Jazz live
Publié le 17 Sep 2016

D’Jazz Nevers Festival : un 30ème prometteur

Hier, 16 septembre, sur la scène de la maison de la culture de Nevers, Roger Fontanel dévoilait le 30ème D’Jazz Nevers Festival dont il fut le fondateur, avant de donner la parole au trio Mikado de Paul Lay.

La vie du rail

S’il lui manque le cachet historique de sa grande sœur dite “de Lyon”, la gare de Paris-Bercy a quelque chose de campagnard dont, pour le journaliste parisien à qui il est offert quelque escapade professionnelle extra-muros, les panneaux de destinations sont riches en promesses. Le merveilleux Cévenol y aurait sa place, lui qui permettait autrefois – il n’était pas encore dans les projets d’un futur présidentiable de condamner les provinces françaises aux aléas et archaïsmes du transport en autocar – de s’endormir au départ de Paris et de se réveiller au lever du jour dans un wagon se glissant de tunnels en vallées entre Langogne et Villefort en direction de Marseille. Hier, si mon train affichait pour terminus Clermont-Ferrand, où dans un mois il sera tenRailway-railroad-rails-sky-clouds-sunset_640x960_iPhone_4_wallpapertant de visiter le festival Jazz en tête pour découvrir le trompettiste Marquis Hill ou réentendre la chanteuse Cécile McLorin, ma destination était Nevers et la conférence de presse du 30ème D’jazz assortie d’un concert du pianiste Paul Lay. Et si ce matin, retournant vers Paris avant l’aube, j’ai pu constater qu’une sinistre façade en ciment avait fait disparaître l’horloge de la vieille gare de Nevers qui autrefois guidait vers elle le voyageur égaré du haut de la rue du Général de Gaulle, hier j’ai retrouvé le charme du wagon de queue dont nous privent les rames TGV et leurs contrefaçons intercités, et d’où, enfant, tandis que le roulement du train égrainait son monotone décompte, j’observais, fasciné, le paysage se dérober dans une fuite affolée qui, au fur et à mesure que le regard quittait les rails pour se porter vers le lointain, ralentissait sans pour autant que cesse son éloignement inexorable vers l’infini.

Trente ans déjà…

Bundesstraße_30_number.svgTrente seulement… Comme le temps passe ! Je ne suis pas même certain d’avoir assisté à la première édition, ou de n’y avoir pas assisté, mais j’y ai laissé de nombreux souvenirs que partage le demi-milliers de fidèles réunis dans la grande salle de la maison de la culture de Nevers pour découvrir le programme de la trentième édition dévoilé par son fondateur, Roger Fontanel. Une fidélité qui nous dit le lien que ce dernier a su créer entre le jazz et son public, un public dont les cheveux ont blanchi et dont les crânes se sont dégarnis. Est-ce là le destin irrémédiable du jazz ? De l’abstraction musicale ? De la Culture (dont on ne baisse plus la voix pour la qualifier de “gros mot” et dont certains politiques nous promettent bientôt de sortir le revolver à son seul nom) ? Le paradoxe étant que le jazz n’a jamais été aussi riche d’une scène jeune aux propositions aussi variées et audacieuses, mais que l’écart d’âge n’a jamais été aussi grand entre la scène et la salle.

Fidélités

Le programme que commentait hier Roger Fontanel et que l’on peut feuilleter dans une plaquette remise à l’entrée dans la salle, est l’un des plus appétants de l’histoire de ce festival. La fidélité est certes celles accordée dès les premières années de D’Jazz à des figures récurrentes : le clarinettiste Sylvain Kassap que l’on retrouvera en compagnie d’Hamid Drake et Benjamin Duboc, cet autre clarinettiste Louis Sclavis associé à d’autres habitués de Nevers (Dominique Pifarély et Louis Sclavis), la contrebassiste Joëlle Léandre en duo avec – plus insolite, mais ça n’est pas une première – le guitariste de Noir Désir, Serge Teyssot-Gay, les pianistes François RaulinStéphan Oliva, cependant dissocié (Oliva en duo avec le clarinettiste Jean-Marc Foltz ou dans un spectacle total sur les images BD du dessinateur Fred et la contortionniste-danseuse-acrobate-trapéziste-rêveuse Mélissa Von Vépy, enfin dans l’Acoustic Lousadzak de Claude Tchamitchian ; Raulin dans la récréation avec Didier Levallet du Brotherhood of Breath de Chris McGregor ou en trio avec François Corneloup et Ramon Lopez sur les textes d’une tribu indienne disparue dit par la grande comédienne Anne Alvaro…

