choix qui constituent une “ligne éditoriale” tout en assurant un renouvellement constant.

Revue de détail, à quelques détails près : la soirée comportant trois plateaux (20h30, 22h15 et minuit) qui prennent généralement du retard, j’ai quitté les trois soirs au bout du troisième morceau du dernier groupe ; s’intercalent entre ces plateaux dans la salle Claude Nougaro, des spectacles sous chapiteau ouvert, pour lesquels je me suis montré moins assidu, reposant mes oreilles et échangeant mes impressions à la buvette ou l’espace restauration.

Le 16 Août

Charkha : Faustine Audebert (chant, percussions), Gurvant Le Gac (flûte traversière en bois, compositions), Thimothée Le Bour (sax ténor), Florian Baron (oud), Jonathan Caserta (contrebasse), Gaëtan Samson (percussions).

Redite ? Fidélité, confiance, à un groupe qui faisait quasiment ses premiers pas sur une grande scène à Malguénac il y a quatre ans, et que l’on a voulu revoir grandi sur le répertoire d’un deuxième album à paraître en novembre. Malguénac 2014, j’y étais et j’avais été scotché par Charkha. Voir mon compte rendu de l’époque. On retrouve le goût que le compositeur Gurvant Le Gac partage avec son groupe pour les métriques composées – on pense évidemment à l’héritage de Steve Coleman –, portées avec une intensité irrésistible par la batterie de tambours sur cadre et de cymbales joués à la main par Gaëtan Samson, la contrebasse de Jonathan Caserta et l’oud de Florian Barou. Sur les architectures polyphoniques nerveuses de la rythmique  se greffent la voix de Faustine Audebert qui dit, scande et chante en breton, anglais et français (textes de poètes militants de la créolité et de l’anti-colonialisme Léon Gontran Damas, Edouard Glissant, Monchoachi, Nazim Hikmet, plus une contribution de Cécile Even, figure de l’action culturelle rencontrée à La Grande Boutique, aux Anges et à Arts des Villes Arts des Champs) se greffent les longues lignes écrites pour la flûte et le saxophone ténor, d’où se détachent ici et là le solo de l’un ou l’autre : Le Gac dont le rapport autodidacte à l’improvisation apporte sa contribution à la thématique “sauvage”, Timothée Le Gac tenté par l’héritage de Phaorah Sanders et Charles Lloyd avec un vocabulaire modal que Florian Baron a fait sien sur l’oud, le tout dans un bouquet assemblant senteurs modales persanes, balkaniques, éthiopiennes et bretonnes.

À l’issue du concert, à la buvette, conseillant à Le Gac l’introduction de respirations dans ce répertoire tendu comme les câbles d’un pont suspendu, voire globalement plus de respiration dans l’écriture, il argumente : « La musique est ainsi parce qu’en Bretagne on respire mal. », me renvoyant à un mal être breton et notamment au morceau-titre du nouvel album La Colère de la boue, texte et musique de sa plume en soutien à la lutte contre les projets miniers en Bretagne. Tandis que nous trinquons, au loin, sous le chapiteau, dialoguent les accordéons diatoniques en transe de Feule Caracal, soit Christian Maes (qui soudain électrhendrixifie ses anches) et Janick Martin (rock attitude et improvisation jazz) sur les percussions fiévreuses d’Etienne Gruel, Sylvain Barou invitant sa flûte traversière en bois à l’impromptu.

Black Art Jazz Collective : Jeremy Pelt (trompette), James Burton (trombone), Wayne Escoffery (sax ténor), Danny Grisset (piano), Vicente Archer (contrebasse), Johnathan Blake (batterie).

