Jazz live
Publié le 22 Oct 2013

Pierre de Bethmann et Kneebody rue des Lombards

Hier matin, le mot « jâze », prononcé sur France Culture, dans la rubrique de “Ce qui nous arrive en musique” pour nous présenter La Chanson des jumelles de Michel Legrand chantée par Anne Sofie von Otter (une interprétation dont on voit mal en quoi “ça nous arrive” aujourd’hui si l’on a en tête la version d’Anne Germain et Claude Parent) et nous signaler qu’Anne Sofie von Otter pouvait aussi faire de la chanson “jâze”. Tout comme on apprenait l’autre jour que Jay Jay Johanson était influencé par Chet Baker (on aura compris, par la voix, non par la trompette, le phrasé, le placement rythmique et harmonique…). Voilà à quoi se réduit aujourd’hui toujours un peu plus le jazz. Je me suis dit qu’il était temps d’aller faire un tour rue des Lombards. Au programme, le Medium Band de Pierre de Bethmann au Duc des Lombards et le groupe Kneebody au Sunside.


Le Duc des Lombards, Paris (75), le 21 octobre 2013.

Pierre de Bethmann (piano, compositions) et le Medium Band : Chloé Cailleton (voix), Sylvain Gontard (trompette), Camille Lebrequier (cor), Denis Leloup (trombone), Fidel Fourneyron (tuba), Stéphane Guillaume (flûte, ténor), Sylvain Beuf (sax alto), David El Malek (sax ténor), Thomas Savy (clarinette basse), Simon Tailleu (contrebasse), Franck Agulhon (batterie)

 

Pierre de Bethmann présentait son Medium Band à quelques jours de l’enregistrement d’un disque à venir. Immédiatement, le sens de la couleur, une façon de recombiner les voix, notamment celle de la chanteuse Chloé Cailleton pas seulement avec les cuivres (où l’on reconnaîtra un cor, tenu par Camille Lebrequier habituée des pupitres classiques et déjà remarquée chez Ivan Jullien), mais aussi avec la flûte et les anches, de varier les étoffes, de renouveler les scénarios et de placer les solistes en situation. Ou l’on commence par une très belle introduction de Sylvain Beuf en ouverture très chambriste, invité ensuite à se glisser entre les notes d’un solo d’El Malek, selon une “partition” très économe (dont on ne sait pas si elle écrite sur le papier ou si elle s’écrit dans l’instant sous ses doigts de Beuf sur le consignes du compositeur). On l’aura compris, la banalité du propos improvisé sera rarement au rendez-vous sous l’aiguillon du chef qui lui-même brille au piano. Qu’il épelle un délicat détaché en prélude, qu’il caracole “straight ahead” ou qu’il grommelle un sombre rubato, il y a chez lui une imagination et un qualité d’articulation qui vont droit au cœur.

 

Jazzmag novembre est bouclé

J’abrège, l’heure tourne, à l’heure où j’écris ces lignes, je devrais déjà être à Paris dans les locaux de Jazzmag où nous bouclions hier notre numéro de novembre : un numéro où, parti d’une belle idée de dossier que finalement nous avons gardé pour décembre, Fred Goaty a pris prétexte de la sortie d’un disque d’un intérêt mineur de Trombone Shorty, pour tirer, sur 17 pages, un fil rouge que lui tendait la présence sur ce disque du batteur des Meters, Zigaboo Modeliste, sa venue au Duc des Lombards il y a quelques jours et la sortie d’un nouveau disque d’Allen Toussaint. Les Meters, le groove de la Nouvelle Orléans qui a tant marqué cette notion de groove en concurrence avec celle de swing depuis les années 70… vous voyez un peu où l’on en vient. Là-dessus débarque à Paris, à quelques jours du bouclage, l’ancienne batteuse de Prince, Sheila E., portant avec elle une carrière pré-Prince dont Jazzmag l’a fait parler. À quoi s’ajoute une occasion d’interviewer Mike Clark, le batteur des Headhunters. Et devinez “ce qui nous arrive” : le coffret des années Columbia d’Herbie Hancock, soit 31 disques dont certains rares, d’une œuvre caméléon qui raconte assez bien seize ans d’une histoire du jazz elle-même bien bigarrée. Et donc, encore 17 pages. Parmi les autres sujets traités dans ce numéro (notamment un autre batteur bien connu des clubs parisiens, Mourad Benhammou, au profil peu commun), le groupe Kneebody auquel nous consacrons quatre pages. Justement, ils sont ce soir dans la rue des Lombards… Fermons cette parenthèse auto-promotionnelle et filons au Sunset.