Générations

GénérationsFidélité donc, qui n’est pas que vieillissement mais aussi dialogue intergénérationnel au sein de l’ensemble Nautilis de Christophe Rocher qui jouera son répertoire Regards de Breizh sur les photos de Guy Le Querrec, au sein des quartettes Equal Crossing de Régis Huby et Ethics de Michel Benita, du Quatuor IXI ou du quartette Coronado. Mais fidélité à une certaine attention pour l’émergence qui ouvrira une fenêtre, et pas la plus mauvaise, sur la scène du power trio, prolifique particulièrement en Suisse d’où nous viendra Plaistow, le guitariste Philippe Gordiani et son quintette Voodoo qui interrogera la promesse non tenue d’une rencontre entre Miles Davis et Jimi Hendrix, le solo du contrebassiste Joachim Florent entre archet baroque et électro-bruitisme, le quatuor La Scala du pianiste Roberto Negro associé aux frères Ceccaldi et au batteur Adrien Chennebault, le Quatuor Machaut, ensemble de saxophones imaginé par Quentin Biardeau à l’écoutre de la musique du compositeur du XIVème siècle Guillaume de Machaut, le Magnetic Ensemble enfin qui transformera le hall de la Maison de la culture en dancefloor pour un final déjanté de ce 30e anniversaire.

Têtes d’affiche

Où l’on découvre de jeunes générations sans œillère, pour qui le jazz n’est pas un académisme mais une espèce de passe-partout pour faire fructifier les patrimoines à la lumière du présent – ou l’inverse –, pour croiser les cultures et les disciplines, pour ne pas figer le moment musical dans l’impératif du festif et de l’immédiat parce qu’il est un temps pour l’écoute, un temps pour la danse, un temps pour la transe et un temps pour la distance. Les stars, les têtes d’affiche, les secondes parties témoignent d’une même exigence de qualité et de diversité : Erik Truffaz Quartet, John Surman (en solo à la cathédrale), Gary Peacock en trio avec Marc Copland et Mark Ferber, le duo Paolo Fresu / Uri Caine, le all stars Michel Portal / Joachim Kühn /Bruno Chevillon / Daniel Humair, le quartette du trompettiste Avishai Cohen, les réminiscences blues et country de John Scofield… il n’y aura décidemment pas un concert de cette édition pour me faire bouder la gare de Paris-Bercy en ce prochain mois de novembre, tout comme j’y ai guidé mes pas pour le concert de Paul Lay offert au public de cette conférence de presse à l’issue d’une pause-buffet.

Mikado

Story of MikadoRévélation de l’année passée, Paul Lay ouvre en solo avec des accents à la Paul Bley, rejoint par le contrebassiste Clemens van der Feen et le batteur Dré Pallemaerts pour un concert dont les références se feront plus jarrettiennes de par des ostinatos qui seront moins réels que suggérés, autant de menaces cependant de l’auto-complaisance d’un talent pianistique exceptionnel, menaces que déjoue par bonheur l’art du trio – il y a là, transposé dans un autre temps, quelque chose de l’organicité du trio d’Ahmad Jamal associée à l’interaction du trio post-evansien – magnifié par l’écoute, la justesse du timbre, de la dynamique, du placement et de la réplique qu’ont en partage les trois complices. Mais voici que mon train glisse déjà le long du quai de Paris-Bercy pour regagner sa mangeoire, il est temps que je ferme mon ordinateur. Rendez-vous le 5 novembre en cette même Maison de la culture de Nevers pour le Brotherhood Heritage de Didier Levallet et François Raulin en hommage à Chris McGregor, en première partie de l’Erik Truffaz Quartet. Franck Bergerot

 |Hier, 16 septembre, sur la scène de la maison de la culture de Nevers, Roger Fontanel dévoilait le 30ème D’Jazz Nevers Festival dont il fut le fondateur, avant de donner la parole au trio Mikado de Paul Lay.