Une exclusivité Malguénac (le groupe n’ayant d’autres concerts en France qu’au Sunside les deux jours précédents). Inattendu après cette ouverture par Charkha : la grande musique noire new-yorkaise, la grande tradition du hard bop, constamment rénovée de nouvelle vague en nouvelle vague, à travers une écriture en équilibre constant entre la savante efficacité des voicings et la sophistication des contrechants au profit d’un son de groupe souple et ramassé comme une musculature de félin à l’affût, avec des instrumentistes évoluant dans la convention du solo accompagné oxygénée à l’air du temps. Le public plutôt débraillé de Malguénac s’est laissé impressionner par la distinction de leur mise cravatée (même si certains d’entre eux s’était libéré le col), l’autorité de leurs annonces dignes des prêcheurs de Harlem, la projection de leur musique commune au jazz, au gospel et au R’n’b. Ecoute blasée de mon côté ? Contrecoup du décalage horaire de leur côté ou effet d’un trop grand dépaysement ? Les solos m’ont paru convenus et dépit de la conviction qui y présidait. Aussi mon attention s’est-elle reportée sur la rythmique, évidemment sur Johnathan Blake – énergie, puissance, finesse, légèreté, écoute, répartie –, mais surtout sur le jeu de piano de Danny Grissett, jamais attendu malgré une mise impeccable de marié sur les marches de la mairie, dessinant avec des gestes de comptables des angles mélodiques fantasques, élaborant des polyrythmies oniriques, distillant des saveurs harmoniques inédites. Plateforme de promotion du génie afro-américain dont le premier album évoquait les figures de W.E.B. Dubois (Double Consciousness) et Barack Obama (Awaiting Change), le Black Art Jazz Collective vient de signer “Armor of Pride”, dont on trouvera une chronique dans notre numéro d’octobre, par tout autre que moi et donc d’un point de vue différent. “

Contraste : au sortir du concert, on se heurte aux échasses des jongleurs de la Cie Cirque en Spray qui animent l’enceinte en attendant que Wax’in se mette en place.

Wax’in : Médéric Collignon (voix, cornet, électronique), Christophe Godin (guitare électrique), Philippe Bussonnet (basse électrique), Franck Vaillant (batterie).

Une musique sombre et brillante à la fois, où les extases de guitar heroe percent la chape de ténèbres électro hurlantes. Niveau sonore au-delà de mes capacités, les protections prescrites par mon ORL oubliées dans le vide poche de ma voiture où je viens de passer six heures au volant. Le drumming toujours captivant de Franck Vaillant me retient un morceau de plus, mais je finis par prendre la fuite, me promettant d’être au lit avant 2h. Encore râté…

Le 17 août

Joëlle Léandre (contrebasse), Jean-Luc Cappozzo (trompette, bugle, flûte traditionnelle…)

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Les deux improvisateurs accueillent leur public en douceur, sourdine harmon sur archet de velours, comme une promenade nocturne racontée par Virginia Woolf. Sous le charme, le public est cueilli, captif, bientôt captivé par une vive controverse entre les deux protagonistes qui me rappellent cette dispute instrumentale Mingus – Dolphy qui avait ravi le public d’Antibes en 1960. Dénouement de la dispute dans une espèce d’homophonie où à la sourdine cup succède une flûte traditionnelle… concert d’harmoniques, doux ballet de cétacés. La suite est plus radical-bruitiste, dans la salle, on entendrait une mouche voler, d’ailleurs en voici une… non c’est l’archet de Léandre. Un étrange mélange de grâce et de bonhommie caractérise ce répertoire impromptu où les idées s’enchaînent avec le même naturel que sous les doigts d’un Lee Konitz introduisant a capella les harmonies d’All the Things You Are. Puis ces sont des espagnolades qui viennent à l’esprit de Cappozzo, s’attendant peut-être à voir débouler de ces puissantes cavalcades de contrebasse à cornes pizzicato dont est capable la Léandre, mais elle y répond pas des frottis rêveurs de cordes qui inspirent au trompettiste une citation de Colchiques.

Je songe au récit d’une semaine de travail avec Karlheinz Stockhausen racontée par Michel Portal : à chaque jour un travail particulier est soumis aux instrumentistes présents et, un beau matin, le démiurge commande : « aujourd’hui, c’est libre. Vous faîtes ce que vous voulez. » Et chacun de faire grogner, striduler, bourjoufler son instrument. Portal, lui, se met à jouer une petite mélodie de variété française du moment. « Non, pas ça ! » hurle Stockhausen. Ici au contraire, on peut râcler ses cordes, faire bramer une anche confisquée à quelque cornemuse et s’époumoner dans un sifflet à coulisse, mais tout aussi bien jouer un air de paso doble et Colchiques dans les près. Sur la scène de ce théâtre musical, on fait la moue, on grimace d’inquiétude, on s’observer, on rit de sa bourde, comme deux joueurs de scrabble scrutant le jeu de l’autre pour anticiper le sien.

À la buvette, le public estomaqué s’interroge. C’était écrit, préparé, répété, une première… « Non, non, non, précise Joëlle Léandre. Rien n’est prévu, mais ça fait 24 ans qu’on joue ensemble, alors on se connaît par cœur et tout est possible. » Merveilleux ! J’en oublie de prêter l’oreille à The Swinging Dice qui fait danser sous le chapiteau un joyeux mélange de swing, de rock’n’roll et de jerk.

