Jazz live
Publié le 24 Août 2013

Uzeste: l'impro, pierre philosophale

Sans prendre de gant Lubat harangue son vieux complice Portal dans la guitoune qui, derrière le chapiteau de cirque planté sur le stade, tient lieu de loge : « Tu dois t’inspirer du discours de Roland Gori qui tout à l’heure dans sa conférence a situé la culture et le rêve comme guérisseurs des traumatismes de la société. Voilà ce qui doit guider nos improvisations. Ne te fais pas de bile, derrière ma batterie je vais te pousser au cul comme un moteur de fusée ! » Michel Portal assis face à lui, l’air un peu las, le regarde en pinçant ses lèvres. Sylvain Luc, une pince à la main, continue de changer ses cordes nanti d’un petit sourire. Le psychanalyste marseillais présent lui aussi se contente d’observer la scène sans mot dire.

Papanosh : Quentin Ghomari (tp), Raphaêl Quenehen (s), Sébastien Palis (org), Thibault Cellier (b), Jérémie Piazza (dm)

Richard Martin (récitant), Levon Minassian (doudouk)

Richard Boringer (récitant), Bernard Lubat (p)

Michel Portal (b c, ss), Sylvain Luc (g), Bernard Lubat (dm)

Hestejade de las Arts, Uzeste (33), 22-23

 

Lubateries toujours. Cette nuit d’aout si douce entre les pins, incontournable décor en accord majeur, les pierres de l’abbatiale en mode d’hier et l’Estaminet familial familier comme trait de l’histoire uzestoise de la tribu Lubat, s’intitule ce jour en mode programme La nuit divagante. Comme il sied au personnage central de la pièce mots et notes vont joyeusement s’y bousculer, recette gouteuse de toutes « transarticités ».

Paroles, paroles… la nuit commence avec elles. Celles trempée d’une encre forte de Léo Ferré, et d’autres, personnelles à propos du chanteur, toutes malaxées, contées et récitées avec beaucoup d’âme, piquées de silence par le comédien et metteur en scène marseillais Richard Martin. Il y est question de la vie « cette grande dame noire », ses vicissitudes, « ses combats » et de l’anarchie, au final seul mot crié haut et fort plutôt que dit « Ce type fait un boulot terrible à Marseille, il a monté seul son théâtre dans les quartiers nord. D’ailleurs dans cette ville moi je me suis rendu compte je ne joue que là, chez lui… » commente Lubat. Derrière ces mots lucidement anars, et jamais devant, perce comme une drôle de petite musique acide. La sonorité aigre du doudouk de Levon Minassian vise à piquer un peu plus les consciences.

Autres mots, autre style de phrases mais tout aussi découpées, anguleuses. Clamés sur un autre ton surtout. La voix gorge métal rougeoyant de Richard Boringer crache les mots évocateurs d’un vécu personnel de New York comme une restitution de la Maman et la Putain. Le comédien qui a créé son spectacle au festival de poésie de Neuchâtel lance ses mots en l’air comme des grappes de notes, autant d’échantillons de couleurs. Manhattan, Harlem, le noir et le blanc, les néons, la nuit et le jour pour raconter l’histoire d’amours limites sur un air qui fleure bon le blues. On sent les effets d’un débit de voix entre torrent et marée d’équinoxe. Plus une grande habileté de l’acteur à habiller les scènes et maquiller les personnages. A se servir du silence aussi, dans sa riche partition langagière. A ses côtés Bernard Lubat, au piano, épaule, souligne ou surligne. Pas moins, pas plus. Il le connaît tellement, lui, le pouvoir des mots !

Et puis la musique donc. Papanosh, orchestre de Rouen est fidèle à l’esprit d’Uzeste «Ils bossent comme nous, dans le vrai, le local et l’ouverture, donc on les invite avec plaisir » ainsi les présente le maître de céans. Sur scène les jeunes musiciens normands produisent une musique de lignes et d’architectures multiples. Les cuivres s’y croisent, l’orgue ou l’accordéon en accords et développements d’harmonies très construites donnent te ton. La batterie dans la pinède vient allumer le tout en feu nourri. Patrick Auzier (dont la fille vient de se voir diplômer comme artificière, le continuum uzestois, décidément toujours et encore !) doit apprécier pareille tonalité festive festivalière.