 

Sunset, Paris (75), le 21 octobre 2013.

 

Kneebody : Shane Endsely (trompette), Ben Wendel (sax ténor), Adam Benjamin (claviers), Kaveh Rastegar (basse électrique), Nate Wood (batterie).

 

Leur nouveau disque fait débat dans nos pages disques de novembre, Pierre de Chocqueuse le trouvant trop rock à son goût et moi le prenant pour ce qu’il est, un groupe dont le rock est une composante majeure, et lui collant 4 étoiles, tout en me demandant si cette belle production chez Concord n’a pas tendance à formater leur musique. Mais là, sous la voute du Sunset, ça barde ! Formatée, cette musique l’est en un sens, par les petits modules qu’elle agence avec une virtuosité de tous les diables, comme des mobiles qui changeraient constamment de configuration avec le repositionnement de leurs éléments, certaines situations permettant de migrer vers le mobile suivant, soit un changement de matériel mélodique, de groove, de climat. Le Sunset est plein à craquer avec une forte proportion de musiciens tous très jeunes : Guillaume Perret, Michel Portal, Yoann Serra, Mario Canonge, Rafaël Koerner, Amina Mezaache, Alexis Avakian, Thomas Enhco… j’en oublie plus ceux qui sont trop vieux pour que j’ai pu les reconnaître. Musiciens ou pas, le public est captivé par la vitalité de cette musique et en sympathie avec ces cinq jeunes gens dans le vent qui savent lui parler sans cinéma mais avec humour, quatre voyous un peu grunge autour d’un Ben Wendel rayonnant dont le sourire semble surgir d’une affiche publicitaire américaine des années 50 pour soda.

 

Franck Bergerot

 

Ce soir : le quartette du batteur Carl Allen avec Pierrick Pedron, Hervé Sellin et Riccardo del Fra au Sunside, Vincent Peirani Living Being 5tet (Emile Parisien, Tony Paeleman, Julien Herné, Yoann Serra) au Duc (dont le site annonce aussi l’invitation passée à Nguyên Lê).

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Hier matin, le mot « jâze », prononcé sur France Culture, dans la rubrique de “Ce qui nous arrive en musique” pour nous présenter La Chanson des jumelles de Michel Legrand chantée par Anne Sofie von Otter (une interprétation dont on voit mal en quoi “ça nous arrive” aujourd’hui si l’on a en tête la version d’Anne Germain et Claude Parent) et nous signaler qu’Anne Sofie von Otter pouvait aussi faire de la chanson “jâze”. Tout comme on apprenait l’autre jour que Jay Jay Johanson était influencé par Chet Baker (on aura compris, par la voix, non par la trompette, le phrasé, le placement rythmique et harmonique…). Voilà à quoi se réduit aujourd’hui toujours un peu plus le jazz. Je me suis dit qu’il était temps d’aller faire un tour rue des Lombards. Au programme, le Medium Band de Pierre de Bethmann au Duc des Lombards et le groupe Kneebody au Sunside.


Le Duc des Lombards, Paris (75), le 21 octobre 2013.

Pierre de Bethmann (piano, compositions) et le Medium Band : Chloé Cailleton (voix), Sylvain Gontard (trompette), Camille Lebrequier (cor), Denis Leloup (trombone), Fidel Fourneyron (tuba), Stéphane Guillaume (flûte, ténor), Sylvain Beuf (sax alto), David El Malek (sax ténor), Thomas Savy (clarinette basse), Simon Tailleu (contrebasse), Franck Agulhon (batterie)

 

Pierre de Bethmann présentait son Medium Band à quelques jours de l’enregistrement d’un disque à venir. Immédiatement, le sens de la couleur, une façon de recombiner les voix, notamment celle de la chanteuse Chloé Cailleton pas seulement avec les cuivres (où l’on reconnaîtra un cor, tenu par Camille Lebrequier habituée des pupitres classiques et déjà remarquée chez Ivan Jullien), mais aussi avec la flûte et les anches, de varier les étoffes, de renouveler les scénarios et de placer les solistes en situation. Ou l’on commence par une très belle introduction de Sylvain Beuf en ouverture très chambriste, invité ensuite à se glisser entre les notes d’un solo d’El Malek, selon une “partition” très économe (dont on ne sait pas si elle écrite sur le papier ou si elle s’écrit dans l’instant sous ses doigts de Beuf sur le consignes du compositeur). On l’aura compris, la banalité du propos improvisé sera rarement au rendez-vous sous l’aiguillon du chef qui lui-même brille au piano. Qu’il épelle un délicat détaché en prélude, qu’il caracole “straight ahead” ou qu’il grommelle un sombre rubato, il y a chez lui une imagination et un qualité d’articulation qui vont droit au cœur.