La vie du rail

S’il lui manque le cachet historique de sa grande sœur dite “de Lyon”, la gare de Paris-Bercy a quelque chose de campagnard dont, pour le journaliste parisien à qui il est offert quelque escapade professionnelle extra-muros, les panneaux de destinations sont riches en promesses. Le merveilleux Cévenol y aurait sa place, lui qui permettait autrefois – il n’était pas encore dans les projets d’un futur présidentiable de condamner les provinces françaises aux aléas et archaïsmes du transport en autocar – de s’endormir au départ de Paris et de se réveiller au lever du jour dans un wagon se glissant de tunnels en vallées entre Langogne et Villefort en direction de Marseille. Hier, si mon train affichait pour terminus Clermont-Ferrand, où dans un mois il sera tenRailway-railroad-rails-sky-clouds-sunset_640x960_iPhone_4_wallpapertant de visiter le festival Jazz en tête pour découvrir le trompettiste Marquis Hill ou réentendre la chanteuse Cécile McLorin, ma destination était Nevers et la conférence de presse du 30ème D’jazz assortie d’un concert du pianiste Paul Lay. Et si ce matin, retournant vers Paris avant l’aube, j’ai pu constater qu’une sinistre façade en ciment avait fait disparaître l’horloge de la vieille gare de Nevers qui autrefois guidait vers elle le voyageur égaré du haut de la rue du Général de Gaulle, hier j’ai retrouvé le charme du wagon de queue dont nous privent les rames TGV et leurs contrefaçons intercités, et d’où, enfant, tandis que le roulement du train égrainait son monotone décompte, j’observais, fasciné, le paysage se dérober dans une fuite affolée qui, au fur et à mesure que le regard quittait les rails pour se porter vers le lointain, ralentissait sans pour autant que cesse son éloignement inexorable vers l’infini.

Trente ans déjà…

Bundesstraße_30_number.svgTrente seulement… Comme le temps passe ! Je ne suis pas même certain d’avoir assisté à la première édition, ou de n’y avoir pas assisté, mais j’y ai laissé de nombreux souvenirs que partage le demi-milliers de fidèles réunis dans la grande salle de la maison de la culture de Nevers pour découvrir le programme de la trentième édition dévoilé par son fondateur, Roger Fontanel. Une fidélité qui nous dit le lien que ce dernier a su créer entre le jazz et son public, un public dont les cheveux ont blanchi et dont les crânes se sont dégarnis. Est-ce là le destin irrémédiable du jazz ? De l’abstraction musicale ? De la Culture (dont on ne baisse plus la voix pour la qualifier de “gros mot” et dont certains politiques nous promettent bientôt de sortir le revolver à son seul nom) ? Le paradoxe étant que le jazz n’a jamais été aussi riche d’une scène jeune aux propositions aussi variées et audacieuses, mais que l’écart d’âge n’a jamais été aussi grand entre la scène et la salle.

Fidélités

Le programme que commentait hier Roger Fontanel et que l’on peut feuilleter dans une plaquette remise à l’entrée dans la salle, est l’un des plus appétants de l’histoire de ce festival. La fidélité est certes celles accordée dès les premières années de D’Jazz à des figures récurrentes : le clarinettiste Sylvain Kassap que l’on retrouvera en compagnie d’Hamid Drake et Benjamin Duboc, cet autre clarinettiste Louis Sclavis associé à d’autres habitués de Nevers (Dominique Pifarély et Louis Sclavis), la contrebassiste Joëlle Léandre en duo avec – plus insolite, mais ça n’est pas une première – le guitariste de Noir Désir, Serge Teyssot-Gay, les pianistes François RaulinStéphan Oliva, cependant dissocié (Oliva en duo avec le clarinettiste Jean-Marc Foltz ou dans un spectacle total sur les images BD du dessinateur Fred et la contortionniste-danseuse-acrobate-trapéziste-rêveuse Mélissa Von Vépy, enfin dans l’Acoustic Lousadzak de Claude Tchamitchian ; Raulin dans la récréation avec Didier Levallet du Brotherhood of Breath de Chris McGregor ou en trio avec François Corneloup et Ramon Lopez sur les textes d’une tribu indienne disparue dit par la grande comédienne Anne Alvaro…