Pour terminer la nuit vaille que vaille sur une pyrotechnie qui vaut le coup il restait le trio voué « corps à corps » (dixit Portal in fine avec un zeste d’ironie) à l’improvisation « L’été d’Uzeste Musical 2013, les Imagin’actions éduc’actives, s’organiseront autour de deux expressions, notions fondamentales : le sens du rythme et l’art d’improviser » avait prévenu le deus ex machina du festival « artistique philosophique poétique sociologique politique ludique humoristique psycho-pathétique » (sic). Dans le rôle de l’allumeur de mèche : Michel Portal, clarinette basse vibrant comme un frelon dans des fréquences graves. Lui emboitant le pas pour marquer un territoire et ne plus le lâcher d’une semelle comme annoncé : Bernard Lubat himself. Dans son rôle de contrepoint rythmique, dans un tel cheminement instrumental contrasté, campé ainsi entre Cerbère et Dionysos le batteur ne laisse à personne le soin de s’occuper du rythme et de la relance. Si on le pousse un peu sur les effets de l’improvisation dans le jazz il lâche provoc mais ferme une réponse type « Quand on a été très loin et qu’il il n’y a plus rien d’autre je revendique moi le principe du swing pour retrouver le jazz… »  En trio, dans cet environnement Lubat n’oublie donc pas de passer par la case pulsion. Le rythme  il l’établit, l’étalonne, le prolonge, l’amplifie au besoin voire l’explose à coup de cymbales.

Et Sylvain Luc dans tout ça ? Le guitariste bayonnais joue la partition (image bien sur, on l’aura compris) façon J’irai comme un cheval fou. A son idée, à sa guise, à sa (ses) main(s) Techniquement, aucune contrainte. Comme il veut où il veut. Au début aux yeux de Portal, cette manière ce fut l’épate. Maintenant
Lubat,
malin, en tire arguments. Sur une ligne de basse très tendue du clarinettiste le guitariste no limit tend un fil d’acrobaties intenses entre Hendrix et Marcus Miller. Ailleurs- en dépit d’un problème de pédale réfractaire- il fait crépiter milles traits vertigineux dans l’aigüe la plus extrême. Dans ce contexte, dans les phases d’emphase, par la superposition de phrases, Portal, ébranlé de l’intérieur mais sûr de son affichage sait ralentir, mettre du temple sur le temps, du lien dans l’évidence de la mélodie. Sans doute les trois ne veulent (peuvent ?) -ils pas forcément savoir où ils en sont. Mais chacun sait bien par où il passe. C’est bien là le point essentiel dans ce paradigme paradis recherché de l’improvisation.

« Super ton chorus au départ » dira au final Boringer lui-même épaté de la démarche à un Sylvain Luc un peu troublé tout de même de ne pas avoir gardé lui en mémoire un tel instant, celui supposé de sa prestation guitaristique ainsi répertorié chorus…

A Uzeste, village girondin -gaulois-Tout Monde (pour reprendre une formule d’Edouard Glissant écrivain créole figurant aussi au Panthéon uzestois)   autrefois joliment baptisé « Territoire des soli sauvages » chacun peut, dans l’improvisation musicale affirmée comme pierre philosophale, fin aout trouver minuit et plus à sa porte.

 

 Robert Latxague

 

 

 

 

 

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Sans prendre de gant Lubat harangue son vieux complice Portal dans la guitoune qui, derrière le chapiteau de cirque planté sur le stade, tient lieu de loge : « Tu dois t’inspirer du discours de Roland Gori qui tout à l’heure dans sa conférence a situé la culture et le rêve comme guérisseurs des traumatismes de la société. Voilà ce qui doit guider nos improvisations. Ne te fais pas de bile, derrière ma batterie je vais te pousser au cul comme un moteur de fusée ! » Michel Portal assis face à lui, l’air un peu las, le regarde en pinçant ses lèvres. Sylvain Luc, une pince à la main, continue de changer ses cordes nanti d’un petit sourire. Le psychanalyste marseillais présent lui aussi se contente d’observer la scène sans mot dire.