 

Jazzmag novembre est bouclé

J’abrège, l’heure tourne, à l’heure où j’écris ces lignes, je devrais déjà être à Paris dans les locaux de Jazzmag où nous bouclions hier notre numéro de novembre : un numéro où, parti d’une belle idée de dossier que finalement nous avons gardé pour décembre, Fred Goaty a pris prétexte de la sortie d’un disque d’un intérêt mineur de Trombone Shorty, pour tirer, sur 17 pages, un fil rouge que lui tendait la présence sur ce disque du batteur des Meters, Zigaboo Modeliste, sa venue au Duc des Lombards il y a quelques jours et la sortie d’un nouveau disque d’Allen Toussaint. Les Meters, le groove de la Nouvelle Orléans qui a tant marqué cette notion de groove en concurrence avec celle de swing depuis les années 70… vous voyez un peu où l’on en vient. Là-dessus débarque à Paris, à quelques jours du bouclage, l’ancienne batteuse de Prince, Sheila E., portant avec elle une carrière pré-Prince dont Jazzmag l’a fait parler. À quoi s’ajoute une occasion d’interviewer Mike Clark, le batteur des Headhunters. Et devinez “ce qui nous arrive” : le coffret des années Columbia d’Herbie Hancock, soit 31 disques dont certains rares, d’une œuvre caméléon qui raconte assez bien seize ans d’une histoire du jazz elle-même bien bigarrée. Et donc, encore 17 pages. Parmi les autres sujets traités dans ce numéro (notamment un autre batteur bien connu des clubs parisiens, Mourad Benhammou, au profil peu commun), le groupe Kneebody auquel nous consacrons quatre pages. Justement, ils sont ce soir dans la rue des Lombards… Fermons cette parenthèse auto-promotionnelle et filons au Sunset.

 

Sunset, Paris (75), le 21 octobre 2013.

 

Kneebody : Shane Endsely (trompette), Ben Wendel (sax ténor), Adam Benjamin (claviers), Kaveh Rastegar (basse électrique), Nate Wood (batterie).

 

Leur nouveau disque fait débat dans nos pages disques de novembre, Pierre de Chocqueuse le trouvant trop rock à son goût et moi le prenant pour ce qu’il est, un groupe dont le rock est une composante majeure, et lui collant 4 étoiles, tout en me demandant si cette belle production chez Concord n’a pas tendance à formater leur musique. Mais là, sous la voute du Sunset, ça barde ! Formatée, cette musique l’est en un sens, par les petits modules qu’elle agence avec une virtuosité de tous les diables, comme des mobiles qui changeraient constamment de configuration avec le repositionnement de leurs éléments, certaines situations permettant de migrer vers le mobile suivant, soit un changement de matériel mélodique, de groove, de climat. Le Sunset est plein à craquer avec une forte proportion de musiciens tous très jeunes : Guillaume Perret, Michel Portal, Yoann Serra, Mario Canonge, Rafaël Koerner, Amina Mezaache, Alexis Avakian, Thomas Enhco… j’en oublie plus ceux qui sont trop vieux pour que j’ai pu les reconnaître. Musiciens ou pas, le public est captivé par la vitalité de cette musique et en sympathie avec ces cinq jeunes gens dans le vent qui savent lui parler sans cinéma mais avec humour, quatre voyous un peu grunge autour d’un Ben Wendel rayonnant dont le sourire semble surgir d’une affiche publicitaire américaine des années 50 pour soda.

 

Franck Bergerot

 

Ce soir : le quartette du batteur Carl Allen avec Pierrick Pedron, Hervé Sellin et Riccardo del Fra au Sunside, Vincent Peirani Living Being 5tet (Emile Parisien, Tony Paeleman, Julien Herné, Yoann Serra) au Duc (dont le site annonce aussi l’invitation passée à Nguyên Lê).