Générations

GénérationsFidélité donc, qui n’est pas que vieillissement mais aussi dialogue intergénérationnel au sein de l’ensemble Nautilis de Christophe Rocher qui jouera son répertoire Regards de Breizh sur les photos de Guy Le Querrec, au sein des quartettes Equal Crossing de Régis Huby et Ethics de Michel Benita, du Quatuor IXI ou du quartette Coronado. Mais fidélité à une certaine attention pour l’émergence qui ouvrira une fenêtre, et pas la plus mauvaise, sur la scène du power trio, prolifique particulièrement en Suisse d’où nous viendra Plaistow, le guitariste Philippe Gordiani et son quintette Voodoo qui interrogera la promesse non tenue d’une rencontre entre Miles Davis et Jimi Hendrix, le solo du contrebassiste Joachim Florent entre archet baroque et électro-bruitisme, le quatuor La Scala du pianiste Roberto Negro associé aux frères Ceccaldi et au batteur Adrien Chennebault, le Quatuor Machaut, ensemble de saxophones imaginé par Quentin Biardeau à l’écoutre de la musique du compositeur du XIVème siècle Guillaume de Machaut, le Magnetic Ensemble enfin qui transformera le hall de la Maison de la culture en dancefloor pour un final déjanté de ce 30e anniversaire.

Têtes d’affiche

Où l’on découvre de jeunes générations sans œillère, pour qui le jazz n’est pas un académisme mais une espèce de passe-partout pour faire fructifier les patrimoines à la lumière du présent – ou l’inverse –, pour croiser les cultures et les disciplines, pour ne pas figer le moment musical dans l’impératif du festif et de l’immédiat parce qu’il est un temps pour l’écoute, un temps pour la danse, un temps pour la transe et un temps pour la distance. Les stars, les têtes d’affiche, les secondes parties témoignent d’une même exigence de qualité et de diversité : Erik Truffaz Quartet, John Surman (en solo à la cathédrale), Gary Peacock en trio avec Marc Copland et Mark Ferber, le duo Paolo Fresu / Uri Caine, le all stars Michel Portal / Joachim Kühn /Bruno Chevillon / Daniel Humair, le quartette du trompettiste Avishai Cohen, les réminiscences blues et country de John Scofield… il n’y aura décidemment pas un concert de cette édition pour me faire bouder la gare de Paris-Bercy en ce prochain mois de novembre, tout comme j’y ai guidé mes pas pour le concert de Paul Lay offert au public de cette conférence de presse à l’issue d’une pause-buffet.

Mikado

Story of MikadoRévélation de l’année passée, Paul Lay ouvre en solo avec des accents à la Paul Bley, rejoint par le contrebassiste Clemens van der Feen et le batteur Dré Pallemaerts pour un concert dont les références se feront plus jarrettiennes de par des ostinatos qui seront moins réels que suggérés, autant de menaces cependant de l’auto-complaisance d’un talent pianistique exceptionnel, menaces que déjoue par bonheur l’art du trio – il y a là, transposé dans un autre temps, quelque chose de l’organicité du trio d’Ahmad Jamal associée à l’interaction du trio post-evansien – magnifié par l’écoute, la justesse du timbre, de la dynamique, du placement et de la réplique qu’ont en partage les trois complices. Mais voici que mon train glisse déjà le long du quai de Paris-Bercy pour regagner sa mangeoire, il est temps que je ferme mon ordinateur. Rendez-vous le 5 novembre en cette même Maison de la culture de Nevers pour le Brotherhood Heritage de Didier Levallet et François Raulin en hommage à Chris McGregor, en première partie de l’Erik Truffaz Quartet. Franck Bergerot

 |Hier, 16 septembre, sur la scène de la maison de la culture de Nevers, Roger Fontanel dévoilait le 30ème D’Jazz Nevers Festival dont il fut le fondateur, avant de donner la parole au trio Mikado de Paul Lay.