Papanosh : Quentin Ghomari (tp), Raphaêl Quenehen (s), Sébastien Palis (org), Thibault Cellier (b), Jérémie Piazza (dm)

Richard Martin (récitant), Levon Minassian (doudouk)

Richard Boringer (récitant), Bernard Lubat (p)

Michel Portal (b c, ss), Sylvain Luc (g), Bernard Lubat (dm)

Hestejade de las Arts, Uzeste (33), 22-23

 

Lubateries toujours. Cette nuit d’aout si douce entre les pins, incontournable décor en accord majeur, les pierres de l’abbatiale en mode d’hier et l’Estaminet familial familier comme trait de l’histoire uzestoise de la tribu Lubat, s’intitule ce jour en mode programme La nuit divagante. Comme il sied au personnage central de la pièce mots et notes vont joyeusement s’y bousculer, recette gouteuse de toutes « transarticités ».

Paroles, paroles… la nuit commence avec elles. Celles trempée d’une encre forte de Léo Ferré, et d’autres, personnelles à propos du chanteur, toutes malaxées, contées et récitées avec beaucoup d’âme, piquées de silence par le comédien et metteur en scène marseillais Richard Martin. Il y est question de la vie « cette grande dame noire », ses vicissitudes, « ses combats » et de l’anarchie, au final seul mot crié haut et fort plutôt que dit « Ce type fait un boulot terrible à Marseille, il a monté seul son théâtre dans les quartiers nord. D’ailleurs dans cette ville moi je me suis rendu compte je ne joue que là, chez lui… » commente Lubat. Derrière ces mots lucidement anars, et jamais devant, perce comme une drôle de petite musique acide. La sonorité aigre du doudouk de Levon Minassian vise à piquer un peu plus les consciences.

Autres mots, autre style de phrases mais tout aussi découpées, anguleuses. Clamés sur un autre ton surtout. La voix gorge métal rougeoyant de Richard Boringer crache les mots évocateurs d’un vécu personnel de New York comme une restitution de la Maman et la Putain. Le comédien qui a créé son spectacle au festival de poésie de Neuchâtel lance ses mots en l’air comme des grappes de notes, autant d’échantillons de couleurs. Manhattan, Harlem, le noir et le blanc, les néons, la nuit et le jour pour raconter l’histoire d’amours limites sur un air qui fleure bon le blues. On sent les effets d’un débit de voix entre torrent et marée d’équinoxe. Plus une grande habileté de l’acteur à habiller les scènes et maquiller les personnages. A se servir du silence aussi, dans sa riche partition langagière. A ses côtés Bernard Lubat, au piano, épaule, souligne ou surligne. Pas moins, pas plus. Il le connaît tellement, lui, le pouvoir des mots !

Et puis la musique donc. Papanosh, orchestre de Rouen est fidèle à l’esprit d’Uzeste «Ils bossent comme nous, dans le vrai, le local et l’ouverture, donc on les invite avec plaisir » ainsi les présente le maître de céans. Sur scène les jeunes musiciens normands produisent une musique de lignes et d’architectures multiples. Les cuivres s’y croisent, l’orgue ou l’accordéon en accords et développements d’harmonies très construites donnent te ton. La batterie dans la pinède vient allumer le tout en feu nourri. Patrick Auzier (dont la fille vient de se voir diplômer comme artificière, le continuum uzestois, décidément toujours et encore !) doit apprécier pareille tonalité festive festivalière.

Pour terminer la nuit vaille que vaille sur une pyrotechnie qui vaut le coup il restait le trio voué « corps à corps » (dixit Portal in fine avec un zeste d’ironie) à l’improvisation « L’été d’Uzeste Musical 2013, les Imagin’actions éduc’actives, s’organiseront autour de deux expressions, notions fondamentales : le sens du rythme et l’art d’improviser » avait prévenu le deus ex machina du festival « artistique philosophique poétique sociologique politique ludique humoristique psycho-pathétique » (sic). Dans le rôle de l’allumeur de mèche : Michel Portal, clarinette basse vibrant comme un frelon dans des fréquences graves. Lui emboitant le pas pour marquer un territoire et ne plus le lâcher d’une semelle comme annoncé : Bernard Lubat himself. Dans son rôle de contrepoint rythmique, dans un tel cheminement instrumental contrasté, campé ainsi entre Cerbère et Dionysos le batteur ne laisse à personne le soin de s’occuper du rythme et de la relance. Si on le pousse un peu sur les effets de l’improvisation dans le jazz il lâche provoc mais ferme une réponse type « Quand on a été très loin et qu’il il n’y a plus rien d’autre je revendique moi le principe du swing pour retrouver le jazz… »  En trio, dans cet environnement Lubat n’oublie donc pas de passer par la case pulsion. Le rythme  il l’établit, l’étalonne, le prolonge, l’amplifie au besoin voire l’explose à coup de cymbales.

