Jazz live
Publié le 14 Avr 2014

BCG, le vaccin anti-morosité

B comme Blanchet-C comme Codjia-G comme Gaubert, voilà un trio tout de même assez fortuit. Un de ces assemblages réalisés à l’enseigne du pourquoi pas ? A l’origine, un batteur bordelais, Philippe Gaubert, dont on dira pour commencer qu’il n’a pas la reconnaissance qu’il mérite. Idem pour son copain Boris Blanchet, hélas oublié par Xavier Daverat dans son impressionnante étude des saxophonistes coltraniens (1). Quant à Manu Codjia, sa réputation n’est plus à faire : lancez-lui n’importe quel défi, il le relèvera, imperturbablement, diffusant cette sorte de sagesse bénéfique, à l’inverse du son tranchant qu’il a choisi de donner à sa guitare.


Trio Blanchet-Codjia-Gaubert

Samedi 13 avril, le Château, Eymet (24)

Boris Blanchet (ss, ts), Manu Codjia (g), Philippe Gaubert (dm).


Image 2

 

Pour son avant-dernière programmation de l’année, le ‘Off’ d’Eymet organisé chaque hiver par Laurent Pasquon et ses amis de l’association Maquiz’Art avait misé sur ce trio de feu dont je me demande s’il s’était déjà produit. Sans doute non puisque, faute de compositions originales, il avait choisi d’explorer le répertoire monkien. Mais comme la chose avait déjà eu lieu cette saison avec Géraldine Laurent , Serge Lazarevich, Julien Duthu et Pierre Dayraud (voir le Jazz live du 2 février, « Tout autour de Monk »), il s’est reporté sur une visitation des standards pour un hommage aux saxophonistes. Vous me direz le risque n’était pas très gros. Je vous répondrai qu’il n’y a que les imbéciles pour voir le nez au milieu de la figure alors que tout se passe à l’intérieur. Si vous croyez par exemple que Nature Boy (en référence à Coltrane) ou Isfahan (pour saluer conjointement Billy Strayhorn et Joe Henderson) allaient se dérouler comme de gentilles bal(l)ades, c’est ne pas connaître la folle énergie (mais pas que) de Boris Blanchet, cette façon, à partir d’un accord, d’aller en chercher un ribambelle d’autres, son goût aussi des harmoniques suraiguës qui, lors d’un précédent concert, lui a valu cette réflexion de la part d’une dame d’un certain âge mais très accorte au demeurant : « Vous jouez bien, mais est-ce qu’il n’y a pas quelques fausses notes ? » A propos de Joe Henderson, il n’aurait pas été fâché de voir son Inner Urge pris au pied de la lettre, si vous voyez ce que ce titre veut dire. Boris, qui joue toujours à la limite, comme si sa vie en dépendait… Manu Codjia, lui, c’est non seulement de l’électricité – dans les deux sens du terme – qu’il apporte à l’ensemble, mais une espèce d’assise étoilée. Il peut vous assurer le walking avec le pouce de sa main droite sur les cordes basses tandis que index, majeur et annulaire vous concoctent sur les autres des accords envoûtants, presque aussi ouverts que la moitié du ciel, avec une mise en place aussi variante que rigoureuse. A entendre Nothing Personal, Michael Brecker, dans l’autre moitié du ciel, aurait pu se dire que Codjia valait bien Metheny. Et Philippe Gaubert, vous connaissez Philippe Gaubert ? Non ? Tant pis pour vous. Premièrement, il peut compenser l’absence de piano avec sa batterie : son jeu ne se contente pas d’assurer et d’assumer le tempo, il le fait fleurir à l’image de l’explosion printanière de cette première quinzaine d’avril. Son duo avec Boris, pour le coup bien monkien dans In Walked Bud, jonglait entre chants percussifs, déflagrations sur peaux et fines zébrures de silence. Deuzio, after hours, Philippe peut vous emmener du bar aux racines du jazz, dissertant sur le pont qui relie la Nouvelle Orléans aux Caraïbes en passant par les Quilombos brésiliens trop souvent négligés dans l’histoire de la musique noire. Mais le plus remarquable, c’était cette joie de jouer, de se retrouver, de former un ensemble cohérent et conquérant presque au débotté, puisant dans les standards de quoi exprimer sa personnalité propre, forgeant sa propre dynamique, élaborant sur-le-champ, sans s’y être préparé plus que ça, un langage commun. Mystère de la création ? Non : « That’s jazz, man, that’s jazz… », comme disait Archie Shepp en souriant d’un air entendu dans une récente conversation avec Joachim Khun. Vivement l’hiver prochain à Eymet ! François-René Simon

1) Tombeau de John Coltrane, éd. Parenthèses, 2012.