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Hier matin, le mot « jâze », prononcé sur France Culture, dans la rubrique de “Ce qui nous arrive en musique” pour nous présenter La Chanson des jumelles de Michel Legrand chantée par Anne Sofie von Otter (une interprétation dont on voit mal en quoi “ça nous arrive” aujourd’hui si l’on a en tête la version d’Anne Germain et Claude Parent) et nous signaler qu’Anne Sofie von Otter pouvait aussi faire de la chanson “jâze”. Tout comme on apprenait l’autre jour que Jay Jay Johanson était influencé par Chet Baker (on aura compris, par la voix, non par la trompette, le phrasé, le placement rythmique et harmonique…). Voilà à quoi se réduit aujourd’hui toujours un peu plus le jazz. Je me suis dit qu’il était temps d’aller faire un tour rue des Lombards. Au programme, le Medium Band de Pierre de Bethmann au Duc des Lombards et le groupe Kneebody au Sunside.


Le Duc des Lombards, Paris (75), le 21 octobre 2013.

Pierre de Bethmann (piano, compositions) et le Medium Band : Chloé Cailleton (voix), Sylvain Gontard (trompette), Camille Lebrequier (cor), Denis Leloup (trombone), Fidel Fourneyron (tuba), Stéphane Guillaume (flûte, ténor), Sylvain Beuf (sax alto), David El Malek (sax ténor), Thomas Savy (clarinette basse), Simon Tailleu (contrebasse), Franck Agulhon (batterie)

 

Pierre de Bethmann présentait son Medium Band à quelques jours de l’enregistrement d’un disque à venir. Immédiatement, le sens de la couleur, une façon de recombiner les voix, notamment celle de la chanteuse Chloé Cailleton pas seulement avec les cuivres (où l’on reconnaîtra un cor, tenu par Camille Lebrequier habituée des pupitres classiques et déjà remarquée chez Ivan Jullien), mais aussi avec la flûte et les anches, de varier les étoffes, de renouveler les scénarios et de placer les solistes en situation. Ou l’on commence par une très belle introduction de Sylvain Beuf en ouverture très chambriste, invité ensuite à se glisser entre les notes d’un solo d’El Malek, selon une “partition” très économe (dont on ne sait pas si elle écrite sur le papier ou si elle s’écrit dans l’instant sous ses doigts de Beuf sur le consignes du compositeur). On l’aura compris, la banalité du propos improvisé sera rarement au rendez-vous sous l’aiguillon du chef qui lui-même brille au piano. Qu’il épelle un délicat détaché en prélude, qu’il caracole “straight ahead” ou qu’il grommelle un sombre rubato, il y a chez lui une imagination et un qualité d’articulation qui vont droit au cœur.

 

Jazzmag novembre est bouclé

J’abrège, l’heure tourne, à l’heure où j’écris ces lignes, je devrais déjà être à Paris dans les locaux de Jazzmag où nous bouclions hier notre numéro de novembre : un numéro où, parti d’une belle idée de dossier que finalement nous avons gardé pour décembre, Fred Goaty a pris prétexte de la sortie d’un disque d’un intérêt mineur de Trombone Shorty, pour tirer, sur 17 pages, un fil rouge que lui tendait la présence sur ce disque du batteur des Meters, Zigaboo Modeliste, sa venue au Duc des Lombards il y a quelques jours et la sortie d’un nouveau disque d’Allen Toussaint. Les Meters, le groove de la Nouvelle Orléans qui a tant marqué cette notion de groove en concurrence avec celle de swing depuis les années 70… vous voyez un peu où l’on en vient. Là-dessus débarque à Paris, à quelques jours du bouclage, l’ancienne batteuse de Prince, Sheila E., portant avec elle une carrière pré-Prince dont Jazzmag l’a fait parler. À quoi s’ajoute une occasion d’interviewer Mike Clark, le batteur des Headhunters. Et devinez “ce qui nous arrive” : le coffret des années Columbia d’Herbie Hancock, soit 31 disques dont certains rares, d’une œuvre caméléon qui raconte assez bien seize ans d’une histoire du jazz elle-même bien bigarrée. Et donc, encore 17 pages. Parmi les autres sujets traités dans ce numéro (notamment un autre batteur bien connu des clubs parisiens, Mourad Benhammou, au profil peu commun), le groupe Kneebody auquel nous consacrons quatre pages. Justement, ils sont ce soir dans la rue des Lombards… Fermons cette parenthèse auto-promotionnelle et filons au Sunset.