Et Sylvain Luc dans tout ça ? Le guitariste bayonnais joue la partition (image bien sur, on l’aura compris) façon J’irai comme un cheval fou. A son idée, à sa guise, à sa (ses) main(s) Techniquement, aucune contrainte. Comme il veut où il veut. Au début aux yeux de Portal, cette manière ce fut l’épate. Maintenant
Lubat,
malin, en tire arguments. Sur une ligne de basse très tendue du clarinettiste le guitariste no limit tend un fil d’acrobaties intenses entre Hendrix et Marcus Miller. Ailleurs- en dépit d’un problème de pédale réfractaire- il fait crépiter milles traits vertigineux dans l’aigüe la plus extrême. Dans ce contexte, dans les phases d’emphase, par la superposition de phrases, Portal, ébranlé de l’intérieur mais sûr de son affichage sait ralentir, mettre du temple sur le temps, du lien dans l’évidence de la mélodie. Sans doute les trois ne veulent (peuvent ?) -ils pas forcément savoir où ils en sont. Mais chacun sait bien par où il passe. C’est bien là le point essentiel dans ce paradigme paradis recherché de l’improvisation.

« Super ton chorus au départ » dira au final Boringer lui-même épaté de la démarche à un Sylvain Luc un peu troublé tout de même de ne pas avoir gardé lui en mémoire un tel instant, celui supposé de sa prestation guitaristique ainsi répertorié chorus…

A Uzeste, village girondin -gaulois-Tout Monde (pour reprendre une formule d’Edouard Glissant écrivain créole figurant aussi au Panthéon uzestois)   autrefois joliment baptisé « Territoire des soli sauvages » chacun peut, dans l’improvisation musicale affirmée comme pierre philosophale, fin aout trouver minuit et plus à sa porte.

 

 Robert Latxague

 

 

 

 

 

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Sans prendre de gant Lubat harangue son vieux complice Portal dans la guitoune qui, derrière le chapiteau de cirque planté sur le stade, tient lieu de loge : « Tu dois t’inspirer du discours de Roland Gori qui tout à l’heure dans sa conférence a situé la culture et le rêve comme guérisseurs des traumatismes de la société. Voilà ce qui doit guider nos improvisations. Ne te fais pas de bile, derrière ma batterie je vais te pousser au cul comme un moteur de fusée ! » Michel Portal assis face à lui, l’air un peu las, le regarde en pinçant ses lèvres. Sylvain Luc, une pince à la main, continue de changer ses cordes nanti d’un petit sourire. Le psychanalyste marseillais présent lui aussi se contente d’observer la scène sans mot dire.

Papanosh : Quentin Ghomari (tp), Raphaêl Quenehen (s), Sébastien Palis (org), Thibault Cellier (b), Jérémie Piazza (dm)

Richard Martin (récitant), Levon Minassian (doudouk)

Richard Boringer (récitant), Bernard Lubat (p)

Michel Portal (b c, ss), Sylvain Luc (g), Bernard Lubat (dm)

Hestejade de las Arts, Uzeste (33), 22-23

 

Lubateries toujours. Cette nuit d’aout si douce entre les pins, incontournable décor en accord majeur, les pierres de l’abbatiale en mode d’hier et l’Estaminet familial familier comme trait de l’histoire uzestoise de la tribu Lubat, s’intitule ce jour en mode programme La nuit divagante. Comme il sied au personnage central de la pièce mots et notes vont joyeusement s’y bousculer, recette gouteuse de toutes « transarticités ».

