Jazz live
Publié le 9 Oct 2020

Palmer: Yves Rousseau, un jazz millésimé

Des trois salles pouvant fonctionner en simultané dans une même soirée, le Rocher de Palmer à Cenon sur les hauteurs de la rive droite de Bordeaux, n’en offre plus qu’une. CoVid oblige. Du coup le client auditeur se trouve devoir désormais choisir son jour et son genre de musique « Nous n’avons plus la possibilité de mélanger les publics avec deux voir trois concerts le même soir regrette Patrick Duval, son directeur. Et comme je ne peux utiliser la salle avec des gens debouts, et bien par exemple les jeunes des cités à l’entour n’ont eu droit à aucun concert de rap ou hip hop ici, depuis mars dernier...ça craint, non une situation d’exclusion pareille ? » Le jazz aura eu plus de chance. Yves Rousseau ce soir et bientôt Paolo Fresu avec A Filetta, avant Jacques Schwarz-Bart.

Csaba Palotaī, chevelure argentée abondante, lunettes montures rectangle, bref de faux  airs du look Larry Corryell des années 80, triture sa Fender Télécaster en de furieux allers et retours de mediator sur le haut du manche. Chorus sur-compressé. Au point de casser d’un coup, d’un seul  une corde aiguë sans pour autant stopper son exercice exploratoire extrême entamé en guise de solo. Accident impromptu, isn’t It, dans un moment de jazz ? Au lendemain même de la disparition de Van Halen…

Yves Rousseau (b), Géraldine Laurent (as), Thomas Savy (bcl), Jean-Louis Pommier (tb), Csaba Palotaï (g), Étienne Manchon (cla), Vincent Tortiller (dm)

Le Rocher de Palmer, 8octobre,  Cenon (33152)

 

Yves Rousseau, cordes graves !

La photo cover de son nouvel album ( CD Yolk Music) parle d’elle même avec ces ados fixés en couleur dans un décor de plongeoir de piscine « J’ai conçu ce disque comme autant de réminiscences de la découverte incroyable au Lycée de grands groupes qui livraient une musique expérimentale, les King  Crimson, Pink Floyd, Soft Machine ou autres Genesis… » Les compositions originales écrites pour l’occasion célèbrent donc les sonorités de l’époque, individuelles liées aux instruments choisis, comme collectives en fonction des couleurs additionnées, tramées. Ceci posé l’ecoute live révèle rapidement que l’écriture signée Yves Rousseau s’avère à la base, rigoureuse, fort construite. Déroulées, enchaînées en plusieurs parties tout au long du concert (Réminiscences, Darknesse Desires) ou piquées de petits épisodes thématiques empruntés  à des figures emblématiques de cette pop  des seventies. Il en va ainsi de Ending with Orleans de David Crosby, petite mélodie chatoyante célébrée avec délicatesse à trois voix sax/trombone/clarinette basse dans Personal Computer. Ou In a court of à Krimson King de Robert Fripp, en guise de complainte jouée pur feeling par le leader sur cordes de basse pour Winding Pathway.

 

Csaba Palotaï guitare en fusion, Étienne Manchon claviers vintages

L’ensemble des thèmes répercute bien sur des climats, des couleurs, des timbres, des sons (effets réverb, phasiing, pédale wah wah par exemple habillent les sonorités de la guitare), des instruments (claviers Wurlitzer et Moog utilisés avec inventivité par le tout jeune Etienne Manchon) dans la veine des musiques dont s’inspire Yves Rousseau pour ces Fragments. Une constante revient au cours de ces épisodes ainsi  exposés sur la  scène bordelaise: les lignes de mélodies traversent l’espace de la salle pour pénétrer profondément dans le cortex. Musique de présence, de prégnance. Sans doute aussi faut-il y déceler le fruit mûri d’une forte énergie déployée cash (témoin les frappes stroboscopiques de Vincent Tortiller) Et aussitôt transmise. Alors certes, hormis quelques pics culminants (Jean-Louis Pommier, ses effets de souffle multiple, Csaba Palotai, drôle de guitariste aux riffs ravageurs) les parties  solos ne revêtent pas forcément une  importance déterminante façon mise en avant de l’instrumentiste à tout prix. Elles n’en soulignent pas moins le propos, la marque de fabrique du groupe. Fragments, une marque (clairement) déposée en live également.

 

Geraldine Laurent (as), Thomas Savy (bcl), Jean-Louis Pommier (tb) voies d’air qui transpercent

 

Robert Latxague