 

Sunset, Paris (75), le 21 octobre 2013.

 

Kneebody : Shane Endsely (trompette), Ben Wendel (sax ténor), Adam Benjamin (claviers), Kaveh Rastegar (basse électrique), Nate Wood (batterie).

 

Leur nouveau disque fait débat dans nos pages disques de novembre, Pierre de Chocqueuse le trouvant trop rock à son goût et moi le prenant pour ce qu’il est, un groupe dont le rock est une composante majeure, et lui collant 4 étoiles, tout en me demandant si cette belle production chez Concord n’a pas tendance à formater leur musique. Mais là, sous la voute du Sunset, ça barde ! Formatée, cette musique l’est en un sens, par les petits modules qu’elle agence avec une virtuosité de tous les diables, comme des mobiles qui changeraient constamment de configuration avec le repositionnement de leurs éléments, certaines situations permettant de migrer vers le mobile suivant, soit un changement de matériel mélodique, de groove, de climat. Le Sunset est plein à craquer avec une forte proportion de musiciens tous très jeunes : Guillaume Perret, Michel Portal, Yoann Serra, Mario Canonge, Rafaël Koerner, Amina Mezaache, Alexis Avakian, Thomas Enhco… j’en oublie plus ceux qui sont trop vieux pour que j’ai pu les reconnaître. Musiciens ou pas, le public est captivé par la vitalité de cette musique et en sympathie avec ces cinq jeunes gens dans le vent qui savent lui parler sans cinéma mais avec humour, quatre voyous un peu grunge autour d’un Ben Wendel rayonnant dont le sourire semble surgir d’une affiche publicitaire américaine des années 50 pour soda.

 

Franck Bergerot

 

Ce soir : le quartette du batteur Carl Allen avec Pierrick Pedron, Hervé Sellin et Riccardo del Fra au Sunside, Vincent Peirani Living Being 5tet (Emile Parisien, Tony Paeleman, Julien Herné, Yoann Serra) au Duc (dont le site annonce aussi l’invitation passée à Nguyên Lê).

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Hier matin, le mot « jâze », prononcé sur France Culture, dans la rubrique de “Ce qui nous arrive en musique” pour nous présenter La Chanson des jumelles de Michel Legrand chantée par Anne Sofie von Otter (une interprétation dont on voit mal en quoi “ça nous arrive” aujourd’hui si l’on a en tête la version d’Anne Germain et Claude Parent) et nous signaler qu’Anne Sofie von Otter pouvait aussi faire de la chanson “jâze”. Tout comme on apprenait l’autre jour que Jay Jay Johanson était influencé par Chet Baker (on aura compris, par la voix, non par la trompette, le phrasé, le placement rythmique et harmonique…). Voilà à quoi se réduit aujourd’hui toujours un peu plus le jazz. Je me suis dit qu’il était temps d’aller faire un tour rue des Lombards. Au programme, le Medium Band de Pierre de Bethmann au Duc des Lombards et le groupe Kneebody au Sunside.


Le Duc des Lombards, Paris (75), le 21 octobre 2013.

Pierre de Bethmann (piano, compositions) et le Medium Band : Chloé Cailleton (voix), Sylvain Gontard (trompette), Camille Lebrequier (cor), Denis Leloup (trombone), Fidel Fourneyron (tuba), Stéphane Guillaume (flûte, ténor), Sylvain Beuf (sax alto), David El Malek (sax ténor), Thomas Savy (clarinette basse), Simon Tailleu (contrebasse), Franck Agulhon (batterie)

 

Pierre de Bethmann présentait son Medium Band à quelques jours de l’enregistrement d’un disque à venir. Immédiatement, le sens de la couleur, une façon de recombiner les voix, notamment celle de la chanteuse Chloé Cailleton pas seulement avec les cuivres (où l’on reconnaîtra un cor, tenu par Camille Lebrequier habituée des pupitres classiques et déjà remarquée chez Ivan Jullien), mais aussi avec la flûte et les anches, de varier les étoffes, de renouveler les scénarios et de placer les solistes en situation. Ou l’on commence par une très belle introduction de Sylvain Beuf en ouverture très chambriste, invité ensuite à se glisser entre les notes d’un solo d’El Malek, selon une “partition” très économe (dont on ne sait pas si elle écrite sur le papier ou si elle s’écrit dans l’instant sous ses doigts de Beuf sur le consignes du compositeur). On l’aura compris, la banalité du propos improvisé sera rarement au rendez-vous sous l’aiguillon du chef qui lui-même brille au piano. Qu’il épelle un délicat détaché en prélude, qu’il caracole “straight ahead” ou qu’il grommelle un sombre rubato, il y a chez lui une imagination et un qualité d’articulation qui vont droit au cœur.