Paroles, paroles… la nuit commence avec elles. Celles trempée d’une encre forte de Léo Ferré, et d’autres, personnelles à propos du chanteur, toutes malaxées, contées et récitées avec beaucoup d’âme, piquées de silence par le comédien et metteur en scène marseillais Richard Martin. Il y est question de la vie « cette grande dame noire », ses vicissitudes, « ses combats » et de l’anarchie, au final seul mot crié haut et fort plutôt que dit « Ce type fait un boulot terrible à Marseille, il a monté seul son théâtre dans les quartiers nord. D’ailleurs dans cette ville moi je me suis rendu compte je ne joue que là, chez lui… » commente Lubat. Derrière ces mots lucidement anars, et jamais devant, perce comme une drôle de petite musique acide. La sonorité aigre du doudouk de Levon Minassian vise à piquer un peu plus les consciences.

Autres mots, autre style de phrases mais tout aussi découpées, anguleuses. Clamés sur un autre ton surtout. La voix gorge métal rougeoyant de Richard Boringer crache les mots évocateurs d’un vécu personnel de New York comme une restitution de la Maman et la Putain. Le comédien qui a créé son spectacle au festival de poésie de Neuchâtel lance ses mots en l’air comme des grappes de notes, autant d’échantillons de couleurs. Manhattan, Harlem, le noir et le blanc, les néons, la nuit et le jour pour raconter l’histoire d’amours limites sur un air qui fleure bon le blues. On sent les effets d’un débit de voix entre torrent et marée d’équinoxe. Plus une grande habileté de l’acteur à habiller les scènes et maquiller les personnages. A se servir du silence aussi, dans sa riche partition langagière. A ses côtés Bernard Lubat, au piano, épaule, souligne ou surligne. Pas moins, pas plus. Il le connaît tellement, lui, le pouvoir des mots !

Et puis la musique donc. Papanosh, orchestre de Rouen est fidèle à l’esprit d’Uzeste «Ils bossent comme nous, dans le vrai, le local et l’ouverture, donc on les invite avec plaisir » ainsi les présente le maître de céans. Sur scène les jeunes musiciens normands produisent une musique de lignes et d’architectures multiples. Les cuivres s’y croisent, l’orgue ou l’accordéon en accords et développements d’harmonies très construites donnent te ton. La batterie dans la pinède vient allumer le tout en feu nourri. Patrick Auzier (dont la fille vient de se voir diplômer comme artificière, le continuum uzestois, décidément toujours et encore !) doit apprécier pareille tonalité festive festivalière.

Pour terminer la nuit vaille que vaille sur une pyrotechnie qui vaut le coup il restait le trio voué « corps à corps » (dixit Portal in fine avec un zeste d’ironie) à l’improvisation « L’été d’Uzeste Musical 2013, les Imagin’actions éduc’actives, s’organiseront autour de deux expressions, notions fondamentales : le sens du rythme et l’art d’improviser » avait prévenu le deus ex machina du festival « artistique philosophique poétique sociologique politique ludique humoristique psycho-pathétique » (sic). Dans le rôle de l’allumeur de mèche : Michel Portal, clarinette basse vibrant comme un frelon dans des fréquences graves. Lui emboitant le pas pour marquer un territoire et ne plus le lâcher d’une semelle comme annoncé : Bernard Lubat himself. Dans son rôle de contrepoint rythmique, dans un tel cheminement instrumental contrasté, campé ainsi entre Cerbère et Dionysos le batteur ne laisse à personne le soin de s’occuper du rythme et de la relance. Si on le pousse un peu sur les effets de l’improvisation dans le jazz il lâche provoc mais ferme une réponse type « Quand on a été très loin et qu’il il n’y a plus rien d’autre je revendique moi le principe du swing pour retrouver le jazz… »  En trio, dans cet environnement Lubat n’oublie donc pas de passer par la case pulsion. Le rythme  il l’établit, l’étalonne, le prolonge, l’amplifie au besoin voire l’explose à coup de cymbales.

Et Sylvain Luc dans tout ça ? Le guitariste bayonnais joue la partition (image bien sur, on l’aura compris) façon J’irai comme un cheval fou. A son idée, à sa guise, à sa (ses) main(s) Techniquement, aucune contrainte. Comme il veut où il veut. Au début aux yeux de Portal, cette manière ce fut l’épate. Maintenant
Lubat,
malin, en tire arguments. Sur une ligne de basse très tendue du clarinettiste le guitariste no limit tend un fil d’acrobaties intenses entre Hendrix et Marcus Miller. Ailleurs- en dépit d’un problème de pédale réfractaire- il fait crépiter milles traits vertigineux dans l’aigüe la plus extrême. Dans ce contexte, dans les phases d’emphase, par la superposition de phrases, Portal, ébranlé de l’intérieur mais sûr de son affichage sait ralentir, mettre du temple sur le temps, du lien dans l’évidence de la mélodie. Sans doute les trois ne veulent (peuvent ?) -ils pas forcément savoir où ils en sont. Mais chacun sait bien par où il passe. C’est bien là le point essentiel dans ce paradigme paradis recherché de l’improvisation.