La vie du rail

S’il lui manque le cachet historique de sa grande sœur dite “de Lyon”, la gare de Paris-Bercy a quelque chose de campagnard dont, pour le journaliste parisien à qui il est offert quelque escapade professionnelle extra-muros, les panneaux de destinations sont riches en promesses. Le merveilleux Cévenol y aurait sa place, lui qui permettait autrefois – il n’était pas encore dans les projets d’un futur présidentiable de condamner les provinces françaises aux aléas et archaïsmes du transport en autocar – de s’endormir au départ de Paris et de se réveiller au lever du jour dans un wagon se glissant de tunnels en vallées entre Langogne et Villefort en direction de Marseille. Hier, si mon train affichait pour terminus Clermont-Ferrand, où dans un mois il sera tenRailway-railroad-rails-sky-clouds-sunset_640x960_iPhone_4_wallpapertant de visiter le festival Jazz en tête pour découvrir le trompettiste Marquis Hill ou réentendre la chanteuse Cécile McLorin, ma destination était Nevers et la conférence de presse du 30ème D’jazz assortie d’un concert du pianiste Paul Lay. Et si ce matin, retournant vers Paris avant l’aube, j’ai pu constater qu’une sinistre façade en ciment avait fait disparaître l’horloge de la vieille gare de Nevers qui autrefois guidait vers elle le voyageur égaré du haut de la rue du Général de Gaulle, hier j’ai retrouvé le charme du wagon de queue dont nous privent les rames TGV et leurs contrefaçons intercités, et d’où, enfant, tandis que le roulement du train égrainait son monotone décompte, j’observais, fasciné, le paysage se dérober dans une fuite affolée qui, au fur et à mesure que le regard quittait les rails pour se porter vers le lointain, ralentissait sans pour autant que cesse son éloignement inexorable vers l’infini.

Trente ans déjà…

Bundesstraße_30_number.svgTrente seulement… Comme le temps passe ! Je ne suis pas même certain d’avoir assisté à la première édition, ou de n’y avoir pas assisté, mais j’y ai laissé de nombreux souvenirs que partage le demi-milliers de fidèles réunis dans la grande salle de la maison de la culture de Nevers pour découvrir le programme de la trentième édition dévoilé par son fondateur, Roger Fontanel. Une fidélité qui nous dit le lien que ce dernier a su créer entre le jazz et son public, un public dont les cheveux ont blanchi et dont les crânes se sont dégarnis. Est-ce là le destin irrémédiable du jazz ? De l’abstraction musicale ? De la Culture (dont on ne baisse plus la voix pour la qualifier de “gros mot” et dont certains politiques nous promettent bientôt de sortir le revolver à son seul nom) ? Le paradoxe étant que le jazz n’a jamais été aussi riche d’une scène jeune aux propositions aussi variées et audacieuses, mais que l’écart d’âge n’a jamais été aussi grand entre la scène et la salle.

Fidélités

Le programme que commentait hier Roger Fontanel et que l’on peut feuilleter dans une plaquette remise à l’entrée dans la salle, est l’un des plus appétants de l’histoire de ce festival. La fidélité est certes celles accordée dès les premières années de D’Jazz à des figures récurrentes : le clarinettiste Sylvain Kassap que l’on retrouvera en compagnie d’Hamid Drake et Benjamin Duboc, cet autre clarinettiste Louis Sclavis associé à d’autres habitués de Nevers (Dominique Pifarély et Louis Sclavis), la contrebassiste Joëlle Léandre en duo avec – plus insolite, mais ça n’est pas une première – le guitariste de Noir Désir, Serge Teyssot-Gay, les pianistes François RaulinStéphan Oliva, cependant dissocié (Oliva en duo avec le clarinettiste Jean-Marc Foltz ou dans un spectacle total sur les images BD du dessinateur Fred et la contortionniste-danseuse-acrobate-trapéziste-rêveuse Mélissa Von Vépy, enfin dans l’Acoustic Lousadzak de Claude Tchamitchian ; Raulin dans la récréation avec Didier Levallet du Brotherhood of Breath de Chris McGregor ou en trio avec François Corneloup et Ramon Lopez sur les textes d’une tribu indienne disparue dit par la grande comédienne Anne Alvaro…