 

Jazzmag novembre est bouclé

J’abrège, l’heure tourne, à l’heure où j’écris ces lignes, je devrais déjà être à Paris dans les locaux de Jazzmag où nous bouclions hier notre numéro de novembre : un numéro où, parti d’une belle idée de dossier que finalement nous avons gardé pour décembre, Fred Goaty a pris prétexte de la sortie d’un disque d’un intérêt mineur de Trombone Shorty, pour tirer, sur 17 pages, un fil rouge que lui tendait la présence sur ce disque du batteur des Meters, Zigaboo Modeliste, sa venue au Duc des Lombards il y a quelques jours et la sortie d’un nouveau disque d’Allen Toussaint. Les Meters, le groove de la Nouvelle Orléans qui a tant marqué cette notion de groove en concurrence avec celle de swing depuis les années 70… vous voyez un peu où l’on en vient. Là-dessus débarque à Paris, à quelques jours du bouclage, l’ancienne batteuse de Prince, Sheila E., portant avec elle une carrière pré-Prince dont Jazzmag l’a fait parler. À quoi s’ajoute une occasion d’interviewer Mike Clark, le batteur des Headhunters. Et devinez “ce qui nous arrive” : le coffret des années Columbia d’Herbie Hancock, soit 31 disques dont certains rares, d’une œuvre caméléon qui raconte assez bien seize ans d’une histoire du jazz elle-même bien bigarrée. Et donc, encore 17 pages. Parmi les autres sujets traités dans ce numéro (notamment un autre batteur bien connu des clubs parisiens, Mourad Benhammou, au profil peu commun), le groupe Kneebody auquel nous consacrons quatre pages. Justement, ils sont ce soir dans la rue des Lombards… Fermons cette parenthèse auto-promotionnelle et filons au Sunset.

 

Sunset, Paris (75), le 21 octobre 2013.

 

Kneebody : Shane Endsely (trompette), Ben Wendel (sax ténor), Adam Benjamin (claviers), Kaveh Rastegar (basse électrique), Nate Wood (batterie).

 

Leur nouveau disque fait débat dans nos pages disques de novembre, Pierre de Chocqueuse le trouvant trop rock à son goût et moi le prenant pour ce qu’il est, un groupe dont le rock est une composante majeure, et lui collant 4 étoiles, tout en me demandant si cette belle production chez Concord n’a pas tendance à formater leur musique. Mais là, sous la voute du Sunset, ça barde ! Formatée, cette musique l’est en un sens, par les petits modules qu’elle agence avec une virtuosité de tous les diables, comme des mobiles qui changeraient constamment de configuration avec le repositionnement de leurs éléments, certaines situations permettant de migrer vers le mobile suivant, soit un changement de matériel mélodique, de groove, de climat. Le Sunset est plein à craquer avec une forte proportion de musiciens tous très jeunes : Guillaume Perret, Michel Portal, Yoann Serra, Mario Canonge, Rafaël Koerner, Amina Mezaache, Alexis Avakian, Thomas Enhco… j’en oublie plus ceux qui sont trop vieux pour que j’ai pu les reconnaître. Musiciens ou pas, le public est captivé par la vitalité de cette musique et en sympathie avec ces cinq jeunes gens dans le vent qui savent lui parler sans cinéma mais avec humour, quatre voyous un peu grunge autour d’un Ben Wendel rayonnant dont le sourire semble surgir d’une affiche publicitaire américaine des années 50 pour soda.

 

Franck Bergerot

 

Ce soir : le quartette du batteur Carl Allen avec Pierrick Pedron, Hervé Sellin et Riccardo del Fra au Sunside, Vincent Peirani Living Being 5tet (Emile Parisien, Tony Paeleman, Julien Herné, Yoann Serra) au Duc (dont le site annonce aussi l’invitation passée à Nguyên Lê).