« Super ton chorus au départ » dira au final Boringer lui-même épaté de la démarche à un Sylvain Luc un peu troublé tout de même de ne pas avoir gardé lui en mémoire un tel instant, celui supposé de sa prestation guitaristique ainsi répertorié chorus…

A Uzeste, village girondin -gaulois-Tout Monde (pour reprendre une formule d’Edouard Glissant écrivain créole figurant aussi au Panthéon uzestois)   autrefois joliment baptisé « Territoire des soli sauvages » chacun peut, dans l’improvisation musicale affirmée comme pierre philosophale, fin aout trouver minuit et plus à sa porte.

 

 Robert Latxague

 

 

 

 

 

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Sans prendre de gant Lubat harangue son vieux complice Portal dans la guitoune qui, derrière le chapiteau de cirque planté sur le stade, tient lieu de loge : « Tu dois t’inspirer du discours de Roland Gori qui tout à l’heure dans sa conférence a situé la culture et le rêve comme guérisseurs des traumatismes de la société. Voilà ce qui doit guider nos improvisations. Ne te fais pas de bile, derrière ma batterie je vais te pousser au cul comme un moteur de fusée ! » Michel Portal assis face à lui, l’air un peu las, le regarde en pinçant ses lèvres. Sylvain Luc, une pince à la main, continue de changer ses cordes nanti d’un petit sourire. Le psychanalyste marseillais présent lui aussi se contente d’observer la scène sans mot dire.

Papanosh : Quentin Ghomari (tp), Raphaêl Quenehen (s), Sébastien Palis (org), Thibault Cellier (b), Jérémie Piazza (dm)

Richard Martin (récitant), Levon Minassian (doudouk)

Richard Boringer (récitant), Bernard Lubat (p)

Michel Portal (b c, ss), Sylvain Luc (g), Bernard Lubat (dm)

Hestejade de las Arts, Uzeste (33), 22-23

 

Lubateries toujours. Cette nuit d’aout si douce entre les pins, incontournable décor en accord majeur, les pierres de l’abbatiale en mode d’hier et l’Estaminet familial familier comme trait de l’histoire uzestoise de la tribu Lubat, s’intitule ce jour en mode programme La nuit divagante. Comme il sied au personnage central de la pièce mots et notes vont joyeusement s’y bousculer, recette gouteuse de toutes « transarticités ».

Paroles, paroles… la nuit commence avec elles. Celles trempée d’une encre forte de Léo Ferré, et d’autres, personnelles à propos du chanteur, toutes malaxées, contées et récitées avec beaucoup d’âme, piquées de silence par le comédien et metteur en scène marseillais Richard Martin. Il y est question de la vie « cette grande dame noire », ses vicissitudes, « ses combats » et de l’anarchie, au final seul mot crié haut et fort plutôt que dit « Ce type fait un boulot terrible à Marseille, il a monté seul son théâtre dans les quartiers nord. D’ailleurs dans cette ville moi je me suis rendu compte je ne joue que là, chez lui… » commente Lubat. Derrière ces mots lucidement anars, et jamais devant, perce comme une drôle de petite musique acide. La sonorité aigre du doudouk de Levon Minassian vise à piquer un peu plus les consciences.

Autres mots, autre style de phrases mais tout aussi découpées, anguleuses. Clamés sur un autre ton surtout. La voix gorge métal rougeoyant de Richard Boringer crache les mots évocateurs d’un vécu personnel de New York comme une restitution de la Maman et la Putain. Le comédien qui a créé son spectacle au festival de poésie de Neuchâtel lance ses mots en l’air comme des grappes de notes, autant d’échantillons de couleurs. Manhattan, Harlem, le noir et le blanc, les néons, la nuit et le jour pour raconter l’histoire d’amours limites sur un air qui fleure bon le blues. On sent les effets d’un débit de voix entre torrent et marée d’équinoxe. Plus une grande habileté de l’acteur à habiller les scènes et maquiller les personnages. A se servir du silence aussi, dans sa riche partition langagière. A ses côtés Bernard Lubat, au piano, épaule, souligne ou surligne. Pas moins, pas plus. Il le connaît tellement, lui, le pouvoir des mots !