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B comme Blanchet-C comme Codjia-G comme Gaubert, voilà un trio tout de même assez fortuit. Un de ces assemblages réalisés à l’enseigne du pourquoi pas ? A l’origine, un batteur bordelais, Philippe Gaubert, dont on dira pour commencer qu’il n’a pas la reconnaissance qu’il mérite. Idem pour son copain Boris Blanchet, hélas oublié par Xavier Daverat dans son impressionnante étude des saxophonistes coltraniens (1). Quant à Manu Codjia, sa réputation n’est plus à faire : lancez-lui n’importe quel défi, il le relèvera, imperturbablement, diffusant cette sorte de sagesse bénéfique, à l’inverse du son tranchant qu’il a choisi de donner à sa guitare.


Trio Blanchet-Codjia-Gaubert

Samedi 13 avril, le Château, Eymet (24)

Boris Blanchet (ss, ts), Manu Codjia (g), Philippe Gaubert (dm).


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Pour son avant-dernière programmation de l’année, le ‘Off’ d’Eymet organisé chaque hiver par Laurent Pasquon et ses amis de l’association Maquiz’Art avait misé sur ce trio de feu dont je me demande s’il s’était déjà produit. Sans doute non puisque, faute de compositions originales, il avait choisi d’explorer le répertoire monkien. Mais comme la chose avait déjà eu lieu cette saison avec Géraldine Laurent , Serge Lazarevich, Julien Duthu et Pierre Dayraud (voir le Jazz live du 2 février, « Tout autour de Monk »), il s’est reporté sur une visitation des standards pour un hommage aux saxophonistes. Vous me direz le risque n’était pas très gros. Je vous répondrai qu’il n’y a que les imbéciles pour voir le nez au milieu de la figure alors que tout se passe à l’intérieur. Si vous croyez par exemple que Nature Boy (en référence à Coltrane) ou Isfahan (pour saluer conjointement Billy Strayhorn et Joe Henderson) allaient se dérouler comme de gentilles bal(l)ades, c’est ne pas connaître la folle énergie (mais pas que) de Boris Blanchet, cette façon, à partir d’un accord, d’aller en chercher un ribambelle d’autres, son goût aussi des harmoniques suraiguës qui, lors d’un précédent concert, lui a valu cette réflexion de la part d’une dame d’un certain âge mais très accorte au demeurant : « Vous jouez bien, mais est-ce qu’il n’y a pas quelques fausses notes ? » A propos de Joe Henderson, il n’aurait pas été fâché de voir son Inner Urge pris au pied de la lettre, si vous voyez ce que ce titre veut dire. Boris, qui joue toujours à la limite, comme si sa vie en dépendait… Manu Codjia, lui, c’est non seulement de l’électricité – dans les deux sens du terme – qu’il apporte à l’ensemble, mais une espèce d’assise étoilée. Il peut vous assurer le walking avec le pouce de sa main droite sur les cordes basses tandis que index, majeur et annulaire vous concoctent sur les autres des accords envoûtants, presque aussi ouverts que la moitié du ciel, avec une mise en place aussi variante que rigoureuse. A entendre Nothing Personal, Michael Brecker, dans l’autre moitié du ciel, aurait pu se dire que Codjia valait bien Metheny. Et Philippe Gaubert, vous connaissez Philippe Gaubert ? Non ? Tant pis pour vous. Premièrement, il peut compenser l’absence de piano avec sa batterie : son jeu ne se contente pas d’assurer et d’assumer le tempo, il le fait fleurir à l’image de l’explosion printanière de cette première quinzaine d’avril. Son duo avec Boris, pour le coup bien monkien dans In Walked Bud, jonglait entre chants percussifs, déflagrations sur peaux et fines zébrures de silence. Deuzio, after hours, Philippe peut vous emmener du bar aux racines du jazz, dissertant sur le pont qui relie la Nouvelle Orléans aux Caraïbes en passant par les Quilombos brésiliens trop souvent négligés dans l’histoire de la musique noire. Mais le plus remarquable, c’était cette joie de jouer, de se retrouver, de former un ensemble cohérent et conquérant presque au débotté, puisant dans les standards de quoi exprimer sa personnalité propre, forgeant sa propre dynamique, élaborant sur-le-champ, sans s’y être préparé plus que ça, un langage commun. Mystère de la création ? Non : « That’s jazz, man, that’s jazz… », comme disait Archie Shepp en souriant d’un air entendu dans une récente conversation avec Joachim Khun. Vivement l’hiver prochain à Eymet ! François-René Simon

1) Tombeau de John Coltrane, éd. Parenthèses, 2012.