Jacky Molard Quartet : Jacky Molard (violon), Yannick Jory sax soprano), Janick Martin (accordéon diatonique), Hélène Labarrière (contrebasse).

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C’est visiblement pour eux que le public s’est déplacé : on les attend, on les acclame et l’on “tortillera” sur leurs rythmes à danser. « Du jazz ça ? » me questionne une jeunesse néanmoins séduite. « Ben non… ben oui… Comment dire ? » Le flirt de la musique bretonne et du jazz a commencé vers la fin des années 1970. Jacky Molard en était déjà. Des fest-noz de sa jeunesse, il n’a rien renié et ça s’entend. Mais s’entendent d’autres amours : l’Irlande, les Balkans, l’Inde… le tout traversé, assemblé par le fil rouge de l’improvisation, le sens de l’arrangement, de l’initiative individuelles au profit du collectif, de la pulsation. Ici pourtant, l’improvisation est discrète. Rares sont les longs solos, on improvise plutôt dans les coins, en contrechant, le violon constamment au four et au moulin, comme aiguillonnant la musique, le soprano précis comme une dentelière, le soufflet du diatonique swinguant comme un diable, le tout propulsé par Hélène Labarrière qui sait ce que groover veut dire.

Habitée par ce bouillonnement d’initiatives privées, une écriture de chambriste survitaminé, portée par un art du développement qui tire le meilleur parti de cet effectif orchestral en terme de rythme, d’harmonie, de contrepoint, de couleurs timbrales et de contrastes… Le public breton est gagné d’avance ? C’est certain. Ne le serait-il pas d’avance qu’il serait gagné quand même. Au sortir de la salle, les quilles lumineuses des jongleurs de la Cie du Cirque en Spray accompagneny la lente retombée de notre éblouissement.

Dinosaur : Laura Jurd (trompette, clavier), Elliot Galvin (Fender Rhodes), Conor Chaplin (basse électrique), Corrie Dick (batterie).

Et encore un regard exclusif de Malguénac, cette fois-ci sur la scène britannique. Passé minuit, je fatigue. Mon calepin est vierge de notes à leur sujet. Paresse de l’écoute. Je me souviens avoir été d’abord séduit par ce mélange de ce modern jazz, somme toute assez classique, et d’exploration libre à la Miles années 1969-1970 agrémenté de sonorités électro, mais qu’ayant l’impression d’entendre la même chose d’une pièce à l’autre, je démissionne à la fin du troisième morceau.

Le 18 août

Jack Titley & the Bizness : Jack Titley (chant, mandoline électrique, guitare, banjo), Danielle Titley (guitare, chant), Gurvan Leray (harmonicas diatonique et chromatique), Nicola Hayes, Gabriel Faure (violon), Joseph Detailleur (accordéon), Jonathan Caserta (contrebasse, basse électrique), Rowen Berrou (batterie).

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Jack Titley, ça n’est pas la première fois que je le croise depuis que je fréquente la région, au moins deux fois sous le chapiteau de Malguénac, une autre à La Grande Boutique de Langonnet. Souvenirs sympathiques d’un bluegrass déjanté soutenu par une claque locale. Du coup, je m’autorise à arriver en retard, avec l’idée de jeter une oreille, avant de m’arroser le gosier en attendant le concert de Fantazio et Théo Ceccaldi. Lorsque j’arrive, Titley et sa bande ont déjà bien chauffé la salle et il est clair qu’elle s’est remplie pour eux. Plus un siège n’est libre et l’on se masse debout à l’arrière (la travée centrale de sièges a été d’ailleurs démontée, les concerts du samedi soir à Malguénac étant traditionnellement des concerts debout). C’est un orchestre très au point que dirige Jack Titley. Pensez donc, le noyau dur était déjà à ses côtés à Malguénac en 2009 et 2013. La touche rock’n’roll s’est renforcée, un rock sudiste selon un grand arc esthétique qui descendrait sans hiatus des Appalaches en Pays Cajun en passant par Nashville et La Nouvelle Orléans. Musique de chauffe, sens de l’humour, des arrangements néanmoins au cordeau avec des ensembles de violons hyper léchés, Nicola Hayes plus old time-bluegrass, Gabriel Faure plus progressive-newgrass façon Kenny Kosek, une pointe de second line dans les grooves, des harmonicas du Delta et un accordéon zydeco. Tout un chacun foutteur d’ambiance. Ça barde et c’est bon.

