Jazz live
Publié le 8 Avr 2022

Nox.3 & Linda Olàh retrouvent leur public

Hier 7 avril, après bien des mois d’absence des scènes d’Île de France, le Trio NOx.3 et la chanteuse Linda Oláh étaient de retour sur la scène du Triton à l’issue d’un séjour de quatre jours de résidence dans les locaux du fameux club des Lilas.

« Vous allez bien ? Moi ça va. Tout fonctionne ici, c’est déjà ça. » déclare Rémi Fox en désignant sa table couvertes d’effets électroniques et ses saxophones branchés. Guère moins de matos sur le pupitre de Linda Olàh. Le batteur Nicolas Fox n’est pas en reste… rien en vue sur le piano de Matthieu Naulleau, mais il doit bien nous cacher des choses. Ambiance clubbing pour fêter les retrouvailles du groupe devant son public. « Vous allez bien ? » à nouveau en montant le ton. Ceux des spectateurs qui se sont rassemblés sur la partie de la salle libérée de ses chaises pour permettre une écoute debout, répondent “présent”.

Invité hier par ces musiciens qui ne sont plus des inconnus pour moi depuis déjà pas mal d’années, j’avais salué dans nos pages papier leur premier album, “Inget Nytt.”  (après un premier en trio sans titre ni voix). Mais le son du groupe semble avoir changé depuis et c’est d’abord une réaction de recul qui me saisit, moins face au niveau sonore – on a vu pire, j’ai mes protections et ce volume est animé d’une vraie dynamique – que face au martèlement métronomique du temps fort qui me donne d’abord plus envie de marcher au pas de l’oie que de me rejoindre la piste de danse.  Je suis indécrottablement un homme du siècle dernier.

Mais peu à peu, le charme opère. Il se passe tellement d’évènements simultanés tissés dans ces trames étales que ce martèlement se fait léger jusqu’à se mettre à danser lui-même sur cette polyrythmie qui émane tout à la fois des différents éléments de la batterie et de ses compléments électroniques, du saxophone et du piano. Groove et nappe se superposent et se complètent, très loin de l’électro ordinaire, tant tout est fait « à la main » jusqu’à ces effets que Linda Olàh déclenche ici et là, tandis qu’elle déclame, fredonne, chantonne, murmure, récite, se tait, s’écrie, des chansons, des phrases, des mots, des phonèmes, des chuchottis.  Même s’il n’y a jamais vraiment de solo de l’un ou de l’autre, mon attention est tout particulièrement captée par Matthieu Naulleau, pianiste époustouflant jouant l’injouable, avec un fluidité diabolique, tantôt tintinnabulant, tantôt martelant le clavier des mille petits marteaux que semblent constituer ses doigts, déformant l’accord et le son du piano sans rien en laisser paraître, jamais devant mais jamais s’effaçant même lorsqu’il se retrouve en duo avec Linda Olàh qu’il n’accompagne pas vraiment mais dont il baigne la voix, le temps d’une soudaine ballade. Et lorsque le concert se termine après une grosse heure de musique, on a l’impression qu’il vient de commencer. Franck Bergerot