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B comme Blanchet-C comme Codjia-G comme Gaubert, voilà un trio tout de même assez fortuit. Un de ces assemblages réalisés à l’enseigne du pourquoi pas ? A l’origine, un batteur bordelais, Philippe Gaubert, dont on dira pour commencer qu’il n’a pas la reconnaissance qu’il mérite. Idem pour son copain Boris Blanchet, hélas oublié par Xavier Daverat dans son impressionnante étude des saxophonistes coltraniens (1). Quant à Manu Codjia, sa réputation n’est plus à faire : lancez-lui n’importe quel défi, il le relèvera, imperturbablement, diffusant cette sorte de sagesse bénéfique, à l’inverse du son tranchant qu’il a choisi de donner à sa guitare.


Trio Blanchet-Codjia-Gaubert

Samedi 13 avril, le Château, Eymet (24)

Boris Blanchet (ss, ts), Manu Codjia (g), Philippe Gaubert (dm).


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Pour son avant-dernière programmation de l’année, le ‘Off’ d’Eymet organisé chaque hiver par Laurent Pasquon et ses amis de l’association Maquiz’Art avait misé sur ce trio de feu dont je me demande s’il s’était déjà produit. Sans doute non puisque, faute de compositions originales, il avait choisi d’explorer le répertoire monkien. Mais comme la chose avait déjà eu lieu cette saison avec Géraldine Laurent , Serge Lazarevich, Julien Duthu et Pierre Dayraud (voir le Jazz live du 2 février, « Tout autour de Monk »), il s’est reporté sur une visitation des standards pour un hommage aux saxophonistes. Vous me direz le risque n’était pas très gros. Je vous répondrai qu’il n’y a que les imbéciles pour voir le nez au milieu de la figure alors que tout se passe à l’intérieur. Si vous croyez par exemple que Nature Boy (en référence à Coltrane) ou Isfahan (pour saluer conjointement Billy Strayhorn et Joe Henderson) allaient se dérouler comme de gentilles bal(l)ades, c’est ne pas connaître la folle énergie (mais pas que) de Boris Blanchet, cette façon, à partir d’un accord, d’aller en chercher un ribambelle d’autres, son goût aussi des harmoniques suraiguës qui, lors d’un précédent concert, lui a valu cette réflexion de la part d’une dame d’un certain âge mais très accorte au demeurant : « Vous jouez bien, mais est-ce qu’il n’y a pas quelques fausses notes ? » A propos de Joe Henderson, il n’aurait pas été fâché de voir son Inner Urge pris au pied de la lettre, si vous voyez ce que ce titre veut dire. Boris, qui joue toujours à la limite, comme si sa vie en dépendait… Manu Codjia, lui, c’est non seulement de l’électricité – dans les deux sens du terme – qu’il apporte à l’ensemble, mais une espèce d’assise étoilée. Il peut vous assurer le walking avec le pouce de sa main droite sur les cordes basses tandis que index, majeur et annulaire vous concoctent sur les autres des accords envoûtants, presque aussi ouverts que la moitié du ciel, avec une mise en place aussi variante que rigoureuse. A entendre Nothing Personal, Michael Brecker, dans l’autre moitié du ciel, aurait pu se dire que Codjia valait bien Metheny. Et Philippe Gaubert, vous connaissez Philippe Gaubert ? Non ? Tant pis pour vous. Premièrement, il peut compenser l’absence de piano avec sa batterie : son jeu ne se contente pas d’assurer et d’assumer le tempo, il le fait fleurir à l’image de l’explosion printanière de cette première quinzaine d’avril. Son duo avec Boris, pour le coup bien monkien dans In Walked Bud, jonglait entre chants percussifs, déflagrations sur peaux et fines zébrures de silence. Deuzio, after hours, Philippe peut vous emmener du bar aux racines du jazz, dissertant sur le pont qui relie la Nouvelle Orléans aux Caraïbes en passant par les Quilombos brésiliens trop souvent négligés dans l’histoire de la musique noire. Mais le plus remarquable, c’était cette joie de jouer, de se retrouver, de former un ensemble cohérent et conquérant presque au débotté, puisant dans les standards de quoi exprimer sa personnalité propre, forgeant sa propre dynamique, élaborant sur-le-champ, sans s’y être préparé plus que ça, un langage commun. Mystère de la création ? Non : « That’s jazz, man, that’s jazz… », comme disait Archie Shepp en souriant d’un air entendu dans une récente conversation avec Joachim Khun. Vivement l’hiver prochain à Eymet ! François-René Simon

1) Tombeau de John Coltrane, éd. Parenthèses, 2012.