Fantazio & Théo Ceccaldi présentent Peplum : Fantazio (récitant tchatcheur, contrebasse), Théo Ceccaldi (violon), Antonin-Tri Hoang (sax alto, clavier électrique), Roberto Negro (piano), Joachim Florent (contrebasse), Benjamin Flament (percussions, machines).

J’avais déjà lu son nom dans des programmes, notamment à la Dynamo de Banlieues bleues à Pantin (où ce spectacle fut créé l’an passé dans le cadre de Jazz à La Villette et où on le retrouvera le 12 décembre prochain). Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Ceux de Malguénac “l’avait à l’œil”. Ils ont l’œil, ceux de Malguénac, à l’école de celui qui se fait discret, un taiseux qui n’en pense pas moins et n’en agit pas moins dans l’ombre, Ronan Prod’homme, le fondateur. Quel autre festival de jazz d’été oserait Fantazio sur sa scène principale ? Genre « Qu’est-ce qu’il a ? Qu’est-ce qui veut ? Qui c’est celui-là ? » Le voici qui débarque avec des airs de mafioso souligné par une paire de verres fumées façon ray-bann, en débitant son boniment en italien devant un public déjà captivé alors qu’il n’y comprend que couic. Par une subtil glissement linguistique finement argumenté, il passe au français et commence à raconter l’histoire de Brrrrr Brrrrr Buno que l’on ne va pas vous raconter, sinon que, cherchant à en situer la nature, on pense à l’Apollinaire des Mamelles de Tirésias, à Jarry et à Kafka, au Louis Guilloux de Parpanacco, à Bruno Schulz et Bohumil Hrabal, à Roland Dubillard et à Raymond Devos, à Fellini et à Terry Gilliam… on a les références que l’on peut et qui ne sont évidemment pas les siennes et qui sont peut-être tout simplement Francis Blanche et Pierre Dac. Et la musique ? Théo Ceccaldi et sa bande sont entrés au début de l’histoire et quelles que soient leurs références à eux (je pense surtout à Roberto Negro et ses programmes), il n’y a qu’eux qui pouvaient endosser ses références à lui et susciter les miennes.

De temps en temps, il pousse la chansonnette, le reste du temps on ignore s’il improvise, s’il récite, à quel degré de précision se situe la trame qu’il déroule et dont il guide l’écriture folle et mesurée assignée à l’orchestre, de rennes tenues courtes puis soudain lâches, notamment lors d’un splendide intermède fugué entre Negro et Hoang. Face à eux, un public un public debout au centre, assis sur les côtés, d’abord interdit, puis de plus en plus conquis, tanguant aux rythmes qu’impriment aux corps les rythmes dispensés par Benjamin Flament et Joachim Florent soudain relayés par Fantazio lui-même qui se saisit de sa propre contrebasse. On sortira de là hagard et ravi, pour ma part incapable de prêter une quelconque attention au duo Hymn for Her que Jean Rochard nous ramène de Minneapolis… mais fallait-il aller chercher si loin ce country punk, lorsque l’on a sous la main Jack Titley & The Bizness;

Chlorine Free : Benoît Giffard (trombone, electro), Fanny Menegoz (flûte), Romain Clerc-Renaud (Fender Rhodes), David Monet (clavier Nord), Virgile Lorach (basse électrique), Maxime Zampieri (batterie).

Final électro-funk, évoquant tout à la fois l’Herbie Hancock de Headhunters et le nightclubbing soft et distingué de Bugge Wesseltoft dans ses New Jazz Conceptions. Combinaison nerveuse de sonorités de piano électrique et clavinet, agilité puissante de la basse électrique nourrissant la polyrythmie groovy de la batterie, sections de vents flûte-trombone efficace et pourvoyeuse de solos bien envoyés. Les thèmes et les riffs s’enfilent comme des perles, on se sent bien ondulant d’un pied sur l’autre, mais la fatigue me gagnant je confie l’orchestre au reste du public qui s’en débrouillera bien sans moi et reprend la route à travers les bois du pays de Malguénac sous un ciel piqueté d’étoiles, se décrochant parfois en trombe derrière la crête des arbres, le temps pour moi de faire un vœu. Ma vieille twingo se transforme en trois mâts voguant sur les cimes des sapins et châtaignier. • Franck Bergerot

À la Une de Ouest France. Vous avez dit “sauvage"?

À la Une de Ouest France du 18 août. Vous avez dit “sauvage »?