Et puis la musique donc. Papanosh, orchestre de Rouen est fidèle à l’esprit d’Uzeste «Ils bossent comme nous, dans le vrai, le local et l’ouverture, donc on les invite avec plaisir » ainsi les présente le maître de céans. Sur scène les jeunes musiciens normands produisent une musique de lignes et d’architectures multiples. Les cuivres s’y croisent, l’orgue ou l’accordéon en accords et développements d’harmonies très construites donnent te ton. La batterie dans la pinède vient allumer le tout en feu nourri. Patrick Auzier (dont la fille vient de se voir diplômer comme artificière, le continuum uzestois, décidément toujours et encore !) doit apprécier pareille tonalité festive festivalière.

Pour terminer la nuit vaille que vaille sur une pyrotechnie qui vaut le coup il restait le trio voué « corps à corps » (dixit Portal in fine avec un zeste d’ironie) à l’improvisation « L’été d’Uzeste Musical 2013, les Imagin’actions éduc’actives, s’organiseront autour de deux expressions, notions fondamentales : le sens du rythme et l’art d’improviser » avait prévenu le deus ex machina du festival « artistique philosophique poétique sociologique politique ludique humoristique psycho-pathétique » (sic). Dans le rôle de l’allumeur de mèche : Michel Portal, clarinette basse vibrant comme un frelon dans des fréquences graves. Lui emboitant le pas pour marquer un territoire et ne plus le lâcher d’une semelle comme annoncé : Bernard Lubat himself. Dans son rôle de contrepoint rythmique, dans un tel cheminement instrumental contrasté, campé ainsi entre Cerbère et Dionysos le batteur ne laisse à personne le soin de s’occuper du rythme et de la relance. Si on le pousse un peu sur les effets de l’improvisation dans le jazz il lâche provoc mais ferme une réponse type « Quand on a été très loin et qu’il il n’y a plus rien d’autre je revendique moi le principe du swing pour retrouver le jazz… »  En trio, dans cet environnement Lubat n’oublie donc pas de passer par la case pulsion. Le rythme  il l’établit, l’étalonne, le prolonge, l’amplifie au besoin voire l’explose à coup de cymbales.

Et Sylvain Luc dans tout ça ? Le guitariste bayonnais joue la partition (image bien sur, on l’aura compris) façon J’irai comme un cheval fou. A son idée, à sa guise, à sa (ses) main(s) Techniquement, aucune contrainte. Comme il veut où il veut. Au début aux yeux de Portal, cette manière ce fut l’épate. Maintenant
Lubat,
malin, en tire arguments. Sur une ligne de basse très tendue du clarinettiste le guitariste no limit tend un fil d’acrobaties intenses entre Hendrix et Marcus Miller. Ailleurs- en dépit d’un problème de pédale réfractaire- il fait crépiter milles traits vertigineux dans l’aigüe la plus extrême. Dans ce contexte, dans les phases d’emphase, par la superposition de phrases, Portal, ébranlé de l’intérieur mais sûr de son affichage sait ralentir, mettre du temple sur le temps, du lien dans l’évidence de la mélodie. Sans doute les trois ne veulent (peuvent ?) -ils pas forcément savoir où ils en sont. Mais chacun sait bien par où il passe. C’est bien là le point essentiel dans ce paradigme paradis recherché de l’improvisation.

« Super ton chorus au départ » dira au final Boringer lui-même épaté de la démarche à un Sylvain Luc un peu troublé tout de même de ne pas avoir gardé lui en mémoire un tel instant, celui supposé de sa prestation guitaristique ainsi répertorié chorus…

A Uzeste, village girondin -gaulois-Tout Monde (pour reprendre une formule d’Edouard Glissant écrivain créole figurant aussi au Panthéon uzestois)   autrefois joliment baptisé « Territoire des soli sauvages » chacun peut, dans l’improvisation musicale affirmée comme pierre philosophale, fin aout trouver minuit et plus à sa porte.

 

 Robert Latxague