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B comme Blanchet-C comme Codjia-G comme Gaubert, voilà un trio tout de même assez fortuit. Un de ces assemblages réalisés à l’enseigne du pourquoi pas ? A l’origine, un batteur bordelais, Philippe Gaubert, dont on dira pour commencer qu’il n’a pas la reconnaissance qu’il mérite. Idem pour son copain Boris Blanchet, hélas oublié par Xavier Daverat dans son impressionnante étude des saxophonistes coltraniens (1). Quant à Manu Codjia, sa réputation n’est plus à faire : lancez-lui n’importe quel défi, il le relèvera, imperturbablement, diffusant cette sorte de sagesse bénéfique, à l’inverse du son tranchant qu’il a choisi de donner à sa guitare.


Trio Blanchet-Codjia-Gaubert

Samedi 13 avril, le Château, Eymet (24)

Boris Blanchet (ss, ts), Manu Codjia (g), Philippe Gaubert (dm).


Image 2

 

Pour son avant-dernière programmation de l’année, le ‘Off’ d’Eymet organisé chaque hiver par Laurent Pasquon et ses amis de l’association Maquiz’Art avait misé sur ce trio de feu dont je me demande s’il s’était déjà produit. Sans doute non puisque, faute de compositions originales, il avait choisi d’explorer le répertoire monkien. Mais comme la chose avait déjà eu lieu cette saison avec Géraldine Laurent , Serge Lazarevich, Julien Duthu et Pierre Dayraud (voir le Jazz live du 2 février, « Tout autour de Monk »), il s’est reporté sur une visitation des standards pour un hommage aux saxophonistes. Vous me direz le risque n’était pas très gros. Je vous répondrai qu’il n’y a que les imbéciles pour voir le nez au milieu de la figure alors que tout se passe à l’intérieur. Si vous croyez par exemple que Nature Boy (en référence à Coltrane) ou Isfahan (pour saluer conjointement Billy Strayhorn et Joe Henderson) allaient se dérouler comme de gentilles bal(l)ades, c’est ne pas connaître la folle énergie (mais pas que) de Boris Blanchet, cette façon, à partir d’un accord, d’aller en chercher un ribambelle d’autres, son goût aussi des harmoniques suraiguës qui, lors d’un précédent concert, lui a valu cette réflexion de la part d’une dame d’un certain âge mais très accorte au demeurant : « Vous jouez bien, mais est-ce qu’il n’y a pas quelques fausses notes ? » A propos de Joe Henderson, il n’aurait pas été fâché de voir son Inner Urge pris au pied de la lettre, si vous voyez ce que ce titre veut dire. Boris, qui joue toujours à la limite, comme si sa vie en dépendait… Manu Codjia, lui, c’est non seulement de l’électricité – dans les deux sens du terme – qu’il apporte à l’ensemble, mais une espèce d’assise étoilée. Il peut vous assurer le walking avec le pouce de sa main droite sur les cordes basses tandis que index, majeur et annulaire vous concoctent sur les autres des accords envoûtants, presque aussi ouverts que la moitié du ciel, avec une mise en place aussi variante que rigoureuse. A entendre Nothing Personal, Michael Brecker, dans l’autre moitié du ciel, aurait pu se dire que Codjia valait bien Metheny. Et Philippe Gaubert, vous connaissez Philippe Gaubert ? Non ? Tant pis pour vous. Premièrement, il peut compenser l’absence de piano avec sa batterie : son jeu ne se contente pas d’assurer et d’assumer le tempo, il le fait fleurir à l’image de l’explosion printanière de cette première quinzaine d’avril. Son duo avec Boris, pour le coup bien monkien dans In Walked Bud, jonglait entre chants percussifs, déflagrations sur peaux et fines zébrures de silence. Deuzio, after hours, Philippe peut vous emmener du bar aux racines du jazz, dissertant sur le pont qui relie la Nouvelle Orléans aux Caraïbes en passant par les Quilombos brésiliens trop souvent négligés dans l’histoire de la musique noire. Mais le plus remarquable, c’était cette joie de jouer, de se retrouver, de former un ensemble cohérent et conquérant presque au débotté, puisant dans les standards de quoi exprimer sa personnalité propre, forgeant sa propre dynamique, élaborant sur-le-champ, sans s’y être préparé plus que ça, un langage commun. Mystère de la création ? Non : « That’s jazz, man, that’s jazz… », comme disait Archie Shepp en souriant d’un air entendu dans une récente conversation avec Joachim Khun. Vivement l’hiver prochain à Eymet ! François-René Simon

1) Tombeau de John Coltrane, éd. Parenthèses, 2012.