Générations

GénérationsFidélité donc, qui n’est pas que vieillissement mais aussi dialogue intergénérationnel au sein de l’ensemble Nautilis de Christophe Rocher qui jouera son répertoire Regards de Breizh sur les photos de Guy Le Querrec, au sein des quartettes Equal Crossing de Régis Huby et Ethics de Michel Benita, du Quatuor IXI ou du quartette Coronado. Mais fidélité à une certaine attention pour l’émergence qui ouvrira une fenêtre, et pas la plus mauvaise, sur la scène du power trio, prolifique particulièrement en Suisse d’où nous viendra Plaistow, le guitariste Philippe Gordiani et son quintette Voodoo qui interrogera la promesse non tenue d’une rencontre entre Miles Davis et Jimi Hendrix, le solo du contrebassiste Joachim Florent entre archet baroque et électro-bruitisme, le quatuor La Scala du pianiste Roberto Negro associé aux frères Ceccaldi et au batteur Adrien Chennebault, le Quatuor Machaut, ensemble de saxophones imaginé par Quentin Biardeau à l’écoutre de la musique du compositeur du XIVème siècle Guillaume de Machaut, le Magnetic Ensemble enfin qui transformera le hall de la Maison de la culture en dancefloor pour un final déjanté de ce 30e anniversaire.

Têtes d’affiche

Où l’on découvre de jeunes générations sans œillère, pour qui le jazz n’est pas un académisme mais une espèce de passe-partout pour faire fructifier les patrimoines à la lumière du présent – ou l’inverse –, pour croiser les cultures et les disciplines, pour ne pas figer le moment musical dans l’impératif du festif et de l’immédiat parce qu’il est un temps pour l’écoute, un temps pour la danse, un temps pour la transe et un temps pour la distance. Les stars, les têtes d’affiche, les secondes parties témoignent d’une même exigence de qualité et de diversité : Erik Truffaz Quartet, John Surman (en solo à la cathédrale), Gary Peacock en trio avec Marc Copland et Mark Ferber, le duo Paolo Fresu / Uri Caine, le all stars Michel Portal / Joachim Kühn /Bruno Chevillon / Daniel Humair, le quartette du trompettiste Avishai Cohen, les réminiscences blues et country de John Scofield… il n’y aura décidemment pas un concert de cette édition pour me faire bouder la gare de Paris-Bercy en ce prochain mois de novembre, tout comme j’y ai guidé mes pas pour le concert de Paul Lay offert au public de cette conférence de presse à l’issue d’une pause-buffet.

Mikado

Story of MikadoRévélation de l’année passée, Paul Lay ouvre en solo avec des accents à la Paul Bley, rejoint par le contrebassiste Clemens van der Feen et le batteur Dré Pallemaerts pour un concert dont les références se feront plus jarrettiennes de par des ostinatos qui seront moins réels que suggérés, autant de menaces cependant de l’auto-complaisance d’un talent pianistique exceptionnel, menaces que déjoue par bonheur l’art du trio – il y a là, transposé dans un autre temps, quelque chose de l’organicité du trio d’Ahmad Jamal associée à l’interaction du trio post-evansien – magnifié par l’écoute, la justesse du timbre, de la dynamique, du placement et de la réplique qu’ont en partage les trois complices. Mais voici que mon train glisse déjà le long du quai de Paris-Bercy pour regagner sa mangeoire, il est temps que je ferme mon ordinateur. Rendez-vous le 5 novembre en cette même Maison de la culture de Nevers pour le Brotherhood Heritage de Didier Levallet et François Raulin en hommage à Chris McGregor, en première partie de l’Erik Truffaz Quartet. Franck Bergerot

 |Hier, 16 septembre, sur la scène de la maison de la culture de Nevers, Roger Fontanel dévoilait le 30ème D’Jazz Nevers Festival dont il fut le fondateur, avant de donner la parole au trio Mikado de Paul Lay.

La vie du rail

S’il lui manque le cachet historique de sa grande sœur dite “de Lyon”, la gare de Paris-Bercy a quelque chose de campagnard dont, pour le journaliste parisien à qui il est offert quelque escapade professionnelle extra-muros, les panneaux de destinations sont riches en promesses. Le merveilleux Cévenol y aurait sa place, lui qui permettait autrefois – il n’était pas encore dans les projets d’un futur présidentiable de condamner les provinces françaises aux aléas et archaïsmes du transport en autocar – de s’endormir au départ de Paris et de se réveiller au lever du jour dans un wagon se glissant de tunnels en vallées entre Langogne et Villefort en direction de Marseille. Hier, si mon train affichait pour terminus Clermont-Ferrand, où dans un mois il sera tenRailway-railroad-rails-sky-clouds-sunset_640x960_iPhone_4_wallpapertant de visiter le festival Jazz en tête pour découvrir le trompettiste Marquis Hill ou réentendre la chanteuse Cécile McLorin, ma destination était Nevers et la conférence de presse du 30ème D’jazz assortie d’un concert du pianiste Paul Lay. Et si ce matin, retournant vers Paris avant l’aube, j’ai pu constater qu’une sinistre façade en ciment avait fait disparaître l’horloge de la vieille gare de Nevers qui autrefois guidait vers elle le voyageur égaré du haut de la rue du Général de Gaulle, hier j’ai retrouvé le charme du wagon de queue dont nous privent les rames TGV et leurs contrefaçons intercités, et d’où, enfant, tandis que le roulement du train égrainait son monotone décompte, j’observais, fasciné, le paysage se dérober dans une fuite affolée qui, au fur et à mesure que le regard quittait les rails pour se porter vers le lointain, ralentissait sans pour autant que cesse son éloignement inexorable vers l’infini.

Trente ans déjà…

Bundesstraße_30_number.svgTrente seulement… Comme le temps passe ! Je ne suis pas même certain d’avoir assisté à la première édition, ou de n’y avoir pas assisté, mais j’y ai laissé de nombreux souvenirs que partage le demi-milliers de fidèles réunis dans la grande salle de la maison de la culture de Nevers pour découvrir le programme de la trentième édition dévoilé par son fondateur, Roger Fontanel. Une fidélité qui nous dit le lien que ce dernier a su créer entre le jazz et son public, un public dont les cheveux ont blanchi et dont les crânes se sont dégarnis. Est-ce là le destin irrémédiable du jazz ? De l’abstraction musicale ? De la Culture (dont on ne baisse plus la voix pour la qualifier de “gros mot” et dont certains politiques nous promettent bientôt de sortir le revolver à son seul nom) ? Le paradoxe étant que le jazz n’a jamais été aussi riche d’une scène jeune aux propositions aussi variées et audacieuses, mais que l’écart d’âge n’a jamais été aussi grand entre la scène et la salle.

Fidélités

Le programme que commentait hier Roger Fontanel et que l’on peut feuilleter dans une plaquette remise à l’entrée dans la salle, est l’un des plus appétants de l’histoire de ce festival. La fidélité est certes celles accordée dès les premières années de D’Jazz à des figures récurrentes : le clarinettiste Sylvain Kassap que l’on retrouvera en compagnie d’Hamid Drake et Benjamin Duboc, cet autre clarinettiste Louis Sclavis associé à d’autres habitués de Nevers (Dominique Pifarély et Louis Sclavis), la contrebassiste Joëlle Léandre en duo avec – plus insolite, mais ça n’est pas une première – le guitariste de Noir Désir, Serge Teyssot-Gay, les pianistes François RaulinStéphan Oliva, cependant dissocié (Oliva en duo avec le clarinettiste Jean-Marc Foltz ou dans un spectacle total sur les images BD du dessinateur Fred et la contortionniste-danseuse-acrobate-trapéziste-rêveuse Mélissa Von Vépy, enfin dans l’Acoustic Lousadzak de Claude Tchamitchian ; Raulin dans la récréation avec Didier Levallet du Brotherhood of Breath de Chris McGregor ou en trio avec François Corneloup et Ramon Lopez sur les textes d’une tribu indienne disparue dit par la grande comédienne Anne Alvaro…

Générations

GénérationsFidélité donc, qui n’est pas que vieillissement mais aussi dialogue intergénérationnel au sein de l’ensemble Nautilis de Christophe Rocher qui jouera son répertoire Regards de Breizh sur les photos de Guy Le Querrec, au sein des quartettes Equal Crossing de Régis Huby et Ethics de Michel Benita, du Quatuor IXI ou du quartette Coronado. Mais fidélité à une certaine attention pour l’émergence qui ouvrira une fenêtre, et pas la plus mauvaise, sur la scène du power trio, prolifique particulièrement en Suisse d’où nous viendra Plaistow, le guitariste Philippe Gordiani et son quintette Voodoo qui interrogera la promesse non tenue d’une rencontre entre Miles Davis et Jimi Hendrix, le solo du contrebassiste Joachim Florent entre archet baroque et électro-bruitisme, le quatuor La Scala du pianiste Roberto Negro associé aux frères Ceccaldi et au batteur Adrien Chennebault, le Quatuor Machaut, ensemble de saxophones imaginé par Quentin Biardeau à l’écoutre de la musique du compositeur du XIVème siècle Guillaume de Machaut, le Magnetic Ensemble enfin qui transformera le hall de la Maison de la culture en dancefloor pour un final déjanté de ce 30e anniversaire.

Têtes d’affiche

Où l’on découvre de jeunes générations sans œillère, pour qui le jazz n’est pas un académisme mais une espèce de passe-partout pour faire fructifier les patrimoines à la lumière du présent – ou l’inverse –, pour croiser les cultures et les disciplines, pour ne pas figer le moment musical dans l’impératif du festif et de l’immédiat parce qu’il est un temps pour l’écoute, un temps pour la danse, un temps pour la transe et un temps pour la distance. Les stars, les têtes d’affiche, les secondes parties témoignent d’une même exigence de qualité et de diversité : Erik Truffaz Quartet, John Surman (en solo à la cathédrale), Gary Peacock en trio avec Marc Copland et Mark Ferber, le duo Paolo Fresu / Uri Caine, le all stars Michel Portal / Joachim Kühn /Bruno Chevillon / Daniel Humair, le quartette du trompettiste Avishai Cohen, les réminiscences blues et country de John Scofield… il n’y aura décidemment pas un concert de cette édition pour me faire bouder la gare de Paris-Bercy en ce prochain mois de novembre, tout comme j’y ai guidé mes pas pour le concert de Paul Lay offert au public de cette conférence de presse à l’issue d’une pause-buffet.

Mikado

Story of MikadoRévélation de l’année passée, Paul Lay ouvre en solo avec des accents à la Paul Bley, rejoint par le contrebassiste Clemens van der Feen et le batteur Dré Pallemaerts pour un concert dont les références se feront plus jarrettiennes de par des ostinatos qui seront moins réels que suggérés, autant de menaces cependant de l’auto-complaisance d’un talent pianistique exceptionnel, menaces que déjoue par bonheur l’art du trio – il y a là, transposé dans un autre temps, quelque chose de l’organicité du trio d’Ahmad Jamal associée à l’interaction du trio post-evansien – magnifié par l’écoute, la justesse du timbre, de la dynamique, du placement et de la réplique qu’ont en partage les trois complices. Mais voici que mon train glisse déjà le long du quai de Paris-Bercy pour regagner sa mangeoire, il est temps que je ferme mon ordinateur. Rendez-vous le 5 novembre en cette même Maison de la culture de Nevers pour le Brotherhood Heritage de Didier Levallet et François Raulin en hommage à Chris McGregor, en première partie de l’Erik Truffaz Quartet. Franck Bergerot